Chapitre 10 : « Désespoirs… »

Auron scrutait les environs à la recherche de Rikku sans succès. Que s'était-il passé ? Pourquoi les furonlucioles étaient-elles apparues ? Que lui était arrivé ? Était-elle partie vers le monde des vivants en errant ? Non. Elle devait rester avec lui… Guadosalam… le portail. Était il possible qu'un membre de la famille de Rikku souhaitait la voir ? Pourtant les Albhed n'y croyaient pas… Yuna ? Même si ça lui prenait toute l'éternité, il la retrouvera. Tout autour de lui paraissait plus vide, plus cruel… plus seul encore. Il n'y avait pas un bruit hormis les battements de son cœur sous une certaine panique. Et s'il l'avait perdue pour de bon ? Il ne reverrait plus jamais son sourire ? Plus jamais ses yeux émeraude brillant comme un firmament ? Plus jamais ses joues tapies de rouges ? Plus jamais cette odeur si douce et si envoûtante ? Plus jamais ses bras frêles l'entourant doucement ? C'était certain. Il la retrouvera. Il devait la retrouver. Sir Auron leva les yeux – son œil encore opérationnel plutôt – au ciel bleuté. Tout comme il avait un jour jeté un regard inquiet au mont Gagazet lors de son pèlerinage avec Lord Braska, il regarda avec beaucoup d'inquiétude ce ciel stérile. Rikku

Prisonnière d'un cristal de glace par la belle chimère Shiva, Rikku ne pouvait ni bouger ni penser. Pourtant, son esprit était captivé par quelque chose. Ce quelque chose se trouvait à côté de sa prison. Ce quelque chose lui était sien. Ce quelque chose était si piteuse… Poupée de chiffon… Son Auron… pourquoi n'était il pas encore là ? Qu'avait-elle fait pour être prisonnière de cette chimère ? Pourquoi les chimères purgatrices étaient là… Elle croyait que Yuna ne les avait pas envoyées… elle avait juste envoyé ses propres chimères. À moins que… purgatrices ou pas… une chimère était une chimère. Si elle devait rester l'éternité dans cette cage, autant qu'elle y reste avec quelqu'un… Ce quelqu'un qui devait se dépêcher… Ce quelqu'un qu'elle aimait…. Son beau chevalier… Poupée… Chevalier…

Auron se mit à courir en prenant une direction pas trop au hasard. C'était comme ci quelqu'un le guidait. Il devait aller par là bas et c'était tout. Positionnant son épée sur son épaule, il se courait le lus vite qu'il le pouvait, s'en fichant des points de cotés, de sa respiration saccadée, ses jambes brûlantes… Rikku… Sa Rikku n'était pas loin… Elle pleurait après lui… Elle était seule et sans protection dans ce lieu vide. Elle était seule et abandonnée… Elle était seule et désespérée. Désespoir… Non. Il allait rayer ce mot de l'âme de Rikku. Elle ne sera plus jamais triste. Plus jamais elle ne pleura comme elle l'avait fait dans l'eau. Plus jamais il la verra verser des larmes aussi cruelles que la mort. Non. Il allait la retrouver. S'il devait disparaître de ce monde, ce sera avec elle point final.

Le gardien légendaire fut contraint de s'arrêter un instant pour calmer les crampes de ses jambes et de son épaule droite. S'appuyant sur son épée, haletant, il regardait toujours devant lui, ses lunettes pendantes au bout du nez. Elles avaient encore l'odeur de Rikku sur elle. Il était si ouvert, si passionné, si amoureuxqu'il le sentait. Cela l'encourageait et le désespérait à la fois. Il se forçait à ne pas penser qu'il ne la reverrait jamais. Il se forçait à garder l'espoir que par delà l'horizon il la retrouvera… C'était certain. Un chevalier sauvait toujours sa belle, non ? Elle était là-bas. Elle l'attendait. Elle était seule. Elle pleurait sans doute…

