Chapitre 30 : Le danger se rapproche
D'un geste furieux, la jeune femme tendit son bras droit et fit tomber les objets posés sur sa coiffeuse. Essoufflée par les efforts fournis pour garder le contrôle de sa magie, elle s'allongea sur son lit. Mais la colère ne la quittait pas. Dès qu'elle pensait avec quelle facilité Shaolan était parvenue à renvoyer ses cadavres d'où ils venaient, son sang bouillonnait de plus belle. Encore quelques minutes d'attente et elle ne serait plus qu'une boule de nerfs prête à exploser.
Moi la plus puissante dôshi, j'ai perdu mes marionnettes aussi facilement, songea-t-elle en regardant les quatre parchemins calligraphiés dans sa main gauche.
Calme-toi, Suan. Shaolan est plus fort que tu ne le pensais, c'est tout.
C'est vrai. Mais je refuse de laisser mon Shaolan avec cette Phoebe ! Et toi, tiens-tu à ce que ton Shaolan reste avec cette Sakura ?
Bien sûr que non.
Alors, il nous faut agir. Détruisons-les toutes les deux.
Un vague sourire s'esquissa sur ses lèvres.
Avec la magie, rien de plus facile. Fais-moi confiance.
Ils s'arrêtèrent devant les grilles d'une résidence.
Sakura n'en revenait pas d'imaginer chaque Li dans une telle demeure. Ils étaient donc si riches que cela ?
Les grilles s'ouvrirent lorsque le gardien reconnut Shaolan, et ils purent avancer dans la longue allée menant aux portes de la maison qui se dressait fièrement devant eux.
Angoissée à l'idée de rencontrer la famille de Shaolan, Sakura resta légèrement en retrait derrière Shaolan.
Lorsqu'il sonna à la porte, celle-ci s'ouvrit sur une brune - dans un costume traditionnel chinois de couleur rouge et or - qui lui rappelait étrangement quelqu'un. Sakura réfléchissait sur la question quand Shaolan la nomma par "ma tante". Mais bien sûr ! Cette femme ressemblait trait pour trait à Meilin.
Ils entrèrent puis, ôtant leurs chaussures, ils se dirigèrent vers le salon. Un somptueux salon décoré à l'occidental avec ses canapés, son mobilier et sa moquette. Mais les objets rares typiquement asiatiques et des tableaux de maître chinois ne manquaient pas dans cette demeure.
Sakura se sentait gauche dans cet univers à l'aspect de musée. Elle craignait même de respirer par crainte de renverser par inadvertance un vase et de le briser. Il lui faudrait une vie entière pour le rembourser par la suite.
Shaolan remarqua son trouble et lui intima de s'asseoir et de se décontracter en attendant l'arrivée de son oncle.
La porte s'ouvrit mais ce fut sa tante qui entra avec un plateau où reposaient des tasses et une théière. Elle les disposa sur la table basse devant Sakura.
« J'espère qu'un thé préparé à la manière occidental vous conviendra, mademoiselle. »
« Oui... ça m'ira, madame. »
La femme sourit devant la gêne de Sakura. Puis se détourna de son attention pour parler à son neveu.
« Ta visite est bien tardive, Shaolan. »
« J'en suis conscient, ma tante, mais j'ai besoin de voir mon oncle. »
« Cela ne pouvait-il pas attendre demain matin ? »
« Non, parce que demain je n'aurai certainement pas la même détermination à affronter mon oncle. »
« Affronter ? Que veux-tu lui dire au juste ? Y'a-t-il un rapport avec les blessures que tu portes sur ton visage ? »
« C'est une affaire qui ne concerne que mon oncle et moi. »
« Et cette jeune fille ? »
Sakura leva les yeux de sa tasse en entendant son prénom.
« C'est une amie », répondit Shaolan.
