Reviewer's corner : Merci à la fanélienne volante pour toutes les merveilleuses reviews qu'elle m'a laissées récemment ! Je jure que je réponds à tout ce soir…
Et un autre grand merci à Mellyna qui continue à suivre cette histoire… Voilà, tu vois, je poste ce chapitre plus tôt que prévu, parce que t'as raison, c'est une honte d'avoir mis un prélude après un prologue… (tant pis pour vous… avec la fac vous attendrez encore plus le deuxième…niark niark…)
Et aussi : meeeeeerciiiiii à Flo-chan (et son troll à pattes oranges…) pour une lointaine soirée nsnienne passée à habiller les bishous (non pas que je m'attarde particulièrement sur leurs fringues, là… mais ça m'a bien aidée !!!!)…
Voilà…
Chapitre Un : « Fated Souls »
« Cette vie, telle que tu la vis actuellement, telle que tu l'as vécue, il faudra que tu la revives encore une fois et un nombre innombrable de fois ; et il n'y aura rien de nouveau, bien au contraire… »
Nietzsche
OoOoOoOoO
Son Goku…
…flottait dans une obscurité protectrice, maternelle. Le temps n'existait plus. Il se sentait bien…Il ne sentait rien…Et tout aurait pu continuer ainsi pour l'éternité, si ce n'est…
Bip.
Dans le noir, il frémit. Le frisson de surprise qui remonta le long de son dos lui rappela qu'il possédait une colonne vertébrale.
Bip.
Nouveau tressaillement. Il avait donc tout un corps, même. Ne pouvait-on pas le laisser tranquille ? Il eut un vague mouvement de la main, comme pour chasser un insecte, mais…
Bip.
…ce bruit agaçant refusait de s'arrêter, de disparaître, de le laisser tranquille.
Bip. Bip. Bip.
Dans son irritation croissante, il chercha le fautif des yeux. Oh. Il avait donc des yeux qu'il pouvait ouvrir. Il les referma aussitôt. Le blanc est une couleur très agressive, savez-vous ? Et la pièce était toute blanche. Et lumineuse, avec ça…
Bip.
Il chercha à retrouver un cocon protecteur en s'enroulant dans les draps. Peine perdue, l'obscurité l'avait quitté. Et eux, ils ne voulaient pas le laisser. Ils se mirent à lui parler.
Bip.
Et son cœur continuait de faire biper ce foutu moniteur. Bip.
OoOoOoOoO
Amnésie, lui avait-on dit (et pas grand'chose de plus)…Ce qui expliquait pourquoi il ne se souvenait de rien.. Oh, si. Il se souvenait au moins de son nom. Son Goku. Et aucune de ces blouses blanches n'avait été capable d'expliquer pourquoi…
On l'avait bombardé d'explications, de noms, de dates, de visages sur des photographies…De mauvaises nouvelles aussi. Tiens par exemple : tous les gens qui auraient pu constituer sa famille avaient disparu. Dans le même accident qui l'avait laissé… comme ça. Il n'en fut pas vraiment triste. Ces gens, ils ne les connaissaient pas, de toute façon. Tout au plus leur était-il reconnaissant de l'amour dont ils semblaient l'entourer sur les photos qu'il avait vues, mais rien de plus.
Quand il sortit de l'hôpital, il découvrit qu'il avait un appartement à lui. Il avait de la chance, il n'était majeur que depuis peu. On le laissa, là. Il devait réapprendre à vivre. Facile à dire. Parce que tout aurait été beaucoup plus évident sans la peur constante de tout oublier. Cela devenait vite épuisant d'essayer de graver chaque seconde dans sa mémoire, juste au cas où…Et le plus compliqué, aussi : se retrouver soi-même…Car qu'est-ce qu'un homme sinon la somme de ses souvenirs ?
Une page blanche. C'est ce que vous êtes. La phrase l'avait marqué. Lui, il avait plutôt l'impression de…Tiens. Sortir d'une caverne. Celle de Platon peut-être (le tout sans se souvenir où il avait entendu parler de Platon et de sa fichue caverne, d'ailleurs…). C'est peut-être une chance. Vous pouvez être qui vous voulez maintenant. C'est à vous de choisir. Paroles supposées réconfortantes tombés négligemment des lèvres de quelqu'un, un jour. Alors ? Qu'est-ce que je veux ?
