Mon père, ce…

Par Maria Ferrari

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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.

Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter

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—Chapitre 17 – Mise au point—

« ça s'est bien passé ton rendez-vous ? » demanda Hermione, souhaitant de tout cœur que la réponse serait positive.

Cette question délicate n'avait pas encore été abordée. Elle n'avait pas osé en parler aux Trois Balais, il y avait trop de monde. Elle avait dû se résigner à attendre d'en être sortie. Sans compter qu'elle avait eu du mal à trouver une approche adéquate : le visage d'Harry ne laissait pas deviner s'il voulait en parler ou pas. Quant à Ron, il était inutile d'attendre un quelconque secours de sa part, il semblait en effet avoir jugé que le mieux était de ne pas en parler. Elle avait profité de leur traversée du domaine de Poudlard, désert à cette heure, pour prendre une grande inspiration et poser la question qui lui brûlait les lèvres.

« Oui, y répondit sincèrement Harry.

— Bien ! conclut laconiquement l'adolescente en entrant dans le château.

— ça veut dire que c'est ton… petit ami ? demanda Ron, souhaitant de tout cœur que la réponse serait négative.

— Peut-être bien… faut voir. »

Ron retourna à son silence ; sa brillante argumentation contre le fait de sortir avec Drago Malefoy n'avait rien donné avant le rendez-vous, elle fonctionnerait d'autant moins après alors qu'il semblait s'être bien passé, du moins selon l'aveu d'Harry – peut-être Malefoy ne serait-il pas de cet avis ?.

« C'est quoi ces bruits ? demanda brusquement Hermione en s'arrêtant.

— On dirait que quelqu'un souffre, précisa Ron.

— Venez ! » commanda Harry alors que son côté "sauveur du monde" reprenait le dessus. Il ouvrit la porte de la grande salle d'où semblaient venir les gémissements de douleur. Ceux-ci cessèrent juste avant qu'ils entrent.

« Que se passe-t-il ici ? s'exclama Hermione.

— Remus, est-ce que ça va ? » s'assura Harry, très anxieux devant la scène qui s'offrait à lui : les professeurs de défense contre les forces du mal et de potion se défiaient, baguettes en main.

« C'est quoi ces bruits de lutte ? demanda Ron.

— Black et Julius se cognent dessus, répondit Drago, nullement ému.

Quoi ? » cria Harry en se précipitant dans l'unique but de secourir son parrain.

~oOo~

Lucius releva le nez de son livre, vaguement triste. Quel était l'intérêt de venir en ce lieu s'il ne pouvait y entendre le bruit de la plume de Severus et ses commentaires acides concernant la cancrerie abyssale et récurrente des élèves de Poudlard ?

Ça lui manquait.

Il se leva dans la ferme intention de poursuivre sa lecture auprès de l'être qu'il chérissait.

-

Lucius sortit en prenant soin de verrouiller la porte d'un sort bien ajusté. Il se tourna ensuite et tomba nez à nez avec Pansy. C'était incroyable ce que cette gamine avait grandi depuis l'époque où elle donnait des coups de pelle à Drago dans le bac à sable ; pour un peu, elle serait plus grande que lui.

« Bonjour Monsieur Malefoy ! salua la jeune fille.

— Bonjour Pansy.

— Bonjour », firent en chœur Crabbe et Goyle qui accompagnaient l'adolescente. Lucius ne leur répondit pas, son attention accaparée par le regard de Pansy qui s'était soudainement assombri de suspicion.

« N'est-ce pas le bureau du Professeur Rogue ? demanda-t-elle innocemment.

— Heu… si, bredouilla Lucius.

— C'est bien ce qu'il me semblait, dit-elle avec un hochement de tête. C'est incroyable ce qu'on vous a vu souvent par ici dernièrement », reprit-elle.

Lucius déglutit, cherchant une réponse à donner, mais Pansy, fort heureusement, changeait déjà de sujet. Il analysa rapidement que la bougresse avait déjà compris à quoi s'en tenir, qu'elle avait juste cherché à le mettre mal à l'aise quelques secondes pour bien lui faire comprendre qu'elle avait deviné sa relation intime avec son professeur et, éventuellement, qu'elle pourrait s'en servir contre lui.

