Disclaimer : comme d'habitude, les personnages que vous reconnaissez ne m'appartiennent pas et je ne leur fais subir aucune torture. Quoique…
Une marionnette entre vos mains
Acte 2 : erreur fatale
"Vous êtes sûre que vous allez bien ? demanda Rogue en examinant son "sujet" avec attention."
"Oui, oui... répondit la jeune femme, visiblement distraite."
Tout à coup elle s'immobilisa et fit face à Rogue, les yeux toujours un peu perdus, mais un joli sourire aux lèvres.
"Seulement, poursuivit-elle, pourriez-vous me dire qui vous êtes et où nous sommes, s'il vous plait ?"
Rogue sentit une boule envahir son estomac et pinça fermement les lèvres. On est dans de beaux draps, pensa-t-il…
Elle n'aurait su dire depuis combien de temps elle attendait dans la chambre où elle avait été peu galamment amenée par un homme à l'allure particulièrement sombre.
Si elle s'était souvenue qu'elle avait une montre, elle aurait probablement regardé l'heure et se serait sans doute impatienté. Mais, tout comme son propre corps, l'ensemble de ce qu'elle avait sous les yeux semblait absolument nouveau. C'était comme si elle voyait tout cela pour la toute première fois : le mobilier vieillot, les tapis poussiéreux, les murs en lambris usés et ce drôle de portrait représentant un homme assez laid, avec une peau très pâle, un nez incroyablement aplati et des yeux aussi rouges que ceux d'un démon.
Qui pouvait bien être cet homme ? Peut-être le patron de l'hôtel où elle était ? A condition qu'elle soit bien dans un hôtel… Si c'était le cas, il faudrait qu'elle se plaigne auprès du service clientèle du manque d'attention du service d'étage et de l'insuffisance de soins dont les femmes de ménage faisaient preuve…
L'homme aux cheveux noirs finirait bien par revenir la chercher, il le lui avait promis…
Lorsque l'homme aux cheveux noirs fit sa réapparition, tard dans la soirée, elle s'était assoupie malgré la faim qui le tenaillait depuis déjà un certain temps. Il la réveilla assez brutalement.
"Enfin ! s'écria-t-elle. Je commençais à croire que vous m'aviez ab…"
Mais l'expression sévère des yeux de son visiteur la fit taire.
"Venez, dit-il avec impatience. Je vous ramène… chez vous…"
Il avait hésité avant de terminer sa phrase, mais elle, toute préoccupée qu'elle était par le vide qui régnait dans son esprit, ne l'avait pas remarqué. Cependant, cet homme lui paraissait de moins en moins sympathique.
Ils descendirent les escaliers par lesquels elle avait été amenée dans cette chambre insalubre quelques heures plus tôt. La maison était en aussi mauvais état que cette pauvre chambre, mais personne ne semblait s'en soucier. En tous cas, pas les quelques personnes vêtues de noir qu'ils croisèrent dans les corridors… Ils la regardèrent légèrement de travers. Cela la mit mal à l'aise. Une jeune femme s'était même adressée à elle en murmurant "Rose". Elle avait failli demander si c'était son nom, mais l'homme qui la conduisait avait repoussé l'intrus d'un geste vif. Elle n'avait pas osé s'interposé, malgré l'expression d'incompréhension dans le regard de la jeune femme.
Ce qui se passait autour d'elle l'intriguait terriblement, mais ce n'était rien en comparaison de ce qui passait en elle. Elle avait la tête complètement vide, elle ne se rappelait plus de rien et, ça, c'était encore plus effrayant que l'horrible visage de l'homme aux yeux rouges dont le portrait était accroché dans la chambre qu'elle venait de quitter.
Ils marchèrent aux côtés l'un de l'autre pendant de longues minutes. La maison était isolée, entourée par une forêt sombre particulièrement inquiétante. Aucune autre habitation n'était visible alentours.
Elle suivit l'homme aux cheveux noirs et pénétra avec appréhension dans la forêt. Les arbres paraissaient tous noirs à cette heure de la nuit, bien que la lune, pleine cette nuit, brillât haut dans le ciel.
"Vous êtes sûr qu'il faut aller dans la forêt ? demanda-t-elle timidement. Je ne crois pas que ce soit très prudent… Il pourrait y avoir des…"
Le hurlement d'un loup retentit, déchirant le calme de la nuit. Elle frissonna. L'homme aux cheveux noirs retint lui même un tremblement. Il n'était jamais conseillé d'aller déambuler dans une forêt pendant une nuit de pleine lune. Il ne le savait que trop bien… Mais le Maître avait ordonné, et il serait plus facile de se débarrasser de la fille ici que dans la maison.
"Vous n'avez rien à craindre tant que je suis avec vous, répondit-il."
