Chapitre 3 : Les pleurs du loup :
Livia corrigea la phrase indiquée
à grand renfort de ratures. Relevant les yeux sur Rogue, elle
l'observa avec une sorte de scepticisme mêlé de
gratitude, l'évaluant mentalement, voulant sonder son esprit
à la recherche de quelque coup fourré. Ne découvrant
rien de cela, elle dit finalement d'une voix où perçait
son désappointement :
-Merci. Je suis vraiment nulle en
potions, je n'arrive jamais à faire quoi que ce soit
correctement. Evane frôle la crise de nerfs à chaque
fois que je lui rends un devoir.
-Mais non, je suis sûr que
tu te sous estime ; déclara Rogue d'un ton encourageant.
Puis-je ? …
-Euh… Oui, bien sûr…
La jeune fille lui
tendit son devoir avec un sourire mi-figue, mi-raisin, ne sachant
plus quelle attitude adopter devant ce brusque revirement dans la
personnalité de son ennemi.
Rogue parcouru le parchemin
des yeux sans un mot, un pli barrant son front pendant qu'il
réfléchissait. Il le lui rendit au bout de plusieurs
minutes.
-Pour le moment ça peu aller. Combien de
centimètres as-tu à faire ?
Livia fronça les
sourcils, cilla mais répondit finalement :
-Cinquante mais
je n'ai plus d'idées au bout de dix.
-Veux-tu que je
t'aide ? risqua le Serpentard.
Cette fois ci Livia lui lança
un regard soupçonneux qu'il soutint cependant.
-Ecoute
Rogue, je n'ai pas pour habitude de tourner autours du pot, à
quoi tu joues tout à coup ? Depuis quand es-tu tout gentil
avec moi ?
Rogue soupira mais ne répondit pas, cherchant
une réponse plausible pour elle, ne pouvant tout de même
pas lui dire « Je me suis décidé à te
draguer parce que je suis fol amoureux de toi depuis deux ans et que
j'aimerais bien que nous sortions ensemble » L'idée
était risible alors il répondit d'un ton rogue
:
-Parce que je m'ennui. Rassure-toi Wild, je n'ai pas
l'attention de faire ami ami avec toi.
-Dans ce cas… OK,
j'accepte ton aide.
Ne parvenant pas à réaliser
sa chance, il se plaça à ses côtés,
flottant sur un petit nuage.
Ils travaillèrent ainsi près
d'une heure. Parfois leurs mains se frôlaient à peine,
donnant à Rogue toutes les peines du monde à ne pas se
jeter furieusement sur elle pour l'embrasser. Lorsqu'il tournait
la tête vers elle, il pouvait sentir un parfum mystérieux
émaner de sa peau et de sa lourde crinière d'or,
parfum envoûtant et à la fois repoussant – sans qu'il
ne parvienne à comprendre pourquoi – qui lui faisait perdre
la raison. Quant elle lui chuchotait quelque chose, il se sentait de
grandes bouffées de chaleurs lui monter au visage et un
délicieux pincement lui titiller l'estomac.
Le devoir
enfin bouclé, Livia poussa un soupir de soulagement en se
renversant en arrière pour s'étirer.
-Pfiou ! Je
ne suis pas fâchée d'avoir finit.
-Moi aussi ; dit
Rogue, un peu à contrecœur.
-Tu en connais un rayon en
potions toi dis donc ; remarqua la jeune fille.
Son interlocuteur
haussa les épaules modestement.
-Il faut bien.
-Tu veux
faire quoi comme métier ?
-Professeur.
-Professeur de
quoi ?
-De Potions. Et toi ?
-Chasseur de Vampires.
-Oh…
souffla Rogue, impressionné par cette carrière réputée
sombre et dangereuse.
-Tu t'imagines si tu es prof ici l'année
prochaine, je t'aurais en cours ! s'amusa t'elle.
-Peut-être
mais je ne crois pas être pris. Mais pour être chasseur
de Vampires, il te faut un très bon niveau de Potions, non
?
Le visage de Livia s'assombrit :
-Oui et c'est bien ce
qui me chagrine. J'ai eu un E aux BUSES mais le sujet était
très facile, c'était un simple coup de chance. A part
ça j'ai le niveau en tout mais je crois être un cas
désespéré pour les Potions…
-Moi je ne
crois pas ! s'écria Rogue avec plus de fougue qu'il ne
l'avait voulu.
Elle le regarda, ses sourcils s'envolant sous
l'effet de la surprise, se rendant soudain compte qu'ils étaient
très proches l'un de l'autre.
-Euh… Je veux dire…
Tu… Tu n'as besoin que d'un peu d'entraînement, c'est
tout ; tenta t'il de se rattraper.
-Moui… Tu as peut être
raison… admit-elle.
