La Chair et le Sang.

Prologue - Rencontre au clair de lune.


Tristan galopait seul dans la forêt. La nuit tombait, il devait faire vite. Les Saxons se rapprochaient. Il fallait prévenir Arthur. Le plus vite possible.

BOUM

Le cheval se cabra. Une silhouette avait surgi de derrière un arbre avant de s'effondrer devant l'animal, le stoppant en pleine course.

Tristan sortit son épée du fourreau et sauta au sol. Il s'approcha avec précaution. Le corps tressaillit encore quelques secondes, puis s'immobilisa, face contre terre. Le chevalier tâta le corps inerte de la pointe de son arme. Rien. Il le retourna sur le dos avec son pied. Un Saxon. Mort. Le bras droit agrippé au ventre d'où semblait s'échapper le sang qui imbibait ses vêtements.

De faibles éclats de voix résonnèrent dans le crépuscule. Tristan attacha sa monture à un arbre, prit son arc, puis remonta la piste sanglante que le Saxon avait laissée derrière lui. Plus il s'enfonçait dans la nuit, plus les voix étaient fortes, noyées dans une pluie de chocs métalliques. Les traces de sang menèrent Tristan jusqu'à une petite clairière.

Des hommes se battaient. Trois contre un. La pénombre empêchait l'éclaireur de distinguer leurs visages, mais leurs armes trahissaient leur nature. Trois Saxons contre ce qui semblait être un Breton.

Tristan s'adossa à un arbre et admira le spectacle. Le Breton était petit et plutôt malingre, mais il était rapide et d'une dextérité remarquable. Son épée à deux mains fendait l'air avec grâce, repoussant les lames ennemies et tranchant les chairs.

Tristan remarqua alors qu'un épais filet de sang s'échappait de sa jambe droite. La blessure ne semblait pas gêner le Breton, mais la flaque rouge sous ses pieds s'élargissait dangereusement. La jambe atteinte commença à trembler légèrement avant de céder d'un seul coup.

Déstabilisé, le Breton dut planter son épée dans le sol pour se maintenir debout. Un des Saxons en profita pour le frapper au bras gauche. Les deux autres s'apprêtaient à abattre leurs lourdes haches sur leur adversaire, quand l'un d'eux tomba dans la neige, une flèche plantée dans la poitrine.

Les autres s'écartèrent vivement, scrutant la forêt à la recherche de l'agresseur invisible. Tristan sortit à découvert et banda de nouveau son arc, prêt à décocher une seconde flèche, quand le Breton sauta sauvagement sur l'un des Saxonsdans un cri assourdissant.

L'éclaireur se contenta alors de tenir l'autre en respect pendant que le Breton taillait littéralement son ennemi en pièce dans une pluie de sang. Couvert de blessures, les chairs à vif, le Saxon s'écroula, et le Breton l'acheva d'un coup d'épée en plein cœur, le plantant au sol dans un grognement animal.

Haletant, il tomba à son tour sur les genoux, ses mains tremblantes agrippées à son épée dans une tentative désespérée de se relever. Tristan jeta un regard inquiet vers lui, et le dernier Saxon profita de ce court moment d'inattention pour fondre sur le Breton. Mais il n'eut pas le temps d'abattre sa hache : une flèche lui avait traversé la gorge. Le Saxon s'affala lourdement sur le sol et Tristan planta son épée dans son torse.

Il se retourna alors vers le Breton et s'approcha de lui avec précaution. Il n'était plus qu'à quelques pas de lui, quand le blessé se releva et fit volte-face, sa lourde épée à deux mains pointée sur l'éclaireur.

Les deux guerriers se dardèrent du regard en silence, et Tristan crut se perdre dans un océan aussi bleu et profond qu'une nuit d'été ...

Le regard du Breton se voila tout à coup, et il s'écroula sur la neige. Tristan rengaina son épée et s'agenouilla près de lui. Doucement, il écarta les longs cheveux blonds du visage ensanglanté du Breton, et étouffa un juron.

Le Breton était une Bretonne.