« Je m'en doute, dit-elle en souriant, ce que je voulais dire c'est pour quelles raisons elle est présente si ce que tu as à dire à ton oncle est si important. »
« Parce que votre sorcier de mari n'a pas trouvé de mieux que de m'envoyer ses cadavres et que je me trouvais avec une certaine personne ici présente. Il a mis une innocente en danger seulement pour me tester ! »
« Shaolan, voyons... Je ne pense pas que ce soit... »
« Si ! A chaque fois que je m'approche de la résidence des Li, une colonie de cadavres vient à ma rencontre. Je m'y suis habitué depuis le temps mais ce soir cela tombait très mal ! »
« Je vois cela », répliqua une voix masculine.
Les regards se rivèrent vers l'entrée du salon où se tenait un homme, la cinquantaine, les cheveux légèrement parsemé de fils gris et un visage sévère, ce qui contrastait totalement avec le perpétuel sourire de sa femme.
Il s'approcha lentement pour prendre place sur un fauteuil placé à la droite de Sakura. A ce moment-là, sa femme lui servit son thé puis sortit.
« Bonsoir monsieur, formula Sakura avec nervosité, je suis ravie de vous... »
« Pas de cela avec moi, coupa-t-il froidement. Je n'ai pas envie de faire la connaissance d'une énième arriviste. »
« Mon oncle ! »
« Baisse d'un ton Shaolan, dit-il entre ses dents sans élever la voix, ou je te fais jeter dehors en attendant que tu te décides enfin à t'adresser à moi avec respect. A ce que je vois, tu t'es encore battu. J'espère que cela n'a aucun rapport avec cette… fille ? »
Sakura baissa les yeux devant le ton si méprisant de l'homme.
Shaolan serra les poings.
Son oncle était toujours le même homme, intolérant lorsqu'il s'agissait d'une étrangère et surtout issue d'une autre catégorie sociale. Mais il n'était pas là pour faire accepter Sakura à sa famille. Peu importe ce que pensait son oncle, son choix était fait et ce n'était pas en grondant ou en l'insultant qu'il parviendrait à le faire changer d'avis.
« Parlons de ce qui t'amène… en privé, précisa-t-il en regardant Sakura pour bien faire comprendre ce qu'il voulait dire par là. »
« Elle ne me gêne pas », rétorqua Shaolan.
« Moi, si. Elle n'est pas de notre famille. »
« Elle restera que vous le vouliez ou... »
« Non, Shaolan, intervient Sakura en posant sa main sur la sienne. Je vais attendre dehors. »
« Mais... »
« Non, ça ira, dit-elle en se levant. Je suis ravie d'avoir fait votre connaissance, monsieur, même si cela n'était pas partagé. Au revoir. »
Sur ce, elle sortit.
« Bravo ! s'écria Shaolan en se levant soudainement. Vous êtes content de vous ? »
« Assez. »
« Vous êtes... ! »
« Puis-je enfin savoir ce qui t'amène ce soir ? »
« Je suis venu vous apprendre que je ne veux plus de vos conseils... Je vais désormais mener ma vie comme je le souhaite ce qui signifie que vous pouvez dire au clan et au conseil que je ne leur obéirai plus. »
« Quelle est cette nouvelle folie de ta part ? demanda-t-il amusé. Pourquoi ne pas demander que l'on te déshérite pendant que tu y es ? »
« Très bonne idée. »
« Shaolan, il n'est plus question de plaisanter ! Arrête donc tes enfantillages et deviens un adulte ! »
« Je vais le devenir mais loin de vous ! Parce qu'avec vous, j'ai l'impression d'être étouffé, de ne pas donner tout ce dont je suis capable ! »
« Que racontes-tu ? s'étonna-t-il en fronçant les sourcils. Nous t'avons toujours poussé à devenir le meilleur. »
« Et comment ? En pointant sans cesse mes erreurs ? Vous ne cessez, avec les autres, de me rappeler ce que j'ai raté, de m'accuser d'avoir perdu les cartes de Clow ! Est-ce un bon moyen que de me rabaisser pour me pousser de l'avant ! »
« C'était un moyen efficace pour t'obliger à nourrir en toi cette rage de vaincre. »
« C'était plutôt un moyen de me faire douter, oui ! J'en ai assez de vous entendre me parler de l'honneur de notre clan, de me parler de mon avenir à vos côtés ! Je ne veux pas que vous - ou quiconque d'autre - décidiez pour moi ! »
« Ce qui veut dire ? »
« Que je ferai les études que je souhaite, que j'épouserai la femme que mon coeur aura choisie, et que je prendrai la tête du clan dès que j'aurai les cartes ! »
« Des études d'archéologie ne te mèneront à rien d'autre qu'à déterrer des vieux os sans intérêt. Cette femme que tu épouseras, si c'est cette fille que je viens de voir, ne sera jamais digne du nom que tu lui donneras. Elle n'a rien d'une vraie Li. Et enfin, comment obtiendras-tu les cartes alors que tu n'es même pas fichu de retrouver une ombre ? »
Cette dernière phrase reflétait parfaitement les pensées de tout un clan.
