Protect-me

Chapitre 6

Mise au point

Je retiens les mots qui souhaitent sortir de ma bouche avec fougue et violence. Pour qui se prend-il de s'auto déterminer le chef ? Je ne lui ai rien demandé à part rejoindre ma cause, de tenter de survivre avec ce qu'on a… Je me retiens d'écraser mon poing sur son visage, repensant aux derniers mots d'Hermione. Si je veux donner une chance à notre alliance, je dois refouler mes sentiments de haine envers lui…

J'aperçois Draco qui sourit face à ma réaction. Il s'amuse de cette situation où il est mis en avant, sa supériorité le plaçant sur un piédestal royal. Il aime m'ordonner ses caprices, me rabaissant toujours un peu plus à chaque fois. Il voit bien que je m'abaisse à ses moindres souhaits, mais il commence à prendre trop ses rêves pour la réalité. Je ne serai jamais son petit servant ni quoique ce soit d'autre. J'ai une vie moi aussi, j'ai un honneur tout comme le sien. Il continue de me narguer, me jetant sa cape de serpentard dans les bras, un petit sourire en coin.

''Tiens, porte moi ça, POTTER.''

Là, s'en est de trop pour mes nerfs. Je ne suis pas son petit homme de maison ni son souffre-douleur qui doit recevoir ses sarcasmes sans rien répondre. Je n'en peux plus de le voir me rabaisser de la sorte à longueur de temps, durant toutes ces années… Je ne sens même pas ma main se poser avec nervosité sur son coup après avoir lâché avec dédain sa cape. Je ne contrôle plus mes gestes, ces derniers étant guidés par ma simple antipathie envers Malfoy. Mes doigts se resserrent avec haine, commençant à faire suffoquer ma proie que je plaque avec violence contre la bibliothèque. Sa tête heurte le rebord d'un rayonnage dans un bruit mat, les yeux de mon petit serpentard reflétant une peur incontrôlée.

''Ecoute moi bien Malfoy. Je ne suis ni ton petit servant, ni ton défouloir. Moi aussi j'ai un putain de tatouage dans le dos, moi aussi je ne souhaitais pas le recevoir, mais c'est comme ça c'est la vie. Je te demanderai de ce fait de faire un petit effort d'amabilité, histoire qu'on puisse avoir des relations correctes. Je m'en tape moi, de ta petite vie confortable d'aristocrate, mais si tu le prends sur ce ton, je me barre et te laisse à tes emmerdes, ce n'est vraiment pas un souci pour moi…''

Je lui laisse entrevoir à travers cette petite illusion ce dont je parle : son image de marque. Il sait très bien que s'il ne reste pas en ma compagnie, il n'arrivera jamais au bout de cette histoire, n'aura jamais la gloire… C'est tout ce qu'il cherche, un semblant de reconnaissance à travers le regard de son père, bien qu'il ait choisi d'affronter son maître. Ou alors est-ce la peur d'être la risée de l'école ? Je n'arrive pas à discerner vraiment ce qui engendre autant d'angoisse dans son regard, mais je sais que j'ai vu juste.

'' - Tu sais aussi bien que moi que si je ne suis pas là, tu ne pourras jamais à venir à bout de cette foutue guerre et n'obtiendras donc jamais un semblant de reconnaissance.

- C'est donc seulement l'image de marque que tu cherches à sauver, Potter ?

- Non Draco, c'est ma vie et par la même occasion la tienne. C'est ça que j'essaie de sauver, pauvre crétin ! Sans moi, t'es mort, tout comme moi sans toi ! Alors mets-toi bien ce qui va suivre dans ton petit crâne : respecte-moi et bouge ton cul pour m'aider à survivre car Voldemort ne va pas tarder à apprendre pour nos marque, et nous ne serons plus que deux cadavres en cavale si nous ne faisons rien !''

Je commence à avoir de plus en plus de mal à respirer, suffoquant presque en cœur avec Malfoy. Je lâche alors ce dernier à regret, caressant ma gorge douloureuse. Je reprends mon souffle lentement, imitant mon colocataire qui tente de retrouver ses esprits. Une marque rouge trône sur tout le tour de sa gorge, là où mes doigts s'enfonçaient quelques instants auparavant. Il reste interloqué pendant quelques minutes mais il ne peut s'empêcher de me fixer d'un regard noir. Je suppose être la première personne à lui avoir tenu tête de la sorte, le remettant en question d'une manière totalement réussie.