Son ton ne changea en rien de celui qu'il prenait habituellement, détaché et froid. Il avait depuis longtemps appris à mentir sans que sa conscience ne vienne le titiller.
"Oh… fit-elle."
Elle n'osa pas lui faire remarquer qu'au vu de sa carrure maigrelette, il ne leur serait pas d'une grande utilité s'ils étaient attaqués par une meute de loups enragés…
Ils continuèrent à marcher pendant un bon quart d'heure, jusqu'à ce qu'ils parviennent à un endroit particulièrement sombre de la forêt, où l'homme s'arrêta.
"Je crois que ça ira , murmura-t-il, en sortant une baguette de bois de sa manche."
Un peu hébétée, elle se tourna vers lui et observa attentivement l'objet. Il ne pouvait s'agir que d'une baguette magique, mais elle n'aurait pas su dire comment elle le savait.
Il la leva vers elle. Inquiète, elle recula d'un pas.
"Je suis désolé, dit-il sans paraître le penser le moins du monde."
"Mais qu'est-ce… commença-t-elle."
Mais elle n'eut pas le temps d'achever sa phrase. Un jet de lumière verte jaillit de la baguette tandis que l'homme aux cheveux noirs bredouillait un charabia incompréhensible. Elle parvint tout juste à esquiver en se jetant de côté, hurlant de surprise et d'indignation.
"Mais vous êtes fou ! s'écria-t-elle."
L'homme sombre grogna. Il n'avait pas prévu que la fille aurait des réflexes aussi vifs… Il se reprit rapidement et relança le sort en direction de la fille.
Une fois de plus, elle évita de justesse. Mais cette fois, elle ne chercha pas à pester contre lui.
Sentant le danger immédiat, elle se releva prestement, prit ses jambes à son cou et s'élança dans la forêt, n'entendant pas l'homme lâcher un juron particulièrement grossier.
La lune se cachait derrière les nuages. Il faisait très sombre et la faible lumière que projetait la baguette ne suffisait pas à voir à plus de quelques mètres. La fille était bien entraînée, elle devait déjà être loin. Il n'était pas d'humeur à jouer à ça au beau milieu de la nuit.? Une nuit de pleine lune, qui plus est.
Un loup hurla à nouveau.
Tant pis, soupira l'homme en noir. Vu ce qui rôde dans ces bois, elle ne passera pas la nuit…
Les loups. Le noir. Le vent glacé. Le noir, toujours. Le vide dans sa tête.
Elle courait, encore et toujours, de plus en plus vite malgré la fatigue qui lui brisait les jambes. Elle ne pouvait pas s'arrêter… S'il y avait un loup derrière elle ? Si l'homme aux cheveux noirs la poursuivait ?
Soudain, elle se prit les pieds dans une racine et chuta sur le sol.
Les hurlements des loups se faisaient de plus en plus proches.
Elle resta immobile, tous le sens en alerte. Elle percevait quelque chose. Des pas. Des pas non humais, qui approchaient d'elle. Le souffle d'un animal hors d'haleine.
N'écoutant que son courage, elle se releva et grimpa à l'arbre le plus proche. A peine arrivée sur la première branche, un énorme loup au pelage châtain clair, grisonnant par endroits, se jeta au pied du tronc, les babines retroussées.
Le loup gratta l'écorce de l'arbre, visiblement vexé de voir sa proie lui échapper. Après un moment qui sembla interminable, il tourna les talons, déçu, laissant la jeune femme frissonnante sur son arbre.
Elle aurait voulu crier, hurler, pleurer, mais sa gorge serrée ne laissait passer aucun son, ses yeux restaient désespérément secs. De toutes façons, qui l'aurait entendue ?
Elle décida de rester là jusqu'au matin.
"Eh bien, Rogue ? lança le Seigneur des Ténèbres, acerbe. Vous avez fait ce que nous vous avions demandé ?"
"Bien sûr, Maître, répondit Rogue sur un ton assuré. La fille est morte. Avec les charognards qui vivent dans la forêt, il ne restera plus rien d'elle demain matin."
"Enfin, j'espère, pensa-t-il…"
Le Maître hocha la tête.
"Bien, bien… Nous sommes satisfait, grogna-t-il."
Il n'aimait pas féliciter ses sbires. Il pensait que cela risquait de leur monter rapidement à le tête. Aussi ajouta-t-il :
"Quand même, vous auriez pu être un peu plus prudent ! A-t-on jamais vu pareille situation !"
Rogue se demanda s'il était utile de baisser humblement la tête, en signe d'assujettissement. Finalement, il n'en fit rien. Peu importait ce qu'il avait fait, ils étaient débarrassés de la fille et il n'avait même pas eu à se salir les mains.