Shaolan ne put s'empêcher de sourire narquoisement.
« Merci de votre confiance, mon oncle, railla-t-il. Cela me conforte dans ma décision… Et Excusez-moi de vous contredire, mais je sais très bien où se trouve cette ombre que nous cherchions. Et je peux vous dire qu'elle n'est pas venue seule et qu'une autre de nos connaissances l'accompagne. »
« De qui parles-tu ? »
« Vous voudriez le savoir, hein ? Et bien cette ombre était en fait un fantôme qui a pris possession du corps de cette « fille » comme vous l'appelez, attendant dehors. Le nom de ce fantôme est Phoebe et j'abrite le fantôme de celui qu'elle a aimé et qui est notre ancêtre, le premier Li Shaolan. »
La peur, l'horreur se reflétèrent sur le visage de son oncle dès que Shaolan eut prononcé le nom de Phoebe puis celui de leur ancêtre.
« Ce... Ce... Ce n'est pas possible ! » dit-il en enfonçant ses doigts dans les accoudoirs du fauteuils.
« J'ignore ce qui vous terrorise à ce point, mon oncle, mais je suis ravi de voir ce spectacle. Oui, j'ai découvert ce que le conseil cherchait depuis des semaines. Et je peux vous dire que Phoebe est décidée à retrouver le grimoire que notre ancêtre lui a volé. »
« Tu dis que tu abrites le fantôme de notre ancêtre ? »
« Oui, et alors ? »
Et alors ? songea l'homme. Si les deux Shaolan se réunissent et obtiennent ce grimoire en plus des cartes, ce sera la fin. Qui sait ce que renferme ce livre qui a mis fin à la vie d'une femme amoureuse et blessée...
« Shaolan, tu dois passer devant le conseil ! » dit-il en se levant.
« Non ! Je ne veux pas voir ces vieux sages avant d'avoir eu ce que je voulais ! Je vais vous montrer de quoi je suis capable ! Et là, vous devrez bien admettre quel homme je suis ! »
« Nous savons déjà de quoi tu es capable, Shaolan. Ne cherche pas à obtenir plus de pouvoir que ce que tu possèdes actuellement. »
« Ce n'est pas suffisant pour faire taire vos doutes ! »
« Nous... Je me suis trompé, Shaolan. Calme-toi et parlons tranquillement de ces récents événements. »
« Il est trop tard ! Je vais retrouver la maîtresse des cartes et lui demander un duel qui aura comme enjeu les cartes. Et lorsque je les aurai entre mes mains, je reviendrai en Chine pour vous demander des comptes à tous ! »
« Ce n'est pas la peine, Shaolan ! Crois-moi... »
« Dites-moi le nom de la maîtresse des cartes et l'endroit où elle habite. »
« Je ne sais pas. »
« Mon oncle ! »
« Tu n'as aucun moyen de me faire parler ! Alors va-t-en et reviens me parler demain à tête reposée. »
« Et recevoir encore la visite de vos cadavres comme ce soir ? »
« Ce soir ? Des cadavres ? Mais je ne t'ai pas envoyé de... »
« Cessez vos mensonges, mon oncle ! Je sais que vous êtes le seul à me tester de la sorte ! »
« Je te jure que... »
« Non ! Je rentre chez moi, mais je saurai bien découvrir le nom de la maîtresse des cartes d'une manière ou d'une autre ! »
Shaolan sortit du salon. Toujours aussi angoissé, son oncle le talonna.
