Chapitre 6 : Confessions :

Quant ils arrivèrent en vue de la gargouille protégeant l'entrée au bureau du directeur, Livia serra un peu plus fort la main de Rogue dans la sienne, son cœur cognant à grands coups affolés quelques part dans sa gorge, appréhendant terriblement cette entrevue décisive.
-Tu connais le mot de passe, toi ? demanda Rogue.
-Non…
Ils n'eurent pas à chercher trop longtemps car presque aussitôt la statue grimaçante pivota sur elle-même et ils se retrouvèrent face à face avec Albus Dumbledore en personne. Celui-ci eut l'air étonné par leurs mains jointes mais derrière ses lunettes en demi-lune, le bleu de ses yeux pétillait malicieusement.
-Que puis-je pour vous jeunes gens ? les interrogea t'il de sa voix perpétuellement douce qui inspirait le respect et la confiance.
-Livia à besoin de vous, Monsieur, c'est urgent.

Dumbledore les invita dans son bureau, les faisant grimper par un escalier qui tournait lentement sur lui-même comptant une centaine de marches, passer par une lourde porte à deux battants pour enfin arriver dans une vaste pièce circulaire, chaleureuse et accueillante dans laquelle toute sorte d'instruments étranges que les deux jeunes n'avaient encore jamais vus s'alignaient le long des murs. Aux murs, des tableaux d'anciens directeurs de Poudlard semblaient dormir profondément, laissant de temps en temps échapper un ronflement.

Le regard de Dumbledore se fit grave quant il scruta la jeune fille qui n'avait toujours pas desserrer les lèvres, son souffle devenant court sous l'effet de l'indicible terreur qu'elle ressentait à se retrouver maintenant confrontée à ce qu'elle était, comme si ses confessions allaient sceller définitivement sa double vie sans espoir de retour.
-Je vous écoute ; dit simplement Dumbledore quant ils se furent installés dans deux chaises à bras face à lui.
Rogue jeta un rapide coup d'œil à Livia qui paraissait sur le point de s'évanouir. Il aurait aimé pouvoir lui transmettre sa force au travers de sa main, toujours liée à celle de sa belle, la pressant doucement pour lui donner du courage. Livia, le teint verdâtre, était prise de nausées. Elle se força tout de même à prendre une profonde inspiration et attaqua, commençant d'une petite voix apeurée à revivre la plus affreuse expérience de son existence, n'osant affronter le regard perçant du directeur.
-Eh bien… vous le savez peut-être, je me suis toujours intéressée à tout ce qui à trait, de près ou de loin, au vampirisme…
Elle marqua une pause, cherchant les mots qui refusaient de franchir la barrière de ses lèvres.
-Vous avez d'ailleurs choisi de devenir Chasseur de Vampire si je ne me trompe pas ; l'encouragea le vieux sorcier, sentant ses pires craintes se confirmer.
-Oui, mais en fait, je ne voulais pas vraiment devenir « Chasseur » de Vampires. C'était surtout un prétexte pour essayer de rencontrer ces créatures qui me fascinaient depuis très jeune. Pendant des années, j'ai fouinée, furetée un peu partout, cherché des témoignages de leur existence et de leur façon de vivre. J'ai fini par devenir imbattable sur ce sujet, connaissant tout ou presque sur eux. A force de creuser les pistes de plus en plus profondément, ce qui devait arriver, arriva.
Livia se tut de nouveau brièvement. Un silence de mort régnait dans la pièce, les tableaux eux même avaient cessé de faire semblant de dormir comme à leur habitude pour écouter mieux encore. Son auditoire était suspendu à ses lèvres.
-Au début de ses vacances, j'ai commencé à avoir des cauchemars ; enchaîna la jeune fille. J'avais l'impression que quelque chose cherchait à m'étouffer dans mon sommeil, je me sentais oppressée jusqu'à craindre de m'endormir. Je finissais par dépérir par manque de sommeil et d'appétit. La cause de mes tourments m'apparue aisément : j'étais victime d'un vampire et cela me paniqua.
-Mais pourtant tu les adorais ! s'exclama Rogue, surpris.

