Chapitre 3 : Le Great Teacher en piste !

La cérémonie de rentrée se déroula dans une solennité assez soporifique. Comme à son habitude, le corps enseignant prononça son discours invitant les élèves de terminales à fournir les efforts nécessaires pour espérer intégrer une prestigieuse université.

Debout devant son pupitre, le proviseur adjoint posa un regard sévère sur son auditoire composé de lycéens, sagement en rang devant lui. Il aimait voir la crainte dans leur regard. La devise de l'école privé Tao résumait sa vision du monde scolaire : Discipline, Respect et Travail.

Il ne tolérait aucun trouble au sein de l'établissement. Tout élève contrevenant au règlement scolaire encourait une punition sévère selon le degré de sa faute.

Il ne supportait pas l'insolence des jeunes vis-à-vis des anciens. Un manque de respect envers le corps enseignant valait au coupable, une peine de renvoi de trois jours.

Pour lui, seul le travail apportait la plénitude et l'épanouissement d'un individu.

Il était fier du travail accompli depuis son arrivé, il y a six ans. Il pouvait se targuer de compter parmi ces élèves, les fils et filles d'importantes figures de la vie politiques et économiques du pays. Grâce à leurs aides financières, l'école Tao était devenue très réputée.

Elle était divisée en trois pôle : primaire, collège et lycée et comptait un stade, trois piscines et gymnases dans chaque pôle, et surtout l'école était hautement informatisée et disposait des dernières nouveautés en matière de technologie. Aucune école ne pouvait se vanter de posséder des ascenseurs. Il en était fier, très fier.

Il bomba fièrement le torse. Et un sourire orgueilleux marqua son visage rond. Il toussa pour s'éclairer la voix puis reprit son discours.

- Je vous demande de faire honneur à cet établissement ou que vous soyez, car vous devez avoir à l'esprit que vous êtes la future élite chinoise qui emportera le dragon chinois plus loin et plus haut que les autres nations. Chacun de vous est un maillon essentiel dans la construction d'un état qui surpassera les autres, et... AAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHH ! QU'EST-CE QUE C'EST QUE CA !!

Le proviseur s'écarta de son pupitre sur lequel le canard blanc avait sauté après avoir glissé sur de son crâne chauve. Mais le volatil quitta précipitamment son perchoir, juste au moment où un homme bondissait sur le pupitre.

Affolé, le canard s'enfuit en caquetant.

L'homme se releva et s'élança après le canard. Ils tournaient bruyamment en rond.

- Allez, laisse-toi faire le canard ! Putain, je vais pas te bouffer ! ... En vérité, un peu. Mais quand même, tu devrais te sentir très fier de servir de p'tit déj au Great teacher Onizuka !

- Couac, Couac, Couac, Couac ! (traduction : ça va pas la tête, je pas envie de finir dans le ventre d'un mec qui va me bouffer sans me plumer avant ! Feylie : si vous saviez tout ce qu'on peut dire en langage canard.)

Ce spectacle comique fit rire les élèves.

Le proviseur adjoint s'étrangla avec sa cravate qu'il mâchait. Qui était ce misérable qui osait l'interrompre dans son discours ? Un va nu pied même pas rasé et habillé d'un jean bien trop large qui descendait sous ses fesses, une chemise hawaïenne, des sandales et surtout... Cet ignoble individu donnait un mauvais exemple à ces lycéens - de pauvres agneaux innocents en plein apprentissage de la vie - avec ces piercings aux oreilles et sa chevelure décolorée ! Il fallait ôter cette vision satanique des yeux de ces lycéens avant qu'ils ne succombent à cette attraction pécheresse.

La situation était urgente. Ils riaient tous, même les professeurs. Des professeurs pourtant si intègres. Ce diable avait réussi à les charmer en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire.

