Mon père, ce…

Par Maria Ferrari

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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.

Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter

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—Chapitre 21 – Réception au Manoir (première partie)—

Drago se brossait consciencieusement les dents, un peu trop consciencieusement d'ailleurs puisqu'il se fit saigner la gencive. Il jura et ouvrit grand la bouche pour que la plaie cicatrise plus vite. Foutues gencives fragiles, il n'aurait pas dû arrêter de prendre sa potion fortifiante ; il détestait son goût aigre.

Cette soirée ne serait pas comme les autres, Drago en était convaincu. Ce n'était pas la première fois que son père organisait une réception – il le faisait même régulièrement –, mais Drago devinait que celle-ci était différente, ce pour plusieurs raisons.

La plus significative était sans doute qu'il ait eu le droit d'y inviter Harry, ainsi que tous ceux qu'il désirait – son père lui avait toutefois préciser d'être raisonnable dans le nombre de ses invités, le manoir est vaste et ils avaient les moyens, mais il ne fallait tout de même pas exagérer… et les invités de ses parents primaient. Si Lucius l'avait autorisé à inviter qui lui plaisait, y compris Harry Potter – qui ne plaisait pas à Lucius –, c'était qu'il tenait à ce que son fils ait tout pour être satisfait.

L'identité des invités de son père était aussi à considérer pour se rendre compte de la particularité de cette soirée ; leur liste était longue et particulièrement remarquable. Passons sur les éternelles relations de "travail" et les invités habituels ; son père – fait exceptionnel – avait convié toute sa famille. Vraiment toute. Ses sept sœurs déjà, de l'aînée à la cadette : Carmenita, Lazza, Nina, Magdalina, Rosa, Martha et Sania ; il s'était montré particulièrement insistant auprès de celles qui étaient prises afin qu'elles se libèrent, tout en refusant de leur révéler la raison de cette obstination. Quelle qu'elle fut, cela devait être particulièrement important pour qu'il tienne tant à ce que tous ses "proches" soient présents.

Il avait dit à ses sœurs d'amener leurs compagnons… ou compagnes – Drago avait appris à cette occasion que Sania aimait les femmes ; décidément, son arrière-grand-père était gâté –, ainsi que leurs enfants, voire petits-enfants – l'aînée avait un fils qui était plus vieux que son "oncle Lucius" et qui lui ressemblait de façon frappante ; celui-ci était père de deux filles, l'une de vingt ans, née lors d'un premier mariage, l'autre de cinq ans, issue de sa liaison actuelle.

Son arrière-grand-père Vindegral serait présent lui aussi, soucieux de montrer sa bonne volonté à ses descendants. Il pensait désormais qu'il ne devait pas se limiter à leur léguer sa fortune mais aussi son affection, et qu'il était plus utile – et terriblement plus aisé – de le faire de son vivant. Sa femme Carmenita (Cristina avait donné le nom de sa mère à sa fille aînée) serait présente. Drago n'avait pas vu souvent son arrière-grand-mère ces dernières années, mais il se souvenait que c'était une femme très douce et très attentionnée avec les enfants, il aimait beaucoup passer certains après-midi chez son arrière-grand-père grâce à elle – le Grand-père Vindegral lui donnait plutôt envie de fuir cette maison, mais Mamy Carmenita était si gentille –, il n'avait pu – hélas – continuer ainsi : Carmenita, de constitution fragile, avait donné de l'inquiétude aux médicomages qui lui avait recommandé le plus grand calme et beaucoup de repos. Vindegral, qui tenait beaucoup à sa femme sous ses dehors rudes, avait demandé à Lucius de ne plus laisser son fils en garde chez eux ; Drago était un enfant de huit ans beaucoup trop remuant pour la santé de sa grand-mère. Elle s'était remise de sa maladie et avait proposé à Drago de recommencer comme avant, mais à ce moment-là, il s'était jugé trop âgé pour aller passer ses après-midi chez ses grands-parents. Depuis, ses visites s'étaient espacées.

