Les personnages, lieux et événements que vous reconnaîtrez ne m'appartiennent pas. Ce ne sont que des jouets pour mon esprit torturé.

Bonne lecture.

Le Loup à la Lune.


1ère partie : Et Arthur devint roi ...

Chapitre 8 - Libres ...


Elle était petite et menue contre lui, son corps frêle emmitouflé dans une épaisse couverture.

Lorsqu'il l'avait sortie des eaux froides du lac, ses lèvres étaient bleues et ses mains s'étaient figées sur le pommeau de son épée.

Tristan avait eu toutes les peines du monde à lui retirer l'arme sans lui briser les doigts. Puis la Picte lui avait retiré ses vêtements trempés et alourdis, loin des regards indiscrets, avant de la frictionner avec énergie.

Mais rien n'y avait fait. Son corps, agité de tremblements, refusait de se réchauffer.

L'éclaireur sentait encore sa peau glacée malgré les couches d'étoffe qui les séparaient. Tenant les rênes d'une seule main, il passa délicatement son bras libre autour de la taille de la jeune fille et l'attira un peu plus contre lui pour la réchauffer.

Les cheveux de la Scot caressaient doucement le creu de son cou, envoyant des vagues de frissons le long de sa colonne vertébrale et dans tout son corps.

La sensation n'était pas désagréable, mais le chatouillait horriblement.

Après un long moment de cette exquise torture, il finit par déplacer légèrement la tête de Mordred, et la froide humidité des boucles blondes fut remplacée par la chaleur d'un front brûlant.

Mauvais signe ...

Tristan pensa un instant ramasser une pleine poignée de neige et la passer doucement sur son visage fiévreux ... comme cette autre nuit ... Mais Mordred avait besoin de soins au plus vite, et le convoi était déjà bien trop lent à son goût.

L'éclaireur parcourut du regard le groupe de cavaliers devant lui.

Arthur chevauchait en tête, suivi de prêt par Lancelot. Venaient ensuite Gauvain et Galaad, ce dernier ayant pris Guenièvre avec lui.

Bors était légèrement en retrait. La tête basse, il tenait serrées entre ses doigts les rênes d'un cheval noir sur le dos duquel une imposante silhouette se balançait doucement sous une couverture ne laissant apparaître que des bottes usées et des mains, caleuses d'avoir trop serré la hache qui gisait à présent dans les fonds noirs et glacés du lac, parmi les cadavres boursoufflés des Saxons entraînés dans l'abîme.

Il s'était dressé, tel un géant, protégeant ses compagnons de toute sa stature. Il avait frappé la glace épaisse, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle se brise sous la force de sa volonté.

Mais cette volonté farouche qui avait défié et vaincu les éléments, avait succombé aux flêches ennemies.

Et Dagonet était mort.

Jamais plus il ne verrait la terre qui l'avait vu naître. Après tant d'années passées à protéger un peuple qui n'était pas le sien, au nom d'un Empire qu'il méprisait, il était mort sur cette terre étrangère. Loin des siens. Loin de la steppe.

Plus rien ne pourrait l'atteindre à présent. Ni les flêches saxones, ni les promesses trompeuses des Romains.

Il était libre. Plus libre qu'aucun homme de chair et de sang ne pourrait jamais l'être ...

" ... mm ... mm ... "

Mordred commençait à remuer contre lui. Tristan l'appela doucement.

Aucune réponse. Elle était toujours inconsciente malgré les tremblements qui agitaient son corps frêle.

L'éclaireur la bascula légèrement sur le côté et l'observa avec attention.

Son visage était congestionné et son nez, rouge et légèrement enflé. Elle avait l'air d'une enfant malade.

Lâchant les rênes, Tristan caressa sa tempe fiévreuse du bout des doigts, écartant au passage une boucle trempée.

Comment une créature qui semblait si fragile, si innocente, pouvait conteir tant de rage.

Etait-ce seulement la même personne qu'il avait vu sortir des ténèbres de la forêt, brandissant sa lourde épée avec un cri féroce, s'interposant entre Dagonet et les Saxons, protégeant le géant coûte que coûte, jusqu'à ce que la glace les engloutisse tous les deux dans un bruit assourdissant ...

Mordred gémit doucement et Tristan la ramena contre lui, resserrant son étreinte. La Scot commença alors à se débattre, forçant l'éclaireur à s'arrêter.

" Mordred. Mordred, calme-toi. "

Mais elle ne se calmait pas, et Tristan perçut des bribes de phrases au milieu des gémissements.

" ... fàn liom ... oiche .. tuath ... isolde ... isolde ... "

Les mouvements de la jeune fille étaient de plus en plus violents et menaçaient de la faire tomber de cheval. Tristan la prit alors par les épaules et la secoua.

