Chapitre 33 : Les vents se déchaînent

Nerveux, le chef du clan Ming faisait les cents pas dans son salon. Il allait et venait d'un bout à l'autre de la pièce, les mains derrière son dos, et le visage marqué par l'agacement.

Ce n'est pas bon pour moi. Je dois me calmer avant que ma colère n'aggrave mon état de santé.

Mais comment demeurer de glace alors que le danger frappait à sa porte ? Il pensait entériner définitivement cette histoire datant de plusieurs siècles et racheter l'honneur de son aïeule en liant le clan Ming et celui des Li par un mariage mais voilà que le destin une fois de plus mettait son grain de sel dans ses prévisions.

Il aurait tant voulu ne pas voir sa propre fille mêlée à cette histoire de résurrection. Il connaissait le conseil et la décision qu'ils avaient prise à l'égard de Shaolan lui restait encore en tête. Sacrifier le fils de Yelan ne les mènerait à rien, il le savait. S'il parvenait à donner la sépulture à son ancêtre, une autre demanderait réparation. Ce serait une histoire qui se répéterait encore et encore jusqu'à ce que le conseil comprenne... Mais comprenne quoi ? Lui-même serait dans l'incapacité de dire ce qu'il fallait faire pour mettre fin définitivement à la colère de trois âmes blessées.

Lorsque la porte s'ouvrit, il se tourna dans sa direction avec appréhension.

Sa fille entra, le sourire aux lèvres.

Je ne peux pas croire qu'il y ait un esprit autre que le sien dans son corps. Je connais ma fille. Elle est forte. Jamais elle ne se serait laisser envahir par un fantôme. Elle est heureuse avec moi, même si sa mère n'est plus. Mais depuis combien de temps ne me parle-t-elle plus de ce qui la touche ou pas ? Aurais-je été à ce point aveugle pour ne pas voir la peine de ma propre fille ? Non, j'ai toujours été attentif à ses besoins. Le conseil se trompe. Jade n'est pas hantée par son aïeule. Je l'aurais senti.

« Bonsoir, père. »

« Où étais-tu ? » demanda-t-il avec une voix plus sèche qu'il ne l'aurait voulu.

« Chez Meilin. »

« Ne mens pas ! J'ai appelé les Li. Tu n'y étais pas, ni chez aucune autre de tes amies. »

« Vous semblez de bien méchante humeur, père. Vous devriez vous calmez sans quoi... »

« Assis-toi ! » coupa-t-il.

Le sourcil froncé, Jade s'exécuta. Elle croisa les jambes puis fixa son père avec une arrogance qu'elle n'avait pas par le passé.

Cette constatation ne fut pas pour atténuer les craintes du père.

« Tu n'as rien à me dire sur certains évènements récents qui te seraient arrivés ? »

« Des choses, il m'en arrive tous les jours. Ce qui est normal dans la vie d'une adolescente. Je ne vois donc pas de quoi vous voulez parlez. Soyez plus précis, père. »

« N'aurais-tu pas remarqué des choses étranges se dérouler autour de toi mais également autour de Shaolan ? »

« Si vous voulez parler de cette fille dont il s'est entiché, oui c'est étrange car elle semble l'avoir ensorcelé. Il n'est plus le même. »

« Ce n'est pas de ça dont je veux te parler... Je sais qui est cette fille. »

« Sakura Kinomoto. Et que savez-vous, ou plutôt que sait le conseil sur cette sorcière ? »

« Tu n'as pas à le savoir », répliqua-t-il froidement.

« Un secret ? Encore un autre de notre conseil des sages ? Des sages... De vieux trouillard, oui ! »

« Ne parle pas ainsi des anciens ! Tu nous dois le respect ! »

« Excusez-moi... mais c'est la vérité, rajouta-t-elle. Quelle honte pour moi de voir à quel point les miens se sont inclinés face à des clans qui n'ont pas hésité à me sacrifier pour leur survie ! »

A ces mots, le père recula craintif.

« Tu... Vous n'êtes pas ma fille ! »

« Dis à tes exorcistes que cela ne sert à rien de se cacher. Qu'ils viennent donc se présenter à moi. Allez, mes chers Ling. Sortez de vos cachettes ! »

Le paravent qui séparait le salon de la pièce conjointe qui servait aux femmes pour se réunir lorsque les hommes étaient dans la pièce principale, tomba et trois hommes sortirent.

« Trois seulement ? Je pensais que le conseil m'enverrait une dizaine de ses bourreaux? Après la première leçon n'ont-il pas compris que quelques sorciers, magiciens ou exorcistes ne parviendraient pas à bout de moi ? »

« Rendez-moi ma fille !

