Chapitre 17 : Une page se tourne :
Ce matin là,
Livia se réveilla de très bonne heure. La tête
encore emplie des images d'un rêve aussitôt oublié,
elle regarda le velours des rideaux de son lit à baldaquins
comme pour graver leurs ondulations familières dans son
esprit. Elle écarta lentement les pans d'étoffe,
sentant leur douce texture sur sa peau sensible.
Le ciel
commençait à s'éclaircir, les étoiles
palissant peu à peu pour céder leur place à
l'astre du jour. D'un geste machinal, la jeune fille porta à
sa bouche l'amphore en verre miniature qui ne la quittait jamais.
Comme d'habitude, elle se leva et se faufila dans la salle de bain,
s'habillant sans hâte, chaque geste s'orchestrant dans un
ballet longuement répété.
Tout se déroulait
suivant un scénario inlassablement réitéré
depuis six ans.
Mais cette belle ordonnance n'était
qu'une façade, la tristesse était bien là,
l'atmosphère était imperceptiblement
alourdie.
Revenant dans la chambre, les yeux clairs de Livia
accrochèrent la forme sombre de sa malle. Close.
Une année
s'achevait, une année comme toutes les autres sauf
que…
Sirius, James, Remus et même le maladroit et
pleurnichard Peter, tous allaient partir, partir sans retour.
Et
puis il y avait Severus maintenant.
Severus et son mystère
et sa façade de froideur.
Severus et sa douceur.
Severus
et son amour.
Ils partaient tous… Tous… Sauf elle.
Severus
serra dans sa paume le coffret de velours noir pour l'énième
fois depuis son réveil.
Il ne voulait pas partir. Jamais
Poudlard ne lui avait paru plus beau qu'en ce matin. Le dernier
matin.
Son esprit vagabonda au grès de ses souvenirs, de sa
mélancolie. Il se revit enfant, perdu dans cet immense
château, terrifié. Mais un Rogue n'avait pas peur, un
Rogue n'affichait pas ses émotions.
Il songea à la
bande des Maraudeurs. A ces quatre garçons qu'il haïssait
parce qu'ils étaient beaux, aimés de tous et
par-dessus tout parce qu'ils étaient quatre amis
inséparables.
Et puis il y avait eut Livia. La jolie Livia
aux yeux pareils à un lagon vert, celle qui le détestait
et le méprisait. Et puis sa vie avait soudain basculé.
Pour elle… Par elle…
Sirius fixait le mur face au canapé d'un air amorphe, Ange pelotonnée contre lui. La Salle Commune était presque vide. Le matin commençait tout juste à poindre derrière les hautes fenêtres. Les deux jeunes gens ne disaient rien. Les mots étaient inutiles. Aucunes de leurs émotions n'étaient exprimables. Ils ne voulaient pas ce jour. Il le rejetait de tout leur être. Ils s'aimaient tendrement, sans grands serments ni pleurs et l'heure du départ était pour eux comme un poignard qui diviserait leur paisible entente. Ils avaient planifié leurs vacances, projetaient de se voir mais la déchirure était la même. Intense.
Remus, James et Peter
achevaient de se préparer. Pour eux, pas de larmes, pas de
cris mais un peu de nostalgie. Rien ne les atteignait. James avait
décidé de se mettre en ménage avec Lily, voulant
tous deux devenirs Aurors au ministère afin de traquer les
Mangemorts et œuvrer pour la chute de Voldemort.
Peter, lui,
n'avait rien à perdre. Il était le seul qui
n'éprouvait aucun sentiment vis à vis de ce tournant
dans sa vie. Il était un block de glace sous ces airs timides
et gentils.
Remus était assit sur sa malle, près de
la porte du dortoir, le visage fermé et songeur. C'était
mieux pour lui de quitter le château cependant il avait vécu
tant de bon moments ici, des moments inoubliables. Lui, le paria, le
loup-garou avait eut les meilleurs amis qu'on puisse avoir. Des
amis qui l'avaient soutenu lors de ses métamorphoses à
chaque pleine lune allant jusqu'à devenir des animagus pour
mieux l'aider. Seulement, aujourd'hui, il voulait partir pour
oublier celle qui détenait son cœur. C'était
sûrement mieux ainsi, se consolait-il.