« Nous cherchons Drago, vous ne l'auriez pas vu ?

— Il est avec Severus… » Rogue, Rogue, Rogue, il faut dire Rogue, ça lui paraîtra moins suspect. Trop tard… Lucius, arrête de voir des problèmes là où il n'y en a pas, tu l'as toujours appelé Severus. Et de toute façon, elle a déjà compris, alors qu'est-ce que ça peut faire ? Et ce n'est pas les fils Crabbe et Goyle qui vont déduire quoi que ce soit de l'emploi d'un prénom. « … dans la grande salle… en train d'étudier. D'ailleurs, je m'y rendais. »

~oOo~

Un spectacle inattendu s'offrit à Lucius et aux trois Serpentard une fois arrivés à destination ; ils en restèrent tous quatre cois sur le pas de la grande porte. Jugez-en plutôt : le visage de Remus Lupin était rouge vif, deux oreilles de cocker pendaient de chaque côté de sa tête et une queue poilue sortait de dessous sa robe. Quant à Severus Snape, il ne valait guère mieux, bien au contraire, car une énorme pomme de terre trônait à l'endroit où se trouvait habituellement son nez et du persil ressortait par ses oreilles, ses cheveux étaient plus gras qu'ils ne l'avaient jamais été et sa robe était à présent aussi rapiécée que celle de son collègue. Bref, l'allure générale des deux adversaires laissait à désirer.

De leur côté, Sirius Black et Julius Rogue se battaient toujours pendant que Ron et Harry essayaient désespérément de les séparer, se récoltant quelques coups au passage. Hermione et Drago – qui, décidément, ne trouvait plus ça drôle –, tous deux l'air désabusé et sachant pertinemment qu'il ne servait à rien de vouloir raisonner qui que ce fut pour l'instant, s'étaient rangés dans un coin et attendaient que les esprits se calment… en espérant qu'aucun sort perdu ne vienne les heurter ; ils en avaient déjà esquivé trois pour l'instant.

Lucius se sentait horrifié et vaguement scandalisé : outre que cette scène signifiait qu'il pouvait remiser ses beaux projets de lecture auprès de son aimé, force était de constater que Severus était défiguré et absolument ridicule dans cette tenue, ce qui était totalement inadmissible. Il dégaina sa baguette, bien décidé à remettre de l'ordre dans tout cela.

« Statu Quo », murmura-t-il en la pointant vers son amant. Le nez reprit sa forme initiale, le persil disparut des oreilles et la robe fut de nouveau impeccable.

Voilà qui était mieux.

« Metachat ! » fit alors Remus. Des oreilles félines poussèrent sur la tête de Severus, tandis qu'une queue se frayait un chemin pour sortir de sous la robe. Lucius se prit une seconde pour constater que ces accessoires donnaient un genre sauvage à son amant avant de juger qu'il le préférait tout de même quand il était intégralement humain.

« ça suffit ! Que se passe-t-il ici ? » demanda-t-il d'une voix forte.

Les seules réponses vinrent de Ron et Harry qui relevèrent leurs nez (dont l'un saignait) et de Drago, Hermione, Vincent, Gregory et Pansy qui s'étaient tous réfugiés ensemble dans un coin de la salle.

Bref, il n'avait pas attiré l'attention des personnes visées. Parler ne servait à rien, il valait mieux agir. D'un geste empreint d'élégance et de fermeté, il saisit sa canne des deux mains et en sortit sa baguette :

« Immobilis. » Lupin se retrouva paralysé.

« Oh ! Excellente idée ! » assura Severus, jubilant soudainement. Puis, il se dirigea vers Remus et se mit à lui dessiner des moustaches avec sa baguette en chantonnant à la grande surprise de Lucius qui trouvait cette attitude indigne de lui.

« Severus, arrête tes enfantillages. Je peux savoir ce qui t'arrive ?

