Mon père, ce…

Par Maria Ferrari

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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.

Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter

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—Chapitre 14 – Vindegral—

Comment annoncer la chose ?

Avec dérision ?

« Hé ! Ron ! Tu sais pas quoi ? Y a pas que Serpentard à être homo… moi aussi ! »

Non, trop direct.

Avec émotion ?

« Hermione, toi qui trouves l'histoire de Salazar Serpentard émouvante, que penserais-tu d'un Gryffondor désespérément amoureux d'un Serpentard qu'il est censé détester ? »

Non, trop film américain.

N'empêche… c'était exactement ça ! Il en pinçait pour Drago Malefoy, un Serpentard, le fils d'un ex-Mangemort, un enfant pourri-gâté, un gosse de riche, la prétention personnifiée, etc… bref, quelqu'un qui a tout pour plaire à un Gryffondor dont les parents ont été tués par Voldemort et qui n'a absolument pas été gâté ni par la vie, ni par son oncle et sa tante.

En fait, à part qu'ils étaient tous deux sorciers, tout les opposait ; hormis peut-être une tendance commune à la paresse, mais même ça Drago le lui avait enlevé.

A présent qu'il y réfléchissait, peut-être était-ce justement pour cette raison qu'il était irrésistiblement attiré par lui ; beaucoup prétendent que les contraires s'attirent, sans doute n'avaient-ils pas tort… Du moins fallait-il encore que Drago ressente la même chose de son côté pour confirmer pleinement leur théorie ; et rien n'était moins sûr.

Quoique… son attitude agressive à son égard signifiait peut-être qu'il cherchait à nier l'attirance qu'il ressentait pour lui ; ou bien peut-être était-elle guidée par leur histoire familiale respective ; ou ne pouvait-elle pas être tout simplement due au fait qu'il avait été particulièrement vexé qu'il refuse de lui serrer la main en première année et qu'il lui faisait encore payer aujourd'hui car il aurait brûlé d'envie d'être son ami – voire plus si affinités – et qu'il n'avait toujours pas digéré de s'être vu rejeter.

Tiens, ça lui faisait penser aux quelques phrases sibyllines qu'Hermione avait lâchées un jour à l'encontre de Sirius. Ce qu'elle avait dit lui avait semblé sur le coup n'avoir ni queue ni tête. En y repensant, n'avait-elle pas dit que l'attitude de Sirius envers Rogue était étrange ? Et ne sous-entendait-elle pas que son parrain aurait peut-être un béguin inavoué – et inavouable ! – pour leur affreux maître de potions ?

Dans un sens, s'il interprétait bien les paroles d'Hermione et qu'elle avait raison, ça l'arrangeait ; il ne serait pas le seul à être amoureux d'un Serpentard abhorré.

Tout de même… Rogue ! Lui, avec Drago, c'était tout de même un peu mieux. Cela avait plus de tenue.

Pour en revenir à Drago, justement, il avait eu l'air de plutôt bien prendre le compliment – qui n'était pas censé en être un – qu'il lui avait fait. Il avait eu l'air flatté… et il était très sensible aux flatteries (nul besoin d'un diplôme en psychologie pour deviner cela). Ce ne serait sans doute pas si difficile de le conquérir.

Bon, même en admettant cela, ça ne changeait rien à son problème : c'était un Serpentard, il était censé le détester, personne ne savait qu'il était homosexuel ; comment annoncer tout ça à ses amis ?

~oOo~

Debout derrière son chaudron, Millicent assise à ses côtés qui préparait l'ingrédient suivant, Pansy comptait les gouttes qu'elle mettait dans sa potion. Elle reboucha le flacon et jeta un regard de travers à Drago de l'autre côté de l'allée.

« Vas-tu arrêter de faire la tête ! J'ai dit ça sans réfléchir que tu étais amoureux de ton père ! Tu devrais au moins reconnaître que ton attitude ne m'aide guère à penser autrement, chuchota-t-elle d'un ton fâché.

— Personne ne t'oblige à sortir des théories oiseuses concernant ma vie sentimentale. J'aime mon père, mais je ne suis pas amoureux de lui. Quant à… » Drago se tut soudainement ; Rogue lui jetait un regard suspicieux. « Ce n'est pas le meilleur endroit pour parler de ça, murmura-t-il dans sa barbe, les yeux baissés sur son chaudron.

