Les personnages, lieux et événements que vous reconnaîtrez ne m'appartiennent pas. Ils ne sont que des marionnettes pour mon esprit torturé.

Attention : cette fic aborde des sujets sensibles ( mort, torture, viol ). Vous êtes prévenus.

Bonne lecture.

Le Loup à la Lune.


1ère partie : Et Arthur devint roi ...

Chapitre 2 - Elle chante les beaux jours ...


" Il n'en est pas question ! "

Tristan se tourna vers le chariot qui tanguait dangereusement sur ses roues. Gauvain ricana.

" Elle a repris du poil de la bête on dirait ! "

La Bretonne s'était tenue tranquille après l'incident de la veille. Elle était restée couchée dans le chariot toute la journée et la nuit qui avaient suivi, et avait accepté la nourriture et les soins en silence ...

" Laisse-moi passer, Picte ! "

... mais la trêve semblait rompue.

Galaad émit un grognement avant d'émerger de sa couverture. Il se dressa sur ses coudes en baillant.

" Vous croyez qu'elle va nous faire le coup tous les matins ? "

Bors ricana à son tour et lui tendit un verre de vin.

" Tiens ! Ca adoucira ton réveil ! "

Tristan posa son assiette et se leva. Il se dirigeait vers le chariot quand la toile qui le couvrait fut repoussée violemment. La Bretonne apparut et sauta à terre, sa jambe droite fléchissant exagérément sous la douleur. L'éclaireur s'arrêta et fronça les sourcils : elle ne portait qu'une couverture enroulée autour d'elle à la hâte. Il entendit Gauvain marmonner derrière lui.

" Ben ça alors ..."

Guenièvre apparut à son tour, chaudement vêtue. Elle descendit du chariot et agrippa la Bretonne par l'épaule.

" Mordred ...

" Lâche-moi ! "

La jeune femme blonde se dégagea de son emprise. La Picte soupira puis reprit d'une voix douce :

" Tu ne peux pas rester comme ça, tu vas attraper la mort - "

" Je préfère mourir de froid que de mettre ça ! "

D'un mouvement de tête, elle désigna le vêtement que tenait la brune, puis se dirigea droit sur le feu. Tristan l'entendit marmonner des mots incompréhensibles quand elle passa à côté de lui sans s'arrêter.

Arrivée près du foyer, elle s'assit sur la couverture que l'éclaireur avait quittée quelques instants plutôt. Elle ne prêta aucune attention aux regards inquisiteurs des chevaliers.

Pourtant, n'importe quelle femme aurait été gênée par ces quatre pairs d'yeux admirant la blondeur de ses cheveux longs ; détaillant les traits réguliers de son visage légèrement tacheté ; suivant la marque de brûlure courant de son oreille gauche à l'extrémité de son épaule ; dessinant chacune des cicatrices couvrant son corps fin mais musclé, ses épaules, le haut de son dos, ses bras, ses jambes ; décrivant ses formes généreuses sous l'étoffe rugueuse ... N'importe quelle femme ... mais pas elle.

Tristan détourna les yeux et observa ses compagnons; Galaad et Gauvain échangeaient des regards entendus, le premier rougissant légèrement tandis que l'autre, plus expérimenté, lui lançait des sourires taquins. Bors, quant à lui, souriait de toutes ses dents. Il se leva, s'avança jusqu'à elle et lui tendit son verre galamment :

" Du vin ? "

Elle fixa ses yeux bleus dans les siens puis sourit.

" Avec grand plaisir ! "

Guenièvre se planta alors devant elle et lui arracha le verre des mains.

" Mordred, mets ça tout de suite. "

" Pas question ! Et rends-moi mon verre, j'ai soif ! "

" Pas avant que tu te sois habillée décemment. "

" Mais qu'est-ce que j'ai fait aux dieux pour - "

" Qu'est-ce qui se passe encore ? "

Arthur était arrivé, suivi de Lancelot qui préféra rester en retrait. Le commandant fronça les sourcils en voyant l'accoutrement de la Bretonne.

" Puis-je savoir ce que vous faites dehors dans cette tenue ? "

" Elle refuse de s'habiller. "

La Bretonne se leva.