— Rien, je me venge. Je me venge de ce qu'il a dit sur mon frère. Je me venge de tout ce que m'a fait subir sa sale petite bande durant mon adolescence. Je…

— Severus, c'est loin tout ça et tu es ridicule à te comporter comme un môme – surtout, ça ne te ressemble pas – ; qu'est-ce qu'il a dit sur ton frère ?

— Il a dit que c'était un malade. »

Lucius se tourna vers Remus – toujours condamné à une immobilité forcée et rendu grotesque par les dessins – et forma silencieusement les mots « Je suis d'accord » sur ses lèvres. Bien qu'il ne l'ait pas vu faire, Severus parut soudainement très las. Il arrêta ses dessins et laissa tomber son bras ; il partit s'asseoir sur un banc, épuisé moralement. Quelque chose hurlait au fond de son être que Lupin n'était peut-être pas loin de la vérité.

Cela lui faisait mal.

« Je lui ai beaucoup manqué, c'est tout, s'encouragea-t-il à penser à voix haute.

— Ne te mine pas le moral pour ça, vint lui dire Lucius. Et depuis quand te préoccupes-tu de l'avis de… »

Un grand fracas vint l'interrompre. Black avait volé au-dessus de la table et s'était écrasé de l'autre côté. Il se releva avec une grimace de douleur. Du sang maculait ses habits, ses mains et son visage. Julius avait une force insoupçonnée.

« ça va tourner au drame, 'faudrait peut-être intervenir », proposa (judicieusement) Crabbe. Il regarda ses voisins. Ceux-ci hésitèrent puis hochèrent affirmativement la tête, Hermione la première.

~oOo~

Dumbledore et McGonagall venait de rentrer à l'intérieur de Poudlard. Ils avaient profité de la sortie hebdomadaire des élèves pour aller se promener et se disposaient maintenant à retourner chacun à leurs appartements. Albus eut alors une idée charmante :

« Et si nous allions nous prendre un petit thé avant le dîner, Minerva ?

— Ce sera avec grand plaisir, Albus… Qu'est-ce que c'était que ça ?

— Quoi donc ?

— J'ai cru entendre des gens se battre.

— Je n'ai pas fait attention… par où ?

— Par là. »

Dumbledore emboîta le pas du professeur de métamorphoses. Lorsqu'ils pénétrèrent dans la grande salle, ce fut pour trouver un certain nombre de Serpentard et de Gryffondor en train de se battre à la "Moldue". Au milieu de la mêlée, quelques Poufsouffle et Serdaigle égarés cherchaient à ne pas se prendre trop de coups.

Dumbledore fit fonctionner sa magie et en quelques instants, le calme était rétabli et les élèves devenus sages. Même Black et Julius avaient été contraints de s'arrêter.

« Je ne veux même pas savoir ce qui s'est passé ! Tous ceux qui se trouvent dans la pièce sont en retenue jusqu'à nouvel ordre ! » cria Dumbledore, furieux.

Un doigt s'éleva alors.

« Oui ? » demanda Dumbledore d'une voix de nouveau douce. Sa colère avait été aussi courte que soudaine.

Au bout du doigt se trouvait Lucius Malefoy qui intercala sa tête entre celles de deux élèves.

« Je ne sais pas ce que les deux professeurs présents en pensent. Mais est-ce valable aussi pour les parents d'élèves ? J'ignorais qu'on sanctionnait leurs écarts de conduite. »

Albus prit son temps avant de répondre.

« Je me demande si un amendement au règlement n'est pas envisageable sur ce point, dit-il d'un ton faussement sérieux.

— A votre place, j'irais encore plus loin : je supprimerais les retenues pour les élèves. Après tout, si un élève est un cancre, c'est que son professeur ne sait pas enseigner. S'il est mal élevé, violent ou je ne sais quoi d'autre, c'est que ses parents l'ont mal éduqué. Pourquoi blâmer les élèves ? Les fautifs sont bien les parents et les professeurs. Mettons-les en retenue !

— Vous voyez Minerva : Je serais tenté de croire qu'il se moque de moi.

— Le contraire serait étonnant », répondit McGonagall d'un ton pincé. Elle ne trouvait pas que le spectacle qu'ils avaient découvert méritât qu'on en plaisante.