— Pourquoi ? T'es amoureux de Rogue aussi ? »

Drago serra les lèvres. Ce qu'elle pouvait l'énerver !

~oOo~

Après avoir prolongé son regard noir quelques secondes sur Drago – ce n'était pas parce qu'il était Serpentard et le fils de son amant qu'il pouvait se permettre de chuchoter dans sa classe, il y avait des limites à tout ! –, Severus reprit le fil de son cours. Il fut interrompu par le bruit de quelqu'un s'annonçant en tapant à la porte du cachot. Severus soupira devant cette nouvelle interruption – il détestait les interruptions, elles gâchaient tous ses effets et divertissaient les élèves – avant d'aller ouvrir à un Dumbledore moins réjoui que d'habitude, ce qui en soi était plutôt une bonne chose.

« Je pourrais vous emprunter Drago Malefoy quelques minutes ? murmura ce dernier.

— A quelle fin ? demanda Severus, soupçonneux.

— Son arrière-grand-père vient de débarquer dans mon bureau. Il paraît furieux et veut le voir.

— Que veut-il à Drago ? S'il était furieux contre vous, je comprendrais ; vous avez couché avec sa fille après tout.

— Oui, et s'il était furieux contre vous, vous comprendriez aussi ; vous avez couché avec son petit-fils après tout, rétorqua Dumbledore, toujours à voix basse.

— Moi, c'est différent : peu de personnes sont au courant.

— Méfiez-vous, quelquefois, ça vous retombe sur le nez quarante ans après. Et puis, il n'y a nul besoin que beaucoup de personnes soient au courant pour que le bruit se répande.

— Qu'essayez-vous de me dire ? Vous l'auriez dit à quelqu'un d'autre ?

— Non, je ne l'ai dit à personne. Je ne parlais pas de moi. Je disais simplement qu'il suffisait d'une seule personne pour peu que… Hagrid n'est pas au courant ?

— Non.

— Arrangez-vous pour que cela reste ainsi tant que vous voulez garder le secret alors. Par contre, si vous voulez rendre votre relation publique, je ne saurais trop vous conseiller de la lui confier.

— Dumbledore, tout ceci ne me dit pas ce que veut son arrière-grand-père à Drago. »

Le directeur resta silencieux quelques secondes ; son regard posé sur le visage de Severus, il paraissait pensif.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

— Je viens de remarquer quelque chose : vous l'appelez par son prénom. C'est la première fois à ma connaissance que vous appelez un élève par son prénom… Il est vrai que c'est le fils de votre amant.

— J'ose espérer que mes élèves n'ont pas l'ouïe trop fine… car si ce n'est pas le cas, je n'aurais pas besoin d'Hagrid et de sa langue bien pendue pour voir mon secret révélé au grand jour, constata Severus d'un ton aigre. Monsieur Malefoy, pouvez-vous accompagner le professeur Dumbledore jusqu'à son bureau ? Quelqu'un vous y attend », reprit-il à voix haute pour se débarrasser du directeur. Drago se leva, intrigué, et suivit Dumbledore. « Où en étions-nous rendus, Monsieur Weasley ? demanda Rogue, reprenant son rôle de professeur.

— Pardon ?

— Où en étions-nous ?

— Heu, réfléchit – vainement – Ron.

— Vous ne suiviez pas… ce qui ne diffère en rien de vos habitudes. Moins dix points pour Gryffondor. Miss Granger, baissez-moi cette main, vous allez finir par rester bloquée dans cette position. »

La jeune fille s'exécuta tout en retenant un profond soupir qui vaudrait sûrement une autre réduction de points à sa maison si elle le laissait s'échapper. Le maître de potions était un peu moins enclin à ôter des points et à distribuer des retenues aux Gryffondor que par le passé, il restait cependant fidèle à lui-même.

~oOo~

« Qui m'attend ? demanda Drago.

