Mon père, ce…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 13 – Porcelaine—
« Lee, passe-moi le sel, s'il te plait.
— Alors, vous avez trouvé un sujet pour l'exposé d'Astronomie ? Moi, j'ai finalement décidé de parler de la planète Jupiter et de son influence sur le comportement humain.
— Vous êtes au courant de la dernière : Salazar Serpentard était homo !
— Tu vas parler du comportement sexuel aussi ?
— Tu déconnes !… C'est pas une blague ?… Il était vraiment gay ?
— Rudement bonne la bouffe ce soir !
— J'ai toujours su que c'était un mec bizarre. Quand on voit les élèves de sa maison, on se dit qu'à coup sûr, il y a quelque chose qui clochait chez leur fondateur.
— Tu me vois parler de l'influence des astres sur le comportement sexuel en plein cours d'astronomie devant un parterre d'élèves tous écroulés de rire ?
— En quoi le fait d'être homosexuel le rendrait bizarre ? Mon cousin l'est, ça n'en est pas moins un type tout ce qu'il y a de normal et sympa. »
Les élèves qui ne parlaient pas du sujet en vogue de la journée – à savoir l'homosexualité de Salazar Serpentard – se turent pour tendre l'oreille alors que le ton montait.
« De quoi parlez-vous au juste ? » demanda Hermione. Elle avait remarqué que le silence se faisait et cru comprendre qu'une dispute se préparait. Elle préférait donc laisser de côté la réflexion graveleuse de Ron concernant le sujet de son examen d'astronomie pour le moment pour se consacrer au désamorçage de la dispute, ou au moins savoir dans quel camp se ranger et qui défendre si elle avait lieu.
« Tu n'es pas au courant ? s'exclama Neville, joyeux de pouvoir apprendre quelque chose à Hermione, celle qui, habituellement, savait toujours tout sur tout et avant les autres. Malefoy a fait son exposé en histoire de la magie ce matin même.
— Il l'a fait super tôt ! l'interrompit Hermione, catastrophée de n'avoir pas été la première à faire un exposé dans une matière. Comment peut-il être déjà prêt ? » Elle se mordilla la lèvre nerveusement avant de décider que si Drago était déjà prêt, c'était que son devoir ne valait pas grand-chose et qu'il n'y avait donc pas lieu de s'en inquiéter. « Je suis sûre qu'il a bâclé son exposé ! Bien fait pour lui, il aura une sale note ! jugea-t-elle, l'humeur vindicative devant l'affront qui lui avait été fait.
— Apparemment, son exposé était plutôt bon et fourni. » Hermione foudroya Neville du regard ; il ne se laissa pas démonter, tous les Gryffondor étaient accoutumés au caractère de la jeune fille et à sa susceptibilité dès qu'il s'agissait de résultats scolaires. « Pour ce qui est de sa note, Binns ne la lui a pas encore donnée : il veut demander l'avis de Dumbledore. Il paraît qu'il avait l'air super gêné à la fin de l'exposé de Malefoy, il ne savait pas quoi lui dire. Tu comprends, il ne pouvait rien reprocher à l'exposé en lui-même… c'est son contenu qui est déstabilisant !
— Vas-tu en venir au fait ! C'était quoi son sujet ? » pressa Hermione. Les autres Gryffondor – y compris ceux qui étaient déjà au courant – écoutaient attentivement le récit d'un Neville ravi d'être le centre de l'attention générale.
« Salazar Serpentard.
— Quoi ? C'est tout ? C'était ça le sujet ? Qu'est-ce que cela a de si extraordinaire ?
— Tu ne comprends pas. Il a fait des révélations sur lui.
— Quelles révélations ?
— Il était gay ! » répondit Lee d'un ton joyeux, ne pouvant se retenir plus longtemps. Neville lui jeta un regard noir : il avait délivré l'information la plus intéressante de la journée à sa place ; Lee lui adressa un sourire contrit et un haussement d'épaules en guise d'excuses.
« Où Malefoy a-t-il été pêché ça ?