" Je refuse de mettre ça, nuance ! "

Arthur examina le vêtement que Guenièvre tenait dans ses mains. La Picte expliqua calmement :

" Ses vêtements sont couverts de sang et usés jusqu'à la trame. Fulcinia a gentiment accepté de lui céder l'une de ses robes, mais elle refuse de - "

" Je n'accepterai rien venant d'une romaine ! "

Arthur jaugea la jeune femme blonde du regard.

" Je suppose qu'il est inutile d'insister pour que vous mettiez cette robe ... "

" En effet. "

Il réfléchit puis se tourna vers le plus jeune de ses chevaliers.

" Galaad, donne-lui des vêtements. "

" Pourquoi moi ? "

" Parce que tu es le plus frêle de nous tous ! " se moqua Gauvain.

La Bretonne dévisagea Galaad, puis Arthur.

" Vous ne refuserez pas le présent d'un guerrier Sarmate. "

Elle l'observa encore quelques instants puis sourit.

" Bien sûr que non. Je ne voudrais pas offenser l'un des nobles chevaliers d'Arthur ! "

" Bien. Alors la question est réglée. "

Elle prit les vêtements que Galaad lui tendait et lança un regard victorieux à Guenièvre avant de regagner le chariot. Tristan la regarda s'éloigner. Bors ricana.

" Cette Bretonne a la tête dure ! "

" Elle n'est pas bretonne ... "

Tous se tournèrent vers la Picte qui fixait le chariot, l'air songeur.

" Je l'ai entendue parler dans son sommeil. Une langue étrange ... je crois que c'est une Scot ... "

Arthur fixa le chariot à son tour, visiblement surpris.

" ... une Scot ... elle viendrait d'Irlande ... "

Galaad interrogea Guenièvre du regard.

" L'Irlande ? "

" C'est une île ... à l'ouest. De petits groupes s'installent parfois sur nos côtes... "

" J'ai entendu dire que vous autres, Pictes, aviez des méthodes pour le moins persuasives pour les décourager de s'installer. "

La voix de l'éclaireur trahissait son cynisme. Arthur se tourna vers lui.

" Tristan ... je voudrais te parler. "

Les deux hommes s'éloignèrent et Tristan lança un dernier regard en direction du chariot.


Le convoi s'était arrêté en fin d'après-midi. Lorsque Tristan revint de sa mission de reconnaissance, le camp avait été dressé et chacun s'affairait selon son humeur ou ses besoins.

Dagonet s'occupait du jeune Lucan ; Bors aiguisait son épée près du feu, à quelques pas du chariot dans lequel Guenièvre et Arthur semblaient en grande conversation ; et Lancelot contait fleurette à une jeune servante.

L'éclaireur s'occupa de sa monture puis s'approcha du feu. Bors l'accueillit chaleureusement.

" Alors, les Saxons vont bientôt nous tomber dessus ? "

" Pas ce soir. "

" Tant mieux ! Je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles ! "

" Où sont Gauvain et Galaad ? "

" A la chasse ! Ils ne devraient plus tarder ... la Scot aussi est en balade. J'ai proposé de l'accompagner, à cause de ses blessures et tout ça, mais elle m'a jeté un regard noir en disant qu'elle n'avait pas besoin de ma pitié ... Comment Arthur a dit qu'elle s'appelait, déjà ? "

" Mordred. "

" Oui, Mordred, c'est ça. Drôle de nom ... drôle de fille d'ailleurs ! J'aimerais pas avoir affaire à elle sur un champ de bataille. Elle est du genre coriace et obstiné ! Elle se battait contre trois Saxons quand tu l'as trouvée, c'est ça ? "

" Quatre en comptant celui que j'ai trouvé mort. "

Bors émit un léger grognement, entre l'admiration et l'incrédulité.

" Ouais ... coriace et obstinée ... "

Tristan prit une gorgée de vin dans le verre de Bors puis se dirigea vers la forêt. Le vieux guerrier le regarda s'éloigner, les sourcils froncés.

" Où tu vas ? "

L'éclaireur lui répondit sans se retourner.

" Prendre l'air. "

Bors secoua la tête et sourit.

" Evite de te perdre ! J'ai pas envie de passer ma nuit à te chercher ! "

Tristan lui fit un léger signe de la main avant de disparaître entre les arbres.