« Viens, Sakura », dit-il en prenant la main de la jeune fille.
La porte d'entrée claqua alors derrière les deux jeunes gens, en laissant l'homme troublé.
« Il a dit Sakura... Mon dieu ! dit-il en tombant à genoux. Si c'est elle alors... Les sentiments contraires vont encore une fois provoquer des morts dans nos clans. »
« Mon époux ? s'étonna la femme en voyant son mari à terre. Que faites-vous... ? »
« Appelez Yelan ! Dites-lui de ne pas révéler à son fils le nom de la maîtresse des cartes lorsqu'il le lui demandera. »
« Pourquoi cela ? »
« Shaolan ne doit surtout pas l'apprendre avant que je n'aie convoqué le conseil... Il en va de nos vies. »
Shaolan marchait furieusement à grand pas, les mains dans ses poches. Sakura le suivait en retrait respectant son silence.
Même si son oncle se taisait sur l'identité de la maîtresse des cartes, il le saurait tôt ou tard.
Il s'arrêta soudain.
« Je m'excuse pour l'attitude de mon oncle. »
« Ce n'est rien. »
« Il voudrait me voir avec Jade. »
« Je vois. »
« C'est idiot parce que je n'ai jamais compris pourquoi il y tenait autant... comme si cette union était essentielle pour le conseil. Je me serais certainement plié à leur volonté, mais aujourd'hui tu es là... Et je ne me vois pas avec une autre que toi. »
« C'est gentil de me dire ça », dit-elle en déposant un baiser sur sa joue.
« Mon oncle a paru bizarre quand je lui ai parlé de notre ancêtre et de Phoebe. Je ne vois pas pourquoi... Est-ce qu'il sait quelque chose que j'ignore ? »
« Je peux te poser une question ? »
« Vas-y. »
« Cette maîtresse des cartes, tu la détestes autant ? »
« Qui t'en a parlé ? »
« Meilin, et puis je vous ai entendu crier ton oncle et toi. Qu'est-ce qu'elles ont de si particulier ces cartes ? »
« Elles sont magiques. »
« Magiques ? J'en reviens toujours à ce mot... Et c'est si important pour toi de les retrouver ? »
« Oui, si je veux enfin recevoir le respect que je mérite au sein de mon clan. »
« Et tu ne sais vraiment rien sur elle ? »
« A part que c'est une japonaise, je ne sais rien de plus. Oublions cette histoire ! Je te raccompagne chez toi avant que ton frère ne s'inquiète trop pour toi. »
« On en reparlera demain ? »
« Oui, promis. »
Puis, ils continuèrent leur route en silence.
« Pourquoi nous avoir convoqués d'urgence, Li ? » demanda Ming, le père de Jade.
« Parce que j'ai reçu des informations très importantes… Ce que nous craignions tous à propos de Shaolan risque bien d'arriver dans les jours qui viennent. »
Le silence se fit autour de la table rassemblant douze hommes.
« Cette ombre qui s'en est prise aux magiciens est le fantôme de Phoebe. Elle a échappé à nos recherches parce qu'elle s'est réfugiée dans un corps. Quant à Shaolan, il abrite l'esprit de notre ancêtre. »
« Ne nous dis pas que c'est... »
« Li Shaolan. »
« Ainsi donc, les deux amants se sont retrouvés », dit un vieil homme de petite taille qui était le doyen.