Après tout, tout doit se finir un jour.
Une foule
bruyante se pressait sur le quai étroit. Encore une fois,
Livia se retrouva parmi le flot d'élèves en compagnie
de Célia, James, Lily, Ange, Sirius, Peter et Remus comme si
l'histoire prenait un malin plaisir à se répéter
inlassablement.
La jeune fille tournait la tête en tout
sens, cherchant Severus des yeux mais celui-ci n'était nulle
part. Elle avait les larmes aux yeux, totalement désemparée.
Elle voulait tellement profiter un peu encore de sa présence
avant l'ultime instant de la séparation. Elle avait
l'impression que son âme était noyée par la
tristesse du moment quelle subissait. Tout ce temps passé à
ses côtés, tous ces mois trop vite enfuis la brisait.
Une horrible pensée tournoya dans son esprit.
« Il
aurait mieux valu que tu ne le rencontre jamais. »
Sans
vraiment comprendre comment elle était arrivée là,
elle se retrouva dans un compartiment en compagnie de son groupe
d'amis. Où était Severus ?
Livia renifla
pitoyablement, sentant l'eau de ses pleurs glisser sur ces joues.
Elle aurait tellement aimé être avec lui pour lui dire
au revoir.
Mais étais-ce bien un au revoir et pas un adieu
?
Severus se colla contre la fenêtre de son
compartiment. Vide. Aussi vide que lui. Il s'en voulait tellement
de ne pas avoir été capable d'aller voir Livia depuis
le matin. Il ne savait comment agir. C'était fini, Poudlard
ne serait jamais plus son foyer mais elle… Livia… Son amour…
Elle resterait encore un an en ce lieu. Un an sans elle. Un an à
pleurer chaque seconde de son absence. Que resterait-il de leur
couple lorsqu'elle finirait ses études ? Un petit souvenir
d'une époque révolue ? Une grande déchirure
que rien ni personne ne saurait refermer ?
Et puis l'oublis
viendrait avec le temps… Beaucoup de temps, des années
peut-être pour lui.
Non ! Il ne voulait pas le perdre. Pas
maintenant. Jamais. Il voulait la sentir contre lui lorsqu'il
s'éveillerait le matin, apprendre par cœur tous les petits
défauts et les qualités qui forment une personnalité,
l'aimer, veiller sur elle et se perdre encore et encore dans la
verdure apaisante de son regard.
L'ambiance était
sombre, triste. Les Maraudeurs ne soufflaient mots, trop accablés
chacun à leur manière pour dire quoi que ce soit. Les
couples se blottissaient étroitement contre leur partenaire.
Livia, le front collé à la vitre se taisait, fixant le
paysage ensoleillé. Si le ciel avait dû refléter
son état d'esprit, un ouragan aurait déchiré
le calme paisible de ce début d'après midi estival.
Chaque bruit en provenance du couloir la faisait sursauter, ranimant
en elle l'espoir de voir son amant paraître dans
l'encadrement de la porte. Pourtant celle-ci demeurait close.
Un
bref regard de la part d'Ange signifia à son amie qu'elle
comprenait, qu'elle-même éprouvait cette angoisse,
cette souffrance, bien qu'atténuée par les bras de
Sirius autours d'elle. Mais combien de temps encore ces bras la
serraient comme cela ?
Livia avait envie de hurler. Elle se
sentait comme amputée d'une partie d'elle-même. Son
cœur las saignait, déchiré, malmené et
meurtrit.
Elle ne voulait pas le quitter, l'oublier ou pire, le
remplacer. Elle allait devenir folle par amour.
Severus
appuya son front sur la vitre froide. Il ne voulait pas la perdre.
Mais qu'y pouvait-il ?
Tout à coup, un hiboux volant tant
bien que mal parmi les remous d'air déplacés par le
train, attira son attention. Le jeune homme ouvrit la fenêtre,
laissant la voie libre à l'oiseau. Celui-ci alla se percher
sur la banquette avec reconnaissance, tendant sa patte sur laquelle
était fixée un parchemin. Intrigué, Severus le
détacha de la patte de l'animal, le déroula et
commença sa lecture.