« J'ai une question, intervint Drago. Vous avez dit « Tous ceux qui sont dans la pièce sont en retenue », mais le professeur McGonagall et vous-même êtes dans la pièce.

— Moi aussi, j'ai une question, fit Pansy. C'est seulement si on se trouve dans la pièce qu'on est en retenue ?

— Alors, on sort de la pièce ! » s'exclamèrent Pansy et Drago en chœur avant de s'exécuter. Crabbe et Goyle s'empressèrent de les suivre. McGonagall les retint tous les quatre d'un coup de baguette magique. Albus parut plutôt amusé par l'intermède, les réactions atypiques et culottées des Serpentard l'avaient souvent fait rire.

« Je n'ai jamais été doué pour donner des retenues. C'est pour ça qu'habituellement, je n'en donne jamais », confia-t-il à Minerva. Cette dernière se retint de lever les yeux au ciel.

« Je pense à une chose, commença Pansy après avoir réfléchi à ce qu'avait dit Lucius et établi une nouvelle stratégie pour échapper à la retenue promise. Si les parents sont fautifs et méritent d'être sanctionnés, est-ce que les grands-parents ne devraient pas l'être eux aussi ? Parce que si les parents éduquent mal leurs enfants, c'est sûrement qu'ils suivent l'exemple que leurs propres parents leur ont donné.

— Elle n'oserait pas faire référence à ma paternité tout de même ? chuchota Albus, toujours amusé. Bien, laissons tomber cette histoire de retenue, reprit-il à haute voix. Tous ceux qui ont moins de vingt ans sont priés de quitter la salle – rendez-vous à l'infirmerie si besoin est –, j'aimerais avoir une discussion avec les adultes », commanda-t-il après avoir avisé l'état dans lequel se trouvait Severus, Remus, et surtout, Julius et Sirius. Il s'était appliqué à mettre de l'enjouement dans sa voix pour formuler sa demande, pour faire croire aux élèves qu'il n'y avait rien de grave, qu'il contrôlait la situation.

En vérité, il était extrêmement inquiet.

-

Autant commencer par ce qui paraissait le plus simple. Et aussi par le point de vue qui aurait le plus de chances d'être objectif au vu des circonstances. Albus s'approcha de son fils.

« Apparemment, tu n'as rien, dit-il à voix basse.

— Je vous… te confirme : je vais très bien.

— C'est toujours ça… Tu parais être le seul rescapé.

— Je suis arrivé en cours de "discussion".

— Tu sais ce qui s'est passé ?

— Hé bien, Lupin a dit à Severus que son frère était un… malade, informa Lucius en baissant encore plus la voix sur le dernier mot, de peur que son amant l'entende. Et comme Severus est à fleur de peau dès qu'il s'agit de son frère, et qu'en plus cette insulte venait de Lupin – ça n'aurait pas pu être pire… sauf si elle était sortie de la bouche de Black évidemment –, je pense qu'il a tout de suite explosé. Donc, voilà pour Severus et Lupin, par contre, je n'ai pas l'honneur de connaître la cause exacte de la bagarre Moldue entre Julius et Black.

— Connaissant les habitudes de Sirius dès que Severus est dans les parages et le tempérament protecteur et emporté de Julius, je devine ce qu'il en est. Enfin ! J'ai calmé les esprits… mais uniquement de manière magique… or, il faudrait que cela dure.

— Il faut que Julius se fasse soigner, murmura Lucius d'un air décidé. Mais surtout, ne dites pas à Severus que c'est mon idée. Quoique, je crois qu'il commence à se rendre compte que son frère est un peu trop attachant pour être parfaitement sain d'esprit. »

Une ride soucieuse plissa le front de Dumbledore.

« Je vais dire un petit mot à Sirius pour lui demander d'arrêter ses provocations. Quant au reste…

— Non, ne comptez pas sur moi, répondit Lucius avant que la question ne soit posée. Mes rapports avec Severus ont été sérieusement compliqués depuis l'arrivée de Julius ; si, en plus, il faut que ça soit moi qui explique à Severus que son frère…

— Tu pourrais y mettre un peu du tien. Je pense que Severus le prendrait mieux de ta part que de la mienne.