« Ta fille ? Oui, tu es certainement son père pourtant tu ne sais rien d'elle. Entends-tu sa colère ? Entends-tu sa peine ? Non, car comme tous les autres, vous ne voyiez rien de ce que peux ressentir une jeune fille. »

Les trois exorcistes l'entourèrent sous les yeux moqueurs de Jade.

« Vous êtes des inconscients ! Cela ne change pas... ne changera jamais ! Vous êtes sourds ! Vous n'entendrez jamais nos chants, pauvres hommes que vous êtes ! Le père, le frère, le fils... Vous ne comprendrez jamais ce que nous sommes tant que vous nous ne nous entendrez pas ! »

Aucun des quatre hommes n'écoutaient les paroles de la jeune femme. Seule l'idée de s'en débarrasser les préoccupait.

Les trois Ling dans leur accoutrement d'exorcistes, murmuraient des mots : « Soma, Psyché et Noùs, que tout se démêle par la volonté de l'éternel. Que son âme blessée retourne au sommeil... »

« Vous n'écoutez jamais ! coupa-t-elle. Il en a toujours été ainsi, cela ne changera pas. Vois Jade comme les hommes sont lâches. Crois-tu qu'ils t'écouteront si tu ne prends pas la peine d'imposer tes désirs ?

« Tu n'as rien à faire dans notre monde, Suan. »

« Si ! Je suis venu m'acquitter d'une vengeance envers des clans misogynes et reprendre l'homme que j'ai perdu par votre faute ! »

« ... Que cette stèle soit ta prison jusqu'au jour de ta rédemption ! », continuèrent les trois Ling.

L'atmosphère du salon se chargea de magie.

L'énergie déployée par la stèle, placée au sol, appelait l'esprit de Suan. Elle fut entourée par une étrange lumière blanche qui les aveugla durant un long moment.

Lorsqu'ils ouvrirent les yeux, Jade était toujours assise sur son siège, la stèle intacte à ses pieds.

« Avons-nous réussi ? » demanda un des Ling.

« Je pense que oui », répondit son cousin.

Le père se Jade s'approcha de sa fille et s'agenouilla. Elle ne s'était pas débattue comme il le pensait. Ce qui était étonnant de la part de Suan.

Lentement, Jade releva la tête et considéra son père, d'un regard vide.

« Jade, mon enfant. Comment vas-tu ? »

« Comment je vais ? répéta-t-elle d'une voix monotone. Et bien... Je vais aussi mal que le jour où vous m'avez trahie ! cria-t-elle en empoigna le cou de son père. Vous croyez vraiment que vos tours de passe-passe arriveront à apaiser ma colère ! Je suis bien plus puissante que par le passé, pauvres imbéciles que vous êtes ! Ne faites surtout pas un geste que vous regretteriez, messieurs, rajouta-t-elle à l'attention des Ling qui s'apprêtaient déjà à recommencer leur formule. »

Elle posa alors son regard sur la stèle. Elle se brisa en miettes devant les yeux effarés des Ling.

« Voilà ! Maintenant tenez-vous un peu tranquille, le temps que je demande à mon descendant ce que le conseil prévoie de faire. Alors, père ? reprit-elle avec une voix candide. Dites-moi ce qui vous inquiète autant ? C'est parce que Sakura détient l'esprit de cette catin de Phoebe ou parce que Li Shaolan s'est emparé du corps de son descendant ? Et oui, je sais tout cela. La seule chose que j'ignore, c'est où se trouve le grimoire. Je l'ai cherché mais en vain. Ma patience au départ n'était pas au bon fixe. C'est d'ailleurs pour cela que tous ces magiciens sont si mal en point. Leurs esprits sont entre mes mains et une seule incantation de ma part et ils mouront pour mon plaisir. »

« Nous croyions que cela était le fait de Phoebe. »

« Cette catin ne saurait faire plus de mal que moi j'en ai fait. Elle n'est même pas capable d'enterrer définitivement l'esprit du corps qu'elle habite. Oui, ajouta-t-elle amusée de le sentiment d'horreur qui se plaignait sur le visage du père de Jade, ta fille est sur le point de me céder définitivement la place. Elle est faible comme tu le vois et cela à cause de son père qui n'a pas su voir à temps ses blessures morales. »

« Jade... Ma chérie... »

« Dis-moi pourquoi le conseil s'est-il réuni cette nuit en urgence ? »

« Jamais ! »

« Je n'aime pas ce mot. Continuons : où sont les cartes de Clow ? Comment suis-je au courant ? ajouta-t-elle en remarquant l'étonnement de Ming. Jade m'en a parlé. Mais j'ai besoin de savoir qui les possède. Alors ? »

« Vous le ne saurez jamais ! »

Elle foudroya l'imprudent Ling du regard.