A cette évocation, Drago se sentit honteux.

Mais laissons la honte de côté et terminons-en avec cette famille au grand complet : Cristina serait là, elle aussi. Et pas toute seule encore ! Igor Karkaroff l'accompagnerait. Son père avait eu l'air particulièrement contrarié à ce sujet. Il avait glissé à sa mère « Si elle commence à être stable à présent… » en levant les yeux au ciel. Drago avait ri… ce qui lui avait coûté un regard particulièrement ombrageux de Lucius.

L'arbre généalogique des Malefoy aurait mérité qu'on y consacre un livre. Peut-être le ferait-il s'il en avait le temps… quand il serait aux Beaux-arts. Afin de distraire les étudiants des arts plastiques, il existait dans l'école une section littérature où les élèves pouvaient s'y exercer en dilettantes, ou simplement se divertir. Si Drago était avant tout attirer par la peinture, l'idée de laisser son empreinte dans l'écriture le tentait fort ; il trouvait qu'il avait un bon style et savait bien jouer avec les mots. Restait à savoir s'il serait capable d'écrire un livre entier, ce dont il doutait ; néanmoins, avec un sujet comme les Malefoy, comment ne pas être inspiré ?

Un des noms de la liste des invités de son père n'avait pas manqué d'attirer son regard, un invité qu'on pouvait d'ailleurs légitimement considérer comme faisant partie de la famille, car, oui, Albus Dumbledore, directeur de Poudlard et père naturel de Lucius Malefoy, figurait sur cette fameuse liste.

Il y avait cependant une chose qui ne manquait pas d'intriguer Drago à propos de cette liste ; ce n'était pas tant les noms qui y figurait – même si la présence de certains était pour le moins remarquable –, mais plutôt celui qui n'y figurait pas et qui brillait par son absence : le nom de Severus Rogue.

C'était étrange, d'autant plus étrange que tous les autres professeurs de Poudlard étaient invités… ainsi que Julius ! Drago avait interrogé son père à ce sujet, mais il était resté aussi impassible que muet. L'adolescent était resté tout seul avec ses questions dont la plus angoissante était « Mon père n'aurait quand même pas osé plaquer un homme aussi fantastique que Rogue ? » Il se répondait systématiquement « non » ; à part un Gryffondor, qui pourrait faire une bêtise pareille ? D'ailleurs, son père n'aurait pas invité Julius si c'était le cas. Il y avait donc une autre raison à l'absence de Rogue sur cette liste ; il avait d'ailleurs son idée sur le sujet.

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Drago vérifia que sa gencive ne saignait plus et que ses dents étaient impeccables ; de ce côté-ci, rien à redire. Pendant qu'il inspectait la peau de son visage, le marteau de la porte résonna. Par réflexe, le blond jeta son regard sur la première horloge passant sous ses yeux.

Cinq heures.

Ça ne pouvait pas être déjà des invités.

Il entendit la porte s'ouvrir et tendit l'oreille. Comme il ne parvenait pas à discerner les voix, il sortit dans le couloir et rejoignit l'escalier pour glisser un coup d'œil discret au-dessus de la rambarde.

Rogue était là !

Les maigres soupçons que l'adolescent avait nourris se trouvaient confirmés : l'absence de son nom sur la liste et sa présence ce soir – signifiant qu'il faisait partie des invitants et non des invités –, la présence de tous les professeurs, Julius, la famille Malefoy au complet, Dumbledore… de plus, il n'était à présent plus élève de Poudlard, il ne constituait donc plus un obstacle dans la révélation de leur liaison.

Drago retourna dans sa salle de bain, pensif. Comment allaient-ils annoncer ça ? Allaient-ils vraiment l'annoncer ? N'était-ce pas plutôt son esprit qui lui jouait un tour ? Pourtant il n'y avait pas d'autre explication à cette liste d'invités si particulière ; du moins n'en voyait-il pas d'autre.

