Chapitre 18 : Après les larmes viennent les sourires
Il noua sa cravate avec tremblements.
Puis, les mains serrées autour du rebord du lavabo, il s'inspecta dans le miroir de sa salle de bain.
C'est aujourd'hui que Sakura revenait en cours. Il l'avait appris par Tomoyo au téléphone. Après une semaine de convalescence, elle revenait dans cette école qui l'avait tant fait souffrir.
Une semaine… Etait-ce suffisant pour se remettre d'une humiliation publique ? Il n'en savait rien. Il évoluait toujours sans se préoccuper de ce qu'on racontait sur lui. Il aurait sans doute dû donner plus d'attention à toutes ces rumeurs, par le passé. Il aurait évité les débordements.
Il tenta de sourire devant la glace.
Difficile quand le cœur est lourd.
Pourtant, il se devait de reprendre une attitude désinvolte pour ne pas donner l'occasion à Sakura de se douter de ses sentiments, ne pas donner l'impression qu'il souffre pour qu'elle ne sache jamais.
Mes sentiments pour elle ne sont qu'un détail. Ils ne comptent pas. Je peux et je dois les étouffer pour que Sakura garde toujours son sourire. Elle a assez pleuré par ma faute. Il est temps pour elle de profiter de ce printemps. L'orage est passé et je ferai en sorte que le soleil demeure toujours au-dessus de sa tête. Ça c'est une promesse que je tiendrai, je te le jure, Sakura.
Il sourit pour la première fois depuis une semaine.
Si l'idée de te revoir sourire me rend ma joie, alors c'est que tu es vraiment une merveilleuse magicienne Sakura.
Il sortit de la salle de bain avec sa veste dans la main puis dévala les escaliers et entra dans la salle à manger, tout sourire.
- Bonjour, mère ! dit-il en l'embrasant sur sa joue.
- ... Shaolan ? Tu...
- Vous ne me dites pas bonjour ?
- Si bien sûr. Bonjour.
Tout comme ses filles et son neveu, Yelan regarda Shaolan d'un oeil perplexe.
- Qu'est-ce que vous avez tous à me regarder aussi bêtement ?
- Excuse-nous, dit Futie, mais ça fait une semaine que tu semblais faire la gueule à tout le monde et voilà que ce matin... Tu es tout sourire. Laisse-nous nous y habituer, petit frère.
- Je suppose que tu n'en veux plus à Meilin, dit Feimei ravie.
En entendant le nom de sa cousine, Shaolan serra les dents.
- Si tu ne veux pas que je me fâche avec toi, Feimei, ne me reparle plus d'elle. C'est compris ?
- Mais...
- Non ! Tu ne sais rien de ce qui nous oppose et crois-moi si tu le savais tu ne prendrais pas le parti de ta cousine.
- NOTRE cousine !
- Ce n'est plus la mienne. Eriol, ça te dit d'aller réveiller Kyo ?
- Pourquoi pas ? Ça lui évitera d'être en retard.
Les deux jeunes hommes se levèrent puis sortirent.
- Je voudrais bien savoir le pourquoi de sa dispute avec Meilin, dit Yelan.
- Elle m'a juste dit que cela avait un rapport avec la nouvelle conquête de Shaolan, répondit Falen. C'est tout ce que je sais. Elle ne veut rien dire de plus.
- J'espère que leur différend se résoudra au plus vite, dit Yelan. Le clan Li ne doit pas être divisé.
- On est vachement en avance, dit Eriol.
- Je sais.
Shaolan gardait obstinément les yeux fixés sur la vitre de la voiture. Le paysage se déroulait comme un film devant lui.
- Tu vas bien ?
- Je crois que oui, dit-il en souriant. Ça ne se voit pas ?
- Pas de ça avec moi, Shaolan. Ta bonne humeur est feinte.
- Feinte ou pas, je vais bien.
- C'est ce que tu crois. Que feras-tu lorsque tu reverras Sakura ? Tu feras comme si de rien n'était ? Passer à coté d'elle en l'ignorant et en ignorant tes sentiments ?
- Tu me connais bien.
- Est-ce que tu peux arrêter tout ce cinéma et...
- Tout ce cinéma comme tu le dis, coupa-t-il, est nécessaire si je veux espérer m'en sortir. Est-ce que tu te rends compte de la situation dans laquelle je me trouve ? Sakura me déteste parce qu'elle est convaincue que je suis un salaud de la pire espèce ! Est-ce que tu crois une seconde que si j'allais la voir pour lui dire ce que je ressens pour elle, elle me croirait ? C'est fini avant même d'avoir vraiment commencé ! ... Si je ne garde pas cette attitude, je perdrais complètement pied.
- Tu vas te faire du mal.
- Et alors ? Du moment que c'est moi qui souffre, je ne vois pas en quoi ça peut gêner quelqu'un. Un jour ou l'autre, j'oublierai Sakura... En fait, dit-il avec un rire amer, ça va être difficile. A chaque fois que je verrai une fleur de cerisier, je verrai obligatoirement son visage.