Lorsque enfin Onizuka réussit à s'emparer du canard, il reçut des applaudissements dignes d'un grand comique. Tel un artiste, Onizuka leur fit la révérence, le canard sous les bras. S'en fut trop pour le proviseur adjoint.

Il s'approcha d'Onizuka et de son pied, il écrasa celui de Onizuka. Sous la douleur, il lâcha le canard qui en profita pour s'enfuir, et sautilla sur place en se tenant ses orteils meurtries.

- Putain, qu'est-ce t'as foutu ?! hurla-t-il en faisant face au proviseur adjoint. On peut plus être applaudi tranquillement, maintenant ? Et...

Il regarda ses mains puis la scène. Aucune trace de son petit déjeuner. Furieux, il attrapa le proviseur adjoint au col. Onizuka tirait une grimace affreuse qui se voulait terrifiante.

- Regarde ce que t'as fait, gronda-t-il. Tu sais depuis combien de temps je suis aux trousses de ce canard, hein ? Assez longtemps pour avoir sauté le dîner de la veille. Et à cause de toi, je vais encore me priver d'un canard laqué ! Je crève la dalle, moi ! Comment tu vas réparer ton erreur ?

- Vous êtes dans l'enceinte d'un établissement. Je vous prierais donc de bien quitter les lieux avant que je n'appelle la police, monsieur !

- Bah, appelle. Je m'en bas les reins de ta police. Je suis un professeur. Le meilleur qu'ait connu le Japon. Alors, c'est pas un dirlo chinois qu va m'éloigner de mes élèves.

Le visage du proviseur adjoint qui virait au violet à cause de la pression qu'exerçait Onizuka autour de son cou, prit une teinte blafarde à l'annonce de la nouvelle improbable. Le ciel lui tombait sur la tête ! Bouddha n'était plus de son côté ! Pourquoi ? Il avait certainement offensé le dieu pour que celui-ci lui fasse subir une telle épreuve.

- Vous... Vous... Vous...

- Hé ! Te rouille pas le vieux ! s'écria Onizuka en secouant fortement le proviseur adjoint.

- Vous... Vous

Un homme d'une soixantaine d'année, les cheveux gris et mesurant à peine plus de un mètre soixante, avança vers les deux hommes.

- Je ne vous attendais plus, monsieur Onizuka, dit-il avec un sourire.

- Je suis désolé, monsieur le proviseur, j'ai eu quelques problèmes à l'aéroport. Ils m'ont pris pour le big caïd de la mafia japonaise. Sincèrement, est-ce que j'ai une gueule de yakuza ? Et je vous parle pas quand, ils ont voulu ouvrir ma valise. J'ai vu mes précieuses vidéo avec Kimiko Uedo, s'envoler en fumée. En plus c'était les plus rare sur le marché du porno, snif.

- J'espère que vos déboires sont derrière vous, rit le proviseur.

- Ne me dites pas, monsieur le proviseur, que ce... cet individu sans moral est un de nos nouveaux professeurs ! s'horrifia le proviseur adjoint.

- Si. J'ai eu de très bons échos venant de mes confrères sur le travail de monsieur Onizuka.

- Ils vous ont certainement menti pour débarrasser le Japon d'un diable comme lui ! Regardez-le !

Onizuka s'était rapproché du bord de l'estrade pour aborder les lycéennes du premier rang. Il dévoilait sa musculature devant cette cour féminine qui gloussait d'admiration.

- A-t-il vraiment une tête et des manières de professeur ? Je vous en conjure, monsieur le proviseur, renvoyez-le au Japon. Cet homme va détruire l'avenir radieux de la Chine !

- Monsieur Onizuka…, dit le proviseur.

Enfin, monsieur le proviseur a compris notre intérêt à voir partir ce suppôt de Satan. Après son départ, je parlerai avec nos élèves pour leur faire entrevoir leur comportement infâme avec Onizuka. Ils doivent comprendre la faute qu'ils ont commise en riant de ses bêtises. Je serai la lumière qui les fera revenir vers le chemin pure et virginale de la morale, pensa le proviseur adjoint en se frottant les mains.