« Oui, et ce qui est encore plus alarmant est que Shaolan s'est amouraché de cette jeune fille du nom de Sakura... Kinomoto. »
Un autre silence plus pesant brisa le brouhaha qui s'était élevé durant les deux dernières minutes.
« La maîtresse des cartes ? » demanda Ling, le père de Kyo.
« Oui. Yelan m'a assuré que c'était bien elle. Mais je n'ai ressenti à aucun moment la magie de Clow autour de cette gamine. »
« Avait-elle la clé autour de son cou ? » demanda le doyen
« Il n'y avait aucun bijou pendu à son cou. »
« C'est peut-être l'esprit de Phoebe qui interfère dans sa magie », intervient Ming.
« Peut-être bien. Ce qui est certain, c'est que mon neveu est décidé à prendre son destin en main. Il a été blessé par nos doutes et il veut à tout prix s'opposer à la maîtresse des cartes. »
« Il est plus que probable qu'en prenant possession des cartes, Shaolan deviendra plus puissant, avança le doyen, mais ce n'est pas cela qui nous détruira. Le danger est qu'il apprenne que celle qu'il méprise et qu'il veut combattre n'est autre que celle qu'il aime. L'éventualité que le grimoire se dévoile à lui sera plus que probable. La colère qui l'animera sera telle qu'elle influencera négativement les cartes de Clow. La magie blanche utilisée par un être, dont le coeur est tiraillé par la haine et l'amour – deux sentiments si opposés -, se transformera inévitablement en magie noire. »
« C'est vrai. Les sentiments de mon neveu ont toujours été exacerbés. Il aime avec passion, hait avec rage... Il ne supportera pas ce qui arrivera et je crains que cette douleur soit aussi grande que celle de la femme Ming autrefois… »
« Que faire ? »
« Taisez-vous tous sur le nom de la maîtresse des cartes », exigea le doyen.
« Mais si Shaolan utilise sa magie pour détecter la magie de Clow ? » fit remarquer Feng.
« Jusqu'à maintenant, reprit le doyen, il semble qu'il n'ait rien décelé. Et même nous, pourtant si doués, n'avons rien ressenti. Je pense que tant que Phoebe sera dans le corps de Sakura, la magie de Clow ne se découvrira pas. »
« Il n'y a pas d'autre solution alors que le danger est à notre porte », soupira Ling.
« Il y en a une, proposa Feng, tuons Shaolan avant qu'il ne découvre le grimoire et la réelle identité de sa petite amie. »
« Nous ne pouvons pas sacrifier le fils de Yelan ! » s'opposa Li en se levant brusquement de sa chaise, et la faisant tomber.
« Avons-nous le droit de sacrifier plusieurs vies pour atténuer la peine d'une seule mère ! » s'enquit le doyen affecté à l'idée de prendre une décision aussi radicale.
« Si nous voulons définitivement mettre une croix sur cette histoire vieille de plusieurs siècles, reprit Feng, il nous faudra tuer Shaolan et donner à l'ancêtre une place dans le caveau des Li, là où reposent ses descendants. Ce n'est que de cette manière que nous éteindrons définitivement sa colère. »
« Et pour Phoebe ? » demanda le représentant des Sung.
« Nous lui donnerons la place qu'elle mérite auprès de son amant, répondit Li péniblement. Nous aurons besoin d'un exorciste pour libérer le corps de la maîtresse des cartes. Ling, ta famille s'en chargera. »
« Si les deux protagonistes sont revenus », fit soudainement remarquer le doyen, où est la troisième ?
« Cela est vrai, admit Ling. Le triangle doit être complet et pour le moment nous n'avons que les deux côtés. Où est le fantôme de la femme Ming ? »
Les regards se tournèrent alors vers le père de Jade.
« Comment voulez-vous que je le sache ? »
« Suivons simplement la logique... »
Ils attendaient depuis quelques minutes devant cette porte à se regarder dans les yeux, front contre front, les doigts entrelacés. Aucun des deux ne souhaitaient briser cette entente parfaite.