— Severus a pris une place importante dans ma vie. Je ne veux pas risquer de tout briser pour une bêtise.

— Je comprends… à part ça, quand décides-tu de me tutoyer à plein temps ? » demanda Albus afin de dédramatiser la situation. Lucius lui adressa un léger sourire et un haussement d'épaules pour toute réponse. « Je vais parler à Sirius. Tu parles à Severus ? » demanda Albus, plein d'espoir. Lucius prit un air sévère. « Prépare le terrain au moins. Je ne te demande pas de lui annoncer qu'on doit mettre son frère à l'asile.

— Je vais voir ce que je peux faire.

— Merci. »

~oOo~

« Sirius, je veux que vous cessiez d'importuner Severus. Il a bien assez de son frère à gérer ; et vos querelles d'adolescents n'ont que trop duré ! »

Assis sur un des lits de l'infirmerie, Sirius aurait bien protesté mais Pomfresh était actuellement en train de réparer sa physionomie. Les soins étaient minutieux et Sirius tenait à retrouver son charme dévastateur au complet. Donc, il se taisait et restait parfaitement immobile.

« De plus, sachez que je n'ignore pas que dans l'éternel conflit qui vous oppose, Severus a beaucoup plus subi que participé. Vous ne croyez pas que vous pourriez un peu le laisser tranquille ? »

Sirius avait beaucoup de mal à ne pas réagir tellement les paroles du directeur lui semblaient injustes, mais il se contint. Albus se tourna vers Remus.

« Pourrez-vous faire en sorte d'aider Sirius dans cette voie ?

— J'essaierai.

— Bien… Remus, je sais que Julius a un problème, mais vous seriez gentil de ne pas le faire remarquer à Severus… surtout en termes trop crus.

— Ecoutez, je sais que Sirius ne brille pas par son tact ou par sa maturité… »

Sirius s'agita sur son lit.

Coup bas !

De la part d'un ami en plus !

« Si vous voulez finir défiguré à vie, n'agissez pas autrement, menaça Pomfresh, exagérant un brin.

— Mais Julius est violent, poursuivit Remus. Peu importe ce qu'a dit Sirius, aucun être équilibré n'agirait comme il l'a fait. On ne doit pas continuer comme ça sous le simple prétexte que dire la vérité cause de la peine à Severus.

— Il n'est pas question de continuer ainsi. Je m'en charge. Je vous prie juste de ne pas vous en mêler. »

~oOo~

« Tu es sûr que tu ne veux pas aller à l'infirmerie ? Je ne suis normalement pas qualifié pour faire ce genre de choses.

— Tu t'en sors très bien », assura Julius ; et c'était vrai. D'ailleurs, Severus avait parfaitement conscience qu'il était capable de soigner son frère sans l'aide de personne. En fait, il aurait simplement préféré que Pomfresh le fasse car cela lui aurait permis d'être un peu seul avec Lucius.

Tant pis, il ferait avec.

Il termina de guérir ses plaies et lui conseilla d'aller se changer, lui assurant qu'il s'occuperait de ses habits déchirés et tâchés de sang plus tard.

Dès que Julius fut passé dans l'autre pièce, Severus se rapprocha de son amant.

« Lucius, parle-moi franchement : que penses-tu de Julius ? » demanda-t-il à voix basse.

Lucius avala sa salive, redoutant de s'exprimer avec franchise. Il n'était pas rare que les gens détestassent qu'on leur parle ainsi, même lorsqu'ils l'avaient expressément demandé.

« Hé bien, il est gentil, plein de bonne volonté…

— Je t'ai demandé d'être franc. »

Puisqu'il insistait…

« Disons que, par moment, je le trouve un peu… excessif.

— Dans un domaine précis ?

— Dans l'amour qu'il te porte, répondit Lucius après une légère hésitation.

— C'est plutôt une bonne chose, non ? demanda Severus, sachant pertinemment qu'il disait quelque chose de faux mais souhaitant inconsciemment que Lucius le soutienne dans son mensonge.

— Non », répondit laconiquement son amant.