La première réponse avait été plutôt… surprenante. Manger. La nourriture, le goût des choses. Il lui fallait tout retrouver, tout réapprendre. Drôle de lacune qu'il s'employait à combler avec ardeur. Les plaisirs de la table étaient devenu pour lui un émerveillement sans fin (mais c'était par contre son métabolisme qui lui permettait de mener ses expériences culinaires à terme sans prendre un gramme qui était un émerveillement infini pour les médecins !). On avait beau lui seriner que ce n'était pas logique qu'il ait oublié ça, alors que tout le reste de son expérience, de ses savoirs acquis, ils les utilisaient quotidiennement sans savoir où il les avaient péchés…
Mais bon. Ce n'est pas ça qui allait donner un sens à sa vie, réfléchissait-il devant une douzaine de minuscules pots de glace pour tester chaque parfum…Cuiller toujours en bouche, il laissa errer son regard sur les clients du café… Et son regard s'éclaira.
Oui, c'est vrai, depuis son réveil, sa vie n'avait pas eu beaucoup de sens…Jusqu'au jour où il vit le soleil. Son soleil. Bien sûr, pour l'instant il ne s'agissait que d'un visage sur la couverture du magazine que lisait un habitué. Le visage d'un jeune homme, auréolé d'un halo de cheveux dorés, assorti d'une paire d'yeux à l'iris violet, pâles et glacés. Mais il avait trouvé ce qu'il cherchait sans le savoir. Il avait trouvé quelque chose d'inoubliable. En fait, parfois il avait même l'impression de se souvenir… C'était un sentiment si étrange qu'il ne voulait plus le perdre…Alors… Cet homme…
Alors il le chercha.
Alors il le trouva.
Alors il se mit à le suivre. D'abord de loin. Absolument partout.
L'homme s'appelait Genjo Sanzo.
OoOoOoOoO
Genjo Sanzo…
…avait bien réussi. Il était plutôt satisfait. En tout cas autant qu'il pouvait l'être. Certains auraient considéré qu'être recruté comme avocat en cet endroit était un achèvement en soi. « Les Trois Aspects » était le plus grand cabinet financier de tout le pays. Certes, il s'agissait d'un tournant majeur après ses débuts à l'assistance juridique. Lui ? Avoir le sens de la Justice à cette époque ? Vous plaisantez ! Ses loyautés étaient bien plus simples…Sa fidélité allait alors à un seul homme. Et Sanzo ne se souvenait pas avoir jamais eu une autre famille. Peu lui importait ou non de redresser les torts, du moment qu'il se tenait aux côtés de cet homme.
« Koumyou. »
Le nom à peine murmuré avait une résonance bizarre dans cette pièce au luxe dépouillé et impersonnel. Parce qu'à coup sûr, Koumyou Sanzo aurait détesté cet endroit. Peut-être même aurait-il détesté ce qu'était devenu son protégé. Mais Koumyou Sanzo était mort, alors cela n'avait plus guère d'importance. Un de ses propres clients l'avait tué. Sa bonté l'avait tué. Pourquoi Genjo Sanzo aurait-il continué à défendre la veuve et l'orphelin dans ces conditions ? Ils ne le méritaient pas.
Il s'était réfugié dans la finance, les chiffres. Des facteurs faciles à contrôler, à manipuler et qui ne nécessitaient aucun état d'âme. Il n'avait pas à s'impliquer. Juste à compter et contourner les obstacles juridiques avec ruse et habileté pour faire ce qu'on lui demandait. C'était simple. Reposant. Abstrait. Il s'était vite fait une réputation. Sa hargne était devenue légendaire. Son beau visage avait la faveur des journalistes. Un « héros moderne ». Ça le faisait ricaner.
Parce que le héros moderne vivait dans la peur. La peur de s'attacher. La peur de perdre quelqu'un. Autant rester seul, c'était plus sage. Il maintenait une distance infranchissable entre lui et le monde. Peut-être même était-ce la raison d'être de cette arme qu'il gardait constamment lovée au creux de ses reins, qui le faisait se tenir droit comme un i et dont tout le monde ignorait jusqu'à l'existence. Le métal glacé prenant petit à petit la chaleur de son corps jusqu'à se faire oublier au contact de la peau. Mais il était toujours là. Armé. Près à maintenir cette distance avec n'importe quel fou qui aurait l'idée de trop s'approcher. Cette arme, c'est celle qu'il aurait voulu posséder quelques années auparavant, le jour où Koumyou était mort.
Son installation dans la succursale de la tour HOTO était récente. Il se rappelait l'entrevue avec les trois actionnaires majoritaires…La salle de conférence vide hormis ces trois silhouette assises, et derrière eux, entre deux baies vitrées inondant la pièce d'une lumière crue, cette gigantesque peinture sur soie, des caractères d'un blanc immaculé sur un fond d'un noir profond.