- … Veuillez vous présenter à nos lycéens qui n'attendent que cela, pria le proviseur.

QUOI ! Oh, Bouddha ! Viens à mon aide ! Le Mal s'est installé dans cette école ! Que dois-je faire ?

Onizuka s'empara alors du micro à la manière d'une grande star qui sait qu'on l'adule.

- Voilà, je me présente : je suis Eikichi Onizuka, 22 ans, célibataire et je suis le Great Teacher qui à révolutionner le système scolaire japonais ! Avec moi, vous allez enfin comprendre à quoi sert l'école ! C'est pas une usine à formater les futurs névrosés qui vont alimenter les psy ! Non, c'est un club de vacance où on apprend à s'amuser, à draguer et à... à draguer, bien sûr ! Y'a que ça de vrai, pas vrai !

Des cris d'approbations suvirent sa vision de l'école.

- J'ai une demande à formuler et elle s'adresse aux mecs : si l'un de vous a des cassettes sur mon idole porno, Kimiko Uedo, qu'il n'hésite pas à me les ramener. Je suis prêt à faire un échange.

Le proviseur adjoint n'en revenait pas ses oreilles. Il n'imaginait pas la tête du comité de parents d'élèves lorsqu'ils auront eu vent de... de ça !

- Je suis content de votre accueil mais j'ai une mauvaise nouvelle pour certains d'entre-vous, continua-t-il.

- Vous partez déjà, m'sieur !

- Oh, non, m'sieur !

- Mais, non ! Seulement, je ne serai le principal que d'une seule classe.

- C'est pas juste !

- Je sais. Depuis que mon canard a foutu le camp, dit-il en toisant le proviseur adjoint, la vie est injuste !

- Et qui est cette heureuse classe qui vous aura comme professeur principal ?!

- Et bien...

Roulement de tambour.

- The winner is... La terminal C !

- On non !

- Oh, oui !

- Tu l'as dit ma belle ! dit-il en faisant un clin d'oeil au premier rang. Allez, ne vous découragez pas ! Je suis disponible pour tous les élèves ! Alors, si vous avez le moindre, problème, venez me voir sur le toit de l'école ! Mon cabinet est ouvert 24/ 24 heures et 7/7 jours, mais surtout pour les jolies filles, hein ?

- Vous... C'est une honte de parler ainsi à nos élèves ! s'offusqua le proviseur adjoint. C'est de l'harcèlement et pire. Je...

- C'est ta voix de pingouin qui est un harcèlement pour mes élèves alors me fais pas chier !

- Votre... votre... votre...

- Et ça recommence, soupira Onizuka. Allez, le chauve, pleure pas. J'ai compris, je vais me montrer plus respectueux envers toi, ça te... – merde les bonnes habitudes c'est vachement dure à prendre - ça vous va, monsieur le proviseur adjoint ?

Il y a un peut-être un espoir de changer monsieur Onizuka et de le ramener dans le droit chemin. Si les japonais n'ont pas pu accomplir ce miracle, j'y parviendrais, moi, l'un des rayons de soleil de Bouddha. Je montrerai la lumière à Onizuka pour qu'il sorte des ténèbres.

- Permettez-moi, au nom du corps enseignant de vous présenter la bienvenue au sein du prestigieux lycée Tao, monsieur Onizuka, déclara le proviseur adjoint.

- Moi, aussi je suis content d'être là. Bon, c'est pas que je m'ennuie mais je dois aller me préparer avant que mes élèves rejoignent ma salle de classe.

Onizuka prit le proviseur adjoint à part.

- Vous pourriez me dire où sont les toilettes, parce que c'est un vrai campus ce lycée et j'ai du mal à m'y retrouver.

Le vase déborda. Le proviseur adjoint quitta l'estrade à grand pas.

- Mais qu'est-ce que j'ai dit ?