La lassitude gagna Severus à cette réponse. Il se laissa tomber sur le canapé.

« Qu'est-ce que je devrais faire à ton avis ?

— Tu devrais essayer de lui parler, lui dire que tu l'aimes, que tu comprends parfaitement que tu lui aies manqué, mais que tu as une vie et que son amour devient trop étouffant.

— Je ne veux pas lui faire de peine. Sans lui, je…

— Je sais, interrompit Lucius. Mais tu ne dois pas te gâcher la vie sous prétexte que tu estimes lui devoir quelque chose. D'ailleurs, je ne pense pas que ce soit le but de ton frère. Il ne se rend pas compte de ce qu'il fait. Il croit t'aider, il pense te protéger. Explique-lui que tu n'en as plus besoin. »

Le regard de Lucius changea de direction et il se tut. Severus comprit que son frère avait fini de se changer et qu'il était revenu. Il prit une profonde inspiration.

Julius passa de l'autre côté du canapé. Severus le regarda. La ressemblance entre eux deux n'était pas frappante, en dehors de leur regard : ils avaient exactement les mêmes yeux noirs.

« J'aimerais te parler de quelque chose.

— Vas-y, invita Julius en s'asseyant.

— Je… j'ai parfaitement conscience que tu m'aimes et que je t'ai manqué ; et crois-moi, c'est réciproque. Je voulais aussi te dire que je suis heureux de te savoir à mes côtés, mais… j'ai une vie en dehors de toi et j'aimerais que tu la respectes. J'aimerais aussi que tu aies une vie à toi.

— C'est lui qui cherche à t'éloigner de moi ? demanda Julius en désignant Lucius d'un coup de menton.

— Lucius n'y est pour rien.

— Bien sûr que si ! C'est lui ta vie en dehors de moi.

— Non, ce n'est pas que lui. Je suis professeur, j'ai des cours à tenir, des copies à corriger, je dois aussi m'occuper de la maison Serpentard. Et il y a aussi des moments où j'ai tout simplement envie d'être seul.

— Je sais très bien que c'est pour être avec lui que tu veux m'éloigner. »

Julius se leva et commença à avancer vers Lucius ; ce dernier ne put s'empêcher de reculer d'un pas.

« Si tu lui fais le moindre mal, tu n'as plus qu'à partir. »

Julius tourna un regard étonné vers son frère.

« Black, c'est une chose. Mais si tu frappes Lucius, je ne veux plus jamais entendre parler de toi, insista Severus.

— Tu l'aimes plus que moi, conclut tristement son frère.

— Non, je l'aime d'une façon différente. Je l'aime comme tu as aimé Ana à une époque et comme elle t'a aimé. Elle t'aime toujours d'ailleurs. Je sais que tu te souviens à peine d'elle et pourtant tu l'as marquée à jamais », fit Severus, tentant de dévier la conversation. Si seulement Julius pouvait avoir un autre centre d'intérêt que lui, une bonne partie du problème serait résolu.

« S'il t'aime tant que ça, pourquoi le cache-t-il ?

— Pardon ?

— Pourquoi gardez-vous votre relation secrète si vous vous aimez ?

— C'est un choix ! Un jour, nous l'avouerons sûrement, mais nous préférons pour l'instant le garder secret pour être tranquilles. »

Julius paraissait à court d'arguments. Après un court silence, il reprit : « Il t'aime, c'est vrai. Mais l'autre ne t'aime pas.

— Quel autre ?

— Le brun insultant, il ne t'aime pas.

— Black ? Je sais bien qu'il ne m'aime pas.

— Tout ce qu'il veut, c'est coucher avec toi », fit Julius, méprisant et furieux. Le simple fait de se rappeler le désir de Black l'énervait.

« Pardon ? fit Lucius.

— Rien, coupa Severus, désireux de passer outre ce délicat sujet.

— Sirius Black a envie de coucher avec toi ? demanda son amant.

— J'ai dit que ce n'était rien.

— Comment ça "rien" ? J'apprends que…

— J'ai déjà assez de Julius à me jouer ce numéro-là ! s'écria Severus. Si tu commences toi aussi à jouer les possessifs, je vais devenir fou ! Black ne représente rien pour moi, ces fantasmes ne me font ni chaud ni froid !