— Votre arrière-grand-père. »

Drago écarquilla les yeux ; il n'avait pas grande idée de qui pouvait l'attendre dans le bureau du directeur lorsqu'il avait posé la question, mais si on l'avait mis en demeure de le deviner, son arrière-grand-père était bien la dernière personne à qui il aurait pensé.

« Pourquoi veut-il me voir ? Et en quoi était-ce si urgent ?

— Je dois vous avouer mon ignorance ; il ne m'a pas fait l'honneur de s'expliquer malgré mes demandes en ce sens. Je n'ai accédé à sa requête que dans l'unique but de le voir déguerpir au plus vite car il n'est pas d'un commerce très agréable, particulièrement aujourd'hui. D'ailleurs, j'aime autant vous prévenir : si je ne connais pas la raison de sa visite, je sais au moins qu'il n'est pas content du tout après vous.

— Après moi ? Ce n'est pourtant pas moi qui ai couché avec sa fille, remarqua insolemment Drago en écho des paroles de Severus.

— Est-ce des façons de parler à son grand-père ? marmonna Albus dans sa barbe en regardant ailleurs. Allez, grimpe ! »

Drago s'exécuta et il fut aussi le premier à entrer dans le bureau. Il y vit Vindegral Malefoy était assis majestueusement dans un fauteuil. Son regard dur se pointa sur son arrière-petit-fils dès son entrée.

« Bonjour Grand-père », salua le jeune homme d'un ton poli. Il l'appelait de la même façon que Lucius ; cela faisait un peu long de préciser "arrière" devant et cela sonnait bizarrement.

« Te voilà enfin !

— Dès qu'on m'a mandé, je suis venu.

— J'ai été un peu retardé, expliqua Albus. Le professeur Rogue n'aime pas voir ses élèves partir se promener au beau milieu de son cours ; ce qui est tout à fait normal.

— Oui, c'est légitime, mais ma demande l'était tout autant au vu des circonstances. Vous pouvez nous laisser, Dumbledore. »

Le directeur resta interdit quelques secondes.

« Je vous demande pardon ?

— Vous pouvez nous laisser.

— C'est-à-dire… c'est mon bureau.

— Et alors ? Je veux parler avec Drago en privé, cela vous poserait-il un quelconque problème ?

— Je n'aime pas me faire congédier de mon propre bureau, Monsieur ! De plus, comme vous m'avez l'air particulièrement remonté, je préfère rester avec votre petit-fils.

— Drago, dis-lui qu'un Malefoy n'a pas besoin de se faire assister.

— Grand-père, qu'as-tu à me dire au juste ? Qu'ai-je donc bien pu faire pour motiver ta colère ? » demanda Drago pour entrer dans le vif du sujet et faire oublier la présence de Dumbledore. Il n'avait aucune envie que celui-ci s'en aille ; le regard que posait son arrière-grand-père sur lui ne lui disait rien qui vaille et, quoi que son aïeul en dise, il n'avait rien contre de se faire assister.

« Il me pose la question ! s'exclama Vindegral, prenant Dumbledore à témoin. Il ose faire de ragots méprisables le sujet de son exposé et utiliser un livre diffamatoire comme seule source, et il me demande pourquoi je suis en colère !

— Le livre que j'ai utilisé n'est absolument pas diffamatoire ! se défendit Drago.

— Prétendre qu'un des plus grands sorciers qui ait jamais vécu était de la jaquette, ce n'est pas diffamatoire selon toi ?

— Non, répondit sèchement Drago, scandalisé. Il était homosexuel, voilà tout. Il n'y a rien de mal à ça.

— Rien de mal ? Je ne peux pas croire qu'un de mes descendants parle ainsi. Les hommes vont avec les femmes, Salazar Serpentard n'échappait pas à la règle. Ce livre qui a tâché tes mains est une accumulation de mensonges visant à faire passer ce noble sorcier pour un enfant paumé et perverti. C'était un très grand homme ! Pas un adolescent aux mœurs déviantes.

— Ce livre est un formidable témoignage. Il éclaire Salazar d'un jour nouveau. C'était un être sensible et…

— Et j'avais fait mettre personnellement ce livre à la réserve – en désespoir de pouvoir le détruire –, en espérant qu'il ne tomberait pas entre de mauvaises mains. Je suis extrêmement déçu de constater que mon propre arrière-petit-fils en a fait le plus mauvais usage qui soit.