— Dans un livre écrit de la main de Rowena Serdaigle », répondit le principal intéressé d'une voix juste assez forte pour être entendue à la table des Gryffondor. Hermione se tourna. Drago était assis à sa place habituelle et picorait dans son assiette, un sourire tranquille aux lèvres, heureux de son coup d'éclat de la journée.
« C'est vrai ? demanda Hermione, méfiante.
— Je peux te faire la démonstration que j'ai faite devant les Serpentard et les Serdaigle qui avaient cours commun avec nous en histoire de la magie si tu veux.
— Elle était très convaincante, intervint Goyle, soucieux de mettre en valeur la supériorité écrasante de Drago.
— Binns a paru très gêné par les révélations que j'ai faites – et, disons-le, le fait que Salazar soit homosexuel est bien la moindre –, il a cependant été obligé de constater que mon travail était irréprochable et même excellent, continua le jeune homme d'un ton suffisant.
— Hermione, arrête d'accorder de l'attention à Malefoy, tu ne vois pas qu'il est tout content de pouvoir faire son intéressant ? » murmura Ron d'un ton fâché. Hermione se concentra sur son assiette en se maudissant intérieurement : elle allait avoir l'air de quoi avec son exposé sur les mœurs des Gobelins au seizième siècle après ça ? Malefoy allait avoir une meilleure note qu'elle ! Elle ne serait pas première ! Ça ne lui était plus arrivé depuis les cours de vol en première année. Il fallait qu'elle change de thématique.
Et si elle prenait comme sujet Godric Gryffondor ? Peut-être y avait-il des révélations encore plus intéressantes à faire sur son compte…
~oOo~
« Ma bonne Minerva, si vous aviez pu voir la tête de ce pauvre Binns quand il est venu me voir…
— J'ai entendu parler d'un exposé sur Salazar Serpentard ; c'était à ce propos ? »
Le directeur hocha la tête.
« Ce qui embête Binns, c'est qu'une fois présentés, les exposés des élèves sont tous disponibles à la bibliothèque, et ce, définitivement, sauf avis contraire du directeur – c'est-à-dire moi.
— Je ne vois pas ce qui est gênant, intervint Rogue. L'homosexualité est encore un problème de nos jours ? J'ai moi-même lu le livre qui a été la source principale des informations utilisées par Monsieur Malefoy. C'est un ouvrage très positif, je n'ai jamais compris pourquoi il était caché dans la réserve. » Severus fit une pause alors que tous les regards des professeurs convergeaient vers lui ; il en profita pour boire une gorgée de vin. « Je propose que ce livre soit désormais disponible pour tous les étudiants, reprit-il. Surtout que, grâce aux bons soins de Monsieur Malefoy, nous savons à présent qui est l'auteur et nous sommes donc sûrs qu'il est digne de foi. A moins, bien sûr, que cela gêne certaines personnes que tout le monde sache que si Salazar Serpentard est devenu bourreau, c'est parce qu'il a trop souvent été victime. Il est clair que cela va changer la vision de beaucoup de gens, on va peut-être enfin arrêter de considérer la maison Serpentard comme le repère des intolérants et autres "méchants".
— Voyons, Severus, personne ne pense ça des Serpentard ! s'exclama Albus.
— Personne ? répéta Severus, tétanisé. Dire qu'on nous a fait croire pendant des tas d'années que la mauvaise foi était un trait de caractère typiquement Serpentard – encore un préjugé défavorable à ma maison –, vous osez prétendre que personne ne pense du mal des Serpentard ?
— Severus, vous devez tout de même avouer qu'un certain nombre de Serpentard ont fait ou dit des choses… commença Minerva.
— Et un certain nombre de Moldus ont fait ou dit des choses plutôt désagréables, voire ignobles. Toutefois, les Gryffondor ont l'air de considérer que les Moldus ont plus droit que les Serpentard de mal se comporter ou de médire.
— On touche un sujet sensible, on dirait », s'exclama Dumbledore, les yeux rieurs. Il intercepta un regard particulièrement noir de Severus et comprit qu'il valait mieux éviter de le taquiner là-dessus. D'une certaine manière, il n'avait pas tort ; particulièrement en ce qui concernait le livre. « Vous avez raison, Severus. Cet ouvrage n'a aucune raison d'être dans la réserve ; dès demain, il sera à la disposition de tous les élèves sans exception. »
Satisfait de cette réponse, Severus reposa son verre de vin à présent vide et retourna à son repas.