Dumbledore n'avait toujours rien dit, dévisageant Livia avec une intensité peu commune derrière ses lunettes, écoutant attentivement. Au fur et à mesure qu'elle s'expliquait, l'adolescente se confiait plus facilement.
-Oui, je les adorais mais plus en tant que légendes. Je ne sais pas comment dire. Je rêvais de prendre contact avec eux cependant je n'y étais pas vraiment préparée et surtout pas pour devenir une proie. J'imaginais plutôt cette confrontation comme une discussion tranquille. C'était idiot je le reconnais. Je ne m'étais jamais posé la question de savoir ce que je ferais vraiment si ma route croisait celle de l'un d'eux. Pour moi, même si je disais y croire, je pensais au fond de moi qu'ils n'étaient qu'un mythe et j'éprouvais en fait cette attirance que nous avons tous au fond de nous pour ce que nous ne comprenons pas, ce qui, d'un certain côté, nous effraie. Ce goût pour le morbide, nous l'avons tous au fond de nous, de manière plus ou moins marquée suivant les personnes, il faut voir comme nous nous penchons pour voir s'il y a des morts lors d'un accident !
«Donc j'avais peur maintenant que j'étais au pied du mur et mes connaissances me sauvèrent momentanément la vie. Je pris des mesures pour repousser l'attaque psychique dont j'étais l'objet et cela marcha, je retrouvais sommeil et appétit. Pas pour longtemps, hélas, car j'oubliais un soir de prendre mes précautions en faisant brûler de l'encens – les vampires détestent ce parfum et toutes les odeurs fortes en général – et le vampire profita de cela pour venir à moi.

Livia se tut, fermant brusquement les yeux sous l'effet de sa narration, la douleur se devinant sur chacun de ses traits. Elle rouvrit les paupières après quelques instants, ayant de plus en plus de mal à s'exprimer tant sa gorge était obstruée.
-Il s'est montré à moi, s'approchant du lit où je reposais et m'a longuement parlé…
Elle baissa une nouvelle fois les paupières, chaque instant de cette opposition gravée dans toutes les fibres de son cerveau.

-Bonsoir Livia. Tu es à la hauteur de ta réputation, tu m'as donné du mal pour parvenir jusqu'à toi mais tu es étourdie. Je n'ai pas eu à attendre longtemps bien que le temps ne soit pas un problème pour moi.
Le vampire souriait bien que cela ressembla plus à un rictus, découvrant ses canines mortelles qui luisaient de froids reflets comme la lame d'un couteau dans la pénombre lunaire de la chambre.
Il était grand, doté d'un corps parfait et son visage semblait celui d'un jeune homme à peine sortit de l'adolescence – peut être de dix-huit ou dix-neuf ans. Sa peau paraissait taillée dans la pierre tant aucune marque, aucune ride ou fossette ne la plissait. Ses cheveux acajou lui tombaient souplement au bas du dos comme un fleuve boisé dont la chaude teinte se déclinait à l'infini en de fabuleux reflets oscillant entre un brun noir et un rouge sombre admirable.
Ses yeux étaient à eux seuls plus magnifiques encore que tout le reste du vampire. Dans leurs méandres améthyste semblait passer une histoire, une vie véritable – seul élément de son corps qui semblait vivant – les éclairant de l'intérieur tel un incendie qui leurs conférait un magnétisme puissant. Il était l'incarnation terrestre de la beauté et de la magnificence.

