EVEIL

There was a boy
A very strange enchanted boy
They say he wandered very far, very far
Over land and sea
A little shy and sad of eye
But very wise was he

Nat King Cole - Nature Boy

CHAPITRE 1 : PARIS, LA NUIT

La petite rue grise semblait encore plus triste la nuit. C'était le genre d'endroit fait pour passer sans s'arrêter, dans lequel on avait du mal à concevoir que des gens puissent habiter. En marge du monde. Comme dans le reste de la ville, un silence pesant y régnait à présent. Une bruine glaciale étouffait les bruits de pas des rares passants, qui se hâtaient on ne sait où.On était en novembre.
Au loin, un bourdonnement sourd se fit entendre. Il résonnait à présent de manière presque sacrilège sous cette chape de silence glacé. Le son s'intensifia progressivement pour se transformer en une véritable pétarade jusqu'à ce qu'une énorme moto déboule à toute vitesse dans la ruelle, au mépris des lois de l'adhérence. Sa vitesse à peine diminuée, le monstre métallique se glissa habilement entre les véhicules garés le long du trottoir jusqu'à trouver une place libre. Le boucan infernal cessa enfin et une silhouette mince sauta à bas du véhicule. Un casque noir recouvrait le visage de son propriétaire et ne laissait filtrer aucun indice quant à l'identité de son propriétaire. Toutefois, la combinaison de cuir un peu plus bas révélait une silhouette indiscutablement féminine.
L'inconnue prit quelques instants pour activer l'antivol de la moto puis sortit un post-it de l'une de ses poches. Elle hésita un instant puis se dirigea vers l'une des portes métalliques qui se dressaient le long de la rue, avant d'en activer l'interphone. Après quelques secondes, il y eut un grésillement sourd, mais aucun mot ne fut prononcé. Sans se laisser démonter, la femme appliqua sa main gantée contre le micro de l'appareil et tapota rapidement. Quatre coups long, deux courts. La porte s'ouvrit.
Une cage d'escalier miteuse s'offrait aux regards. Le jour où les propriétaires d'immeubles se décideraient à éclairer décemment leurs halls d'entrée serait une victoire pour l'humanité, songea la visiteuse.
A travers la visière de son casque, elle jeta un regard peu amène à l'ascenseur dont la peinture beige s'écaillait peu à peu. Elle n'avait jamais aimé ce genre d'appareils, qui semblaient prendre un malin plaisir à tomber en panne lorsqu'elle se trouvait à l'intérieur, ou à vibrer de façon plus qu'inquiétante. Sa carrière l'avait contraint à travailler dans nombres d'immeubles immenses et elle ne comptait plus le nombre de kilomètres qu'elle avait gravi dans les escaliers. Les trois volées de marches qui la séparaient de sa destination ne représentaient donc qu'un maigre défi. Devant elle, une nouvelle porte, aussi mal entretenue que le reste du bâtiment. Elle ressentit un léger pincement au coeur.
- Prête à replonger ma grande ?
La femme sonna doucement.L'huis glissa lentement sur ses gonds et un visage maigre apparu dans l'entrebâillement;
- Entre.
L'inconnue s'exécuta. Elle se trouvait à présent dans un couloir fraîchement rénové, qui contrastait agréablement avec le décor qu'elle avait pu apercevoir jusque là. Devant elle, son hôte la contemplait en se triturant nerveusement les doigts.
- Tu as trouvé facilement ? Euh... je pense que tu peux...
Il fit un geste vague vers son visage.
- Oh, c'est vrai !
Quelques secondes plus tard, le casque révélait une jeune fille, visiblement d'origine asiatique, dont les traits tirés affichaient cependant un large sourire. Sourire qui ne lui tarda pas à être rendu.
- Ca faisait longtemps, Mei Ling. Tu n'as pas eu trop de mal à te repérer ?
- Si. Je n'avais jamais mis les pieds en France auparavant. Mais ça n'a pas été le plus difficile...
- Je peux comprendre ça. Alors comment as-tu...
- ... Pu m'absenter ? Eh bien j'ai l'honneur de t'apprendre la naissance d'une cousine à moi de dix-sept ans qui étudie en France et qui m'a suppliée de venir la voir, récemment. Vu le nombre d'heures supplémentaires que j'ai fait depuis que je suis en poste, mes supérieurs n'ont pas fait de difficultés pour me laisser partir.
