Chapitre 15 : Tout va mal
Comme tous les matins, elle se réveilla en urgence.
Comme tous les matins, Tomoyo n'hésita pas à la secouer pour la réveiller.
Comme tous les matins, Toya en profita pour la taquiner.
Comme tous les matins, elle se dirigea vers son école.
Mais en ce premier jour de semaine, quelque chose n'allait pas.
Elle était dans l'incapacité de décrire cette impression étrange.
Sans compter qu'il y avait également son appréhension à l'idée de rencontrer Shaolan.
Elle redoutait cette confrontation et durant toute la nuit, elle n'avait cessé d'imaginer leur retrouvaille. Moqueries ? Indifférence ? Quel comportement Shaolan adopterait-il face à elle après qu'elle l'ait repoussé ?
Elle s'épuisait à force de forger des hypothèses plus désastreuses les unes que les autres.
Cette journée ne se passerait pas sans qu'un nuage gris ne déverse son crachat sur elle. Elle en était certaine. Une mésaventure allait lui tomber sur la tête et elle ne voyait pas comment s'en échapper. Manquer les cours en protestant un rhume mais c'était avouer à Toya qu'elle avait un problème à l'école, et ça pas question !
Tomoyo lui sourit lorsqu'elles arrivèrent devant l'école. Mais quelque soit l'intensité de ce sourire, il ne fit pas le poids face au vent glacial qui s'abattit sur Sakura quand son pied franchit le sol de l'ennemi.
Les regards meurtriers se disputaient avec les railleries, évidentes et non dissimulées pour capter l'attention de Sakura.
- Mais qu'est-ce qui se passe ? murmura Tomoyo à son oreille.
- Je voudrais bien le savoir parce que je ne supporte pas ça.
C'est alors que Meilin accompagnée de Jade et de Faye allèrent à leur rencontre.
Meilin lui présenta sa main avec un sourire.
Sakura ne comprit pas.
- Je tenais simplement à féliciter la nouvelle teneuse en titre, c'est tout, dit-elle ironique.
- De quoi tu parles ? demanda Sakura alors qu'un frisson d'appréhension lui parcourait l'échine.
- Maintenant que la fleur est cueillie, elle va sûrement se faner. Finalement, je me suis inquiétée pour rien.
- Comme d'habitude, dit Faye. Je te l'avais dit que ça passerait.
- De quoi vous parlez ?!
- Oh, c'et vrai. Tu n'as sûrement pas reçu le mystérieux mail avec la photo. Ton portable doit dater de Mathusalem. Tu veux voir ce que tous les lycéens ont reçu ?
Meilin n'attendit pas sa réponse. Elle sortit son portable, identique à celui de Shaolan puis tendit l'écran devant ses yeux.
Le visage de Sakura vira au rose puis au rouge pour finalement devenir aussi blanc qu'un linge propre étendu au soleil.
Satisfait de son effet, Meilin et ses deux amies s'éloignèrent en riant.
Et autour de Sakura, les rires s'élevèrent.
Elle n'avait jamais été aussi humiliée de toute sa vie, qu'aujourd'hui.
Tomoyo, voyant que Sakura menaçait de flancher, lui prit le bras et la mena vers un coin éloigné de tout regard : les toilettes.
Il avait passé un très mauvais dimanche, entre les questions pressentes de ses soeurs et celles tous aussi pointues d'Eriol. Et il se préparait à vivre un lundi de merde (je déteste le lundi moi aussi, mais je reste poli avec ce jour qui a osé se mettre en avant au risque d'être haï par tout le monde. Alors je t'aime un peu "lundi" lol)
Pour éviter de devoir commencer en plus sa journée avec les bêtises de ses soeurs, il avait quitté le manoir plus tôt en laissant Eriol derrière lui.
Il avait vraiment besoin de se retrouver seul pour cogiter sur sa relation avec Sakura. Il allait la revoir après avoir essayé en vain de la joindre sur son portable. Il aurait dû se douter qu'elle l'éteindrait. Mais il n'imaginait pas que Tomoyo en ferait de même. Ça aussi, il aurait dû s'en douter. Elles étaient amies, et il ne fallait pas oublier cette solidarité féminine.
Comment allait-il l'aborder ? Bien évidemment, il avait préparé des centaines de discours mais aucun ne lui convenait.
Il avait envie de se faire pardonner mais comment ?
C'était la première fois qu'il peinait autant avec une fille, et le pire était qu'elle n'était pas sa petite amie mais celle d'un autre... Il avait complètement oublié Toya. Il comprenait mieux l'attitude de Sakura (t'as rien compris, je te l'assure ). Elle avait tout de même trompé son petit ami. Une fille aussi sincère et fidèle qu'elle ne pouvait réagir qu'avec colère.
Je voudrais que quelqu'un m'explique ! Comment j'ai pu perdre le contrôle aussi vite ? Pourquoi je ne me souviens de rien ? (moi, je sais ! moi, je sais, nananana -)
Il quitta le toit.
A cette heure les élèves avaient tous rejoint leur salle de classe.
Il passerait entre les tables sans un regard pour Sakura et il verrait bien qu'elle visage elle afficherait à ce moment.