« Cher Monsieur Rogue ;
J'ai
l'honneur de vous informer que Luc Evane, professeur de Potions au
Collège Poudlard, vient de prendre sa retraite.
Par
conséquent, nous sommes actuellement en mesure de vous
proposer ce poste. Vos appartements seront disponibles dès
demain si vous acceptez.
En comptant sur une réponse
positive de votre part.
Bien à vous.
Minerva Mcgonagal
;
Directrice adjointe. »
Severus étouffa
un véritable rugissement de joie. Se saisissant d'une plume
et d'un parchemin vierge, il inscrivit de sa plus belle écriture
:
« Madame la directrice adjointe ;
J'accepte d'assumer
le poste d'enseignant à Poudlard et arriverais là bas
demain dans l'après-midi.
Respectueusement.
Severus
Rogue. »
D'un geste fébrile, il attacha le
parchemin à la patte du hiboux et ce dernier s'élança
aussitôt par la fenêtre, emportant avec lui tous les
espoirs du jeune Rogue.
Machinalement, sa main se porta à
la poche du jeans qu'il arborait pour se fondre dans la masse des
Moldus à la gare.
Le train finit par ralentir.
Imperceptiblement d'abord puis de plus en plus jusqu'à son
arrêt final en gare de King Cross. Quelques secondes plus tard,
le groupe était sur le quai, pleurant, s'embrassant les uns,
les autres, se jurant de se revoir. Livia se jeta dans les bras de
Sirius, le serrant contre lui. Celui-ci l'embrassa doucement sur le
front et lui chuchota :
-N'oublie pas ton Sirius, petite
sœur.
-Jamais.
-Ne t'inquiète pas, on se reverra
tous. Sèche tes larmes, ça ne te va pas.
-Oui ; dit
Livia, déterminée, passant sa manche sur ses yeux.
Puis
la jeune fille se tourna vers James et le serra dans ses bras à
son tour puis elle fit de même avec Lily. Ensuite vint le tour
de Remus. Les deux amis restèrent un moment à quelques
pas l'un de l'autre, à se regarder avec mélancolie
puis Livia vint se blottir contre le garçon, laissant le
loup-garou la serrer contre lui à la briser, enfouir le visage
dans ses cheveux et l'embrasser sur la joue avec plus de tendresse
que jamais.
-Tu vas me manquer ; sanglota t'il.
-Toi aussi.
Mais on se reverra.
-Tu as raison. Sois heureuse, d'accord
?
-Promis. Toi aussi, sois heureux.
Ils se séparèrent
sur ces derniers mots. Enfin, il ne resta plus que Peter. Livia,
s'avança vers lui et le serra à son tour contre
elle.
-Toi aussi, Peter, tu vas me manquer ; avoua t'elle, le
cœur lourd. Je ne te l'ai peut être pas beaucoup montré
durant ses six années mais tu compte aussi pour moi. J'espère
que tu réussiras à faire ta vie comme tu la souhaite.
Tu es quelqu'un de très gentil et tu mérite tout le
bonheur du monde.
-M… Merci… balbutia le garçon, peu
habitué à ce qu'on lui montre son attachement.
Livia
se sépara de lui et quelque chose dans le cœur du Maraudeur
s'éteignit encore un peu plus, le mal étendait déjà
son emprise dans son âme.
Finalement, chacun partit de son
côté. Célia rejoignit sa mère et toutes
deux allèrent attendre Livia dans la voiture, comprenant la
déchirure qui l'habitait.
Cette dernière sentit
les larmes inonder son visage mais elle ne fit rien pour les retenir.
Elle était seule sur le quai désert. Enfouissant son
visage dans ses mains, elle éclata en âpres sanglots de
découragement. Une page de sa vie venait de se tourner
irrémédiablement.
Brusquement, une main frôlant ses cheveux la fit se retourner dans un sursaut.
Il était là.
Severus Rogue.
Celui qu'elle aimait par-dessus tout.
Et il l'examinait avec douceur et passion.
-Désolé de m'être fait attendre ma princesse… murmura t'il avec un petit sourire en coin qu'elle ne lui connaissait pas.
Lentement, très lentement, le jeune homme plia un genou à terre, sortit de sa poche le petit coffret de velours noir, l'ouvrit et déclara d'une voix solennelle :
-Epouse-moi Livia.