Ils s'observèrent en silence un
moment, ne sachant plus que dire. Au moment où Rogue croisa
son regard, Livia rougit et baissa les yeux.
-Bon… Et bien…
dirent-ils d'une seule voix, ce qui les fit sourire.
-A… A la
prochaine… balbutia maladroitement le jeune homme avant de
disparaître.
Livia le regarda partir, interloquée
et troublée par la soudaine proximité qui s'était
tissée entre eux lors de leur travail en duo. Un obscure part
d'elle-même ressentait un étrange sentiment, comme si,
soudain, elle retrouvait quelqu'un perdu depuis longtemps, gonflant
son cœur de joie et de chaleur.
Elle se leva à son tour,
jetant son sac sur son épaule et se rendit dans la Grande
Salle bondée où le brouhaha la fit un instant vaciller
après le calme feutré de la bibliothèque.
Affamée, elle se laissa tomber entre Sirius et Remus puis se
servit copieusement de poulet au curry.
-Ben dit donc, t'en as
mis un temps pour ce devoir ! s'exclama Sirius, posant sur elle un
œil faussement complice. Tu avais un rendez-vous galant en fait,
hein petite cachottière…
Livia manqua de s'étouffer.
-Non
! Pas du tout ! s'écria t'elle avec emportement.
-Du
calme, je disais ça pour rire ! s'agaça le séduisant
garçon.
-Désolée. J'en ai un peu marre
aujourd'hui, je n'ai pas beaucoup dormi.
Remus eut un regard
un peu coupable, sentant son estomac se décrocher et tomber
comme une pierre au fond de ses chaussures.
Une part de la jeune
fille ressentait une vague de culpabilité à ne pas
confier à ses amis l'aide que lui avait apporté Rogue
mais une autre partie – la plus importante – préférait
garder ce souvenir comme un trésor inestimable. Le repas
achevé, Livia suivit les autres Gryffondors, toujours
accompagnée des Maraudeurs et rejointe par sa sœur Célia
qui bouillait visiblement de lui raconter sa première journée
dans ses moindres détails.
Comme la veille, il était
déjà plus de minuit quant James annonça dans un
long bâillement qu'il allait se coucher, suivit par Sirius.
Peter, qui ronflait légèrement dans un fauteuil, fut
secoué et suivit d'un pas morne ses deux amis. Enfin, il ne
resta plus que Remus et Livia, assit côte à côte
dans le même sofa qui avait accueillit la nuit d'avant les
confessions du loup-garou.
La jeune fille ramassa tout son
courage, essayant de passer outre le fait qu'il lui semblait que
quelqu'un s'amuse à essorer ses entrailles, et attaqua
dans une longue inspiration :
- J'ai réfléchit à
ce que tu m'as dit hier soir…
-Ah ? parvint à articuler
faiblement le garçon, le cœur battant si fort, qu'il avait
peur que Livia l'entende.
-Et bien… hésita t'elle, ne
trouvant plus les mots qu'elle avait cherchés toute la
journée. En fait… Je ne peux pas te dire que je
t'aime…
Devant l'air douloureux de son ami, elle s'empressa
d'ajouter :
-Mais je t'adore et je pense que tu es quelqu'un
de super. Seulement je ne peux pas sortir avec toi, j'ai peur que
si tu dises oui, nous perdions notre amitié l'un pour
l'autre.
Au fur et à mesure qu'elle les disait, les
mots lui paraissaient sortir plus facilement. Lui se taisait,
encaissant ce refus qui lui brisait le cœur.
-Je dois aussi
t'avouer quelque chose ; poursuivit-elle tristement. J'étais
amoureuse de toi jusqu'à peu – avant ces vacances en fait
– mais je t'attendais depuis si longtemps que j'ai voulu
t'oublier plutôt que de gâcher votre dernière
année ici à supplier le ciel que tu ne m'accorde ne
serais-ce qu'un regard. Ce qui fait que je me suis fait une
raison.
-Mais on ne peut pas arrêter d'aimer comme ça
; s'écria soudain Remus dans un cri de son cœur.
Livia
démentit cela d'un signe de tête, contemplant ses
pieds. Elle avait envie de pleurer maintenant et elle souhaitait
qu'il s'en aille avant que toutes ses résolutions ne
partent à la trappe et qu'elle ne se jette dans ses
bras.
Remus l'admira, si belle dans la faible lumière
dansante que diffusait le foyer, seule source lumineuse encore en
activité, avec l'envie folle de baiser ses lèvres
tremblotantes et humides.