— Tiens, c'était donc vous ! Quand je pense que j'ai été à deux doigts de me faire disputer comme un enfant par Severus Rogue – que j'ai connu enfant – parce que ce livre était dans la réserve ! J'ai même senti qu'il soupçonnait un Gryffondor quelconque – peut-être même moi – de l'y avoir mis afin de sauvegarder la mauvaise réputation de Serpentard.

Quelle mauvaise réputation ? C'est avec ce genre de livres qu'on en obtient une. Salazar était immaculé avant que Drago ne se mêle de cette affaire.

— Cela suffit ! Comment oses-tu dire que l'homosexualité est une perversion ? Mon père l'est ! » s'exclama Drago, gagné à son tour par la colère.

Les motifs de sa fureur s'accumulaient à une telle vitesse que Vindegral en était pris de court. L'insolence de son petit-fils allait au-delà de l'imaginable, et voilà qu'il accusait son propre père d'être un déviant.

« Lucius n'est pas homosexuel ! Cela aussi n'est que ragots ! »

Albus s'apprêta à intervenir mais préféra finalement garder le silence, subodorant que ses propos pourraient être retenus contre lui… et accessoirement contre Severus et son amant. Il était des moments dans la vie où il était plus sain de savoir se taire.

« Tu as décidé que l'homosexualité était une mauvaise chose et donc tu dis que ce ne sont que des ragots car cela t'arrange. Mais tu te trompes, alors sors-toi cette idée de la tête. Salazar Serpentard était homosexuel et il n'en reste pas moins l'un des plus grands sorciers de tous les temps, l'un n'empêche pas l'autre. Quant à mon père, il l'est aussi ; je peux le certifier.

— C'est ce qu'on va voir ! »

Vindegral ferma les yeux et fit un mouvement sec de ses bras. Rien ne se produisit.

« Je constate que cette bâtisse est toujours imperméable aux transplanages. Sortons, je dois faire venir Lucius.

— Inutile de le déranger. Drago vous dit qu'il est homosexuel. C'est la vérité, intervint le directeur d'un ton las.

— Taisez-vous, Dumbledore ! Sortons.

— Très bien », marmonna Albus entre ses dents. Drago sentait qu'il commençait à être fort énervé par son arrière-grand-père et se contenait à grand-peine. Toute cette histoire allait mal finir.

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Ils sortirent du domaine de Poudlard. Se jugeant assez loin, Vindegral ferma les yeux et exécuta le même mouvement que dans le bureau du directeur. Lucius apparut soudainement en position assise ; ne reposant plus sur aucune chaise, il s'écroula au sol. Il resta quelques instants dans une position grotesque sans comprendre ce qu'il lui était arrivé, puis il vit son grand-père et la lumière se fit.

Il l'avait fait transplaner.

Il faudrait qu'il pense à faire enlever cette "autorisation" qu'avait son grand-père sur ses transplanages, c'était déjà agaçant lorsqu'il la lui avait imposé à la fin de son adolescence, mais à présent c'était horripilant et déplacé. Il revêtit un air digne, se releva, se frotta le derrière d'un geste non dénué de discrétion et d'élégance.

« Grand-père, je déteste quand tu fais cela, dit-il d'un ton neutre. J'étais en pleine réunion du Conseil d'Administration ; ils doivent se demander où je suis passé.

— Lucius, dis à ton fils que tu n'es pas homosexuel.

— Pardon ? » Le ton n'était plus neutre et le cœur de Lucius rata un battement.

« Dis-lui que tu n'en es pas !

— Je peux savoir ce qui se passe ? » demanda Lucius, contournant la question. Jamais son grand-père ne l'avait confronté à une question directe sur sa sexualité ; ce qui avait été une chance, il en était conscient. Sa bonne fortune semblait avoir trouvé sa limite.

« Il est furieux parce que j'ai osé révéler l'homosexualité de Salazar Serpentard.

— Grand-père, ce n'est pas bien grave, tempéra Lucius, heureux que la conversation, si elle n'avait pas dévié du sujet principal, ait au moins eu la courtoisie de changer de cible.