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Drago s'assura que sa chemise était bien mise, que son pantalon tombait impeccablement, puis enfila sa veste : une veste lui arrivant aux genoux de couleur beige qui tranchait avec le reste de sa tenue. Son père avait insisté pour ce qu'il se fasse confectionner une tenue spécialement pour cette soirée, quelque chose qui lui irait à la perfection – Drago n'avait pas été très dur à convaincre. La tenue d'Harry avait été faite chez le même tailleur sous ses directives afin d'être sûr qu'elle ne dépareille pas avec la sienne. Ils étaient ensemble, ils se devaient d'être un minimum assortis.

Il s'admira devant le miroir, prit des poses ; comment ne pas être fou de lui ?

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« Drago, es-tu visible ?

— Je suis là, Maman. »

Narcissa entra dans la salle de bains. Elle prit du recul afin de juger si son fils était présentable ; elle le trouva parfait, ce qu'elle avait d'ailleurs toujours pensé depuis la première fois où elle l'avait vu. Et qu'on ne lui dise pas que c'était parce qu'elle était sa mère et que même laid elle l'aurait trouvé beau, ce n'était pas le genre de la maison de se faire des illusions sur la beauté de ses enfants.

« Tu es superbe. Potter va vraiment faire "Vilain Petit Moldu" à côté de toi. »

Le Vilain Petit Moldu était un conte du célèbre écrivain sorcier Andarson ; il racontait l'histoire d'un enfant sorcier naissant parmi des êtres humains sans pouvoirs magiques. Rare était la famille de sorciers qui ne possédait pas cet ouvrage.

« Réflexion faite : c'est peut-être pour ça que tu l'as choisi.

— Harry est très mignon », protesta Drago, un peu froissé de cette remarque. Mis à part ses lunettes, il n'y avait rien à reprocher au physique de son petit ami… et encore ses lunettes lui donnaient-elles un petit quelque chose en plus. Et surtout, Drago n'avait pas besoin d'un faire-valoir pour mettre en valeur sa beauté naturelle ; sa mère devrait avoir honte de prétendre une chose pareille.

Narcissa fut un instant dubitative, puis considéra que ce n'était pas faux et qu'effectivement Harry Potter possédait un certain charme… à défaut d'un charme certain.

« Quelle heure est-il ? demanda-t-elle.

— Bientôt cinq heures et demie, estima Drago.

— Il faut que je termine de me préparer. »

Elle virevolta dans un bruissement de son exquise robe en satin crème. Tenue et coiffure étaient au point ; ne restaient plus qu'une légère touche de maquillage et deux ou trois bijoux et sa mère serait époustouflante.

D'ailleurs, elle l'était toujours.

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Par acquis de conscience, Drago vérifia une dernière fois sa tenue avant de descendre au rez-de-chaussée. Il s'installa sur le canapé de la bibliothèque après s'être saisi d'un livre ; Filou lui sauta sur les genoux pour ne pas faillir à ses habitudes.

« Tes beaux habits vont être couverts de poils de chat. »

Le blond se tourna en direction de la voix ; il reconnut Ric, l'ami de sa mère. Cela faisait quelques mois qu'elle était avec lui. Il était habillé d'un costume très chic.

Minute… il n'était pas sur la liste des invités lui non plus !

Le mystère s'épaississait ; si on pouvait appeler cela un mystère évidemment. Drago commençait à s'attendre au pire : à quel jeu ses parents se livraient ?

Le marteau résonna à nouveau, il prit son chat dans ses bras et partit ouvrir.

« Mamita ! s'exclama-t-il, réjoui.

— Bonjour Drago », lui répondit son arrière-grand-mère. Ils se serrèrent l'un l'autre. Drago jugea rapidement que Carmenita était la seule membre du clan Malefoy avec qui il pouvait faire ça… à bien y réfléchir, c'était la seule personne au monde avec qui il se permettrait de faire ça… surtout en public.