« Tu devrais y aller », dit Sakura en rompant le silence.
« Je sais mais j'ai du mal à te quitter. »
« Moi aussi. Je voudrais rester avec toi. »
« C'est bon, on a compris ! Vous pouvez nous zapper la suite de cette scène pourrie. »
Toya fulminait devant la porte en jetant sur le couple, et plus précisément Shaolan, un regard noir.
Furieuse d'être ainsi dérangée, Sakura se permit d'embrasser langoureusement son petit ami. Lorsqu'elle s'écarta de lui, après quelques minutes, qui parurent une éternité pour Toya, elle pointa son doigt sur le torse de son frère.
« T'es content, maintenant ? Vu que les dialogues ce n'est pas ton fort, j'ai écourté le film pour passer directement au baiser le plus long de l'histoire. »
Shaolan toussa pour cacher son hilarité. Mais Toya n'était pas dupe.
« Toi, le morveux c'est pas la peine de rire dans ta barbe ! »
« J'ai rien fait », rétorqua-t-il innocemment.
« Et en plus, tu te fous de moi ! »
« C'est pas de ma faute si t'es un guignol. »
« Sakura, dis à ton copain dé déguerpir d'ici avant que j'en fasse un rouleau de printemps à la japonaise ! »
Soupirant, Sakura fit face à Shaolan.
« Tu m'appelles, hein ? »
« Promis », dit-il en déposant un baiser sur ses lèvres avant de prendre ses jambes à son cou.
Sakura referma la porte avant que son frère n'ait la mauvaise idée de courir après Shaolan.
« Tu pourrais te montrer plus sympa avec lui. »
« Sympa ? Avec lui ? Tu me demandes la lune ! »
« Fais un effort. »
« Je peux pas. Dès que je vois son sourire arrogant, j'ai qu'une idée en tête c'est de le taillader. »
« Je te préviens, Toya. Si tu oses me le défigurer, je te jure que c'est moi qui ne vais pas te louper avec mes ongles ! »
Et sur cette phrase, elle monta furieusement dans sa chambre.
« Hé doucement, tu vas provoquer un tremblement de terre ! »
« Toya, tu n'es qu'un imbécile fini ! »
Elle s'apprêtait à entrer dans sa chambre quand Tomoyo sortit de la sienne.
« On peut dire que tu sais mettre de l'ambiance », plaisanta-t-elle en suivant Sakura dans sa chambre.
« C'est tout moi, ça. »
Elle commença à se dévêtir.
« Tu t'es ramassée dans une flaque d'eau ? » demanda-t-elle en s'asseyant sur le lit.
« Pourq... ? Ah ! Tu parles de ma tenue », dit-elle en regardant son jean sale.
« Tu t'es roulée dans la boue avec Shaolan ? »
« Non, disons que j'ai eu une petite mésaventure. »
« Une mésaventure ? Raconte. »
Sakura s'adossa contre les vitres de sa fenêtre.
« Dis-moi, tu crois à la magie ? »
Mon Dieu, songea Tomoyo paniquée. Elle doit avoir des soupçons !
« Pourquoi ? Je... »
« On s'est fait attaquer par des zombie s », lâcha-t-elle soudain.
« Quoi ! Et tu n'as rien ! »
« Je ne risquerai jamais rien avec Shaolan. Comme il pensait que c'était son oncle qui les lui avait envoyés pour le tester, on est allé rendre une petite visite à sa famille de magicien. »
« T'as fait connaissance avec toute sa famille ? »
« Seulement avec sa tante et son oncle qui ne m'a pas appréciée. Il me méprise. »
« T'es sûre ? »
« Certaine. Comme tout le clan, il préfèrerait voir Shaolan avec Jade. »
« Eriol me l'a dit. »
« Depuis quand ! »
« Quand tu nous as quittés pour jouer les solitaires. »
« Et Kyo ? »
« C'est aussi un magicien. On a des copains pas si normaux que ça. »
« Il y a une chose qui me tracasse beaucoup. »
« Et c'est quoi ? » demanda Tomoyo avec angoisse.