— Pas grave ? Ton fils colporte des ragots et ce n'est pas grave ? C'est donc ça l'éducation que tu lui donnes ? Remets cet enfant dans le droit chemin : dis-lui que tu n'es pas homosexuel et qu'aimer les femmes est la seule voie qui soit. »

Le répit avait été de très courte durée. Il se devait de répondre, Vindegral Malefoy n'admettrait pas une seconde diversion ; mais admettrait-il sa réponse ? Car il ne pouvait lui mentir ; si le silence permettait certaines libertés en laissant planer un doute, prétendre de vive voix qu'il aimait charnellement les femmes était au-dessus de ses forces.

« Je ne peux pas dire ça. Même si je voulais te faire plaisir, je ne le pourrais pas.

— Pourquoi ? demanda sèchement Vindegral.

— Je… je préfère les hommes », avoua Lucius ; il lui sembla que son estomac se tordait. Vindegral blêmit.

« Moi aussi, enchaîna Drago d'un ton joyeux tout à fait hors de propos. Moi aussi, je suis homosexuel. » Cela sortait beaucoup plus facilement maintenant que son père osait le dire à voix haute à la personne qu'il craignait le plus ; cela semblait même une évidence à présent.

« Je décline toute responsabilité. Aux dernières nouvelles, l'homosexualité n'est ni contagieuse, ni héréditaire ! déclara précipitamment Lucius.

— Le monde est devenu fou », murmura Vindegral.

Il était totalement anéanti. Son regard se perdit dans le vague.

« Le monde change, c'est tout. Souvent, ce n'est pas une mauvaise chose. Aujourd'hui, les gens qui sont différents n'ont pas honte de le dire, c'est un mieux indéniable.

— Taisez-vous Dumbledore ! Je suis sûr que vous êtes le responsable de tout ça !

— Lucius vient de vous dire que ce n'était pas héréditaire. Et de toute façon, je ne suis pas homosexuel. De plus, n'ayant pas eu la possibilité d'élever Lucius, je ne vois pas comment je pourrais être responsable de son état – et même si ça avait été le cas, je ne vois pas non plus comment j'aurais pu faire étant donné que je ne suis pas de ceux qui pensent que cette préférence résulte d'un choix ou de l'éducation ; c'est comme ça, voilà tout. D'ailleurs, puisqu'on en parle, si vous avez quelque chose contre le fait que des homosexuels portent votre nom, apprenez que je serais enchanté qu'ils portent le mien ! Voyons : Lucius et Drago Dumbledore… oui, ça leur irait très bien !

— Vous cherchez à me voler mes héritiers ! s'exclama Vindegral d'une voix blanche.

— Vous les insultez en parlant de l'homosexualité comme d'une maladie. Je ne peux le tolérer. » Dumbledore flamboyait de colère à présent. « De plus, je ne peux m'empêcher de remarquer que vous avez parlé "d'héritiers" et non de "famille". N'auraient-ils de sens à vos yeux que pour perpétuer votre race ? Si c'est le cas, je serais d'autant plus ravi qu'ils échangent votre nom contre le mien. Si vous avez la moindre parcelle d'affection pour eux, acceptez-les tels qu'ils sont. De même, si vous avez une véritable admiration pour Salazar Serpentard, cessez de nier son homosexualité et dites simplement que c'était un grand sorcier, peu importe ce qu'il a été ou non dans son intimité. »

Un long silence s'écoula ; Lucius le rompit.

« Je suis sûr que je me ferai très bien à ce nouveau nom. Qu'en penses-tu, Drago ? »

Drago pensait que Pansy se fichait déjà bien assez de lui avec sa filiation avec le directeur sans en ajouter ; de plus, il tenait à son nom de famille, il trouvait qu'il avait de la classe. Toutefois, il était conscient que son père n'était pas sérieux ; il disait ça juste pour faire réagir son grand-père.

« ça me va », répondit-il donc.

L'air tranquille qu'arboraient Lucius et Drago parut terroriser Vindegral.

~oOo~

« Grand-père, tu ne devrais pas te mettre dans des états pareils pour si peu », conseilla Drago en lui apportant une tasse de café. Vindegral préféra ne pas relever le "pour si peu".