« Quand vous en aurez terminé avec votre sentimentalisme tapageur, nous pourrons peut-être entrer ?

— Vindy, cela fait une éternité que je n'ai plus vu Drago. »

"Vindy" ne parut pas satisfait de faire appeler par un diminutif devant une tierce personne, fut-il son arrière-petit-fils ; il préféra cependant ne pas commenter, sentant que cela empirerait les choses.

De son côté, l'arrière-petit-fils en question se demandait s'il n'y avait pas reproche déguisé derrière les paroles de son aïeule. Il finit par estimer que ce n'était pas le genre de sa "Mamy Carmenita".

« Et moi, tu ne me dis pas bonjour ? demanda sévèrement Vindegral pendant que Drago s'effaçait pour les laisser entrer.

— Bonjour Grand-père, vous avez fait bon transplanage ?

— Nous sommes venus en carrosse, Carmenita supporte mal les transplanages depuis quelques temps.

— Tu as encore des ennuis de santé ? » s'enquit Drago en se tournant vers son ascendante. Les sorciers vivaient beaucoup plus longtemps que les Moldus, ils mourraient cependant de vieillesse comme eux. Quel âge pouvaient bien avoir ses arrières-grands-parents ? Plus de cent ans ? Il devait leur rester encore quelques bonnes années à vivre… en tout cas pour Vindegral ; pour Carmenita, c'était plus délicat.

« Elle n'en aurait pas si elle acceptait de se faire soigner correctement, répliqua sèchement Vindegral.

— Il n'est pas question que je passe ma vie à Sainte Mangouste. J'y suis restée pendant un mois la dernière fois, et ces incapables n'ont pas su trouver ce que j'avais. Alors que, moi, je savais très bien ce dont je souffrais.

— Et tu souffrais de quoi ? demanda Drago.

— D'un manque chronique d'affection », répondit Carmenita en coulant un regard en biais vers son mari.

Vindegral leva les yeux au ciel.

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Une heure plus tard, la famille Malefoy au complet était réunie dans la bibliothèque, tous les Malefoy directs – hormis Lucius qui n'était pas encore apparu – et la majorité des rapportés, cela faisait plus d'une trentaine de personnes. Sans se concerter, ils avaient tous eu la même idée : arriver bien avant l'heure de la réception. Drago estimait que le but était de questionner Lucius ; sans doute certains avaient nourri les mêmes soupçons que lui sur cette soirée.

Drago fit rapidement l'inventaire, il y avait au moins trois personnes ici présentes à connaître la relation intime de son père avec Severus Rogue : Cristina, Sania et Vindegral. Au moins ! L'un ou l'une des trois avait très bien pu en parler, quoiqu'en règle générale, le Malefoy ne soit pas de tendance bavarde.

Oui, le bavardage n'était pas typiquement Malefoy ; ce qui signifiait que, sur ce point précis, Drago avait des gènes défectueux. Bref, si quelqu'un avait parlé, ça ne pouvait être que lui… et il était bien placé pour savoir qu'il n'avait pas parlé !

Son regard s'égara sur Karkaroff… qui ne savait apparemment pas quoi faire de lui-même. Drago savait que ce n'était pas la première fois qu'il venait au manoir – il avait des photos de lui dans son album personnel le portant dans ses bras ; si sa mémoire était bonne, c'était son parrain, non ? –, cependant, c'était la première fois qu'il y venait non pas en tant qu'ami de Lucius, mais en tant qu'ami de sa mère, d'où son malaise.

Cristina ne paraissait pas autrement gênée. C'était même la première fois que Drago la voyait avec cet air serein et heureux, elle laissait un sourire tendre courir sur ses lèvres alors qu'elle regardait Emily – une de ses petites filles – jouer. Pour laisser ainsi libre cours à ses émotions, elle ne devait pas sentir le regard de Drago sur elle… ni celui de Vindegral qui l'observait à la dérobée.

