Les personnages, lieux et événements que vous reconnaîtrez ne m'appartiennent pas. Ce ne sont que des marionnettes pour mon cerveau dépravé.

Ce chapitre est moins violent que les précédents ( un peu de douceur dans ce monde de brutes ! ).

Bonne lecture.

Le Loup à la Lune.


1ère partie : Et Arthur devint roi ...

Chapitre 7 - La terre de nos ancêtres.


Le convoi fit route toute la matinée sans faire halte. Les Saxons étaient trop proches.

Arthur et les chevaliers Sarmates chevauchaient en tête, suivant la piste tracée par leur éclaireur. A leur suite venaient le luxueux chariot de la Romaine et de son fils, et celui, beaucoup moins confortable des" survivants ".

C'était ainsi que la Picte avait surnommé le chariot qu'elle partageait avec Mordred.

Les " survivants" ... Assise à l'arrière du chariot, la Scot sourit faiblement. Oui. "Survivante" était certainement le mot le plus juste pour la désigner.

Elle avait vu des centaines d'hommes mourir, dont beaucoup avaient été ses victimes. Elle avait senti la Mort l'effleurer de ses ailes noires, et son sang s'était glacé plus d'une fois en entendant son cri strident. Sa chair avait vibré à son appel, mais toujours elle s'était détournée ... et avait survécu. Toujours.

Elle avait appris à supporter la douleur et les privations et à profiter des rares plaisirs que lui apportait sa jeune vie. Et de tous ces plaisirs, tuer était son préféré.

C'était le plus simple. Le plus pur. Le plus parfait.

L'odeur de la chair. Le goût du sang. Rien ne surpassait ces choses si évidentes et pourtant si précieuses.

Elle avait connu des hommes et expérimenté les plaisirs d'une chair pleine de vie. Mais aucun homme n'avait jamais réveillé en elle le feu qui la consumait chaque fois que son épée pénétrait une chair vibrante. Chaque fois qu'un sang chaud caressait sa peau.

Tuer la transportait par delà les flots de sang, à travers des océans blancs et noirs, jusqu'à embraser la vie qui bouillonnait en elle ...

"... non ... non ... "

Mordred posa les yeux sur la petite tête blonde posée sur ses genoux. Les mouvements cahoteux du chariot avaient bercé Lucan, mais les cauchemars le poursuivaient jusqu'en plein jour.

La Scot pouvait facilement les imaginer. C'étaient les mêmes images de tortures et de souffrances qui avaient hanté ses nuits, des années durant.

Elle caressa doucement la tête de l'enfant.

" Sh ... Sh ... Tout va bien ... "

" ... mmm ... mm ... "

Il se détendit imperceptiblement. Mordred appuya sa tête contre le chariot et soupira.

Cela faisait des heures qu'ils voyageaient dans un silence tout relatif.

Arthur et ses chevaliers étaient muets. Ils guettaient le moindre bruit comme des chiens aux abois. Même la Picte avait renoncé à ses bavardages inutiles et s'était sagement installée à l'avant du chariot.

A l'arrière du convoi, en revanche, les discussions allaient bon train. Les nouvelles rapportées par Tristan le matin même avaient alarmé les villageois.

Ils s'étaient précipités à la suite des chevaliers sans poser de questions, mais n'avaient pas cessé un seul instant de murmurer entre eux. Certains passaient même d'un groupe à l'autre pour donner ou entendre un avis sur la situation.

Mordred bouillonnait intérieurement. Elle aurait préféré affronter une horde de Saxons plutôt que d'avoir à supporter ce bourdonnement incessant.

Elle ferma les yeux et respira profondément. Le murmure des villageois s'insinua dans sa tête jusqu'à résonner dans tout son corps.

Elle rouvrit les yeux en soupirant et se résigna à contempler le paysage.

Les fines branches qui constituaient les parois du chariot avaient été assemblées à la hâte et laissaient apparaître de larges pans de forêt.