- Ils ont gobé ça ?
Mei Ling fronça les sourcils.
- Pour qui tu me prends, Hal ? J'ai déjà fait largement pire en vous transmettant des données confidentielles. Ca, c'était à peine du divertissement. Les autres sont là ?
D'un signe de tête, l'informaticien indiqua à son amie une large porte. Une silhouette élancée s'y dessina.
- Snake !
Le mercenaire de légende ouvrit de grands yeux lorsque Mei Ling se précipita vers lui et lui appliqua deux baisers sonores sur les joues. La jeune fille ne s'en formalisa pas. Snake n'avait jamais été doué pour les effusions mais elle le connaissait trop bien pour être blessé par son apparente froideur.
- Vous m'avez tellement manqué ! Deux mois sans avoir de vos nouvelles, c'est long !
- Sans nouvelles ? Tu ne lis donc pas les journaux ? lança Snake avec un rictus ironique.
- Hmm, tu parles de cette magnifique campagne de publicité qui a été lancée au sujet de Philanthropy ?
- Précisément. Mais que dirais-tu de t'asseoir avant de parler de tout ça ?
Il s'effaça pour laisser entrer son invitée. Le salon que Mei Ling découvrait à présent était à l'image du couloir. Sobre, mais chaleureux. Etrange. Pour autant qu'elle sache, ni Snake ni Otacon n'étaient précisément soucieux de l'apparence de l'endroit où ils vivaient. Mais, après ce qu'ils avaient vécus, peut-être l'un et l'autre ressentaient-ils le besoin de pouvoir rentrer dans un endroit qui était vraiment "chez eux". Elle leur jeta à chacun un coup d'oeil discret. Malgré la fatigue qui se lisait sur ses trait, Otacon n'avait pas changé. Grand et maigre, l'air toujours un peu perdu et anxieux. Ses cheveux formaient une masse informe qui retombait sur ses épaules.
Quant à Snake...
La dernière fois que Mei Ling avait vu Snake, en chair et en os, elle en avait ressenti une véritable frayeur. Les joues creuses, le regard vide, amaigri, voilà comment il lui était apparu. A part elle-même, la jeune fille n'avait pu s'empêcher d'évoquer l'épée de Damoclès qui pesait à chaque minute sur le mercenaire. Foxdie. Se pouvait-il que, à l'inverse de ses actions précédentes, le virus perpétue sur Snake une action lente et pernicieuse ?
Cependant, l'apparence de son ami était à présent beaucoup plus rassurante. Vêtu d'un vieux jean et d'une chemise blanche, il semblait avoir repris un peu de poids et son regard s'allumait à nouveau d'une étincelle qu'elle ne connaissait que trop bien. Que s'était-il passé ?
Perdue dans ses réflexions, Mei Ling ne réalisa pas tout de suite que l'homme lui adressait à nouveau la parole.
- Tu comptes te balader encore longtemps en combinaison de motarde ?
- Oh, et moi qui te pensait grand amateur de fringues moulantes !
Snake fit mine de la menacer du poing.
- Fantastique. Tu es arrivée depuis à peine cinq minutes et tu troubles déjà le calme de notre petit havre de paix.
- Ce n'est pas moi qui ait demandé à venir, monsieur l'agent secret en fuite. A ce propos, je suppose que ce n'est pas uniquement en souvenir du bon temps que vous m'avez convié à cette petite soirée, je me trompe ?
Derrière elle, Otacon émit un petit grognement.
- Je pense que nous ferions mieux de nous asseoir.
L'informaticien se laissa choir sur un pouf tandis que Snake et Mei Ling, débarrassée de son attirail de conductrice, prenaient place sur le divan qui occupait le mur du fond.
- Avant tout, comment se passent les affaires, Mei Ling ? entama Snake en faisant adroitement sauter le bouchon d'une bouteille de vin.
- C'est calme. Trop calme, en fait. Vous savez que depuis que Foxhound a été démantelée, je travaille dans un département de renseignements de la CIA.
- Première nouvelle.
La jeune fille foudroya Otacon du regard.
- Peut-être qu'un certain jeune homme aura oublié de faire la commission. Il y a un proverbe de ce pays qui dit, "on n'est jamais mieux servi que par soi-même". Je commence à comprendre.
- Alors comme ça, tu ne te limites pas à ton pays d'origine en ce qui concerne les citations que tu nous infliges ?