Drago voyait bien que Vindegral souffrait de ne pas voir sa fille plus souvent, d'avoir fait la bêtise de la renier, de l'avoir vue grandir trop vite, il l'aimait… tout comme il les aimait lui et son père.

Alors, Drago sentit la tendresse sourde et inavouée qui unissait les membres de sa famille, plus qu'une famille d'ailleurs, un clan. Un clan où les filles ne se mariaient pas, comme pour – inconsciemment – perpétuer le nom des Malefoy. C'était un lien étrange, indestructible, présent dans chaque membre, une sorte d'héritage.

Il était fait dans ce métal lui aussi. Il aimait son père bien qu'il soit un peu trop distant et exigeant. Il aimait sa grand-mère avec tous ses défauts. Il aimait ses tantes qu'il connaissait à peine. Il aimait son arrière-grand-père. Ils faisaient partie de lui.

Il regarda son arrière-grand-mère, elle lui fit un sourire complice. Avait-elle compris à quoi il pensait ? Pensait-elle à la même chose ? Elle avait sans doute deviné ces liens puissants et invisibles depuis longtemps en observant son mari, sa fille, ses petits et arrières-petits-enfants.

~oOo~

« Y a un gros garçon gras et un garçon pas beaucoup moins gros en bas. Pis y a deux filles avec eux », annonça la petite Emily en tournicotant son pied et en zieutant la chambre de Drago avec l'envie de fureter son petit nez partout. Drago était remonté dans son antre depuis une bonne heure, attendant que les invités arrivent – ses invités –, il avait chargé sa cousine de l'avertir dès qu'elle verrait arriver des jeunes de son âge.

« Très bien », répondit Drago. Il se leva et se dirigea vers la sortie ; pas dupe pour une mornille, il attrapa la main de sa cousine pour qu'elle sorte en même temps que lui et verrouilla la porte de sa chambre.

Vincent, Gregory, Pansy et Millicent attendaient au bas de l'escalier. Le sourire de Drago se fit éclatant. Cela faisait plaisir de les revoir alors qu'ils en avaient terminé avec leurs études communes.

« C'est qui la naine ? souffla Parkinson à son oreille.

— Ma petite cousine Emily. C'est la deuxième fois que je la vois depuis sa naissance. Ma famille est au grand complet ce soir.

— Hou la la, mais que nous vaut ce soudain regain d'intérêt de ton papounet pour sa famille ? »

Drago prit un air pour signifier qu'il était au courant de tout mais qu'il n'avait rien droit de dire.

« Allez, dis-le-moi. Je te connais. Tu ne sais pas garder les secrets.

— Vraiment, je ne peux pas, j'ai promis à mon père que je me tairai, assura Drago.

— A d'autres ! Je les connais tes promesses ! Tu es incapable de tenir ta langue !

— Si ! J'en suis capable ! La preuve, depuis plusieurs mois, je n'ai dit à personne que mon père… non rien ! »

Les yeux de Pansy s'étaient allumés, flairant l'information croustillante.

« Si, si, tu redevenais fidèle à toi-même : tu allais vendre la mèche. Allez, raconte ! l'encouragea-t-elle.

— Non !

— Oh, allez ! » pria Millicent, relayant Pansy.

Drago la regarda alors et fut surpris. Elle était… différente de d'habitude. Parole ! Elle s'était mise en frais. C'est qu'elle en était presque jolie. Oui, elle avait réussi à se mettre en valeur. Elle avait dû faire de gros efforts, la moindre des choses était de la complimenter (surtout que cela permettrait de détourner le sujet habilement). Il fallait formuler cela joliment.

« Vincent a beaucoup de chance de venir à ton bras, Milly », déclara-t-il, une moue appréciatrice aux lèvres après l'avoir parcourue des yeux ostensiblement.