Les larges troncs noirs défilaient devant ses yeux, se confondant parfois aux fines branches du chariot, donnant au paysage un rythme haché mais régulier qui berçait l'esprit engourdi de Mordred.

Des formes étranges commençaient à se apparaître, peu à peu. La neige qui recouvrait le sol de la forêt dessina bientôt une silhouette allongée dont les extrémités semblaient serpenter doucement. L'animal merveilleux déploya alors ses ailes nues, mais ne put prendre son envol.

Une gigantesque silhouette sombre, identique à elle, la maintenait au sol.

Les deux créatures entamèrent une lutte sans merci, ravageant la forêt de leurs flammes rougeoyantes ...

Mordred sursauta. Un brusque choc avait ébranlé le chariot.

La Scot lança des regards autour d'elle. Rien. Elle secoua la tête. Sûrement une pierre ou une branche morte ...

Lucan remua contre elle. Il entrouvrit légèrement les paupières. Mordred lui sourit.

"Tout va bien, Lucan. Tu peux te rendormir. "

" ... maman ... "

Le garçon cligna plusieurs fois des yeux avant de sombrer de nouveau dans le sommeil.

Mordred le fixait sans bouger. Son corps entier s'était figé. Elle ferma les yeux. Les murmures des villageois se perdirent dans l'écho assourdissant des battements de son propre coeur.

Elle inspira profondément et ses lèvres formèrent un mot qui s'échappa dans un souffle.

Maman ...

Elle se concentra et ses sourcils se froncèrent sous l'effort. Mais aucun visage n'apparut. Les traits autrefois tant chéris de sa mère étaient perdus. Engloutis sous une mer de sang et de larmes.

Sa voix seule subsistait. Douce et mélancolique lorsqu'elle chantait le pays aimé et perdu.

Mordred sentit son écho résonner dans sa tête et sa gorge, ramenant dans sa bouche les paroles lointaines.

"Froid comme les vents du nord

Un matin d'hiver,

Froid est l'appel qui retentit

Depuis ce rivage lointain.

L'hiver est venu trop tard,

Trop proche à mes côtés.

Comment puis-je chasser au loin

Toutes ces peurs si profondes ?

J'attendrai les signes à venir,

Je trouverai un chemin !

J'attendrai les temps à venir,

Je trouverai un chemin jusque chez moi !

Ma lumière sera la Lune,

Et mon chemin, l'Océan !

Mon guide, l'Etoile du Matin,

Alors que je ferai voile vers toi.

Qui peut réchauffer mon âme ?

Qui peut dissiper ma passion ?

Hors de ces rêves, un Navire.

Je ferai voile vers toi ... "

Mordred rouvrit les yeux, et un sourire triste passa sur ses lèvres.

" Jolie chanson. "

Elle tressaillit. Dagonet chevauchait juste derrière le chariot. Elle le fixa, les sourcils froncés. Comment ne l'avait-elle pas entendu arriver ?

Le chevalier interpréta mal sa réaction.

" Je suis venu voir comment allait Lucan. Je ne voulais pas te déranger. "

" Tu ne me déranges pas. "

Elle lui offrit un sourire franc qu'il lui rendit, puis posa les yeux sur les boucles blondes étalées sur ses genoux. Elle les caressa doucement.

" C'est une jolie chanson. "

" Merci. "

" Elle me rappelle mon pays ... "

Mordred l'observa du coin de l'oeil. Dagonet avait détourné la tête et ses yeux, perdus dans ses souvenirs, fixaient la forêt sans la voir.

" Où est-ce, ton pays ? "

Il sourit tristement.

" Par delà la Mer et les Gaules ... des espaces infinis de steppes et de vents ... une terre de liberté ... "

La Scot soupira.

" Je t'envie. "

Le Sarmate se tourna vers elle, les sourcils froncés.