« Que vous ai-je dit ? Je déteste le mot "jamais ! Comme vous n'êtes pas très coopératifs, je vais vous aider à le devenir. Siras, Etar et Besanas, par la magie je vous invoque. Apparaissez !

Un étrange cercle se forma sur le sol et trois démons en sortirent. Ils se ruèrent alors sur les Ling, tandis que jade s'occupait de son père.

Elle le relâcha mais ce fut pour mieux le faire souffrir. En effet, le pauvre homme ressentit immédiatement une douleur dans la poitrine, comme si on lui contractait le coeur. Il respirait bien trop rapidement tandis que son rythme cardiaque s'accélérait dangereusement.

« Je vous ai pourtant prévenu de faire attention, père, dit-elle faussement touchée. Vous savez que la colère est très mauvaise conseillère dans votre état. »

Il porta sa main dans sa veste mais n'y trouva rien. Horrifié, il considéra sa fille.

« Est cela que vous cherchez, père ? » demanda-t-elle en lui montrant la boîte de médicament qu'elle tenait dans sa main.

« Donne... Donne-les... moi… »

Il s'écroula au sol en tenant son coeur.

« Dites-moi le nom de celle qui possède les cartes ! »

« Non... »

Elle soupira.

« Tu n'as pas trente-six solutions, mon cher descendant. C'est la crise cardiaque qui t'attend. Vas-tu mourir pour préserver le secret du clan Li alors que tu les hais tout autant que moi ? Vas-tu sacrifier ta fille pour ces scélérats ? »

« Tu... ne... feras... rien... »

« Ah, oui ? Regarde, dit-elle en faisant apparaître une dague puis en la tendant vers son poignet. Son corps ne m'est pas très utile. Je peux très bien prendre le premier qui se présentera à moi. Parle !

« Non », lâcha-t-il.

Puis il s'évanouit.

« Rien n'a donc changé. Sacrifier encore et toujours les femmes. Verser leur sang vous plait-il autant ? Très bien ! Je vais me débrouiller seule ! »

Une énergie se déploya à ce moment, d'une telle intensité qu'elle éjecta les hommes en arrière.

Dans le salon en désordre des Ming, il ne restait plus que quatre hommes gisant à terre.


Ils quittèrent l'appartement vers midi. Malgré les recommandations de Shaolan qui craignait la colère de Toya, Sakura avait refusé de le quitter à la hâte. Elle savait pertinemment que ces moments de bien-être ne dureraient pas, et que tôt ou tard la lame du destin couperait, sans remords, le fil de leur relation.

Elle n'ignorait pas ce qu'il l'attendait dès qu'elle passerait les portes de chez elle. Toya allait certainement lui faire la morale pour s'être enfuie de chez eux sans prévenir personne, mais cela ne l'inquiétait pas plus que cela. Pour le moment, seul le fait d'être avec Shaolan comptait à ses yeux.

Lorsqu'ils parvinrent à quelques mètres de sa maison, Sakura s'immobilisa.

« Je préfère qu'on se quitte là, dit-elle. Je ne tiens pas à ce que Toya s'énerve sur toi. »

« Il est préférable qu'on l'affronte tous les deux, non ? Et puis on a rien fait de mal. »

« Le seul fait que tu ais osé poser tes mains sur moi, c'est un crime passible de la peine de mort pour Toya. »

Elle tenta de rire mais n'y parvient pas. Son coeur était bien trop lourd malgré leur nuit d'amour. Elle se demandait s'il n'aurait mieux pas valu ne jamais avoir connu l'amour dans ses bras. La séparation en était des plus douloureuse.

Je vais garder précieusement cette nuit dans mes souvenirs. Mais s'ils m'aideront à ne pas t'oublier, ils me tueront dès que j'y repenserai.

La main de Shaolan se posa sur sa joue.

« Il y a quelque chose qui ne va pas, dis-moi ce que c'est ? »

« Ce n'est rien. »

« Saki, je vois bien que ton sourire n'est plus le même... Tu as l'air triste alors qu'on vient de vivre quelque de grand, ensemble. Pourquoi ? Tu regrettes ce qui s'est passé ? »

« Oh, non ! Ne va pas croire ça ! C'est seulement que... comme je me suis un peu disputée avec Tomoyo, j'ai peur qu'elle m'en veuille encore. »

« Tomoyo t'aime trop pour te faire la tête. Dès qu'elle te verra, je suis certaine qu'elle va te sauter dessus et te demander où tu étais cette nuit. »

Elle sourit.