Bien joué Drago, elle est rouge comme une pivoine et Crabbe fier comme un paon.

« Oh, bah, c'est… c'est Pansy qui m'a aidée. »

Elle paraissait trouver le sol particulièrement intéressant soudainement.

« Nous avons fait le tour des magasins pour trouver ce qui lui allait le mieux, intervint alors Pansy, heureuse de souligner sa contribution. Ensuite, un tour chez le coiffeur, une légère touche de maquillage pour cacher les imperfections ; et le tour est joué !

— En quel honneur sa majesté est-elle descendue de son trône perché dans les nuages pour venir en aide à l'un de ses humbles sujets ? demanda Drago d'un ton gentiment sarcastique.

— Pour se faire pardonner ! répondit Crabbe.

— Tiens donc ?

— Oui… il parait que j'ai un manque de tact maladif, que j'ai plusieurs fois fait de la peine à Milly. En plus, il parait que ce n'est pas très constructif de critiquer pour critiquer. Donc, je suis passée à l'action, et voilà le résultat !

— Satisfaisant comme résultat, félicita Drago.

— Fantastique, tu veux dire ! Je me tuais à répéter à Millicent qu'elle devrait s'arranger un peu, que sa laideur n'était pas une fatalité…

— Hé ! protesta la principale intéressée.

— Pansy la diplomate est de retour ! » constata joyeusement Drago. Pansy ne serait plus tout à fait Pansy si elle perdait son principal défaut, ce qui – étrangement – manquerait à beaucoup de monde, lui en premier. « Allez, venez ! Une bonne partie des invités étant présente, il y a sûrement moyen de se désaltérer », proposa-t-il pour faire oublier le nouveau dérapage de son amie.

Drago guida ses amis vers la plus grande salle du manoir (spécialement agrandie par son père pour l'occasion) ; avant d'y entrer lui-même, il jeta un coup d'œil inquiet à la porte d'entrée.

Que fichait Harry ? Pourvu qu'il n'y ait pas de soucis du côté du Weasel. Drago l'avait invité afin de mettre Harry à l'aise (au départ, il ne voulait inviter qu'Hermione). Le rouquin avait fini par accepter uniquement pour faire plaisir à son meilleur ami et pour qu'il ne soit pas perdu au milieu de tous ces snobs (selon ses propres termes). Drago se demandait s'il n'avait pas tenté de le faire changer d'avis, ce qui était hautement probable. Drago souhaita de tout cœur qu'il ne soit pas parvenu à ses fins car il n'avait aucune envie de se faire poser un lapin : cela n'avait rien d'agréable et il se couvrirait de ridicule.

Note pour plus tard : s'il sentait que Potter se lassait – non, ça, c'était impensable –, en tout cas, qu'il semblait vouloir rompre pour une raison ou pour une autre, anticiper et être celui qui rompt.

~oOo~

« Il y a une fille, un garçon avec une drôle de cicatrice et un autre avec des cheveux moches oranges qui te cherchent, fit Emily en tirant le pantalon de Drago.

— Désolé, on est un peu en retard », s'excusa Harry qui arrivait derrière elle. Ron adressa un regard mauvais à la gamine au nom des "cheveux moches" ; elle lui tira la langue avant de s'éloigner. Il pesta intérieurement contre cette sale gamine – mais qu'attendre d'une Malefoy ? –, puis s'écarta un peu d'Harry car il était un peu trop près de Drago à son goût ; contrairement à Hermione, Ron ne parvenait pas à se lier d'amitié avec le blondinet prétentieux qui tenait lieu de petit ami à son meilleur ami.

« Tu crois que ça se fait d'arriver à la dernière minute dans ce genre de soirées ? Les gens qui se permettent cela doivent être très classes, très célèbres… et très Serpentard ! reprocha Drago.