— Tu ne me supportes plus ? demanda Julius, tirant les conclusions de ce que venait de dire Severus.

— Ce n'est pas ça, s'en voulut Severus. Cela devient juste trop… contraignant. Je ne suis plus un enfant, tu n'as plus besoin de veiller sur moi comme tu le faisais auparavant. Je suis capable de me protéger tout seul. »

Julius regarda son frère durant quelques secondes avant de baisser les yeux.

« Bien… je suppose que tu préfèrerais que j'ai mes propres appartements ?

— Oui.

— Dans… dans un premier temps, je vais rester à Poudlard, mais je vais voir ce que je peux faire de moi, et je déménagerai. »

Le regard de Julius faisait songer à celui d'un chien battu ; le ventre de Severus se tordit.

« Ce n'est pas pressé. Ne pense pas que je te chasse. D'ailleurs, je veux qu'on se promette une chose l'un à l'autre : qu'on se verra au moins une fois par semaine.

— D'accord, approuva Julius, un peu rassuré, mais je pourrai te voir plus que ça ?

— J'ai dit "au moins une fois".

— Bien, fit Julius dans un sourire, je vais aller voir le Vieux pour lui demander s'il peut me prêter une chambre. »

Sur ces mots, il sortit.

« Il appelle Dumbledore "le Vieux" ! s'exclama alors Lucius d'un air réjoui. Je savais que j'étais loin d'être le seul à le nommer ainsi… mais je n'aurais jamais osé le faire à haute voix.

— Lucius, je te rappelle que c'est de ton père qu'il s'agit. Tu pourrais éviter de lui manquer de respect, sermonna Severus, plus amusé qu'autre chose.

— Tu es obligé de me le rappeler ?

— Oui. Dumbledore est si content d'avoir un fils aussi beau que toi, tu ne veux pas lui gâcher son plaisir en continuant à l'appeler par son nom ou pire "Le Vieux" ?

— Honnêtement, je m'en contrefiche.

— Bien sûr ! ça te ferait mal d'avouer que d'avoir Dumbledore comme père ne te déplait pas. Pourtant, j'ai remarqué que tu es particulièrement aimable avec lui depuis que tu as appris qu'il était ton géniteur. »

Lucius secoua la tête d'un air amusé.

« J'ai du respect pour son grand âge, c'est tout.

— Tu ne l'avais pas avant ce "respect". J'ai repéré votre manège, Monsieur Lucius Malefoy. Vous vous êtes trahi : vous adorez l'idée d'avoir Dumbledore pour père et vous rêvez de pouvoir l'appeler "Papa", seule votre dignité vous en empêche. »

Lucius éclata de rire. Il était content de voir Severus aussi détendu, il ne l'avait jamais vu comme ça auparavant. Cela faisait du bien après la scène à laquelle il venait d'assister (sans compter la bagarre de la soirée).

« Il me vient une idée.

— Laquelle ?

— Est-ce que tu ne pourrais pas tutoyer Dumbledore – tout le temps, je veux dire – et l'appeler "Papa" ?

— Pourquoi veux-tu que je fasse une chose pareille ?

— Je suis sûr que le directeur céderait à tous les caprices de son fiston si les caprices en question commençaient toujours par un doux "Papa".

— Où veux-tu en venir ? demanda Lucius, intrigué.

— Tu ne voudrais pas lui demander une augmentation pour l'homme de tes pensées ?

— Pour quoi faire ? Je suis riche, tu as tout l'argent que tu veux à ta disposition.

— Et mon indépendance ?

— Quelle indépendance ? Moi, je suis devenu dépendant de toi depuis quelques temps, je ne vois pas pourquoi la réciproque serait fausse. Ce serait parfaitement injuste ! D'ailleurs, puisqu'on parle, j'ai été particulièrement en manque durant ces derniers jours.

— Pour être franc, moi aussi. »

Severus s'approcha de son amant et l'embrassa sur les lèvres.

« Je te rappelle la règle : "celui qui réclame tient le rôle de la femme".