-Que vous à dit le vampire ? intervint pour la première fois Dumbledore.
Livia paru émerger d'un rêve. Elle cilla et répondit dans un souffle un peu lointain :
-Que je ne devais pas le craindre… Qu'il savait qui j'étais, que tous parmi les siens le savaient d'ailleurs et qu'il ne me voulait aucun mal, qu'il était là pour me proposer de devenir l'une d'entre eux. Il me contait les immenses avantages de sa condition. On aurait dit qu'il essayait de me convaincre, de m'hypnotiser. J'ai failli lui faire confiance, me laisser aller à être mordue de mon plein gré mais j'ai réussit à échapper à la toile gluante que ses paroles tissaient dans mon cerveau. « Je ne veux pas être mordue ! Je ne veux pas devenir comme vous ! » ais-je riposté.
« Il n'a pas apprécié que je lui résiste. Ses yeux sont devenus terribles tout à coup. Son visage qu'il forçait probablement à rendre aimable a semblé être déformé par la fureur, devenant semblable à celui d'un démon grimaçant. Je craignis un instant qu'il ne me tut dans l'instant mais il s'est repris et à commencé à me dire que ma réaction était normale tout en reprenant sa tentative d'endormir ma méfiance avec des paroles mielleuses cependant, j'avais repris mes esprits et, durant son discours, je cherchait un moyen de le détruire ou du moins de le chasser. Je dormais avec un pieu près de mon lit depuis que j'avais deviné sa présence mais pour l'atteindre, il m'aurait fallu effectuer un quart de tour sur moi-même, que je me saisisse de l'arme, que je pivote de nouveau et que je le poignarde au cœur.
-Cela pouvait marcher si tu le faisais très rapidement ; la coupa Rogue.
-Malheureusement non, il est impossible de prendre un vampire de vitesse. On dirait qu'ils devinent tous nos coups à l'avance, comme s'ils lisaient dans nos pensées. En fait, c'est parce qu'ils n'ont pas la même perception temporelle, tout se passe très lentement à leurs yeux. Ils évoluent dans une sorte d'autre dimension. Les années glissent sur eux sans les atteindre et il ne les décompte même plus. Les Mortels leur paraissent très lents et ils n'ont aucun mal à parer toute tentative agressive. Je n'avais donc pas la moindre chance.
-Oui, je comprends…
-Que s'est-il passé ensuite ? interrogea une nouvelle fois Dumbledore, curieux malgré la gravité de la situation.
-Ne pouvant le battre par la vitesse, j'avais besoin de temps et d'assoupir sa vigilance en le forçant à se concentrer sur mes paroles et non sur mes gestes. Je feignit donc d'être alléchée par sa proposition.

-Pourquoi êtes vous venu si ce n'est pour vous servir de moi en temps que proie ?
-Pour te faire l'honneur de devenir l'une des nôtres. Il est rare que nous nous dévoilions aux Mortels mais tu es un cas très particulier. Ton savoir sur les Vampires est phénoménal, nul ne nous connais aussi bien que toi et cela t'aiderais à devenir très vite l'une des plus puissante des Non-Mort.
- J'en sais trop, c'est ça ?
-Oui… et non ! Ton rêve était de nous rencontrer n'est-ce pas ?
-Certes mais pas pour devenir Vampire à mon tour ! J'ai encore à faire parmi les miens.
-Cela ne te plait-il pas ? Devenir immortelle ?
-Si, si, bien sûr… Dites-moi… Qui vous envoie ?
-Elros, l'un des plus vieux d'entre nous à ma connaissance.
Le vampire paraissait s'impatienter.
-Alors ? Que décides-tu ?
Pendant son discours, Livia avait réussit à s'emparer discrètement du pieu qu'elle tenait maintenant dans son dos, serrant fortement le bois poli dans lequel résidait son mince espoir. Elle se leva, lui faisant face, déterminée à vendre chèrement sa vie et dégagea son cou, l'offrant au démon nocturne.
-Allez-y…

-Comme vous vous en doutez, le Vampire crût à ma ruse et, à peine ma jugulaire était-elle à sa portée, qu'il me prit par les épaules et enfonça ses crocs dans ma chair. Je choisis ce moment pour attaquer, plantant ma seule arme dans sa poitrine sachant que je n'avais pas le droit à l'erreur. Hélas, je ne l'atteignit ni au cœur et ni assez profondément pour le blesser. Je ne réussit qu'à déclencher son courroux.
« Misérable Mortelle ! Tu vas me le payer ! De grès ou de force tu deviendras l'une des nôtres ! » rugit-il.
« Avant que je puisse faire un geste, il se jeta sur moi, me renversant sur le lit. Je me débattait comme une furie mais cet adversaire était trop fort pour moi. Il me maintenait fermement et il plongea sa bouche dans mon cou, aspirant mon sang. Je me souviens qu'avant de m'évanouir, ma main rencontra ma baguette et que dans un dernier sursaut, je lui jetais le sort mortel.
-Alors le Ministère de la Magie doit le savoir ! s'affola Rogue.
-Non, car au même moment, les fichiers du Ministère indiquaient que Livia Wild venait de décéder, le 12 juillet 1987 à trois heures trente deux du matin ; répliqua tristement Livia.
-Oh… souffla le Serpentard, prit de court par cela.