— Ron n'était pas tout à fait prêt.

— Dix contre un qu'il l'a fait exprès.

— Non, je t'assure. C'est avec sa tenue de soirée qu'il a eu un problème, disons qu'il a un peu grandi et…

— Je vois. Donc, ce n'était pas Ron Weasley lui-même qui était en cause, juste la pauvreté légendaire de sa famille.

— Drago, tu peux arrêter de dire des trucs pareils !

— Pardon ! » s'excusa Drago d'un ton brusque qui ne correspondait pas vraiment à des excuses. Il restait fâché après Harry de l'avoir fait attendre et attribuer ce retard au rouquin était le meilleur défouloir dont il disposait. Il détourna le regard de son ami et observa Hermione, très jolie dans une robe verte scintillante ; elle était déjà plongée dans une grande conversation avec Pansy et Millicent. Incroyable ce qu'elles étaient copines ! Weasley restait deux pas en arrière, il ne se sentait manifestement pas à sa place, il y avait de quoi d'ailleurs : rien qu'à regarder sa tenue… Enfin, cela aurait pu être pire. Il fallait absolument qu'il arrête d'être mauvaise langue ! Avec l'éducation que lui avaient donnée ses parents – ils avaient fait de la médisance un art –, cela promettait d'être un beau défi. En premier lieu, il pourrait peut-être montrer sa bonne volonté : il allait proposer un verre à Weasley.

Oui, c'était une bonne idée, ça !

Au moment où il s'approchait de Ron, les lumières s'éteignirent.

« ça vaut le coup d'être riche si c'est pour avoir des problèmes d'éclairage ! » s'exclama Ron avant de crier : « Aïe ! »

Drago venait de profiter de l'obscurité pour lui écraser méchamment le pied.

Il démontrerait sa bonne volonté plus tard.

D'ailleurs, Weasley était aussi mauvaise langue que lui, alors…

-

Un rayon lumineux éclaira le fond de la salle. Tous les regards se tournèrent dans cette direction. Esteban Quasadro parut solennellement en costume de Grand Dionaire. Quelques rires fusèrent, notamment parmi ses anciens condisciples à Poudlard. Le Dionaire est l'équivalent chez les sorciers des prêtres, rabbins et autres imams existants chez les Moldus ; il existe trois grades chez les Dionaires : Dionaire, Grand Dionaire et Dionaire Suprême. Pour ceux qui le connaissaient, il était extrêmement étonnant de voir Esteban paraître dans un de leur uniforme.

« Je savais qu'il avait raté sa vocation, constata Laura Fitfool, l'ancienne poursuiveuse de Serpentard.

— Mesdames, Messieurs, nous sommes réunis aujourd'hui en ce lieu pour célébrer la séparation de Narcissa et Lucius Malefoy. »

A cette entame, la majorité de la salle resta sans voix, puis quelques voix se manifestèrent :

« On célèbre les séparations, c'est nouveau ça !

— J'ai bien fait la java pendant une semaine après avoir obtenu le divorce d'avec mon ancien mari… faut dire que c'était un tel con !

— On t'avait prévenu : faut jamais se marier avec un Gryffondor ! »

Albus Dumbledore tourna le regard vers les anciens joueurs de Quidditch auteurs de cette conversation édifiante. Il préféra sourire et reporter son attention sur les deux futurs ex-époux ; il était évident qu'ils n'avaient pas tous été réunis pour assister à une séparation, mais que celle-ci ne constituait que les hors d'œuvre.

« Je vous demande le silence, s'il vous plait ! Respectez ce moment solennel. » Esteban se tourna vers la femme. « Narcissa, acceptez-vous de ne plus avoir Lucius pour époux et de redevenir Narcissa Black pour le meilleur et pour le pire jusqu'à ce que la mort vous unisse au Grand Merlin, époux de toutes les sorcières, surtout quand elles sont bien fichues ce qui est votre cas ?