~oOo~
Hermione tournait en rond dans la salle commune, les bras croisés, les yeux rivés au sol.
« Hermione, tu as travaillé sur ton exposé d'histoire de la magie pendant des heures, il était quasiment prêt et tu veux repartir de zéro ? Tout ça parce que tu as peur que Malefoy fasse mieux que toi ? Qu'est-ce que ça peut te faire qu'il fasse mieux que toi sur une matière ? Y a pas mort d'homme ! Tu ne peux pas être la meilleure tout le temps. Et ne pas l'être une fois ne t'empêchera pas de terminer première de la promotion.
— Oui, Ron, bien sûr, toi, ça ne te fait rien, tu te contentes toujours de la moyenne ; mais moi, j'aime être la meilleure, tu comprends ça ? C'est ma raison de vivre ! »
Confortablement installé au fond d'un fauteuil, Ron fronça les sourcils devant cette réponse un peu trop passionnelle, même pour Hermione.
« Ce que je ne comprends pas, c'est qu'avec des ambitions si élevées, tu n'aies pas été Serpentard.
— Là, il marque un point, intervint Harry en relevant le nez d'un devoir de métamorphose.
— A ta place, je ne me la ramènerais pas trop, Harry. Ce n'est pas toi que le choixpeau voulait mettre dans cette maison ?
— Qu'est-ce qui nous prouve que tu n'as pas choisi ta maison toi non plus ? demanda le jeune homme, quelque peu vexé.
— C'est vrai ça ! Je me rappelle que tu avais l'air de tenir à aller à Gryffondor, ajouta Ron, abondant dans le sens de son ami.
— Allez, ce n'est pas un secret honteux, tu peux nous le dire à nous. »
Hermione hésita quelques secondes. Ses amis avaient touché juste.
« Il m'a proposé d'aller à Serdaigle et j'ai demandé si je ne pouvais pas aller plutôt à Gryffondor, il a dit que rien ne s'opposait à ce choix et a accepté. Voilà, c'est tout. »
Ron et Harry hochèrent tous les deux la tête ; ce que leur apprenait Hermione n'avait rien de surprenant.
« Dans un sens, j'aime mieux ça. Un moment, j'ai cru que j'avais raison en disant que tu aurais dû aller à Serpentard.
— Tu sais, ma présence dans cette maison n'aurait pas été déplacée : c'est vrai que je suis plutôt ambitieuse, répondit Hermione. Mais apparemment, mon intelligence prime sur mon ambition, ajouta-elle fièrement.
— Fais attention, Hermione, tu vas devenir encore plus prétentieuse que Malefoy, prévint Harry.
— Peut-être, mais moi, j'ai plus de raisons que lui de l'être. » Son front prit un pli soucieux. « Quoique, avec son exposé, il va pouvoir frimer pendant un moment et à juste titre. Tant pis ! A ce propos, j'ai eu plus d'informations concernant tout cela. Vous savez, à part son auteur, cet exposé a tout pour plaire. C'est une histoire tragique et romantique de toute beauté. Salazar Serpentard était amoureux fou d'un Moldu, mais le père de celui-ci, voyant l'attirance de son fils pour un homme, l'a dénoncé comme sorcier.
— Oh non ! Pas une histoire à l'eau de rose ! pleurnicha Ron.
— Je te fais le résumé d'une histoire digne de Shakespeare et tu me dis que c'est de l'eau de rose ? s'exclama Hermione, atterrée. Tiens, cela me fait penser : il faut absolument que je lise le livre où Malefoy a tiré toutes ses informations. Oh ! Vous savez ce qui serait génial : que je découvre plus de choses que lui.
— Je ne crois pas que ça soit du meilleur effet de faire un exposé sur les oublis d'un autre élève. Ça va se voir et ça va se retourner contre toi », fit remarquer Harry à juste raison. Il adorait Hermione mais son amie perdait tout sens commun dès qu'il s'agissait d'examens.
~oOo~
Assise sur une chaise de la salle commune, un livre emprunté à la bibliothèque ouvert devant elle, Hermione plaqua ses deux mains sur son visage.