Livia regardait maintenant Dumbledore dans l'attente de son jugement. Ce dernier soupira et entrecroisa ses doigts devant lui sur la table.
-Cela explique nombres de choses, comme par exemple, pourquoi, bien que vous ayez disparue des listes des élèves, vous avez tout de même reçut votre lettre de fourniture habituelle. Cela éclaircit aussi le meurtre de la nuit dernière. Mais un point reste obscur : comment faites-vous pour vivre à la lumière du jour ?
-Lorsque je lui ai jeté l'Avada Kedavra, le Vampire n'a pas été affecté étant déjà mort mais comme il venait de s'abreuver de mon sang, il l'a tout de même très affaiblit. Lorsque je revint à moi, après avoir bu mon propre liquide vital au travers des veines de son poignet, il semblait fou de colère, un liquide noirâtre coulant de son front faisait comme des larmes sur ses joues.
« Sale Garce ! Que m'as-tu fait ?
A cet instant je le haïssais, tout comme je haïssais ce qu'il m'avait fait devenir.
-Et vous ? Voyez ce que vous avez fait de moi !
Il ricana cruellement de ma détresse.
-Tu as une journée pour dire adieu à tes proches, lorsque le jour naîtra, tu te mourra pour renaître dans ta nouvelle existence.
Je me sentit soudain lasse et abattue, condamnée à errer pour l'éternité loin de ceux que j'aimais. Je laissait les larmes me submerger.
-Je ne veux pas mourir, je ne veux pas ! Je n'ai pas encore vécu, je suis si jeune !
- C'est trop tard pour les regrets.
« Dans un dernier élan désespéré, je jouais le tout pour le tout, ignorant si ma condition à venir pouvait être réversible.
-Je ne veux pas que ceux qui me sont cher pleurent ma mort ! Si ne puis être auprès d'eux, je leur dirais tout ce que je sais des Vampires et alerterais le Ministère de la Magie pour qu'il vous traque et vous détruise tous un par un !
Il eut peur devant mon air déterminé bien qu'il ne voulut pas le laisser paraître. Il resta indécis pendant quelques minutes d'un silence insoutenable.
-Il existe peut-être quelque chose…
-Quoi ? Dites moi ! Sinon, je vous jure que je passerait mon éternité à vous nuire !
-Une potion. Elle permet de vivre de jour exactement comme un Mortel.
-Donnez m'en ! ordonnais-je
-Pas si vite… J'ai une condition…
-Laquelle ?
-Le temps de plus que je vais t'accorder, c'est moi qui le déciderai et après cela tu n'en auras plus.
« Je n'avais pas vraiment le choix, aussi acceptais-je son offre. Il me donna la potion en me disant que le jour où elle ne se renouvellerai pas, je devrais me préparer à prendre ma vraie condition d'Immortelle. Et ce jour est aujourd'hui. Voilà toute l'histoire.

Dumbledore ne parla pas tout de suite, réfléchissant, ébranlé par ces révélations bien qu'il fut peu surpris.
-Je préparerais cette potion Monsieur ; déclara Rogue l'air plus déterminé que jamais. Mais il faut trois semaines et Livia serait tuée par le moindre rayon de soleil… Nous comptions sur vous pour la mettre, elle et nous tous à l'abri tout ce temps.
-Je vois… Livia, votre récit était sincère c'est pourquoi je vous aiderait. Je vais devoir vous enfermer dans une pièce pendant le temps de préparation de la potion pour éviter d'avoir un vampire en liberté dans le château. En contrepartie, je ne vous demande qu'une chose : profiter de ce temps pour éteindre vos instincts tueurs. Severus, vous préparerez la potion dans mon bureau. Je m'occuperait de justifier l'absence de votre camarade.
Livia était livide à l'idée de passer trois semaines enfermée mais elle n'avait plus vraiment le choix. Ses lèvres tremblèrent quant elle demanda :
-Puis-je parler à ma sœur s'il vous plait. Mes parents sont au courant mais pas elle et je crois qu'il faut qu'elle sache pour ne pas qu'elle s'inquiète inutilement.
-Si vous jugez que cela est bon… Je vous l'envoie ici.

Lorsque Dumbledore sortit, Livia et Severus s'entre regardèrent.
-Merci… souffla doucement la jeune fille.
Sur le fil qui reliaient leurs prunelles assombries par les évènements sembla passer une tendresse et un amour sur le point de naître pour celle qui avait déjà cessé de vivre.