L'air frais et le silence de la forêt lui faisaient plus de bien que n'importe quelle nourriture ou remède. C'était dans ces moments de solitude qu'il se sentait le plus en sécurité. Aucun ennemi à craindre. Aucun ami à protéger. Rien que lui et la forêt.

Il ferma les yeux, savourant le sentiment de paix qui envahissait peu à peu chaque membre, chaque muscle de son corps ... Ses sens étaient plus éveillés que jamais et il entendit une source couler au loin.

Il se concentra pour la localiser - tout droit - et avança dans sa direction. Une paroi rocheuse apparut bientôt derrière les arbres, renvoyant l'écho affaibli d'une voix.

Tristan posa la main sur la garde de son épée et avança en silence. La voix se faisait de plus en plus claire à mesure qu'il approchait, et il distingua bientôt les paroles d'une chanson coulant au rythme de l'eau.

" ... amharc, mnà ag obair ... l's mall san oich... "

Arrivé à l'orée de la forêt, il s'arrêta et scruta l'aplomb rocheux : un filet d'eau, pas plus épais que ses cinq doigts réunis, se déversait dans un bassin naturel devant lequel se tenait une silhouette qu'il reconnut aussitôt.

Assise sur le rebord du bassin, Mordred chantait doucement. Ses longs cheveux mouillés tombaient en cascade sur ses épaules nues. Sa chemise gisait sur la roche froide et elle semblait éprouver des difficultés à bander sa poitrine.

Tristan s'adossa à un arbre, légèrement en retrait, et écouta la voix mélodieuse danser dans l'air du soir.

" ... ceolann siad ar laetha geal, a bhi ... bealach fada anonn's anall a choich... "

Le silence retomba. Tristan s'apprêtait à rebrousser chemin quand la voix de la Scot résonna de nouveau.

" Sarmate ! "

Il hésita puis se dirigea vers elle. Le torse toujours nu, Mordred le regardait approcher. Il s'arrêta.

" Désolé. Je ne voulais pas - "

" Ton nom. "

Il étudia son visage avant de répondre.

" Tristan. "

" Eh bien, Tristan, puisque tu es là, tu vas pouvoir m'aider ! "

Elle lui fit signe d'approcher mais il ne bougea pas. Elle le dévisagea à son tour, puis s'expliqua.

" J'ai encore du mal à utiliser mon bras gauche, et je n'arrive pas à me bander la poitrine. "

Il resta immobile. Elle sourit.

" Je ne te volerai pas ton épée, promis ! "

Il se détendit imperceptiblement et se décida à avancer. Il s'assit près d'elle et lui prit le bandage des mains. Emprisonnant sa chevelure humide dans sa main droite, elle leva les bras pour lui faciliter la tâche.

Alors qu'il bandait la poitrine de la jeune femme, son regard s'attarda involontairement sue les cicatrices lézardant son dos. Quand il eut fini, elle se leva et commença à se rhabiller.

Tristan détourna les yeux. Le silence devenait pesant.

" Je ne savais pas que tu étais blessée à la poitrine. "

" Je ne le suis pas. C'est juste plus pratique et confortable comme ça. "

Il acquiesça distraitement, les yeux dans le vague.

" Je ne t'ai pas remercié pour l'autre soir. "

Ses yeux se posèrent sur elle. La chemise trop large de Galaad la faisait paraître encore plus petite et fine.

" C'est inutile ... "

" Tu m'as sauvé la vie. "

Cette simple constatation le rendit mal à l'aise. Elle plongea ses yeux si bleus dans les siens et lui tendit la main.

" Merci. "

Il se leva et prit la main qu'elle lui offrait. Sa peau était rugueuse sous ses doigts calleux. Elle lui sourit.

" A charge de revanche. "


Traduction de la chanson en gaélique :

" amharc, mnà ag obair l's mall san oich, ceolann siad ar laetha geal, a bhi bealach fada anonn's anall a choich "

" regarde, les femmes qui travaillenttoute la journée et jusque tard dans la nuit, elles chantent les beaux jours qui furent, un long chemin à travers le temps pour toujours."

( chanson d'Enya )

Notes de l'auteur :

J'espère que ce nouveau chapitre vous a plu. Comme toujours, n'hésitez pas à me faire part de votre avis.

Et un grand merci à Sereg pour sa review.