— Oui. »

Esteban se tourna vers le mari.

« Lucius, voulez-vous ne plus avoir Narcissa pour épouse et ainsi recouvrer votre liberté de coucher avec qui vous voulez, quand vous voulez, mais ça, je ne crois pas que vous ayez attendu cette cérémonie et ma permission pour le faire ?

— Oui.

— Narcissa, Lucius, je vous déclare désunis par les liens massacrés du divorce. Vous pouvez embrasser qui vous voulez. »

Quelques rires fusèrent à cette dernière formule – comme aux précédentes –, essentiellement chez ceux que l'excentricité des Malefoy n'étonnait plus car la majorité des gens présents ne savaient pas quoi penser. Peu de gens ignoraient que le mariage de Lucius et Narcissa était un arrangement entre eux, c'était justement cette particularité qui surprenait tout le monde dans cette séparation, outre sa publicité (ils devaient être les premiers à convier chez eux une foule d'invités pour célébrer un divorce), il semblait aberrant qu'ils se séparent alors que tous, y compris eux, trouvaient leur compte dans cette union. Les rares à être informés de la relation intime entre Lucius et Severus comprenaient un peu mieux, seulement un peu car ce qu'ils supputaient leur semblait tout aussi aberrant. Rares étaient ceux qui parlaient tant toute cette mascarade semblait incompréhensible.

« Venez-en au fait, rugit soudainement Vindegral qui voulait en finir.

— Nous y venons, Grand-père », répondit Lucius. Il monta sur une table. « Ce n'est évidemment pas pour vous faire assister à notre séparation que nous vous avons invité ce soir. Si nous avons tenu à ce que tous nos amis soient présents, si j'ai tenu à ce que ma famille – nombreuse ! – soit là au complet, c'est pour que Narcissa et moi puissions chacun vous présenter les hommes de nos vies. »

Quelques bouches béantes. Des regards anxieux, curieux, surpris. Plus un seul murmure. "Les hommes", Lucius officialiserait enfin son penchant ? Et il présenterait son amant, ce qui inclurait une relation sérieuse ? C'était surprenant aussi de la part de Narcissa, car aucun des deux ex-époux n'avait jamais marqué aucun goût pour la fidélité.

« Ce n'est pas tout, poursuivit Narcissa, prenant la suite de Lucius. Nous avons décidé de nous unir à eux, voilà la véritable raison de votre présence : vous allez assister à un double mariage.

— Faites entrer les futurs mariés », conclut le faux Grand Dionaire.

Ric entra sous les applaudissements de l'ancienne équipe de Quidditch – et de la famille Malefoy qui encouragèrent tout le monde à applaudir aussi – ; il s'approcha de Narcissa après avoir fait un signe à Lucius, étonné de ne pas voir Severus suivre.

« Veuillez m'excuser », s'excusa-t-il, la voix blanche, avant de sortir de la salle.

-

« Qu'est-ce qui se passe ? demanda Crabbe.

— Je ne sais pas. Il doit y avoir un problème. Le Pr… heu, l'ami de mon père n'est pas entré, répondit Drago.

— Je ne savais pas que ton père était homosexuel, remarqua Harry.

— Tu l'ignorais ? s'exclama une jeune fille qui n'était même pas Pansy mais bien Hermione. Pourtant, tout le monde sait ça ! »

Harry tourna un regard interloqué vers Hermione ; ainsi, même ce type de savoir ne lui échappait pas. Pansy profita de cette diversion pour éloigner Drago du groupe de façon imperceptible.

« Le Professeur Rogue est un grand pudique. Je te parie tout ce que tu veux que c'est pour ça qu'il n'est pas entré », murmura-t-elle.

Drago se tourna brusquement vers elle. Elle savait ?

« Tu… tu… »

Pansy s'éloignait déjà, revenant près du groupe, ravie de son petit effet.

Cette fille l'étonnerait toujours.