- Quoiqu'il en soit, ce soir, ne viens surtout pas pleurer dans ma chambre parce que tu regretteras ta décision.
- Promis, cousin !
La voiture s'arrêta devant l'immeuble de Kyo.
- Il va être surpris de nous voir de si bon matin.
Ils entrèrent dans l'immeuble.
L'ascenseur les mena au troisième étage.
- Cinq minutes avant qu'il nous ouvre.
- Dix minutes, paria Eriol. Il faut qu'il émerge. Ensuite, il doit bâiller à s'en décrocher la mâchoire puis s'étirer et ensuite prendre conscience que la sonnerie ne vient pas de son rêve mais bien de la réalité. Il lui faudra dix bonnes minutes pour nous ouvrir.
Ils se postèrent devant la porte en riant.
- Tu paries combien ? demanda Shaolan
- Cinq cent yuans.
Eriol prit les devant en sonnant.
Ils attendirent en fixant leur montre.
- Cinquante secondes passées...
- Une minute...
La porte s'ouvrit brusquement sur un Kyo débraillé.
- Qu'est-ce que vous faîtes là !
- Et merde ! s'écria Shaolan.
- On considère que c'est perdu pour tous les deux, jugea Eriol, amusé.
- T'assures vraiment pas, Kyo ! lui reprocha Shaolan. Tu ne pouvais pas attendre cinq minutes avant de te lever ?
- Allez parier sur le dos d'une autre personne, maugréa-t-il.
- Tu nous laisses entrer ou on va devoir faire la manche devant la porte ?
- Euh... vous voulez pas plutôt m'attendre au café d'en bas ?
- Je vois, dit Shaolan. Tu caches une fille, hein ?
- Euh, non... Mais mon appart' n'est vraiment pas beau à voir. Et puis...
- C'est bien une fille qu'il cache, conclut Eriol.
- Montre-là nous ! Elle est comment ?
- Je vous demande de ne pas insister, s'il vous plait.
- D'accord, concéda Shaolan, on t'attend au café. Mais tu promets quand même de nous la présenter un jour ?
- On verra. Je ne tiens pas à ce que tu me la piques.
- Donc, elle n'est pas de notre école, dit Eriol.
- Evidement, puisque si la demoiselle m'avait vu, elle ne serait certainement pas allée voir Kyo, se vanta Shaolan.
- Très drôle ! Allez, cassez-vous., dit-il en leur refermant la porte au nez.
- Tu crois qu'elle est jolie ?
- Pour qu'il en oublie Tomoyo… j'espère qu'elle l'est, répondit Eriol.
Ils redescendirent. Et vingt minutes plus tard, Kyo rejoignait ses amis au café.
Ils en ressortirent aussitôt après, pour prendre la voiture, direction l'école.
- Allez Godzilla, dépêche-toi ! On t'attend !
En pleine forme, Sakura dévala les escaliers. Elle chaussa ses mocassins dans le vestibule puis sortit.
Toya ainsi que Tomoyo l'attendaient près de la voiture.
- C'est pas trop tôt. T'en as pris du temps pour prendre une simple barrette. Ça, c'est bien les filles coquettes !
- C'est mon porte-bonheur, dit-elle. C'est celui que maman m'avait offert le jour de shinigosan.
- Tout va aller pour le mieux, lui dit Tomoyo.
- Oui, tout ira bien, dit-elle avec un sourire.
- Je sens que Godzilla va faire des siennes à l'école.
- Toi, tu m'énerves.
Et pour bien lui signifier son mécontentement, Sakura lui donna un violent coup de pied au tibia. Toya fit le pitre en clopinant durant trois bonnes minutes avant de retrouver son sérieux.
Ils montèrent dans la voiture que leur père leur avait laissée pour l'occasion, puis Toya démarra enfin.
Durant tout la trajet, Sakura ne cessait de repenser à sa mésaventure.
Même si cela était légitime, elle ne tenait pas à se venger. Elle refusait de blesser les gens pour une question de fierté même si on lui causait un énorme préjudice. Elle ne tenait pas à se rabaisser à leur niveau. La meilleure solution était d'ignorer les personnes. A force, ces dernières se lasseraient.
Il lui était certes difficile de retourner en cours après cette histoire mais elle avait assez de courage pour ne pas flancher. Et puis, Toya avait tout de même accepté de les accompagner. C'était un petit plus pour se sentir mieux, non ?
Ils arrivèrent devant l'école, plus précisément devant le trottoir d'en face.
Sakura sortit la première de la voiture. Elle resta un moment à observer les élèves qui entraient.
Courage, Sakura ! se dit-elle. Tu es capable de les affronter, de passer parmi eux la tête haute et le sourire aux lèvres. Tu n'as commis aucune faute, si ce n'est d'avoir fait confiance à un être qui ne le méritait pas. Ce sont eux qui sont les plus à plaindre car s'ils ont besoin de voir les autres souffrir pour rire, c'est qu'ils ont un gros problème. Alors, fonce et montre-leur qui tu es !