" Aussi beau que soit mon pays, cela fait bien longtemps que je l'ai quitté. Je ne le reverrai peut-être pas ... Il n'y a pas de raison de m'envier. "

" Mais tu l'as vu. Tu as foulé la terre de tes ancêtres. Tu as contemplé le ciel qui les a vu naître. Tu portes ton pays dans ta chair et dans ton sang ... "

" ... comme chacun de nous ... "

" Non ... Moi, je n'ai aucune terre, aucun pays à chanter. "

" Mais la chanson - "

" C'était celle de ma mère. "

Elle ferma les yeux.

" Je n'ai aucun chemin à retrouver. Aucun rivage lointain n'attend mon retour. Je suis née sur cette terre. Sur les côtes de ce pays étranger à mon sang. "

Ils restèrent sans rien dire un moment, puis la voix rassurante de Dagonet brisa le silence.

" Il te reste la terre de tes parents. "

Mordred ricana.

" La terre de ma mère n'existe plus. Elle n'est plus qu'un rêve, un murmure dans les berceuses qu'elle nous chantait ... Quant à mon père ... il est mort avant même ma naissance ... "

" Ta mère devait être une femme courageuse. Elever seule ses enfants – "

" Elle n'était pas seule … et de toute façon elle est morte avant que j'aie pu la connaître vraiment. C'est le frère de mon père qui nous a élevées, ma sœur et moi … si on peut appeler ça élever … "

Ses mâchoires se crispèrent et elle rouvrit les yeux. Dagonet la regardait, ses yeux pâles pleins de compassion et de gentillesse.

Mordred lui sourit faiblement.

" C'était il y a bien longtemps … dans une autre vie. "

Il acquiesça en silence.


Le soleil avait atteint son zénith lorsque le convoi s'immobilisa.

Mordred se tourna vers la Picte.

" Qu'est-ce qui se passe ? "

" Je ne sais pas … "

Guenièvre descendit du chariot et se dirigea vers la tête du cortège.

La Scot aurait voulu aller elle-même aux nouvelles, mais Lucan dormait toujours sur ses genoux. Elle s'impatienta : posant une main sur l'épaule du jeune garçon, elle le secoua doucement.

" Lucan … Lucan, réveille-toi ! "

L'enfant cligna des paupières plusieurs fois avant de se relever en se frottant les yeux.

" Qu'est-ce qui se passe … "

" Je ne sais pas. Je vais aller voir. Toi, reste dans le chariot. "

Lucan hocha lentement sa tête ensommeillée. Satisfaite, Mordred sauta au sol et inspecta les alentours. Aucune trace d'une éventuelle attaque.

" Descendez des chariots et dispersez-vous ! "

Bors se dirigeait vers elle en criant. Elle alla à sa rencontre.

" Bors ! Qu'est-ce qui se passe ? "

" Ah, Mordred ! Tu tombes bien ! Tu vas m'aider à prévenir tout le monde- "

" Et si tu m'expliquais d'abord ? "

" On va traverser un lac gelé. "

" Un lac gelé ? "

Le vieux guerrier acquiesça. Mordred haussa un sourcil.

" Tristan dit que c'est le seul chemin. "

Elle ricana.

" Si c'est Tristan qui le dit ! "

Elle suivit Bors et tous deux s'assurèrent que les villageois avaient bien suivi les instructions d'Arthur.

Une fois les vérifications terminées, la Scot prit Lucan par le bras et ils marchèrent à côté du chariot, bientôt rejoints par Guenièvre.

La Picte fixait la surface du lac avec appréhension. Mordred ricana.

" On a peur d'abîmer sa jolie robe ? "

Guenièvre lui décocha un regard noir mais n'eut pas le temps de répondre. L'écho des tambours Saxons résonna dans la forêt.

Tout le monde s'immobilisa.

La Scot jeta un coup d'œil vers le petit groupe qui s'était immobilisé au milieu du lac : Arthur et ses chevaliers semblaient avoir pris leur décision, et la Picte lui lança un rapide regard entendu avant d'aller les rejoindre.

Si elle croit que je vais la laisser s'amuser toute seule …

Elle prit son épée dans le chariot et se précipita à la suite de Guenièvre. Un jeune villageois s'adressait à Arthur :

" Mais vous êtes sept contre deux cents ! "

" Huit ! "

La Picte s'était avancée.