" Mordred ! Ca suffit ! "

La Scot ouvrit brusquement les paupières, mais lorsque ses yeux ronds de terreur se posèrent sur le visage sombre de l'éclaireur, elle se mit à hurler :

" MARBH ! MARBH ! "

Tristan fit alors la seule chose à laquelle il put penser.

Il la gifla.

Mordred tressaillit puis s'immobilisa. L'éclaireur prit alors son visage dans ses mains et le leva vers lui.

La Scot cligna plusieurs fois des yeux avant que son regard bleu ne trouve celui du chevalier. Elle entrouvrit ses lèvres tremblantes et murmura dans un souffle :

" ... dearg ... ghealach dearg ... "

Puis ses pupilles se voilèrent et elle s'effondra dans les bras de Tristan.


Il faisait nuit lorsque Tristan quitta le cimetière désert.

La solitude ne lui avait apporté aucune consolation. Aucune paix; Trop de choses bourdonnaient dans sa tête.

Le jeune Romain était sain et sauf. Ils avaient accompli leur mission. Dagonet était mort et enterré, et maintenant ...

Maintenant ils étaient libres.

Le mot jouait sur ses lèvres et il le prononça.

" ... libre ... "

Il était vide. Creux.

Après toutes ses années de combats, de souffrances, de mort, la liberté promise semblait dérisoire. Superflue.

Sa liberté, Tristan l'avait déjà gagnée, loin des Romains, dans la chair et le sang.

Tuer l'avait libéré.

Tuer lui avait rendu ce que les Romains avaient tenté de lui prendre pendant ses années d'apprentissage sur les terres froides de Bretagne.

La conscience aiguë de la valeur de sa propre vie.

Les Romains et leurs missions n'avaient été qu'un prétexte. Une excuse pour justifier son désir de tuer.

Se jeter dans la bataille. Sentir la Mort emplir l'air de son odeur pestilentielle. La respirer. La goûter dans le sang de l'ennemi. La voir éteindre l'oeil. Refroidir la chair.

Et au milieu de cette Mort, au creu de son sein sanglant, sentir la vie courir dans ses veines, emplir ses poumons, réchauffer sa chair douloureuse. Se sentir vivre...

des éclats de voix le soritr de ses pensées. Déboussolé, Tristan scruta l'assemblée disparate de soldats et de villageois buvant et vociférant devant lui.

La taverne. Inconsciemment, son corps l'avait mené aussi loin possible de la Mort et de son silence, au milieu d'une foule grouillante d'hommes et de femmes suintant le vin et la vie.

Une silhouette connue attira son attention. Vanora portait chopes pleines vers une table légèrement en retrait.

Se glissant entre les tables, Tristan la rejoignit et lui prit son fardeau des mains.

Surprise, Vanora sursauta avant de lui adresser un faible sourire. L'éclaireur hocah imperceptiblement la tête puis, sans se retourner, se dirigea vers la table isolée sur laquelle il déposa lourdement les chopes.

Lancelot et Gauvain levèrent la tête vers lui. Bors et Galaad ne bougèrent pas.

Tristan s'assit en bout de table, entre Lancelot et Galaad, sans rien dire. Le silence était lourd, noyé dans le murmure entêtant qui les entourait.

L'éclaireur dévisagea ses compagnons.

Les yeux fermés, la tête dans les mains, Galaad semblait absent, comme hors du temps, et Tristan soupçonna le jeune chevalier de s'être réfugié une fois de plus dans ses souvenirs d'enfance pour fuir la réalité.

A côté de lui, Gauvain fixait la chope pleine posée devant lui, la tête baissée, comme s'il cherchait à éviter le regard vide de Bors en face de lui.

Bors. Il était certainement le plus affecté par la perte de leur compagnon. sa rage avait bouillonée en silence jusqu'à leur arrivée au fort où elle avait explosé à la face de l'évêque romain.

Le vieux guerrier avait alors disparu jusqu'à l'enterrement et n'avait pas rouvert la bouche depuis. Il se contentait de fixer le mur derrière Gauvain. Sans rien dire.

Tristan se tourna alors vers Lancelot et remarqua que celui-ci s'était légèrement détourn des autres dans une attitude figée de dédain et de colère sourde.

La voix de Gauvain tira l'éclaireur de son observation silencieuse.

" Comment va-t-elle ? "

Tristan sentit Lancelot remuer légèrement à côté de lui tandis qu'il se tournait vers le chevalier blond.

" Quand je l'ai quittée, elle n'avait pas repris connaissance. "

Gauvain hocha lentement la tête, le regard toujours perdu dans sa chope de vin, avant de reprendre d'une voix sourde, à peine plus forte qu'un murmure :

" On aurait dû faire quelque chose ... n'importe quoi ... au lieu de rester planter là ... Mordred a été plus courageuse que nous ... "

" Ce qu'elle a fait était stupide. "

La voix de Lancelot était neutre. Trop neutre.

Tristan se tourna de nouveau vers lui. Les mâchoires cripées, le chevalier brun fixait toujours le vide de ses yeux noirs et hautains.