- Je vous enquiquine, cher monsieur. Je peux continuer ?
- Je t'en prie.
Snake remplit trois verres et en tendit un à Mei Ling.
- Merci. Donc, mon domaine de recherche se situe dans l'approfondissement et la prévention des attaques terroristes.
- L'approfondissement ?
Mei Ling pointa un doigt en l'air.
- Une attaque terroriste n'est jamais qu'un élément d'un système complexe. Elément final et brutal, certes, mais on aurait tort de se focaliser uniquement sur lui.
- Je vois ce que tu veux dire.
- Tu te doutes bien qu'après ce qu'il s'est passé en avril, nous étions obligé de nous pencher sur le cas Big Shell. Une affaire pareille ne pouvait être étouffée.
- Mei Ling à ce sujet nous...
- Laisse-moi finir. Or, malgré l'énormité de la catastrophe, il ne s'est rien passé. On nous a balancé une vague excuse comme quoi l'enquête serait confiée à un autre département, ou je ne sais quoi. Nos supérieurs ne se sont même pas donné la peine d'apparaître crédibles. Et depuis quelques temps, on cherche à nous neutraliser.
- C'est à dire ?
- Dead Cell...
- Quoi ?
- Vous vous rappelez de la fonction première de Dead Cell ? Ce groupe était censé produire des attaques factices dans les installations gouvernementales afin d'en tester l'efficacité. Il apparaît qu'ils n'étaient pas les seuls dans ce domaine.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Ca veut dire que les trois derniers conflits internationaux couverts par l'actualité ont été orchestré par des structures américaines afin de maintenir ses services de défense occupés.
- C'est inconcevable ! Personne n'a rien dit ?
- Personne n'est au courant ! Sans me vanter, je suis la seule qui ait flairé la vérité et encore, grâce aux informations que vous m'avez fait parvenir après l'incident Big Shell.
Otacon vida nerveusement son verre.
- Ca ne signifie qu'une chose.
-Correct. On cherche à nous engloutir sous des affaires bidon tandis qu'une plus grosse se prépare. La grande question est quoi ?
- Tu as des pistes ?
La jeune fille secoua la tête.
- Absolument rien. Bref, la situation n'est pas rose. Et de votre côté ?
Snake resta un moment silencieux, rassemblant ses idées.
- Tu dois te demander ce que nous fichons en France, non ?
- Oui et non. J'ai suivi les informations. Ces mystérieux Patriotes ont fait fort, en promouvant Philanthropy. C'est maintenant devenu un mouvement national. Ridicule. L'autre jour, j'ai même vu qu'il vendaient des T-shirts. Tout le sérieux de votre action a été décrédibilisé. Je suppose que vous avez tenté de partir sur de nouvelles bases quant à votre campagne anti Metal Gear ?
- En quelque sorte. Tu as raison, Philanthropy est totalement grillé. Mais il y a plus grave. Je suppose que tu te souviens de ce que je t'ai raconté, au sujet des derniers instants de Big Shell. Je suis un élément qui n'a pas sa place dans le scénario des Patriotes.
- Et en tant que tel...
- En tant que tel je représente un danger pour leur structure. Soit ils m'intègrent à leurs plans, soit ils me détruisent. Quoi qu'ils soient.
- Je comprends que tu aies éprouvé le besoin de te cacher.
- Il n'y a pas que ça. Je ne vais pas rester terré là sans rien faire. J'ai fait profil bas assez longtemps pour recommencer à agir. Mais Otacon et moi sommes trop connus. Et c'est pourquoi... eh bien nous avons besoin de ton aide.
- Snake ?
- Je sais, c'est un peu brutal et tu en as fait beaucoup pour nous. Mais toi, ta photo n'a pas été diffusée dans les journaux du monde entiers. Je ne pense même pas que les Patriotes aient jamais prêté attention à toi. Pendant l'incident de Shadow Moses, tu n'étais que l'analyste. Et le bouquin de Nastasha a contribué à te laisser dans l'ombre. Bref, tu es la seule personne sur laquelle nous puissions compter.
Mei Ling s'enfonça doucement dans le canapé.
- On peut dire que vous ne perdez pas de temps... murmura-t-elle en essayant de rassembler ses pensées. Mais peut-on savoir ce que vous avez en tête exactement ?
Otacon hocha la tête et reprit la parole.