« Ce type est le plus ennuyeux de toute la Terre ! s'exclama-t-elle en se renversant sur son dossier.
— Etait, corrigea Ron.
— Pardon ?
— Gryffondor était le type le plus ennuyeux de toute la Terre.
— Non, est, personne ne l'égalera jamais, il était, il est et il restera le type le plus ennuyeux au monde.
— Il me semble plutôt qu'il était un type bien », jugea Ron. Hermione avait mandaté ses deux amis pour l'aider à découvrir si l'histoire de Godric Gryffondor pouvait rivaliser avec celle de Salazar Serpentard. Leurs recherches n'avaient rien donné de plus que ce qu'ils savaient déjà ; Hermione se retrouvait bredouille.
« Être un homme bien n'empêche pas d'être d'une platitude extrême.
— Il était très courageux, c'était un homme héroïque ! assura Harry, soucieux de défendre son fondateur qui se retrouvait être la victime indirecte et innocente de l'exposé sur Serpentard.
— Tout le monde le sait ! Comment veux-tu que je dépasse Malefoy et ses révélations fracassantes avec ça ?
— Je ne pense pas que le but de cet examen soit de faire des révélations.
— Quel en est le but alors ?
— Y en a pas ! répondit tout naturellement – et très justement ? – Ron.
— Tu sais qu'il n'a pas tort, renchérit Harry. Le cours d'histoire de la magie ne sert à rien ; pourquoi l'examen servirait à quelque chose ?
— Justement ! C'est bien là le problème ! Jusqu'à peu, c'était le cas ; c'est d'ailleurs pour cette raison que j'avais choisi les Gobelins comme sujet, ça n'intéresse personne, ça ne me servira à rien, mais l'essentiel était que Binns sente qu'on a travaillé. Or, Malefoy est le premier à avoir suscité de l'intérêt pour ce cours ; j'ai parlé aux Serdaigle qui avaient cours commun avec les Serpentard : il les a tous passionnés. Vous vous rendez compte ? Il a été le premier à accomplir cet exploit ; je ne peux pas en plus tolérer qu'il me dépasse sur sa note.
— Qu'est-ce qui te fait dire qu'il aura une si bonne note que ça ? C'est Binns qui note ! Tu crois que ça lui a tant plu que ça Malefoy déballant les affaires de cœur d'un des fondateurs ? » demanda Ron. Harry marqua son accord d'un hochement de tête généreux.
« Tu n'as pas tort. Néanmoins, force m'est de constater que s'il n'a pas un meilleur résultat que moi, cela sera injuste. Les mœurs des Gobelins au seizième siècle, quel ennui ! En plus, j'ai pris tout mon exposé dans deux livres disponibles à qui veut les consulter. C'est de la pure recopie ! Malefoy a lu le livre, il a recherché le nom réel de l'auteur, il a fait des recherches sur l'amant de Serpentard, il a fait des hypothèses concernant ses relations avec les autres fondateurs. Il a tout analysé, il a retourné chaque ligne de cette biographie.
— Tu es vraiment sûre qu'il a fait tout ça ? Il m'avait toujours semblé qu'il était au moins aussi paresseux que moi et Ron », remarqua Harry, sincèrement dubitatif. La paresse naturelle était l'un des rares points en commun qu'il avait avec le Serpentard.
« Il l'était, mais ce sujet est tellement passionnant qu'il lui a apparemment donné l'envie de travailler.
— Harry, tu crois que ça peut nous arriver à nous aussi un jour ? demanda Ron d'un air catastrophé en se tournant vers son meilleur ami.
— Merlin nous en préserve ! » rétorqua Harry en prenant le même air terrifié.
Les deux amis s'esclaffèrent de concert ; Hermione leva les yeux au ciel.
~oOo~
Pansy était assise au fond d'un profond fauteuil. Elle était censée travailler sur un devoir de charmes, néanmoins elle préférait mâchonner son crayon d'un air rêveur en surveillant Drago du coin de l'œil. Elle se décida à poser la question qui lui brûlait les lèvres.