« Voilà ! Je préfère te voir avec cet air là. »

« Je t'aime, Shaolan. »

« Moi aussi. »

« Je vais rentrer puisqu'il faut bien affronter le méchant grand frère. »

« Je t'appelle pour m'assurer qu'il ne t'aura pas enfermée. »

« Prie pour qu'il ne me confisque pas mon portable. »

« Je le vois bien faire ça. »

Ils s'embrassèrent puis Shaolan tourna les talons.

« J'allais oublier ! » s'écria-t-il en se retournant vers elle, alors qu'il était à quelques mètres d'elle.

« Quoi ! »

« Surtout ne raconte pas tout à Tomoyo, hein ? »

« Promis ! »

Sakura le regarda s'éloigner avec un pincement au coeur.

Il s'éloigne... il part pour ne plus jamais me revenir...

Les larmes qu'elle retenait, depuis le matin, coulèrent sans qu'elle ne puisse les retenir davantage.

Sa vue se brouilla.

Et quand elle sécha ses larmes du dos de la main, Shaolan avait disparu au loin.

D'un pas mal assuré, elle regagna sa maison.

Maintenant que j'ai recouvert tous mes souvenirs en tant que maîtresse des cartes, je vais devoir reprendre mon rôle. Dès que j'aurais ma clé, ma magie se fera ressentir par les magiciens, et Shaolan évidemment. C'était la dernière fois que je le voyais amoureux, lundi ce sera un autre regard qui me dévisagera...

Si tu le souhaites, je pourrais tenter de cacher ta magie sous la mienne. Jusqu'à maintenant, c'est ton amnésie qui a bloqué ta magie, et maintenant que ta mémoire est revenue, cela va comme réactiver tes capacités. Mais, je peux essayer...

Non, Phoebe. Je ne peux pas continuer à me cacher et à lui mentir. Je dois rester franche, ce n'est que de cette manière que j'aurais peut-être une chance de le persuader de ne pas me détester.

Je suis désolée, Sakura.

Dis-moi, Phoebe. Sais-tu pourquoi Kaho m'a attaquée dans ce temple ? Elle m'a appelée Phoebe.

Ce n'était pas vraiment ton amie. Elle a été envoûtée par l'esprit de celle qui m'a maudite.

Maudite ?

« On ne t'attendait plus. »

La voix était froide et pleine de reproches.

Sakura leva les yeux vers le jeune homme qui se tenait sur le pas de la porte.

Elle entra sans un mot.

« Je ne te demande pas où tu étais. »

« J'étais avec Shaolan », répondit-elle sans détour.

« Vous... »

« Ne t'en fais pas, c'était l'unique et dernière fois, puisque c'est fini entre nous. »

« Il n'a pas osé... »

« Non, c'est moi qui vais rompre. Ce n'est pas ce que tu voulais depuis un bon moment ? »

« Non, Sakura. Ecoute, ce n'est pas... Tu n'es pas obligé de rompre à cause de moi. »

« Ne te surestime pas, Toya. Ce n'est pas à cause de toi que j'ai décidé de rompre. C'est à cause de ce que je suis. Tu ne dois pas le savoir mais Shaolan est un magicien... »

A ce mot, Toya se raidit.

« ... C'est le descendant de Clow. Tu sais celui qui a crée les cartes que je possède. »

Le jeune homme perdit toute contenance. Elle se souvenait de tout.

« Et oui ! Ma mémoire est désormais bien là, dit-elle en pointant sa tempe. Mon dieu, comme j'aurais souhaité ne pas être la maîtresse des cartes ! Parce que à cause de ça, je dois faire une croix sur Shaolan ! »

« Je ne comprends pas. »

« Shaolan a perdu le trésor de sa famille à cause de moi ! Et depuis, il hait la maîtresse des cartes ! Lorsqu'il apprendra que c'est moi la voleuse, il me détestera ! Voilà ! Tu sais tout, et j'espère que tu es content que je le quitte parce moi je suis incapable de ressentir une quelconque satisfaction ! »

« Sakura ! » dit-il en saisissant son bras.

