Les personnages, lieux et événements que vous reconnaîtrez ne m'appartiennent pas. Ils ne sont que des marionnettes pour mon esprit torturé.

Avertissement : ce chapitre aborde des sujets très graves : torture, meurtre, viol. Si vous ne supportez ce genre de choses, ne lisez pas ce qui suit ( et je suis très sérieuse ). Vous êtes prévenu(e)s.

Bonne lecture.

Le Loup à la Lune.


1ère partie : Et Arthur devint roi ...

Chapitre 5 - Sa vengeance.


Il faisait nuit noire quand Mordred et Tristan quittèrent la clairière. La forêt était froide et silencieuse. Mordred entendait Tristan respirer à côté d'elle. Une respiration profonde et calme. Pas comme la sienne.

Elle se concentra pour contrôler son souffle et le calquer sur celui de l'éclaireur. Son coeur battait encore très vite mais, peu à peu, elle retrouvait son calme.

Si seulement ses oreilles pouvaient arrêter de bourdonner ...

Du sang coula de ses lèvres et elle l'essuya du revers de la main. Le sang était doux et chaud sur sa peau froide ...

Des flashs assaillirent son cerveau. Elle soupira. Concentre-toi sur ta respiration ...

Elle s'arrêta, ferma les yeux et inspira profondément. L'air frais parcourut son corps, détendant les muscles, dissipant la douleur.

Lentement, elle rouvrit les paupières. Tristan s'était arrêté à quelques pas d'elle et l'attendait. Elle lui sourit légèrement et ils se remirent en route.

Ils marchaient en silence. Tout avait été dit dans cette clairière et ils n'en parleraient plus. Jamais. Mordred le savait.

Elle était reconnaissante envers Tristan de l'avoir aidée à accomplir sa vengeance. Peu d'hommes l'auraient fait. Peu d'hommes auraient compris ce qu'elle venait de faire.

Elle réprima un sourire en pensant à la tête qu'aurait faite Arthur, ou même Lancelot s'ils avaient su, s'ils avaient vu ... puis le sourire disparut et un frisson la parcourut quand elle imagina la désapprobation dans les yeux si doux, si compatissants de Dagonet ...

Elle secoua la tête. Non. Dagonet ne saurait jamais. Personne ne saurait jamais. Cette nuit resterait prisonnière de sa mémoire ... de leurs mémoires.

Elle jeta un coup d'oeil à Tristan et ses doutes disparurent. Lui seul savait. Lui seul comprenait. Elle l'avait lu dans ses yeux, dans l'ombre de sourire qui avait traversé son visage quand il avait doucement caressé sa joue ...

Mordred se mit à rire. Un rire léger et enjoué. Tristan se tourna vers elle et l'interrogea du regard. Elle rit de plus belle.

"Si ça continue comme ça, je n'aurais pas assez de toute ma vie pour te rembourser mes dettes ... "

Il sourit faiblement et reporta son attention sur les quelques mètres qui les séparaient encore des premières tentes du campement.

"Je suis sûr que tu trouveras un moyen. "

Mordred ouvrit la bouche, prête à répondre, mais une voix connue l'interrompit.

"Mordred ! Je croyais qu'Arthur t'avait ordonné de rester à l'intérieur du campement ! "

" Il m'a demandé, pas ordonné ! "

" Ne joue pas sur les mots, petite fille ! "

" Je ne joue pas sur les mots et je n'ai pas d'ordre à recevoir d'Arthur ... et arrête de m'appeler petite fille ! "

" Je t'appellerai comme ça me chante, fillette ! "

" Lancelot, Lancelot, Lancelot ... moi qui te prenais pour un exemple de galanterie ! Me voilà bien déçue ! "

" Pauvre petite fille. Tu me fends le coeur ! "

Le sourire moqueur de Lancelot s'évanouit tout à coup, et Mordred le vit froncer les sourcils.

"Ta bouche ... "

" Quoi, ma bouche ! "

" Elle saigne ... "

La Scot passa rapidement la main sur ses lèvres et jeta un coup d'oeil au visage impassible de Tristan.

Lancelot les dévisagea à tour de rôle et ses sourcils se froncèrent encore plus.

"Qu'est-ce que vous faisiez ? "

" Je ne crois pas que ça te regarde, mon beau chevalier. "

" Je veux savoir ce que vous faisiez, seuls, dans la forêt, au milieu de la nuit ! "

" On s'entraînait. "

Lancelot posa un regard soupçonneux sur Tristan.

"Vous vous entraîniez ... en pleine nuit ... "

L'éclaireur soutint le regard de son camarade mais n'ajouta rien. Son refus évident de rendre des comptes semblait énerver Lancelot au lus haut point.

Mordred pouvait voir les tempes du chevalier battre de plus en plus fort, de plus en plus vite. Elle se décida à parler pour deux.

"Mes blessures m'ont clouée au lit ces derniers jours, et comme Arthur m'a gentiment rendu mon épée, j'ai demandé à Tristan de bien vouloir me servir de partenaire de jeu. "

Lancelot planta ses yeux dans ceux de la jeune fille.

