Chapitre 2
Il leur fallut près de deux jours pour rallier la plus proche, Alabasta. Ce n'était pas la première fois qu'elles y venaient depuis le début de leur association, et Wenluin n'était pas certaine que ce fut une bonne idée de ramener sa compagne dans un endroit où des gens avaient déjà acheté sa marchandise. Celle-ci était souvent, pour ne pas dire toujours défectueuse, ce qui avait tendance à être très dangereux pour les malheureux acheteurs.
"Encore dans la lune, Wen ?" se moqua gentiment Pol." Viens plutôt m'aider à accoster !"
Docilement, l'adolescente obéit. Une fois leur barque attachée au quai, elle sauta sur la terre ferme et fit mine de s'éloigner avant d'être rattrapée par la brune.
"Attend, ne pars pas comme ça ! Je dois veiller à ta sécurité, ne l'oublies pas !"
"La meilleure façon d'être en sécurité quand tu es dans les parages, c'est de ne pas t'approcher. Tu attires les ennuis comme la viande avariée attire les mouches…"
Sans lui laisser le temps de répondre, elle reprit son chemin et s'enfonça dans les ruelles. Elle était consciente d'avoir été parfaitement malpolie, mais ça n'avait pas la moindre espèce d'importance. Il ne fallait pas trop en demander à une orpheline qui s'était pour ainsi dire élevée toute seule.
Pol de son côté resta un moment plantée sur place à regarder s'éloigner la fille aux cheveux rouges. Malgré tout le temps qu'elles avaient passé ensemble, elle n'arrivait toujours pas à anticiper ou même à comprendre les réactions de Wenluin. Il devait bien y avoir une logique derrière ce qu'elle faisait et disait, mais impossible de savoir laquelle. C'était une adolescente quoi, et Pol avait autre chose faire dans la vie que de s'intéresser au état d'âme d'une fille de quinze ans. Elle attrapa donc l'un de ses sacs de marchandises et partit à son tour en exploration dans la ville dans le but avoué de trouver quelques pigeons à plumer.
Pigeons qu'elle trouva en la personne d'un charmant jeune homme brun aux yeux vairons, d'une taille qui devait friser les deux mètres et à l'air singulièrement stupide.
"Donc si je comprend bien, ce log post sert aussi de couteau, de briquet et de réservoir à cure-dents ?" récupitula-t-il après que Pol lui ai présenté l'un de ses articles. "Woah, c'est génial ça ! Et il coûte combien ?"
"Normalement, je ne le vend pas en-dessous de cinq cents berrys… mais tu me plais bien, alors si tu prend aussi une boule à neige-éternal pose, je te fais le lot à mille deux cent berrys à peine ! C'est l'affaire du siècle, mon cœur !"
Il sembla hésiter un instant, puis un grand sourire idiot apparut sur son visage, et pour une mystérieuse raison Pol eut soudain l'impression qu'elle l'avait déjà vu quelque part. Elle n'y prêta cependant pas attention. Lorsqu'on voyage beaucoup, on croise beaucoup de monde, et ce genre d'impression étaient fréquentes.
"D'accord, je les prend !" décida-t-il en lui tendant l'argent. "Dites, ça ne doit pas être simple pour une femme aussi belle que vous de se débrouiller seule, non ? Je veux dire, il doit y avoir pas mal de types qui tentent de s'en prendre à vous, et je parle même pas des dragueurs lourdingues… Vous êtes vraiment courageuse."
S'il n'avait sourit d'un air faussement séducteur, Pol l'aurait presque trouvé touchant ce type… mais là, elle se disait juste qu'il y avait vraiment de sacrés idiots sur terre.
"C'est vrai que ce n'est pas toujours simple, mais je ne voyage pas seule. Mon associée est presque toujours avec moi vous savez."
"Et votre associée et aussi jolie que vous, ou bien c'est un grand costaud pas commode ?"
"Plutôt le genre petite peste teigneuse qu'il vaut mieux ne pas énerver."
Wenluin choisit exactement ce moment pour arriver auprès d'eux.
"Qui est une petite peste teigneuse ?" demanda-t-elle d'une voix polaire." Je revendique le fait d'être désagréable, mais je t'interdis de dire que je suis petite."
"J'aurai du mal à dire que tu es grande alors que tu mesures à peine un mètre les bras levés."
Les joues de la jeune fille prirent la même couleur que ses cheveux, et elle dégaina son sabre. Voyant cela, le jeune homme sortit le sien et se plaça entre les deux filles.
"Je serais vous, je ne ferais pas cela," murmura-t-il. "Une dispute peut dégénérer, mais pas à ce point."
"Occupes-toi de tes affaires, pauvre tache."
"Rangez votre sabre et je partirai. Pas avant."
Wenluin soupira, puis remit son sabre dans son fourreau tandis que le géant faisait de même avant de s'éloigner sans un mot. Un drôle de type, assurément.
"Quel crétin celui-là," s'esclaffa Pol. "Je l'ai embobiné en un tour de main !"
L'adolescente ne répondit pas, fixant la direction où le crétin en question avait disparu.
"Wen ? ça va comme tu veux ?"
"Tu as remarqué ? Ce mec… il ressemble comme deux gouttes d'eau au seigneur des pirates."
"Ah ? Je n'ai pas fait attention je dois dire. Mais c'est vrai qu'il me rappelait quelqu'un… et auquel des deux il ressemble au fait ?"
"Au deuxième. A Monkey D Luffy."
"Il est aussi intelligent en tout cas, ça ne fait aucun doute."
Il y eu un nouveau moment de silence.
"C'est un D lui aussi," déclara brusquement Wenluin." On a du monde à Alabasta ?"
"Pas que je sache. C'est une île tranquille où il ne se passe pas grand chose. Wen, tu ne veux quand même pas…"
"J'en ai bien l'intention au contraire…"
Pol soupira. Et voilà, c'était reparti pour un tour… Au nom du ciel, qu'est ce qui lui avait pris d'accepter de veiller sur la Gardienne alors qu'il y avait tant de poste plus tranquilles et qui n'incluaient pas de suivre une adolescente bizarre dans toutes ses fantaisies ?