Sir Auron, le légendaire gardien impassible, reprit sa route, accélérant sa marche pour arriver au pas de course. Il se ficha de nouveau des plaintes de son corps. Il s'arrêta net. Et si c'était de l'autre côté ? Et pourquoi pas plus à gauche ou à droite ? Écartant les doigts de la main droite, son épée tomba lourdement sur le sol, le chevalier se laissa glisser à genoux sur le sol craquelé et desséché. Il était perdu. Il ne savait plus où aller. Il ne savait pas quelle direction prendre maintenant. Tout était si pareil, si éternel. Le désespoir le gagnait. Son cœur se serrait. Il se sentait si faible. Où qu'il regardât, il ne voyait que l'infini stérile de l'Au-delà. Sentant une très vieille émotion, cette émotion qu'il pensait avoir bannie de son existence, l'envahir de nouveau, Auron baissa la tête et tapa violemment le sol de son poing droit. L'émotion le gagna complètement. Le liquide cruel commença à descendre son visage terni. Sa vue se troubla. Il ferma son œil unique, laissant libre cours à ses larmes. Il frappa de nouveau le sol, plus violemment encore. Il se mit en appui sur les mains et frappe de nouveau, le visage tourné vers ce sol horrible. C'était ça son châtiment ? Frôler le bonheur et le perdre ? C'était ça sa punition pour avoir osé aimer ? Se faire arracher sa poupée ? Il avait accepté la fatalité de lord Braska. Il avait accepté sa propre mort. Il avait accepté que Yuna se sacrifie. Il avait accepté que Sin soit détruit à jamais. Il ne pourrait jamais accepter de perdre Rikku…

Rikku avait l'impression que malgré cette prison ses larmes s'écoulaient. Comme un fleuve suivait son cours vers l'éternité. Comme un fleuve sans vagues, sans obstacle, sans affluents ou confluents… Comme un fleuve qui ne connaîtrait jamais sécheresse, mais toujours crue… Sa prison lui était indifférente… du moment qu'elle pouvait accueillir son chevalier….

Auron se laissa envahir par son désespoir. Ses larmes tombaient goutte à goutte sur le sol bien décidé à rester sec. C'était cela qu'on voulait de lui ? Qu'il montre des émotions ? Qu'il soit plus indifférent ? Qu'il aime cette fille ? Qu'il ressente le désespoir qu'elle avait ressenti ? Le désespoir d'avoir perdu un être cher ? Le désespoir de ne plus jamais entendre la voix la plus merveilleuse au monde ? Le désespoir de ne plus croiser le regard si doux, si incroyable ? Le désespoir ne plus former qu'un avec la personne ? Le désespoir de plus l'étreindre… Non ! Jamais ! Il ne pouvait pas… Était-ce lui qui l'avait abandonnée ? Était-ce lui qui l'avait laissée partir ? Était-ce de sa faute ? Était-ce parce qu'il ne comprenait pas ses sentiments ? Était-ce… sa punition de ne pas avoir osé regarder dans son cœur ? Était-ce une damnation ? Non. Il voulait l'entendre à nouveau. Entendre son rire, entendre sa douce respiration au cru de son cou. Se réveiller avec elle, manger avec elle, se disputer avec elle… était-ce trop demander ? On voulait lui faire comprendre qu'elle pouvait lui manquer ? On voulait lui faire comprendre qu'il n'était pas insensible ? Il avait compris pourtant. Il avait compris qu'il était amoureux.

Sa belle était quelque part… Sa belle l'attendait… peut-être souriait-elle… Peut être pleurait elle… Peut-être était elle indifférente a son absence… Peut-être était elle… seulement errante. Peut-être qu'elle n'était qu'illusion… peut-être qu'elle n'était qu'un rêve. Il aurait voulu ne jamais se réveiller… Sa belle… Celle qui avait volé son cœur… Où était elle ? L'appelait-elle ? Espérait-elle de le revoir ? Et si… Rikku ne voulait plus le revoir ? Et si elle avait renoncé à lui car…. Il était si distant ? Si complexe ?

Désespoir… Ils nageaient tous deux dans le désespoir le plus total…