La porte s'ouvrit. Severus entra et se dirigea droit vers le canapé ; ce dernier était débarrassé de tout ce qui l'encombrait encore quelques mois auparavant, Lucius ne supportait pas d'avoir à vivre une partie de son temps dans un tel capharnaüm et avait pris les choses en main. Il bailla un peu, se gratta le dos et s'assit dans le sofa en s'étirant avant de retenir un petit cri en voyant les personnes qui se trouvaient chez lui sans qu'il le sache.

« Vous êtes mignon dans le privé ! s'exclama Dumbledore, les yeux réjouis.

— Peut-être, mais je l'ai connu plus sexy », murmura Lucius pour lui-même d'un air un peu déçu. Vindegral entendit les paroles de son petit-fils et comprit ce qu'elles signifiaient ; il regarda attentivement Severus, il ne correspondait en rien – lui non plus – à l'image qu'il se faisait des homosexuels. D'une certaine manière, c'était désespérant.

« Lucius, qu'attends-tu pour me présenter ? demanda-t-il, cachant sa surprise et son désarroi sous une couche d'autorité.

— Severus, je te présente mon grand-père, Vindegral, fit Lucius, s'exécutant de bonne grâce. Grand-père, je te présente Severus Rogue, professeur de potion à Poudlard, il est mon… » Lucius s'interrompit ; il ne pouvait décemment pas dire "amant" devant son grand-père. « Mon tendre ami. » Il ne put retenir une grimace devant ses propres paroles tant cela lui faisait bizarre d'annoncer ça ainsi.

« N'aie pas peur des mots, Lucius. C'est ton amant ! »

L'amant en question n'en menait pas large et se perdait en conjectures. Que faisaient-ils tous chez lui ? D'ailleurs, pouvait-il encore se considérer comme chez lui ? Encore, que Lucius soit là, il pouvait le comprendre : il lui avait donné le mot de passe et Lucius avait fait de ce lieu sa résidence secondaire. Mais qu'il invite son fils, son grand-père et Dumbledore : non ! C'est vrai quoi : son amant n'avait pas à faire des réunions de famille dans ses appartements.

En plus, c'était très gênant : il entre, il se croit tout seul… il aurait aussi bien pu se gratter le derrière !

« Pendant que nous y sommes : Drago, tu as quelqu'un à me présenter toi aussi ?

— Pas pour le moment. »

Albus regarda chaque personne tour à tour et décida que sa présence n'était plus indispensable ; il était temps pour lui de se retirer.

« Je m'en vais », annonça-t-il. Lucius se leva immédiatement et s'approcha de lui alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la porte.

« Albus, je tenais à vous dire qu'au moins aujourd'hui, j'ai été heureux que vous soyez mon père. Merci de ce que vous avez dit.

— Je le pensais, tu sais. Je serais très fier que tu portes mon nom.

— Permettez-moi de refuser : je tiens au mien.

— Je sais cela. De plus, Vindegral a changé d'attitude, ce ne serait pas un coup à lui faire après le changement de pensée si rapide qu'il vient d'effectuer. Et puis… tu accéderas bien à la place à ma seconde requête.

— A savoir ?

— Voudrais-tu me tutoyer ?

— Accordé.

— J'aurais une troisième requête.

— Laquelle ?

— Verrais-tu un inconvénient à m'appeler "Papa" ?

— Ne m'en demandez pas trop, répondit Lucius, plutôt amusé.

— Tu as dit que tu me tutoierais !

— Ne m'en demande pas trop, rectifia Lucius, surtout que c'est déjà difficile de vous tutoyer… de te tutoyer. Je manque d'entraînement.

— Je me contenterai donc de cette familiarité pour le moment. » Albus lui posa une main sur l'épaule en disant ces mots. Lucius hésita, il jeta un regard en arrière. Drago discutait avec son grand-père, Severus s'avançait vers eux : il allait leur cacher la vue.

« Si vous répétez ça à qui que ce soit : personne ne vous croira ! » prévint-il avant de se serrer contre lui. Albus l'entoura de ses bras et sentit ses yeux devenir humides. Fallait-il qu'il lui ait fait plaisir pour qu'il s'autorise à faire une chose pareille !