- Nous n'avons quasiment aucune piste hors des Etats-Unis qui puisse nous renseigner sur les Patriotes. Car c'est là notre objectif découvrir qui ces types sont réellement. Je me refuse à croire que des fantômes gouvernent le pays depuis deux cent ans. C'est absurde !
- "Heureux ceux qui croient sans avoir vu", marmonna la jeune fille entre ses dents.
-Quoi ?
- Rien. Et donc, quel est votre projet ?
- Notre unique indice, c'est Ocelot.
- Vous ne l'aviez pas perdu de vue après sa fuite dans un RAY ?
- Si. Mais nous avons appris quelque chose de fort intéressant sur lui.
- Quoi donc ?
- Tu sais que ce malade s'est fait greffer le bras de notre ami Liquid. Apparemment, cette intervention s'est déroulée à Lyon. Je soupçonne fort l'opération de ne pas avoir suivi le circuit habituel. D'abord parce qu'on ne greffe jamais que des membres venant de l'hôpital. Personne ne se pointe avec un bras dans une valise en expliquant qu'il voudrait qu'on le lui greffe. Et Ocelot aurait également dit quelque chose sur ces "maudits français à qui on ne peut pas faire confiance".
- Un peu maigre, comme preuves...
- Nous ne sommes plus à Foxhound, Mei-Ling, grimaça Snake. C'est tout ce que nous ayons à te proposer. Bien entendu, tu es libre de refuser.
L'asiatique esquissa un sourire en suivant le contour de son vers du bout du doigt.
- Tu as toujours été comme ça, Snake, à proposer des plans qui ne tiennent pas debout, mais qui ont l'habitude de sauver le monde. Je vais te dire quelque chose. Moi non plus, toute cette histoire ne me plaît pas. Je refuse de vivre dans un pays où l'autorité vient d'on ne sait où, et surtout, j'aurais l'impression que mon boulot n'est pas fini si les Metal Gear continuent à menacer les populations. On n'en n'a jamais vu autant depuis ces dernières années. Preuve que l'agence Philanthropy actuelle n'a strictement aucune utilité.
- Ce qui veut dire...
Un bourdonnement sourd résonna aux oreilles de Snake. La petite voix de son invitée résonna au creux de ses tympans.
- C'est parti, Snake !
Otacon se leva d'un bond.
- Si nous mangions un morceau ?
- Tu as appris à faire la cuisine ? C'est nouveau ça !
Pour la première fois depuis plusieurs mois, Mei Ling se sentit de nouveau à sa place. Elle était dans les ennuis jusqu'au cou, prête à se battre contre des moulins, en compagnie de deux dingues asociaux. Oui. La vie était belle.

Au fait, reprit l'analyste en avalant sa dernière bouchée de tarte aux pommes, comment avez-vous regroupé tous ces renseignements aux sujets d'Ocelot ?
Ses deux amis échangèrent un regard gêné.
- C'est... Raiden qui nous en a parlé.
- Oh, c'est vrai ! Que devient-il ? Vous avez eu de ses nouvelles ?
Snake poussa un léger soupir et se leva de table.
- Viens.
Mei Ling suivit le mercenaire au fond du couloir. Il s'arrêta devant une porte et en tourna doucement la poignée.
La clarté diffuse d'un lampadaire halogène baignait les lieux. Il n'y avait pas grand chose dans la pièce. Un petit bureau, une étagère remplie de livres et de bandes dessinées, et, aux murs, quelques reproductions de tableaux de Raphaël et Boticcelli.
Et assis très droit sur un canapé lit, un jeune homme qui leva sur eux un regard perplexe.
- Mei Ling, je te présente Jack. Jack, Mei Ling.
- Je ne le voyais pas comme ça.
Cette pensée avait déboulée d'un coup. Pour aussi réductrice qu'elle soit, elle n'en n'était pas moins exacte. Tous les agents d'infiltration avec qui l'analyste avait travaillé était des hommes mûrs, dans le genre de celui de Snake. Des hommes prêts à bondir au moindre bruit suspect, constamment en alerte. Des hommes sur le visage desquels on ne pouvait déchiffrer la moindre expression.
Le garçon - elle ne pouvait se résoudre à le voir autrement - qui se tenait devant elle avait tout d'un étudiant. Vêtu d'un pull en coton trop large pour lui et d'un pantalon beige, un ouvrage de Paul Auster à la main, il semblait sortir d'une dure journée d'examens. Ses cheveux blonds lui retombaient sur les épaules et lui donnaient l'apparence du genre de personne qui va déclamer de la poésie dans des pubs peu connus le soir
Chassant ces pensées puérils d'un léger mouvement de tête, elle eut un léger sourire, tendit la main à Raiden.