Mais lorsqu'elle aperçut une voiture noire s'arrêter, son cœur s'emballa.
Il était là.
Il souriait.
Il avait l'air plus qu'en forme.
Il n'a pas l'air de trop s'en vouloir, songea-t-elle tristement. J'aurais dû m'en douter.
Savoir que Shaolan ne regrettait aucunement sa conduite, lui fit un énorme choc. Elle espérait au moins lire de la peine ou autre chose sur son visage mais pas son éternel sourire de vainqueur.
Devant un tel constat, elle voulut rebrousser chemin.
Elle n'était pas encore prête à l'affronter. Ses bonnes résolutions tombaient à l'eau face à lui.
Non, je dois y aller et lui prouver que je ne suis pas aussi blessée qu'il le croit.
- Tout ira bien, dit Tomoyo en lui prenant le bras.
Elle la regarda puis sourit.
- Tout ira bien !
- Bonne journée, les filles ! leur lança Toya.
Elles le saluèrent de la main avant de traverser la rue.
Comme elle le pensait, les regards curieux ne manquèrent pas de se poser sur elle. Elle y fit face sans rougir, la tête haute.
Elles arrivèrent devant le bâtiment de cours des lycéens.
A sa grande stupéfaction, elle fut assaillie par deux filles de sa classe.
- On est contente que tu sois revenue, Sakura ! dit Aya. On pensait vraiment que tu changerais d'école.
- C'est pas mon genre de baisser les bras aussi facilement, répliqua-t-elle.
- On est de tout cœur avec toi ! dit une autre fille aux cheveux légèrement ondulés. On désapprouve complètement le comportement de Shaolan. Cette fois-ci, il est allé trop loin.
- Merci, Sey.
- Les autres sont aussi avec nous - à part bien sûr les cinq sorcières - mais elles n'osent pas venir. Tu comprends, au début, elles ont un peu suivi la mouvance en se moquant de toi. Après réflexion, elles ne sont pas fières, tu peux me croire.
- Tu pourras leur dire que je ne suis pas rancunière.
- A part quand on la réveille, répliqua Tomoyo avec sérieux. Faut voir comment elle me martyrise le matin parce que je l'ai sortie de son lit. C'est un vrai monstre. Imaginez un peu, moi la fragile Tomoyo face à Sakura la terreur réveillée. C'est un vrai film d'horreur !
- Moi, une terreur ? Tu vas voir si je suis un monstre ! dit-elle en lui sautant au cou.
Elle rirent toutes en chœur.
Attirée par cette bonne humeur matinale, les autres filles s'approchèrent du petit groupe.
Aux pardons succédèrent les plaisanteries.
L'atmosphère se détendit et Sakura pensait vraiment que cette journée allait passer pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu'à ce qu'une fois encore un froid en la personne de Shaolan vienne congeler ses espoirs.
"... Pas question ! dit Kyo.
- OK ! Mais, je te jure que je saurai qui est cette fille, disons... avant jeudi ! s'écria Shaolan."
Il s'arrêta en voyant Sakura entourée de ses nouvelles amies.
Elle à l'air d'aller pour le mieux, pensa Shaolan rassuré. Elle est encore plus belle qu'avant. C'est la première fois que je la vois avec les cheveux relevés. Ça la change. Je voudrais bien lui dire quelque chose mais... Non, je dois continuer ma route et faire comme si tout était terminé.
- En tout cas, reprit-il, j'espère que c'est pas une de ces gamines qui pleurnichent pour un rien dès que tu te montres trop pressant. Finalement, je crois que je vais m'intéresser aux femmes mûres. Elles au moins, elles savent ce qu'elle veulent.
Sous les regards stupéfaits de ses camarades, Shaolan entra dans l'immeuble en fourrant ses mains dans ses poches.
Kyo et Eriol regardèrent Sakura qui leur sourit. Voyant qu'elle ne réagissait ni tristement ni violemment à ses paroles, ils allèrent rejoindre Shaolan.
- C'est vraiment un salaud ! s'écria Aya. Il ne t'a même pas présenté ses excuses et en plus il ose dire ça devant toi !
- Il croit sans doute qu'il peut se permettre d'être aussi...
- C'est bon, les filles ! Ca va aller. Et puis, comme dis la chanson : I will survive !
Sakura s'étira tout en leur souriant.
- C'est mieux comme ça. Les larmes, c'est terminé, dit-elle. Maintenant, je vais m'amuser !
C'est un festival qui se déroule le 15 novembre au Japon pour les enfants de trois, cinq et sept ans. C'est une vielle superstition qui veut que ces trois âges soient critiques. Donc, les parents demandent aux kamis qui sont des esprits de protéger leurs petites têtes brunes. Et c'est aussi l'occasion de leur donner des friandises.