« Quoi ! Tu vas aussi m'interdire de pleurer ! Qu'est-ce que j'ai droit de faire ! Allez-y, votre majesté, je vous écoute ! »

« Je suis désolé, murmura-t-il. Ce n'est pas ce que je voulais. »

« Aujourd'hui, beaucoup de gens sont désolés, moi la première, railla-t-elle. Mais, je t'en prie, Toya, ne t'oblige pas à dire que ce n'est pas ce que tu voulais. Parce que c'est faux ! Pour toi, je suis encore la petite Sakura qui a peur des fantômes. Mais désolé - et oui encore ce foutu mot -, j'ai grandi et comme tout le monde j'ai ma vie à vivre, des ambitions et des désirs à combler. Quand tu auras enfin compris que je suis presque une adulte, tu reviendras me voir ! »

Son corps tremblait de colère tandis que sa voix vibrait à cause ses sanglots. Elle tourna le dos à son frère et monta directement dans sa chambre.


Elle passa tout son dimanche après-midi dans sa chambre, refusant la moindre visite et les repas qu'on lui montait.

Enfouie sous ses draps, elle ne parvenait pas à fermer les yeux.

Sakura, veux-tu que je t'explique ce qui s'est passé cette nuit en Grèce ?

Je n'ai pas vraiment la tête à entendre des explications... mais, je voudrais savoir si Kaho est sortie vivante de l'effondrement du temple.

Je ne sais pas... Mais tu sais, si cette esprit dont je te parlais et bien là, en Chine, c'est que Kaho a pu se sortir de l'effondrement comme je l'ai fait pour toi. Mais...

Mais... ?

Je ne sais pas si elle a changé de corps entre-temps.

Qui est cet esprit ?

La fiancée de mon Shaolan. Il était promis à une autre avant de me rencontrer. Je t'ai déjà dit qu'en partant avec mon grimoire Shaolan avait causé involontairement ma mort, mais ce que tu ne sais pas, c'est que je savais très bien que ma vengeance serait faite. Ce grimoire est une sorte de boîte de pandore. Elle abrite un pouvoir qui prend possession de celui qui parvient à l'ouvrir. Jusqu'à maintenant, j'étais la seule à pouvoir ôter le couvercle sans danger. Et la magie qu'elle contenait était bienfaitrice. Mais en mourant ma haine s'est emparée du grimoire. Mon amertume, mes regrets, mes désillusions se sont enfouie dans ce livre. Si autrefois, seul un être doué d'amour pouvait l'ouvrir, ce ne fut plus le cas après ma mort. Et celle qui ouvrit le grimoire fut la promise de Shaolan. Elle était rongée par les mêmes sentiments que moi. Et cela l'a condamnée. Nous fûmes donc deux âmes blessées par l'amour. Et c'est ainsi que la magie nous condamna à nous réunir. Nos âmes furent ensevelies, là où mon corps reposait dans ce temple dressé à ma mémoire.

Tu veux dire que bien que vous n'ayez rien en commun par la naissance, vos sentiments vous ont condamnées à rester dans ce temple ?

Oui. Suan était tout comme moi rongée par la peine.

Alors, c'est bien elle qui a pris possession du corps de Kaho. Et c'est pour cela qu'elle m'a appelé Phoebe... parce que... c'est au moment où j'ai touché ton cercueil que tu as pu t'immiscer en moi.

Oui. Tu étais ma solution pour remettre la main sur mon grimoire et espérer retrouver la paix par une vengeance. Mais, ce que je ne savais pas c'est que tu posséderais la magie des Li.

Comment ça ?

Et bien, tes pouvoirs sont grands Sakura. Les miens également. J'aurais pu te tuer... Heureusement, ou malheureusement, ce coup à la tête a pu t'effacer la mémoire. Et cela a permis à ta magie de s'éteindre provisoirement.

Si j'avais su dès le départ que j'étais la maîtresse des cartes, je n'aurais sans doute pas eu la chance de vivre mon amour pour Shaolan... je ne regrette pas ce qui est arrivé... mais cette femme. Suan ? Crois-tu qu'elle désire le grimoire ?

Elle veut se venger de moi.

Mais tu es déjà morte, non ?

Oui, mais avec mon grimoire elle pourra détruire tout un clan à qui elle doit son malheur. Et si elle réussit à tuer celle qui m'abrite, je ne serai plus qu'un vulgaire esprit qu'elle pourra contrôler à sa guise.

Nous devons la retrouver avant que le grimoire ne rentre en sa possession.

Le grimoire est sûrement bien dissimulé par les clans et la magie doit le protéger de tout intrus qui tenterait de le voler. Cependant, il s'ouvrira et apparaîtra dans les mêmes conditions que celles où a été Suan.

C'est à dire ?

Colère, amertume, douleur et regrets. Ces sentiments, s'ils sont nourris par un sorcier, réveilleront le pouvoir du grimoire. Et ce sera la fin.

Crois-tu que Shaolan... ?