Il se sentait terriblement mal. Si
seulement il avait eut à temps le courage de lui parler plutôt
que de tergiverser depuis des années en se trouvant à
chaque fois de bonnes excuses pour refouler l'amour qu'il portait
à cette joyeuse et fantaisiste adolescente, ils serraient
peut-être ensemble. Avait-il le droit, après l'avoir
ignorée tout ce temps, de lui dire qu'il l'aimait alors
qu'elle avait réussi à l'oublier ? Elle le scrutait
sans esquisser un mouvement, le cœur près à se rompre
tant il battait fort. Elle suspendit son souffle quant le bleu de ses
yeux se mêla au vert des siens. Tout à coup, sans le
moindres signe avant coureur, Remus se pencha vers elle et leurs
lèvres entrèrent en un voluptueux contact. Comme Livia
répondait à se baiser, il attira un peu plus son visage
contre le sien, enlaçant d'une main sa taille fine, fermant
les yeux avec l'impression que son cœur éclatait de
bonheur. Un long frisson d'extase parcouru le loup-garou que la
chaleur de Livia enveloppait tout entier. La jeune fille se laissait
embrasser sans savoir que faire, heureuse pourtant de cela.
Cependant, lorsque le garçon la renversa tendrement sous lui,
elle se reprit brusquement. Elle se débattit désespérément
et sauta à bas du canapé lorsque Remus la lâcha,
intrigué par cette soudaine énergie furieuse qu'elle
déployait.
Des larmes s'échappaient maintenant des
deux émeraudes éclatantes de Livia.
-Tu… ne…
comprends… pas… sanglota t'elle d'une voix hachée. Je…
ne...veux… pas… te… perdre… sous quelque forme que se soit…
Ne me torture pas ainsi… je t'en conjure…
Elle tourna
brusquement les talons et s'en fût dans son dortoir, fuyant
le regard déchirant de celui qu'elle aimait pourtant
passionnément.
Remus monta en chancelant
jusqu'à sa chambre, se réfugiant dans la salle de
bain. Se laissant glisser le long du mur carrelé de bleu, il
se laissa glisser au sol avec un hoquet, étouffant sous ses
pleurs. Au goût des lèvres de Livia qui s'attardait
encore sur les siennes se mêlait le sel des perles translucides
parcourant son visage.
-Lunard ! Qu'y a t'il ? fit la voix
inquiète de Sirius près de lui.
Comme le jeune homme
ne répondait pas, il se laissa tomber à genoux face à
lui.
-Lunard… souffla t'il très tendrement posant ses
mains sur les épaules tremblantes de Remus.
Ce dernier leva
finalement la tête de ses genoux et soutint le regard sombre et
étoilé de Sirius qui passa sa main sur les joues
baignées de larmes de son ami.
-Raconte-moi ce qui te met
dans un état pareil…
Remus lui conta péniblement
le refus de Livia, libérant son cœur meurtrit. Quant il se
tut, Sirius murmura avec un air peiné.
-Tu n'aurais pas
dû faire ça…
-Et pourquoi pas ? s'offusqua son
compagnon.
-Ce n'est pas contre toi. Mais j'ai eu trop souvent
Livia en pleurs dans mes bras parce que tu l'ignorais.
-Ou-oui,
elle m'a dit cela mais elle à aussi dit que… qu'elle
m'avait oublié…
-Tu ne peux pas la blâmer ;
considéra Sirius avec sagesse.
-Je sais, je ne peux m'en
prendre qu'à moi-même mais quand… quand je l'ai
embrassée, elle m'a répondu…
-Remus, comprend-la
! Elle t'aimait depuis très longtemps, elle à du mal
à se débarrasser de son amour pour toi, c'est normal.
Mais si elle a décidé de passer à autre chose,
tu ne dois pas l'en empêcher.
-Tu as raison ; admit-il
tristement. C'est égoïste de ma part de lui imposer
cela, elle a le droit d'exiger quelqu'un qui lui rende vraiment
son amour, quelqu'un qui ne soit pas… un loup-garou.
Il
regarda ses mains comme si elles lui faisaient horreur, torturé
par cet aspect de sa personnalité.
-Ne dit pas de
conneries ; trancha Sirius. Elle t'a aimé malgré cela
mais je crois que notre petite Livia est en train de changer. Je ne
sais pas encore si c'est en bien ou en mal, nous verrons bien.
Laisse la Remus, si tu l'aimes laisse-la vivre une autre vie.
Remus
acquiesça d'un signe de tête, ivre de douleur et
d'amour.
Pendant ce temps, la belle Livia, perchée
sur la fenêtre ouverte de sa chambre, avait cessé de
pleurer. Debout sur le rebord de pierre extérieur, elle fixait
les étoiles, si lointaines et si froides, se moquant des aléas
de la vie des mortels et la lune dont la laiteuse clarté
glissait sur sa peau en une caresse tendre.
Ouvrant lentement les
bras, elle plongea sans un cri vers le tapis uniforme de l'herbe
humide de rosée, sa robe de chambre assortie aux ténèbres
la faisant devenir semblable à un ange noir tourbillonnant
dans la nuit claire.