" Et pourquoi lui ? "

Elle sourit.

"J'ai toujours eu un faible pour les grands bruns taciturnes ... pourquoi ? Tu es jaloux ? "

Tristan ricana faiblement. Lancelot explosa.

"Bien ! Gardez vos petits secrets si ça vous amuse ! C'est bien le dernier de mes soucis !" - il tourna les talons – " Tristan, Arthur te cherche ! "

Ignorant totalement la Scot, il partit sans se retourner. Mordred et Tristan échangèrent un dernier regard, puis l'éclaireur emboîta le pas de son ami.

Mordred le regarda s'éloigner en silence.


Quand elle arriva au chariot qu'elle occupait depuis maintenant plusieurs jours, Mordred eut la désagréable surprise d'y trouver une Guenièvre passablement énervée.

"Je peux savoir où tu étais passée ! "

Les poings sur les hanches, elle toisait la jeune Scot d'un air autoritaire. Mordred décida de l'ignorer et commença à se défaire de son arme et de sa lourde cape.

"Mordred ! Je t'ai posé une question ! "

Elle soupira. La Picte n'abandonnerait pas si facilement.

"C'est pas vrai ... vous vous êtes donnés le mot, Lancelot et toi ... "

" Où étais-tu passée ? "

" Ca ne te regarde pas, Picte ! Ni toi, ni Lancelot, ni même Arthur ! "

Guenièvre ne dit rien. Elle se contenta de la dévisager en silence. Mordred profita de ce répit pour grimper dans le chariot et préparer sa couche.

Elle étalait soigneusement une couverture sur le plancher du chariot quand la voix de la Picte résonna de nouveau derrière elle.

"Le garde qui t'a attaquée ... Octavius ... "

Guenièvre n'ajouta rien. Elle semblait attendre une réponse de la part de son interlocutrice. Mordred finit d'installer les couvertures lentement, puis se tourna vers elle.

"Eh bien quoi, Octavius ? "

" Il a disparu. "

La Picte scrutait le visage de la jeune fille, cherchant la moindre trace de réaction. La Scot descendit du chariot et la fixa dans les yeux.

"Je ne vois pas vraiment ce que cette nouvelle, aussi bonne qu'elle soit, a à voir avec moi. "

Guenièvre l'étudia encore quelques instants avant de répondre.

"Avoue que c'est étrange : il te provoque puis disparaît le soir même ... Il y a de quoi se poser des questions ... "

" Je suis d'accord. Il y a de quoi se poser des questions ... sur le sens d'orientation des Romains et sur leur bon sens en général ... "

" Tu sous-entends qu'il s'est perdu ? "

" Je ne sous-entends rien. Je dis seulement qu'on est en pleine forêt. Une forêt noire et profonde. Avec des Saxons dans tous les coins. Il a dû vouloir faire un tour et cet idiot se sera fait prendre ... "

" Je doute qu'il ait été assez bête pour quitter le campement en plaine nuit, seul ... "

" C'est que tu ne sais pas à quel point les Romains sont bêtes et arrogants ... "

" Je connais assez les Romains, et je ne doute ni de leur bêtise, ni de leur arrogance ... "

" Alors arrête de me harceler et réjouis-toi plutôt d'avoir un Romain de moins à supporter !"

" Je doute qu'Arthur voit les choses sous cet angle ... "

" Arthur peut bien penser ce qu'il veut ! Ca ne me concerne pas ! "

Mordred s'apprêtait à remonter dans le chariot quand Guenièvre lui agrippa le bras.

"Ma patience à des limites, Picte ! "

" Ta manche est tachée de sang. "

La Scot dégagea son bras d'un mouvement brusque et elles se firent face en silence.

" Mordred, qu'est-ce qui s'est passé ? "

" Ce qui s'est passé ... tu veux savoir ce qui s'est passé ! Je vais te dire CE QUI S'EST PASSE ! "

Sa voix grondait d'une rage trop longtemps contenue.

"Ce qui s'est passé, c'est que je n'ai rien pu faire quand Octavius et ses copains nous ont attaquées, ma soeur et moi, sous prétexte qu'on était des infidèles, des sorcières impies ! Imagine un peu : une fille de seize ans qui s'habille comme un homme et manie l'épée pendant que sa soeur concocte des potions et prophétise ! Quel bel exemple ça ferait de les torturer, de briser leur volonté, de les forcer à renoncer à leurs pratiques démoniaques !

Malheureusement pour eux, la tache s'est avérée plus difficile que prévue : on ne s'est pas laissées faire ! On a tenu bon ! Malgré tout ! Malgré la soif qui asséchait nos bouches, malgré la faim qui brûlait nos entrailles, malgré le fer qui lacérait nos chairs, malgré le sang qui nous aveuglait ! On a tenu bon ! "

Ses poings tremblaient et des larmes contenues brûlaient ses yeux rougis.