« A présent que tu as fait l'outing de Salazar, quand te décideras-tu à faire ton coming-out ? »
Elle avait lu ses termes dans un magazine moldu et était très heureuse de pouvoir les replacer. Drago, quant à lui, n'avait jamais entendu ces expressions, cela ne l'empêcha de comprendre instantanément de quoi il retournait.
« Oh ! Pansy ! Tu ne vas pas recommencer avec ça ! » s'exclama-t-il en levant le nez de son propre devoir. Déjà qu'il détestait faire de la théorie avec les charmes – il trouvait ça vain et ennuyeux –, si en plus son amie endossait son rôle de casse-pieds devant l'éternel et remettait le couvert sur sa pseudo-homosexualité alors qu'il se trouvait en pleine réflexion sur le mélange de deux sorts complexes, rien n'allait plus ! Il se prit la tête dans les mains et tenta de démêler une énième fois les propriétés des deux sorts et leurs effets.
Pansy baissa les yeux sur son brouillon ; elle relut les deux misérables lignes fruit de son éreintant labeur, raya un mot, écrivit une nouvelle phrase avant de s'adosser au fauteuil, de regarder le plafond sans le voir et de se remettre à mâchouiller son crayon pensivement.
« Tu crois que Salazar a couché avec Gryffondor ? demanda-t-elle, donnant une consistance orale à sa réflexion.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Godric avait une affection presque paternelle pour Salazar ! détrompa immédiatement Drago, presque scandalisée que sa camarade ait pu avoir une telle pensée.
— Dis donc ! C'est que tu aurais presque de la sympathie pour un Gryff'… pour le Gryff'.
— Disons que je lui ai enfin trouvé un bon côté. Je ne vois pas ce que cela a d'extraordinaire… Tu sais que les filles Serdaigle de septième année avaient les larmes aux yeux pendant mon récit ? ajouta-t-il pour changer de sujet.
— J'ai cru voir ça. Et tu sais que tu aurais pu avoir n'importe laquelle d'entre elle – y compris la délicieuse Meredith (plus sainte-nitouche qu'elle, tu meurs !) – en un claquement de doigt ? Cependant, tu n'en as pas profité ; bizarre si nous admettons ton hétérosexualité.
— On peut être hétéro sans pour autant sauter sur toutes les filles qui passent.
— Drago, tu me fatigues. Pourquoi ne veux-tu pas avouer ce que tu es ? demanda Pansy d'un ton las en laissant tomber son bras droit sur sa cuisse.
— Parce que je ne sais pas ce que je suis ! C'est vrai, je l'avoue : je ne suis pas attiré par les filles… mais je ne suis pas non plus attiré par les garçons !
— J'ai compris : tu es un "riendutoutsexuel"… En fait, tu es tellement égocentrique que tu ne peux aimer que ta petite personne. Je te plains quelque part. Oh ! J'ai une autre hypothèse : tu ne peux pas aimer de filles car tu es amoureux de ta mère !
— N'importe quoi !
— Mieux ! Tu es amoureux de ton père ! » s'exclama alors Pansy, trouvant cette seconde hypothèse beaucoup plus savoureuse.
Drago lui adressa un regard noir.
« Je vais aller me promener et espérer que tu auras retrouvé un semblant de lucidité à mon retour ! » proclama-t-il d'un ton sec en se levant. Il sortit et claqua la porte de la salle commune derrière lui.
« Mais oui, c'est ça, ça explique tout ! continua Pansy, comme illuminée par un nouveau savoir. Mon père m'a dit ceci, mon père a fait cela, je vais le dire à mon père, quand mon père va savoir ça, mon père m'a acheté ceci, et gnagnagna, et gnagnagna. »
Millicent descendit du dortoir des filles ; elle fronça les sourcils, inquiète, en voyant Pansy se parler toute seule et à haute voix en faisant force gestes des bras.
« Tu te sens bien Pansy ? » demanda-t-elle.
~oOo~
Chargés comme des mulets, Harry et Ron tentaient de rallier la bibliothèque sans faire tomber leur cargaison de livres.
« Pourquoi c'est nous qui devons ramener tous ces bouquins ? » grogna Ron. Harry haussa les épaules pour toute réponse.