- J'en ai assez que tout le monde décide sur un coup de tête sans m'en parler ! dit-il en s'arrêtant au pieds des escaliers. Les sections "diffusion" et "programmation" me reviennent. Dis-lui de s'occuper de la section "accueil des visiteurs" ou bien la section préparation".
- Adam, tu sais bien que Meilin s'occupe de cette dernière section.
- Et alors ? Elle trouvera bien autre chose. J'ai un planning à assurer et...
Il s'interrompit en voyant son ennemi de toujours s'avancer vers eux.
- Mais qui voilà ? C'est Li Shaolan !
- Va te faire voir, Kendall !
- Tu es de mauvaise humeur à ce que je vois. J'espère que tu ne couves pas un rhume.
- Tu te préoccupes de ma santé maintenant ?
- Tu es un camarade et un ami.
- Vraiment ? C'est drôle parce qu'hier encore, tu ne pouvais pas me blairer même en photo.
- Les gens changent souvent d'opinion. Tu dois bien me comprendre, non ?
L'autre garçon pouffa de rire avec lui.
Shaolan n'apprécia pas.
- Ce que je comprends, c'est que toi et ton copain vous me prenez soit pour un gros con, soit pour un imbécile profond. Comme, pour moi, c'est la même chose je sens que tu vas devoir prendre un rendez-vous chez un chirurgien esthétique pour te refaire le portrait.
- Tous les moyens sont bons pour attirer l'attention sur toi, n'est-ce pas ?
- Que veux-tu, je suis un petit prince au sein de ma famille, alors je fais en sorte de l'être ici.
- Jusqu'au point de créer ton harem ? C'est du narcissisme aigu, là ! Dommage que Kinomoto n'est pas compris, plus tôt, quel genre de garçon tu étais.
Shaolan agrippa le col de Adam.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? dit-il entre ses dents.
- Genre, t'es pas au courant. C'est bien de jouer les innocents mais je ne pense pas que Kinomoto croira à ton innocence lorsqu'elle verra la photo.
- Quelle photo ?
- Shen, montre-lui.
Le jeune homme lui tendit son portable. Adam se fit un plaisir de montrer cette photo.
Les traits de Shaolan se crispèrent. Il lâcha Adam et recula horrifié.
- Wouah ! s'écria-t-il moqueur. Tu n'es pas mauvais ! Tu devrais t'inscrire à des cours de théâtre parce que franchement, là... Tu as la mimique et la gestuelle d'un innocent. Mais comme je le disais, tout ça n'est que pure comédie de ta part.
Les railleries d'Adam sortirent Shaolan de sa torpeur. Furieux, il lui assena un coup de poing.
- T'es complètement fou ! cria Adam en touchant son nez ensanglanté.
- Je t'avais prévenu que tu aurais besoin d'une chirurgie réparatrice.
Sur ce, Shaolan monta deux par deux les escaliers en priant pour que Sakura n'ait pas eu vent de cette maudite photo.
Tomoyo avait beau la soutenir, Sakura ne se sentait pas capable de rentrer dans cette salle de classe avec ses yeux rougis par ses pleurs. Elle aurait dû rentrer chez elle au lieu de jouer les fortes têtes.
Elles passèrent le pas de la porte et s'arrêtèrent devant les regards rivés sur elles.
A ce moment, Onizuka entra avec une barbe de deux jours, et une mine fatiguée.
- Je viens de me taper un dimanche ficelé comme un dindon. Où est ce putain de Li !
- Il doit certainement être en train de se marrer avec ses deux potes, répondit une fille. Il faut dire que cette fois-ci, il a fait fort.
Les gloussements se firent plus perceptibles du côté des filles. La désastreuse mésaventure de Sakura les rassurait sur les sentiments de Shaolan à son égard.
Perplexe, Onizuka observa plus longuement les deux japonaises.
Les mots de consolation de Tomoyo, accompagnèrent Sakura durant son avancée dans les tranchés. Mais elle s'arrêta, choquée, devant sa table gribouillée de mots les plus obscènes les uns que les autres.
Les larmes ne daignèrent pas couler, cette fois-ci. La colère et la rage grondaient en elle.
- Hé, Sakura ! Regarde qui voilà !
Sur le pas de la porte, Shaolan, essoufflé, la dévisageait.
Elle serra les poings.
Mon amour, mon corps, il s'en ai servi
Devant mes "je t'aime", au nez il m'a ri
Pour me préserver, ma biche m'a tuée
Et sur cette pierre, mon nom s'est gravé
L'amour est cruel, loin d'être fidèle
Ecoute cette déesse qui te parle sans haine
Elle qui venant du ciel n'avait plus ces ailes
Sakura, mon amie, ma rancune est tienne
Elle tenta de dominer le trouble violent qui s'emparait d'elle.
Sa colère voulait à tout prix se déchaîner.
Le ciel s'assombrit.
Immobile, comme inconsciente, Sakura continuait à fredonner son petit air mélancolique.
Quand tout à coup la sensation d'étouffement devient si pénible qu'elle hurla.
De violentes secousses se firent soudain ressentir.
A ce moment là, on entendit un éclat sourd puis des bruits de verres tomber sur le sol.
Les élèves crièrent en se réfugiant sous leurs tables.