"Et quand les prêtres ont compris que ça ne servait à rien, que rien, jamais, ne nous ferait renier ce que nous étions, ils nous ont données en pâture à leurs soldats ... "

Elle s'approcha de Guenièvre jusqu'à la toucher, jusqu'à plonger dans le noir de ses pupilles.

"Est-ce que tu sais ce que ça fait ... de voir sa soeur, sa jumelle ... la chair de sa chair ... le sang de son sang ... le soleil de sa vie ... hurler à la mort sous les assauts d'un soldat ivre ! De l'entendre supplier qu'on l'achève ! De l'entendre maudire le jour qui l'a vue naître ! Est-ce que tu peux seulement l'imaginer ! "

Guenièvre ne dit rien, mais Mordred la sentit trembler contre elle. Elle s'écarta légèrement mais ses yeux restèrent plantés dans les siens.

"Quand j'ai repris connaissance, j'avais été laissée pour morte en pleine forêt. Ils avaient emmené ma soeur ... pour finir le travail ... Je les ai cherchés ... pendant des jours ... des semaines ... des mois ... presque deux ans ... et puis un jour, je les ai trouvés ... Octavius et les prêtres ... ils étaient entrés au service d'un riche Romain ... Marius ...

Alors je me suis cachée et j'ai attendu ... Ils étaient trop nombreux pour attaquer seule ... J'ai guetté pendant des semaines, et j'ai vu ... je les ai vus ramener toujours plus d'infidèles ... toujours plus d'innocents ... J'entendais leurs cris ... tes cris ... et à chaque fois c'était ma soeur que j'entendais crier ...

Et puis, ils sont arrivés : Arthur et ses vaillants chevaliers ! Tes sauveurs ! "

Elle ricana doucement.

" Et après eux, les Saxons ! Et quand enfin tout ne fut plus que cendres, je suis descendue dans les cachots et je l'ai trouvé ... le corps sans vie de ma soeur ... ou plutôt ce qu'il en restait : un tas de chair putride bouffée par les vers ... "

Une larme coula sur sa joue.

"Alors je l'ai lavée soigneusement, j'ai tressé ses boucles blondes et je l'ai enterrée ... Et puis je me suis occupée des prêtres. Je les ai égorgés au-dessus de la tombe encore fraîche de ma soeur. Un par un. Jusqu'à la dernière goutte de sang. Mais il en manquait un. Celui qui avait souillé l'âme de ma soeur, celui qui avait pris son innocence. Octavius. Alors je me suis lancée sur vos traces. Et je l'ai trouvé. "

" Tu ... tu l'as ... "

La voix de la Picte tremblait. Mordred sourit faiblement.

"Sais-tu combien de fois j'ai rêvé de ce que je lui ferais si je le retrouvais ? Combien de fois j'ai rêvé de trancher sa chair à vif. De briser chacun de ses membres, chacun de ses os. De lui arracher la langue et les yeux de mes propres mains. De couper son sexe et de l'enfoncer dans sa gorge agonisante ... "

" Mordred ... qu'est-ce que tu as fait ... "

Guenièvre la regardait de ses grands yeux horrifiés. Mordred ricana.

"Ce que j'ai fait ? Mais rien. "

" Rien ? Mais tu viens de dire - "

" Je viens de dire ce que je rêvais de lui faire. Je n'ai jamais dit que je l'avais touché. "

Guenièvre la fixa encore quelques instants en silence avant de se détourner.

"J'ai dit à Arthur que je le préviendrais de ton retour ... "

" S'il te demande où j'étais, dis-lui que je m'entraînais à l'épée avec Tristan. "

" ... Tristan ? "

" Il lui confirmera mes paroles. "

La Picte hocha la tête lentement puis partit sans se retourner.

Mordred grimpa dans le chariot et se glissa dans les couvertures, le sourire aux lèvres.

Cette nuit, elle dormirait paisiblement. Cette nuit, aucun cauchemar ne viendrait troubler son repos. Elle avait accompli son devoir.

Sa vengeance.


Notes de l'auteur :

Et voilà, comme promis, on en apprend un peu plus sur le passé de Mordred, et plus précisément sur la raison de sa haine envers les Romains en général, et Octavius en particulier.

Ce chapitre est de loin le plus violent que j'ai écrit jusqu'à présent ( j'espère ne pas t'avoir trop choquée, Thaele Ellia ). Mais cette époque était une époque violente, et Mordred ne serait pas ce qu'elle est, si elle n'avait pas vécu des événements traumatisants ( et être torturée et violée en même temps que sa soeur jumelle est un événement particulièrement traumatisant ).

Le prochain chapitre sera ( un peu ) moins violent. Vous y découvrirez le point de vue de Tristan sur les événements qui ont eu lieu dans la clairière entre Mordred et Octavius.

Encore merci à Thaele Ellia et à Sereg pour leurs reviews qui m'encouragent toujours autant, et bienvenue à une petite nouvelle : Kestrel - nuctaseandso ( j'espère que je n'ai pas fait de faute d'orthographe ).

J'attends avec impatience d'avoir vos avis sur ce nouveau chapitre.

A bientôt.

Le Loup à la Lune.