Je ne sais pas, Sakura. Mais, il est vrai qu'il représente un danger potentiel.

Le conseil, son clan doivent le savoir. C'est pour cela qu'ils ont peur de lui. Ils ont peur qu'ils les détruisent comme Suan l'a fait par le passé... Je viens de penser à une chose. Tu n'es pas certaine que Suan ait gardé le corps de Kaho, n'est-ce pas ?

Oui.

Est-il possible qu'elle ait choisi le corps de l'un de ses descendants comme Shaolan l'a fait ?

Possible.

Quel est le nom de la femme ?

Suan Ming.

Je m'en doutais. C'est pour cela que le conseil désirait voir Shaolan épouser Jade. Ainsi, il espérait apaiser le passé mais l'histoire se répète aujourd'hui.

Bien réfléchi, Sakura.

Je crois que nous aurons une conversation avec Jade, lundi matin. Et de là, nous verrons comment agir.


L'ambiance au sein de la maison des Li était insupportable à vivre depuis que Shaolan était rentré dimanche. Et en ce lundi matin, la situation n'avait pas évolué d'un cran.

La tension croissante entre la mère et le fils empoisonnait l'atmosphère. Bien qu'ils échangeaient des phrases, il devenait évident, pour les témoins, que les liens qui les unissaient étaient altérés.

Voilà la preuve que les secrets et les mensonges brisent les relations même les plus solides, pensa tristement Eriol.

Il imaginait les remords qu'éprouvait sa tante.

Toujours aussi digne, Yelan ne laissait rien paraître de sa peine alors qu'elle devait être plus qu'atteint par sa dispute avec son fils unique. Elle gardait son sourire devant ses filles alors que derrière le masque la tristesse creusait ses traits.

Ce clan se trouvait au bord de la ruine sentimentale. Mensonge des uns, lâcheté des autres, ambition pour certains...

Il n'y avait plus rien à espérer.

Le silence était beaucoup plus difficile à supporter que les explications. Chacun restait dans son coin. Les regards se cherchaient, se heurtaient pour finalement se perdre de vue. Ils espéraient tuer les sentiments négatifs à la source mais les coeurs refusaient de suivre… Toujours cette rancune.

Ils devaient explorer au plus profond d'eux-mêmes et trouver la force qui leur permettrait de pardonner. Les erreurs étaient humaines et se croire au-dessus de cette condition ne les mènerait à rien sauf à nourrir une souffrance inutile. Ils finiraient par s'éloigner les uns des autres.

Mais Eriol était surtout anxieux à l'idée que Shaolan apprenne qui était la maîtresse des cartes. Ce serait une véritable catastrophe, il le pressentait. Après ce dernier échec sentimental, Shaolan ne ferait plus jamais confiance à personne. Heureusement, jusqu'à maintenant, ses recherches s'étaient révélées infructueuses.

Faisant grincer sa chaise, Shaolan se leva et quitta la salle à manger sans un mot.

« Mère ? » fit Shefa.

« Je vais bien. Ne vous inquiétez pas. »

« Je déteste quand il est comme ça ! dit Feimei. Il devrait savoir que nous avons toujours agi pour son bien. »


Elle serra sa cravate puis se regarda dans le miroir.

De cette journée dépendrait leur avenir à elle et à Shaolan.

On frappa à sa porte.

« Je peux rentrer Sakura ? »

« ... »

« Tu as passé la journée d'hier seule dans ta chambre à broyer du noir... Tu ne vas pas passer cette journée dans le même état ?... Toya m'a dit que tu avais complètement retrouvé ta mémoire. Je suis contente pour toi... Je sais que je n'aurais pas dû te cacher la vérité mais tu es ma meilleure amie. Et d'une certaine manière, ça me rassurait que tu t'éloignes de la magie. J'avais peur qu'il ne t'arrive malheur, comme tout le monde dans cette maison. Tu peux nous en vouloir d'avoir gardé le silence sur ton passé de magicienne, mais tu ne peux pas nous en vouloir de t'aimer trop et de vouloir te protéger. Si tu ne veux pas me parler, je le comprends. Mais descends prendre ton petit déjeuner. Tu en as besoin... Je vais aller plus tôt au lycée, comme ça tu pourras être tranquille... On se verra là-bas, et... Et je suis encore désolée pour tout... »

Les sanglots dans la voix de Tomoyo firent monter les siens. Elles souffraient toutes les deux de cette situation.

Sakura se rua sur la porte et l'ouvrit brusquement. En voyant Tomoyo, les larmes aux yeux, Sakura sauta à son cou.

Les deux amies restèrent ainsi, enlacées, à se consoler mutuellement.