— Comment ça "Tu me rappelles" ? C'est la première fois que j'entends cette règle ! protesta Lucius.

— Hé bien, je te conseille de la retenir. Bon, ton "j'ai été particulièrement en manque" signifie clairement que c'est toi qui as réclamé.

— Tu as avoué que ça t'avait manqué à toi aussi.

— Certes, mais je l'ai dit après.

— D'accord, d'accord ! C'est bon pour cette fois », accepta Lucius de bonne grâce. En vérité, être dans cette position ne lui déplaisait pas. « Mais je te garantis que tu me le paieras », ajouta-t-il pour la forme.

~oOo~

« ça a été plutôt facile finalement, jugea Severus.

— Bien sûr ! C'est loin d'être la première fois que je tiens, comme tu le dis si joliment, "le rôle de la femme".

— Je te parlais de Julius, idiot !

— Je n'y pensais plus du tout à celui-là.

— Il faut dire que j'ai tout fait pour que tu penses à autre chose.

— Et tu y es parvenu haut la main, félicita Lucius en collant sa bouche contre celle de Severus. C'est quoi ces bruits ? demanda-t-il, rompant soudainement le baiser.

— Julius a dû revenir.

— Ce n'était pas fermé ? Est-ce que, de temps en temps, nous pourrions fermer cette fichue porte quand nous faisons l'amour ? proposa Lucius, se rappelant la fois où Dumbledore avait surgi alors qu'ils s'apprêtaient à consommer leur passion.

— C'était fermé, mais Julius connaît le mot de passe qui déverrouille la porte.

— Ah oui, c'est vrai… il faudra penser à changer le mot de passe dès qu'il aura un autre appartement.

— Severus, tu es là ? fit la voix de Julius de l'autre côté.

— Nous avons parlé trop fort, il nous a entendus, constata Severus, catastrophé.

— Et c'est grave ? demanda son amant.

— Severus, tu... commença Julius en entrant dans la chambre. Il resta coi en voyant son frère et Lucius nus dans le lit.

— Et merde, murmura Malefoy en voyant l'expression du visage de son "beau-frère".

— Julius, ne t'énerve pas, prévint Severus.

— Je sors une heure et vous en profitez pour...

— Et alors ? Nous nous aimons. C'est le genre de choses que font ensemble les personnes qui s'aiment, expliqua Severus.

— Je ne supporte pas l'idée que quelqu'un puisse te faire des… des choses !

— En l'occurrence, c'est plutôt à moi qu'on… intervint le blond.

— Lucius ! coupa sèchement Severus.

— Pour ce que j'en disais… marmonna l'interrompu.

— Je ne peux pas accepter que mon Bébé fasse… » commença Julius avant que des larmes perlent à ses yeux.

Lucius se passa les mains sur le visage ; une lassitude profonde le gagnait.

~oOo~

« Il faut se rendre à l'évidence. Pour lui, le temps s'est arrêté il y a trente ans. Tu as beau avoir grandi, tu restes un enfant à ses yeux », murmura Lucius à l'oreille de son amant. « ça lui a vraiment fichu un coup de voir la preuve de ta sexualité. »

Julius était assis sur le canapé, non loin d'eux. Ses coudes étaient posés sur ses genoux. Son regard était vide, hagard.

« Qu'est-ce que je peux faire ?

— Rien. Tu lui as déjà dit tout ce qu'il y avait à dire. J'ai d'ailleurs eu l'impression qu'il avait accepté le fait que tu sois un adulte, mais le choc de nous voir nus et ensemble a été trop rude. Tu es son bébé, comment pourrait-il accepter que son bébé fasse l'amour ? Cette idée le rend malade, alors de le constater de visu ! La seule chose qu'on peut faire, c'est attendre… et lui conseiller d'aller voir un psy.

— Bébé est mort », affirma Julius, sortant de sa torpeur.

Cette phrase fit l'effet d'une douche froide à Severus.

« Je ne suis plus l'enfant que tu as connu, mais je suis bien vivant. »

Julius le regarda comme s'il s'agissait d'un inconnu. Il se leva, termina de rassembler ses affaires et sortit.