- Enchantée. J'avais hâte de vous rencontrer
Il lui rendit sa poignée de main mais pas son sourire. Snake l'observait d'un air anxieux.
- Tu as faim ?
- Ca va. J'irai me préparer quelque chose quand j'aurais fini mon chapitre.
- Le livre des illusions ? commenta Mei Ling en se penchant sur l'ouvrage. C'est peut-être son meilleur après Le Voyage d'Anna Blume.
Le visage du jeune homme s'éclaira fugitivement.
- Tout à fait d'accord.
- Nous n'allons pas te déranger plus longtemps, Jack, fit Snake sourdement. Tu sais pourquoi Mei Ling est ici.
- Oui.
- Tu as réfléchi à ce que je t'ai dit ?
- Non.
Raiden baissa la tête et se replongea dans son bouquin. Snake émit un petit grognement et tourna les talons. Après avoir adressé un vague "bonne soirée" à son interlocuteur, la jeune fille fit de même.
- Qu'est-ce qu'il fait ici ? demanda-t-elle une fois la porte de la chambre refermée.
- Une histoire de dingue. Il semblerait que toute cette histoire à Big Shell l'ait sacrément secoué.
- Il n'était pas parti on ne sait où avec sa petite fiancée... comment s'appelait-elle déjà ?
- Rose, je crois.
- Alors. Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Je ne sais pas. Quelques semaines avant notre fuite ici à Paris, il a sonné chez nous, totalement terrorisé. Il refusait strictement de parler ou de partir. Un autiste complet. On a essayé de le requinquer avec Otacon.
- Ca ne vous ressemble pas, sourit Mei Ling.
- Arrête tu veux ? Ce gamin en a vu de drôles et, avec un passé comme le sien, je peux comprendre sa réaction. Toujours est-il que ça va bien mieux qu'au début. Il parle à peu près normalement, il réussit à quitter l'appartement, ce qui n'était pas le cas avant, et il s'est mis à lire.
- Mais il refuse de répondre à tes questions, pas vrai ?
- Oui. Il m'a raconté en détail tout ce qui lui était arrivé sur Big Shell à son arrivée et depuis plus rien. Lorsque je lui demande s'il se sent capable de m'aider, de reprendre son activité de toujours, tu as vu comme il réagit. "Non", et c'est tout.
La jeune fille resta silencieuse un moment.
- Tu espères pouvoir le guérir en t'en prenant aux Patriotes, pas vrai ?
Snake haussa les épaules.
- Ouais. Je n'en sais rien en fait.
- Pourquoi ? Tu as une dette envers lui ?
- Pas seulement envers lui. C'est un peu compliqué mais, de sa survie, dépend celle de quelqu'un d'autre. Je t'expliquerai.
Ils repassèrent au salon.
- Bien ! fit Otacon en les voyant arriver. Que diriez-vous que l'on s'y mette dès demain ?
Snake hocha la tête.
- Mei Ling, si ça te va, il y a un train pour Lyon demain matin vers dix heures trente. Nous avons l'adresse de la clinique où Ocelot s'était fait greffer le bras de Liquid.
- Parfait. Et vous, vous resterez ici pour me transmettre les instructions, c'est ça ?
Les deux hommes la fixèrent d'un regard gêné. L'analyste éclata de rire.
- Ne vous en faites pas, c'est chacun son tour ! Et quelque chose me dit que vous aurez rapidement l'occasion d'entrer dans la danse.
Snake hocha lentement la tête.
Un peu plus tard, Mei Ling était prête à prendre quelques heures de repos. Snake avait insisté pour qu'elle utilise sa propre chambre. Il était évident que, pour le mercenaire; même un divan devait représenter un confort inouï. Alors qu'elle s'apprêtait à se coucher, une impulsion inexplicable la poussa à jeter un coup d'oeil par la porte légèrement entrouverte de Raiden. La lumière était encore allumée mais, de son poste d'observation, elle ne parvenait à distinguer qu'une portion du mur. Cependant, un son distinct parvint à ses oreilles. Un seul mot, répété sans fin, avec un désespoir atroce.
- Non. Non non non non. Non. Non.