« Je suis désolée... Tellement désolée... »

« Pardonne-moi d'avoir été si dure avec toi... »

Leurs excuses se perdaient l'une dans l'autre.

« Maintenant, on va être bien avancée avec nos yeux rouges », se moqua Tomoyo.

« Oui. On ne va pas être très belle à regarder », admit Sakura.

« Promets-moi qu'on se disputera plus pour une histoire de secret. »

« Promis. »

« On se dit tout ? »

« On se dit tout. »

Cette nouvelle promesse amena Sakura à dévoiler enfin à Tomoyo tout ce qu'elle avait sur le coeur. A commencer par ce qui s'était passé en Grèce, en passant par sa nuit avec Shaolan et en terminant par l'histoire des ancêtres des Li, des Ming et de Phoebe.

Lorsqu'elle eut terminé, Tomoyo enlaça son amie.

« Les sentiments de Shaolan sont un danger aux yeux du conseil, et je crois les comprendre. Phoebe n'écarte pas la possibilité que le grimoire apparaisse à cause de lui. Et ce serait une vraie aubaine pour Suan Ming. »

« Que vas-tu faire ? »

« Je dois parler à Jade et tenter de la convaincre de parler au conseil afin qu'il trouve une solution à notre problème. »

« Ne penses-tu pas que le conseil soit déjà au courant ? »

« Si c'était le cas, pourquoi m'avoir amenée en Chine au plus près de Shaolan ? Pourquoi aurait-il pris le risque de nous voir ensemble ? »

« Je ne sais pas, Sakura. »

« Si je ne parviens pas à faire entendre raison à Jade, le conseil devra me donner des explications sur sa négligence ! »

« Donc pour le moment, tu ne diras rien à Shaolan ? »

« Je lui dirais mais je dois d'abord trouver une solution pour le grimoire. »

Soudain, une lumière étincela de la jupe de Tomoyo. Celle -ci plongea sa main dans sa poche et en retira une clé.

« Mais c'est ma clé ! » s'écria Sakura.

« On avait décidé de la laisser au Japon avec Kéro et Yué mais au dernier moment, Kéro m'a conseillé de la prendre avec moi. Toya ne le sait pas ni ton père. »

« Kéro... Il me manque avec Yué. »

« Tu n'auras pas à patienter davantage pour les voir. »

« Pourquoi ! Ne me dit pas que... ? »

« Après avoir compris que tu avais retrouvé ta mémoire, il a bien fallu ressouder votre équipe. Toya est parti ce matin les chercher à l'aéroport. »

« Je vais pouvoir voir Yukito ! »

« Sakura ? »

« Oui ? »

« Pourquoi ta clé brille-t-elle autant ? »

« Peut-être parce qu'elle sent la présence des gardiens après tout ce temps. »

Cette explication laissa tout de même Tomoyo perplexe. Elle tendit la clé à Sakura mais au moment où ses doigts frôlèrent le bijou, sa respiration se coupa violement.

« Maîtresse des cartes, quelque soit ton nom, je sais que tu es dans cette ville. Je souhaite te rencontrer pour t'affronter. Tu refuseras sûrement de venir. Voilà pourquoi, je vais épicer notre rencontre. Suis ma magie et viens découvrir les victimes que tu condamneras à chaque minute qui s'écoulera. Dépêche-toi ou tu devras porter sur la conscience le poids de la mort de plusieurs innocents. »

Sakura relâcha sa clé et reprit difficilement sa respiration sous le regard inquiet de Tomoyo qui la tenait par les épaules.

« Sakura ? Tu vas bien ? »

« Cette voix... C'est Jade ! Où sont mes cartes, Tomoyo ? J'espère que ce n'est pas Kéro qui les a ? »

« Elles sont dans ma chambre. »

« Amène-les moi. »

« Pourquoi ? Tu vas... »

« S'il te plait, fais vite ! Elle va tuer des innocents si je ne me dépêche pas ! »

Tomoyo sortit de la chambre et revient quelques secondes plus tard avec les cartes entre ses mains. Elle les tendit à Sakura qui les mit dans sa poche puis mettant sa veste, elle descendit les escaliers à la hâte.

« Sakura ! »

« Ca va aller, ne t'inquiète pas », rétorqua-t-elle avec le sourire.

Puis elle sortit de leur maison.


Dans une pièce, deux hommes s'entretenaient. L'un était dans une position bien étrange qu'il nommait le « German souplex » une sorte de pont, tandis que l'autre le regardait assis derrière son bureau.

« Voilà, vous êtes au courant des derniers événements survenus », soupira le vieil homme.