« Tiens, les inséparables ! Alors, toujours frères siamois ? Toujours liés par la connerie ? » déclama une voix nonchalante. Drago venait d'arriver dans leur champ de vision. Il arborait un sourire narquois.
« Oh, pas lui ! Déjà que c'est de sa faute si Hermione est invivable en ce moment », murmura Ron, grimaçant.
Drago observa d'un air amusé les piles de livre que ses deux Gryffondor préférés – surtout quand il s'agissait de leur rendre la vie impossible – se coltinaient.
« Laissez-moi deviner : soit vous ramenez les livres que Miss Je-sais-tout a empruntés à la bibliothèque, soit vous avez appris à lire. J'ignore pourquoi, mais je penche plutôt pour la première hypothèse.
— Il nous foutait la paix depuis un moment, c'était trop beau, marmonna Ron.
— Arrête tes chuchotements, Weasel ! Si tu as quelque chose à dire, dis-le à haute voix. Fais-moi profiter de ta grande sagesse. Je suis convaincu que le fait de vivre dans la misère rend philosophe.
— Vas-tu la fermer, Malefoy ! gronda Harry.
— Tiens, Saint Potter se réveille. Alors, remis de ta déception de ne pas avoir pu tuer Voldemort ?
— Arrête de te la jouer ! Quand je pense que tu avais remonté dans mon estime depuis quelques mois ! En fait, tu es toujours le même gamin prétentieux. Quand te décideras-tu à grandir ?
— On croirait entendre une grand-mère ! Hé ! Potter ! Tu veux sauter directement de l'école à l'hospice ? Remarque, tu as raison de prendre de l'avance. Tu n'es plus qu'un héros à la retraite maintenant, sans emploi. Tu n'as même pas réussi à accomplir ta mission jusqu'au bout.
— La ferme, Malefoy !
— Hé bien, frappe ! Qu'est-ce que tu attends ? Frappe ! » défia Drago. Il n'avait jamais eu une attitude aimable envers Weasley et Potter, mais jamais il n'avait été si insistant et agressif, Pansy l'avait vraiment énervé avec ses théories à la noix ; il fallait toujours qu'elle lui fasse perdre son flegme.
« Ta peau est comme de la porcelaine, j'ai peur de te briser en t'effleurant », répliqua Harry.
Ron coula un regard en biais vers son ami : qu'avait-il dit ?
Harry songeait lui aussi à ce qu'il venait de dire. Comme de la porcelaine. Blanc. Lisse. Fragile. Oui, c'était ça, cela correspondait bien à Drago. Toutefois, en y repensant, cette phrase ne sonnait pas vraiment comme il l'espérait. Elle n'était pas vexante, ni cassante, ni tranchante, ni blessante. Harry se sentit rougir, ce qu'il venait de dire aurait presque pu passer pour un compliment ; pire : le genre de choses qu'on dirait à une fille pour la séduire. Merlin ! S'il commençait à dire à haute voix ce qu'il pensait tout bas – à savoir que Drago était d'une beauté fascinante –, pour qui allait-il passer ?
Drago était songeur lui aussi. La peau comme de la porcelaine ? Vu le ton et les circonstances, cela s'apparentait plutôt à une insulte. Cependant, cela ne le vexait nullement. Au contraire.
Il se sentit plus calme, plus léger et eut un sourire mi-amusé, mi-flatté.
« C'est des livres sur Godric Gryffondor ? demanda-t-il d'un ton soudainement plus amical. Ils sont intéressants ? Il faudra que j'en lise au moins un… juste pour voir. D'ailleurs, j'ai prévu de m'informer un peu sur tous les fondateurs. Bon, on se voit demain en cours de potion. Salut !
— Salut, répondit Ron mécaniquement. Harry, qu'est-ce que t'as été lui dire ? demanda-t-il dès que Drago se fut éloigné.
— Je sais pas ! J'ai dit la première chose qui me venait à l'esprit. En plus, ça a marché, il a arrêté de nous insulter, alors, de quoi te plains-tu ? » bredouilla Harry avant de reprendre son chemin vers la bibliothèque d'un pas vif. Ron le regarda s'éloigner, les sourcils froncés, avant de lui emboîter le pas.