Mordred ouvrit la bouche pour s'ajouter au nombre des combattants, mais une lourde main se posa sur son épaule.

Elle se retourna et ses yeux d'un bleu intense rencontrèrent les yeux pâles de Dagonet.

" Je voudrais que tu prennes soin de Lucan. "

" Je peux me battre ! "

Il hocha lentement la tête.

" Je sais. Mais je n'ai confiance en personne d'autre. "

D'un mouvement de tête, il désigna la Romaine qui s'était rapprochée du jeune garçon.

Mordred serra les dents. Elle hésitait. Reportant son attention sur Dagonet, elle le dévisagea.

Le grand guerrier attendait patiemment sa réponse. Son visage était serein et confiant. La Scot sentit ses joues s'enflammer et baissa les yeux.

" D'accord. " - Elle releva la tête – " Mais tu me le revaudras ! "

Il sourit.

" Tout ce que tu veux – "

" Ton cheval. "

Dagonet tressaillit.

" Quoi ? "

" Je veux ton cheval en échange. "

Les yeux du chevalier s'arrondirent dangereusement. Il répéta d'une voix incrédule :

" Mon cheval ? "

" Oui, ton cheval. Une fois arrivés au Mur, bien sûr. Ce ne serait pas convenable pour un chevalier de finir le voyage à pieds ! "

Il la fixa quelques instants sans rien dire avant d'éclater de rire d'un seul coup.

" Vendu ! Mon cheval contre tes services ! Tope-là ! "

Ils se serrèrent la main.

Celle de Dagonet était gigantesque et recouvrait totalement la petite main de la jeune fille.

La Scot sentit une douce chaleur émaner des gros doigts rugueux du Sarmate et réchauffer lentement tout son corps …


Le convoi avançait difficilement dans la neige.

Le lac était déjà loin, mais Mordred suivait toujours le chariot en marchant, tandis que Lucan, assis à l'arrière, fixait la forêt derrière eux.

La Scot luttait contre l'envie irrésistible de se précipiter vers le lac. Elle était partie sans se retourner, refusant de voir le sourire moqueur de Lancelot tandis qu'elle partait avant même le début de la bataille.

Et maintenant, une sensation désagréable lui chatouillait les entrailles. Le sentiment de fuir. D'abandonner le seul homme qu'elle ait jamais respecté à une mort certaine.

Soudain, d'un même mouvement, Mordred se figea et Lucan se leva d'un bond.

Les tambours s'étaient tus. La bataille avait commencé.

L'enfant posa sur la Scot ses grands yeux suppliants.

" … Mordred … "

Elle le regarda dans les yeux puis hocha la tête. Sa décision était prise.

Elle prit Lucan dans ses bras, le porta jusqu'au luxueux chariot de la Romaine et l'y déposa.

La Romaine la dévisagea de ses petits yeux fuyants. Ravalant son dégoût, Mordred lui dit de la manière la moins menaçante possible :

" Je te le confis. "

Et sans lui laisser le temps de répondre, elle claqua la porte du chariot et se précipita vers le lac, l'épée à la main.


Notes de l'auteur :

Dagonet survivra-t-il à la scène du lac gelé ?

Réponse au prochain épisode !

Je sais, je suis cruelle ... peut-être que Mordred déteint sur moi ? Qui sait !

En tout cas, merci à Thaele Ellia pour ses compliments sur mon style ! Ils m'ont vraiment beaucoup touchée ! Et bonne chance pour tes diplômes !

Kestrel et Sereg : vous trouverez les réponses à vos questions sur ma page bio ! Et merci encore pour vos reviews !

Et enfin, bienvenue à Bee Orchid ! J'espère que ce chapitre t'a plu !

Biz et à bientôt !

Le Loup à la Lune.

PS : la chanson n'est pas de moi. C'est la traduction d'une chanson d'Enya. Cette artiste m'inspire beaucoup pour cette fic !