« Je vois... Alors, pour vous sauver les fesses -excusez-moi de cette image - vous allez sacrifier un gamin. C'est ce qu'on appelle avoir du courage. »

« Je vous ai déjà raconté ce qui s'était passé avec la femme Ming. Nous ne pouvons pas nous permettre un autre massacre. Pour le moment, nous avons quatre des nôtres à l'hôpital. Le conseil est amputé d'un de ses membres et pas le moindre. Tant que Ming sera aussi mal en point, nous ne pourrons pas nous confronter à Suan. Les vents ne nous sont pas favorables, nous devrons agir comme il a été convenu avant que tout ne se déchaîne. »

« Vous ne savez même pas si ce grimoire apparaîtra ou pas, et vous osez décidez d'une mesure aussi radicale. Vous avez à ce point la trouille d'une légende alors que vous êtes des sorciers ? »

« Vous connaissez tout comme moi Shaolan et... »

« Et c'est pour ça qu'à votre place, je n'aurais jamais décidé de le tuer. Je sais que c'est encore un gosse un peu trop gâté au caractère de cochon mais laissez-lui l'occasion de devenir un adulte. Vous avez maintenu ce climat de tension en le rabaissant pour vos simples intérêts, pourquoi devrait-il être le seul payer les pots cassés ? S'il tient tant à vous prouver ce qu'il vaut, c'est parce que vous l'avez poussé à le faire avec vos remarques mesquines. S'il y a une tragédie, vous ne devrez vous en prendre qu'à vous et non à lui. Shaolan grandit et ce qu'il a à coeur c'est de devenir cet homme qu'il a trop longtemps craint de faire sortir parce qu'il manquait de confiance en lui. Si vous le tuez, les remords ne cesseront de vous tourmenter. Et si ce n'est pas vous qui payiez cet assassinat, ce seront vos descendants qui en feront les frais. Alors réfléchissez avant qu'il ne soit trop tard. Et puis, je vais vous donner un conseil : le premier qui enverra un tueur à gage pour liquider mon élève, je me chargerai de faire passer gratos les frontières de l'enfer à cet enfoiré d'assassin. »

« Je ne suis pas déçu d'avoir dans mon établissement un professeur tel que vous, monsieur Onizuka. »

« Moi aussi, je suis pas déçu de ce séjour en Chine. »

La porte s'ouvrit alors sur la secrétaire.

« Monsieur, Wang. »

« Une minute. »

« Bien. »

Elle sortit.

« Croyez-vous que nous parviendrons à atténuer la colère de Shaolan lorsqu'il découvrira que la maîtresse des cartes est Sakura ? »

« Je vous l'ai déjà dit : il n'y a rien à craindre. Shaolan tient à Sakura comme à la prunelle de ses yeux. Alors même si cette Suan Ming vient mettre son grain de sel, tout ira bien. »

Le doyen regarda étrangement le professeur.

« J'ai du persil entre les dents ? »

« Non... C'est que cette phrase "tout ira bien" est une des devises du clan Li. Elle leur vient de Clow. »

« Vous savez c'est une phrase qu'on dit tout le temps au Japon. »

Le doyen sourit légèrement.

« Le conseil m'en a voulu de ne pas avoir dévoilé plus tôt que la maîtresse des cartes était dans cette école. En tant que doyen, c'est une faute que je n'aurais jamais dû commettre. Je suis coupable... Mais j'espérais qu'en apprenant à connaître Sakura, Shaolan serait un autre. Je n'imaginais pas un instant que l'ancêtre et sa maîtresse feraient des siennes. »

« Allez, ne vous en faite pas. Je pari toutes mes vidéos de Kimiko Uedo que notre couple fétiche saura se sortir de cet orage et, ça, sans que le Great Teacher Onizuka n'intervienne ! »

« Si vous le dites. »

C'est alors qu'ils ressentirent des tremblements.

Les objets du bureau bougèrent légèrement.

« Qu'est-ce qui se passe ? »

Tout à coup, une déflagration ébranla alors les murs interrompant fatalement le cours de leur discussion.

A suivre….

J'entends encore des voix qui vont me dire ke ça se fait pas d'arrêter la fic ici. Mais c'est comme ça, c'est la vie… Vous aurez la suite dans une semaine et là…. Vous allez enfin pouvoir lire la confrontation entre Shaolan, Phoebe et Suan/ Shaolan, Sakura et Jade.

Laissez tomber, je tape n'importe koi. Bref, ce ke je voulais dire c'est ke la semaine prochaine ça va pas être du gâteau pour nos tourtereaux.