Comme par enchantement, juste sous ses yeux, un des idéogrammes avait soudain pris un sens…
Kanzeon…
Un frisson lui parcouru le dos à la lecture de ce nom. Il n'aurait su dire pourquoi. Il tressaillit quand il s'aperçut qu'il pouvait aussi déchiffrer les lignes suivantes.
Namubutsu Yobutsuuin Yobutsuen Buppôsôen Jôrakugajô Chônenkanzeon Bônenkanzeon Nennenjushinki Nennenfirishin…
Un instant il entendit un bourdonnement grave qui alla en s'amplifiant à chaque battement de cœur. Il vacilla légèrement, pris d'un étrange vertige alors que le son devenait petit à petit celui de multiples voix qui s'entremêlaient, psalmodiant la même litanie en une mélopée qui attaquait son esprit sans relâche, comme le ressac…Des moines. Un instant il sentit l'odeur entêtante de l'encens assaillir ses narines, il sentit le contact du parquet contre ses jambes pliées (il se rappelait vaguement être toujours debout pourtant…), le poids d'une couronne de prêtre sur sa tête…
Au moment où les kanji laissaient place devant ses yeux à de vagues points lumineux tandis que l'obscurité menaçait de l'engouffrer, le silence retomba brusquement. Sanzo passa une main fébrile devant ses paupières, regarda à nouveau. Les idéogrammes sedétachaient toujours sur l'étoffe noire et brillante, charmant l'œil de leurs formes compliquées, mais incompréhensibles pour l'esprit… Il en poussa presque un soupir de soulagement. Ce qu'il venait de se passer n'était pas rationnel. Il s'empressa de l'oublier. Et accepta l'offre faramineuse des trois pontes.
OoOoOoOoO
Téléphone. Client, annonçait sa secrétaire. Il sortit de ses pensées. Il n'attendait personne, il s'apprêtait même à quitter son bureau. Il avait noté la pointe de surprise, la légère réserve dans cette voix modulée d'habitude agréablement neutre. Il avait poussé un soupir avant de demander carrément quel était le problème. La femme avait répondu à voix basse que son nouveau client semblait sorti tout droit d'une pub pour des céréales. Il crut avoir mal compris. Jusqu'à ce qu'il voie le gamin faire irruption dans la pièce, bien sûr. L'énergie semblait se dégager de lui en un flot continu. Une vitalité à donner le tournis. Bleu, rouge et orange de ses vêtements explosaient à la figure de ses interlocuteurs. Sans parler des grands yeux. Dorés. Avec un subit accès de regret, Sanzo pensa que le mélange aberrant de ces couleurs vives aurait indubitablement amené un sourire aux lèvres de Koumyou, s'il avait encore été de ce monde.
« Je m'appelle Son Goku », déclara sans préambule le gamin, comme si le fait était d'une importance capitale. Il mit tout de suite Genjo Sanzo mal à l'aise. La voix était trop forte. « J'ai une affaire pour vous. » Il le fixait avec trop d'intensité, son regard était trop direct. Comme s'il cherchait quelque chose en lui. Même l'appel à ses talents juridiques sonnait comme un prétexte. Mais Genjo Sanzo n'avait rien à donner. Il s'y refusait. Ce Son Goku cherchait autre chose, et quoique ce soit, Sanzo n'était absolument pas prêt à l'offrir. Il marmonna quelque chose avant de s'éclipser sous le regard ahuri du brun. Retraite en règle devant ces yeux dorés et obstinés.
« Je suis déjà attendu ailleurs. » C'était vrai, il devait remettre un dossier de fusion et acquisition à un client d'un autre étage de la gigantesque tour. Mais à cet instant, cela ressemblait trop à une mauvaise excuse. Comme un coup de vent, il passa devant le bureau de sa secrétaire, mallette en main, journal sous le bras, et sortit, espérant planter là le gamin.
« Y peut pas aligner deux phrases de suite, ce type ! D'où est-ce qu'il sort ? » lâcha l'adolescent en suivant obstinément le blond hors de la pièce. La secrétaire redressa ses lunettes sur son nez, eut un sourire, et répondit dans le vide des bureaux désertés en haussant les épaules :
« Laconie. Un coin très sauvage et très reculé de Laconie, je parie. » Et parce que l'avocat absent signifiait « Pause », elle ouvrit un magazine. Eut un ricanement en tombant sur la photo de son patron.
Ailleurs, à ce moment-là, pas si loin en fait, un autre homme regardait la même image et avait une réaction étrangement similaire …Qu'est-ce que c'est que ce monde où les avocaillons (aussi mignons soient-ils, d'accord) sont aussi adulés que des vedettes, se demandait-il ?
L'homme s'appelait Sha Gojyo.
OoOoOoOoO