Gauvain lui lança un regard lourd de repsoches.

" Comment tu peux dire ça ? Alors qu'elle a failli y laisser sa peau ! "

" Et qu'est-ce que ça a changé ? Hein ? Tu peux me le dire, Gauvain ? "

Le chevalier blond ne lui répondit pas. Il détourna la tête et serra les poings.

" Eh bien, je vais te le dire, moi. Rien. Ca n'a strictement rien changé. Dagonet est mort. "

" En nous sauvant la vie. "

" Et qui était là pour sauver la sienne ? "

" Ne mets pas la mort de Dag sur le dos de Mordred, Lancelot ! "

" Pourtant il faut bien que ce soit la faute de quelqu'un. "

Gauvain se leva d'un bond et, s'appuyant sur ses deux bras tendus, il se pencha vers Lancelot.

" Mordred a été la première à se précipiter pour l'aider ! Avant même Arthur ! "

" Pour ce que ça lui a servi, elle aurait mieux fait de rester où elle était. "

" Tu peux parler ! "

" Quoi ? "

Lancelot avait gardé la tête droite, refusant de faire face à Gauvain. Il était resté maître de lui, mais ces dernières paroles le sortir de sa réserve.

Il se tourna vers le chevalier blond et planta ses yeux rageurs dans les siens, le mettant au défi de continuer.

Mais Gauvain ne se laissa pas intimider et soutint son regard un long moment avant de poursuivre d'une voix calme :

" Toi non plus, tu ne lui a pas servi à grand chose. Trop occupé à jouer les jolis coeurs ... "

" Répète si tu l'oses ! "

Lancelot avait bondit de sa chaise et les deux chevaliers se faisaient face, prêts à se sauter à la gorge.

" Ca suffit ! "

Galaad s'était levé à son tour et s'interposa.

Sans quitter Gauvain des yeux, Lancelot marmona entre ses dents :

" Ne te mêle pas de ça. C'est une affaire entre grandes personnes. "

" Et tu crois que vous sauter dessus va changer quelque chose ? "

" Non, mais ça défoulerait ... "

Gauvain détourna la tête tout en se redressant lentement.

Tristan ricana. Lancelot se tourna vers lui et aboya :

" Et qu'est-ce qui te fait rire, toi ? "

" Vous deux. On dirait deux gamins. "

" Tss. "

Lancelot tourna les talons et sortit de la taverne tandis que Gauvain se dirigeait vers le comptoir, sa chope pleine à la main.

Galaad soupira avant de se tourner vers Tristan.

" Et tu trouves ça drôle ? Ils étaient sur le point de s'étriper ! Pourquoi tu n'es pas intervenu ? "

" J'ai pensé que ce serait un bon moyen de les faire taire. "

" De rire ? "

" De les laisser s'étriper. "

Le jeune chevalier fronça les sourcils sans rien dire, puis alla rejoindre Gauvain.

Tristan le suivit des yeux quelques instants avant de s'emparer de l'une des chopes abandonnées par ses compagnons, et de la brandir devant lui.

" A Dagonet. "

Bors se tourna lentement vers lui et les deux chevaliers se fixèrent en silence.

Puis le vieux guerrier prit sa propre chope et la leva à son tour.

" A Dagonet. "


Notes de traduction :

" fàn liom " : reste avec moi

" oiche " : nuit

" tuath " : tribu

" marbh " : mort ( adjectif )

" dearg " : rouge

" ghealach dearg " : lune rouge


Notes de l'auteur :

Coucou tout le monde !

Désolée pour le retard, mais j'ai pas mal de boulot en ce moment. Enfin, je vais essayer de faire des efforts, promis !

Alors, comme toujours, merci à toutes pour vos reviews ( N'y a-t-il que des demoiselles pour lire mes fics ? Je commence à le croire ! Je devrais peut-être me lancer dans le Shôjô manga ? lol ).

Bee Orchid : quelle impatiente tu fais ! Enfin, j'espère que ce chapitre comblera tes attentes !

Kestrel : j'espère qu'il y a assez de Tristan pour toi dans ce chapitre ! Et tu as raison, sans Lancelot, qui pourrait-on vaner sans remord ?

Sereg : je te rassure, tu n'es pas la seule à souffrir d'un sadisme latent ! La plupart de mes fics ne sont pas classées R pour rien ! Et pour ce qui est de savoir si Tristan a été sage, je ne sais pas ... je crois que je le préfère quand il fait le vilain garçon !

Thaele : Désolée, ma grande ! J'ai dû sacrifier Dagonet pour le bien de la fic ! Mea culpa ! Mais je promets de me faire pardonner ! Alors continue à lire !

Et enfin, la fic va se rallonger quelque peu. J'ai prévu plusieurs parties après la fin du film.

Alors à la prochaine pour de nouvelles aventures !

Le Loup à la Lune.