« Les cartes de Clow. Eriol t'en a parlé ou pas ? »
« Brièvement. »
« Clow... Ce nom me dit quelque chose mais dès que j'essaie d'approfondir la question, j'ai du mal. C'est comme si... J'ai comme l'impression qu'il y a un voile sur ma mémoire. Mais il refuse de glisser pour me laisser voir... Je sais que papa, Toya et toi, vous ne voulez pas qu'il m'arrive du mal. Je le comprends. Vous essayez de me préserver. Mais, là... J'ai besoin de savoir ce qui reste à découvrir de mon passé. Je pourrais aider Shaolan si je parviens à me ressouvenir de certaines choses. Je le sens au fond de moi », dit-elle en posant une main contre son cœur.
Tomoyo baissa la tête pour éviter le regard interrogateur de son amie. Elle entreprit de s'intéresser à ses doigts qu'elle mêlait et démêlait nerveusement.
Comment te dire ? Comment t'avouer que ce sont ces souvenirs qui vont te séparer de Shaolan et non l'aider ?
« Tomoyo ? »
« Sakura ne me demande pas ça. Je ne peux rien te dire qui te soit vraiment utile. Je n'étais pas là en Grèce avec toi. Tu es la seule à savoir ce... »
« Je le sais ça ! Mais je sais aussi qu'il y a une chose que tu sais sur moi. Une chose que je possédais avant de partir pour la Grèce et que j'ai perdue en même temps que ma mémoire ! Arrête de te retrancher derrière de fausses excuses ! Ce n'est plus le moment ! Shaolan a besoin de notre aide et je suis sûre d'avoir la solution ! Elle est là, à quelques centimètres de moi mais je ne peux pas l'atteindre à cause de... à cause de mes proches qui croient que me cacher certaines choses est bien mieux pour moi ! Tu es ma meilleure amie, Tomoyo ! Tu n'as pas le droit de garder une chose secrète alors que je t'implore de me la dire ! Est-ce que c'est le comportement d'une bonne amie, ça ! » dit-elle en lui secouant les épaules.
« Tu ne... Mets-toi à ma place ! s'écria-t-elle en écartant les mains de Sakura puis se relevant. Qu'est-ce que tu ferais si tu savais que de cette réponse dépendent le bonheur et la sécurité de ton amie ? »
« Ce n'est pas à toi de décider de ça ! Si je dois perdre mon bonheur actuel et bien je le perdrai mais je tenterai de le regagner ! Quant à ma sécurité, je sais me défendre ! Tu n'es qu'une amie ! Tu n'es ni mon père ni ma mère pour me protéger comme tu le fais ! Là, tu m'étouffes Tomoyo ! Je voudrais que tu sois un peu moins sur mon dos ! »
« Je t'étouffe ? Je suis trop sur ton dos ! C'est drôle parce que ce matin encore tu disais le contraire ! »
« C'est avant que je m'aperçoive que ton silence m'empêche d'aider celui que j'aime ! C'est toi qui es injuste en ayant des secrets pour moi. On devrait tout se dire ! »
« Tu veux savoir ! s'écria-t-elle furieuse. Tu veux vraiment savoir pourquoi je ne voulais rien te dire ? »
« Oui ! C'est ce que je te demande depuis le début ! C'est ce que je veux entendre de ta voix ! »
« Si tu y tiens tant que ça, je vais éclairer ta lanterne mais ne viens surtout pas pleurer lorsque tu auras compris ton erreur ! Parce que cette vérité va t'éloigner de Shaolan ! Et tu ne pourras rien faire pour le reconquérir lorsqu'il apprendra… ! »
« Apprendre quoi ? Dis-le, bon sang ! »
« Et bien, la maîtresse des cartes, C'est toi ! »
