Pour briser la glace
Tous les personnages et les endroits que vous reconnaissez appartiennent au professeur Tolkien. Les erreurs sont miennes.
Chapitre 1
Gilraen soupira. L'hiver avait laissé sa place au printemps et la vallée d'Imladris prospérait. La jeune femme voyait les arbres vêtus de vert brillant de jeunes feuilles. Deux paliers plus bas, le jardin luxuriant de maître Elrond scintillait après la brève averse. Gilraen appuya son front sur le bois lisse et foncé du cadre de la fenêtre et soupira de nouveau.
Jusqu'à présent elle avait toujours réussi à soigner son enfant. Elle avait une certaine connaissance en herbes et était la mieux placée, ne serait-ce que par expérience personnelle, à soulager ces petits maux purement humains. Pourtant, cette fois, elle se retrouvait impuissante devant une fièvre.
Un léger sourire éclaira son visage à la vue de l'arc-en-ciel qui enjambait les montagnes. Par-delà les Monts Brumeux, le ciel se dégageait après l'orage. Le tonnerre avait effrayé son fils, mais l'enfant s'était rendormi. Il était fatigué, affaibli par la fièvre qui n'arrêtait pas de grimper et, Gilraen se l'avoua à contre-cœur, par les infusions qu'elle lui donnait.
La jeune femme entrouvrit la fenêtre. Un vent tiède apporta l'odeur de la terre humide et Gilraen ferma les yeux. Depuis combien de temps n'avait-elle pas quitté sa chambre? À part les brèves excursions à la cuisine, une semaine entière était passée depuis qu'Aragorn… Estel, se corrigea-t-elle, le seigneur Elrond lui donna le nom d'Estel. Une semaine était passée depuis qu'Estel s'était couché avec une toux. Un simple refroidissement, avait-elle pensé sur le moment. Mais, en l'espace d'une nuit, le malaise draina son enfant de toute sa vitalité.
Gilraen inspira profondément. Elle devait trouver un remède. Le petit n'avait que trois ans ; ses forces étaient insuffisantes pour un tel combat. Un corbeau croassa tout près et la jeune femme sursauta, sortie de ses pensées par le son rauque.
"Maman?"
Gilraen referma la fenêtre et s'approcha du petit lit où son fils semblait se fondre avec les draps. Hier encore, ses joues étaient d'un rouge vif, mais aujourd'hui, bien que la fièvre n'avait pas baissé, il était pâle.
"Estel", murmura-t-elle en s'agenouillant devant le lit.
L'enfant la regarda, confus :
"Où est papa?"
Gilraen se figea, sa main suspendue dans les airs.
"Papa est parti, dit-elle d'une voix mal assurée. Tu le sais, mon petit. Essais de dormir, maintenant. Tout va bien aller."
"Mais papa…"
Gilraen prit une grande inspiration et caressa les joues brûlantes.
"Shhh, Estel, shhh. Tu dois te reposer."
"Veux pas."
Gilraen sourit malgré elle. Si Estel pouvait s'obstiner, il n'allait pas si mal. Son sourire s'effaça lorsque les paupières de l'enfant se refermèrent. Le petit visage, privé de la lumière du regard, devint gris.
La jeune femme se mordit les lèvres. Elle avait fait tout ce qui était dans son pouvoir. Il était temps de demander de l'aide. Sauf que… Sauf qu'elle ne le voulait pas. Le plus grand guérisseur de la Terre du Milieu était au bout du couloir et elle ne voulait pas. Prenant l'enfant dans ses bras, elle se redressa, le regard rivé sur la porte. Personne n'était venu s'informer de la raison de son absence depuis une semaine. Elle serra son fils contre elle et retourna vers la fenêtre ovale. S'asseyant sur le large rebord, elle laissa les rayons du soleil les envelopper tous les deux. Le regard fixe, Gilraen se remémora l'année qu'elle venait de passer à Fondcombe.
Elrond ne tenait pas à les héberger, elle et son fils. Elle l'avait vu dans ses yeux. Pourtant, il avait accepté. Elle se rappelait encore son regard - la surprise, puis une soudaine attention - lorsque le maître d'Imladris avait fixé l'enfant dans les yeux.
"Estel", avait-il dit ce jour-là.
Ses fils s'étaient regardés, leurs visages identiquement indéchiffrables. Gilraen ne savait pas lequel était Elladan et lequel Elrohir. Elrond lui avait rendu l'enfant :
"Dame Gilraen, avait-il rajouté, la mort si prématurée de votre mari nous chagrine tous. Vous pouvez demeurer ici. Nous veillerons à votre sécurité."
Elle était restée. L'année s'était écoulée lentement, comme si le temps contournait cette vallée verte. Les elfes vaquaient à leurs préoccupations sans s'occuper de deux humains. Gilraen en avait été reconnaissante. Enfermée dans sa chambre, elle ne sortait que pour les repas. Elle avait vingt-six ans et avait aimé Arathorn de toute son âme. Maintenant qu'il était mort, elle ne désirait plus la compagnie de personne. Surtout pas celle des elfes qui passaient à son côté, froids et silencieux. Estel lui suffisait amplement. Elle pouvait s'occuper de lui et l'élever seule, elle en était sûre. Seulement, elle n'arrivait pas à baisser la fièvre.
Gilraen scruta le visage de son fils. Il dormait toujours, épuisé par les quelques mots qu'il avait dits. Comme il avait maigri! Elle serra les paupières pour empêcher ses larmes de tomber, puis se leva, emplie d'une résolution nouvelle. Un an auparavant, en apprenant la mort de son mari, elle avait abandonné tout espoir de bonheur. À présent, elle se départit de son orgueil.
La jeune femme n'avait pas atteint le bout du couloir, quand elle vit celui qu'elle cherchait. Elrond se tenait dos à elle sur un balcon ensoleillé couvert de verdure. Gilraen s'avança. Elle s'arrêta à quelques pas de l'elfe, sachant très bien qu'il avait entendu son approche. Il ne se retournait pas et sa résolution fléchit. C'est un guérisseur, se dit-elle. Il ne refusera pas de m'aider.
"Seigneur Elrond?" appela Gilraen au bout d'un moment.
Le maître d'Imladris se retourna avec un sourire poli.
C'est la première fois à vie que je poste sur un site de fanfiction. Qu'en pensez-vous? Est-ce que je continue?