C'est ça d'avoir été trop couvé par son très cher père... Lorsqu'il doit prendre de véritables choix, il ne sait plus où il en est. Des fois, je trouve sa vie limite pathétique. Je le vois devenir de plus en plus pâle, prenant sûrement conscience des mots qu'il vient d'entendre. Je ne m'amuse même pas devant le petit air peureux qu'il prend, le même que lorsque 'mione lui a plaqué sa baguette sur sa jugulaire…

Je n'ose même pas regarder cet être craintif, je préfère tourner les talons sans aucun regard. Je ne souhaite pas le voir dans un tel état de faiblesse et m'apercevoir que ma vie est entre les mains d'un incapable. Je veux seulement espérer qu'il se reprendra… Je sors alors, le laissant là, seul dans cette pièce vide de toute présence réconfortante.

Je réemprunte les escaliers en colimaçons d'un pas plus léger, remontant chaque marche avec entrain. Bien que je n'ai pas suivi les conseils d'Hermione, je lui ai au moins craché tout ce que j'avais sur le cœur et j'avoue que ça m'a fait le plus grand bien.

Me retrouvant au centre du hall, je décide de reprendre ma visite mais cette fois-ci, seul. Je pousse alors la porte face à celle de l'entrée qui débouche directement sur une salle vaste et entièrement éclairée grâce à ses multiples fenêtres. Je remarque que le plafond est haut, les murs clairs, absorbant davantage la lumière. Je constate aussi le parquet similaire à ceux de nos chambres. Je me déchausse, déposant mes chaussures dans le recoin qui a cette utilité. Je pose mes pieds les uns derrière les autres sur les lames de bois qui craquent et j'arrive à la hauteur d'un grand tapis de Judo. Je m'étonne devant cette invention moldue qui prend place dans cette institution mais ne m'attarde pas plus, m'approchant avec fascination des armes moldues qui occupent tout un pan de mur. Un sabre, une masamune, des petits poignards et autres équipements tranchants étaient exposés là, tels des trophées gagnés après de rudes épreuves. J'empoigne l'une de ces lames, admirant la finesse dont a fait preuve l'orfèvre pour incruster les pierres précieuses dans le manche. Je passe mes doigts avec douceur sur cette véritable œuvre d'art et libère la lame de sa protection. Cette dernière est gravée avec précision et goût, les motifs étant simples mais symétriques dans une harmonie totale avec le fer.

Je ne sais pas vraiment par quel hasard, mais l'envie d'essayer cette arme moldue me pousse à me diriger vers le centre des tapis. Presque avec instinct, je manipule cette lame dans l'air, débutant une danse avec elle tout en l'admirant. J'enchaîne certains mouvements qui m'étaient jusqu'alors inconnus, et je m'amuse d'autant plus que je commence à sentir l'adrénaline envahir mes veines. J'ai l'impression d'être en totale symbiose avec cette arme, c'est comme si je ne faisais plus qu'un avec une force inconnue qui guide mes pas un par un. Une voix qui se veut douce envahit la pièce et résonne légèrement. Je stoppe alors tout mouvement et relève la tête vers mon observateur.

''N'attends pas de moi des excuses ni une amabilité débordante Potter, mais je vais essayer de faire des efforts. Pour notre survie, comme tu le dis si bien.''

Draco est là, adossé à l'embrasure de la porte, à me regarder enchaîner les figures que je viens de stopper. Je ne sais pas depuis combien de temps il est là, mais j'ai eu ce que je voulais : des excuses, même s'il prétend ne pas m'en offrir. Elles ne sont peut-être pas très bien formulées, mais s'en sont, à la façon Malfoy… Je récupère l'étui qui protégeait il y a quelques minutes la lame que je tiens encore tandis que mon colocataire se relève, comme pour me rejoindre.

''Tu ne devrais pas t'arrêter, c'était bien ce que tu faisais…même si je sais faire mieux.''

Il détourne finalement le regard, peut-être pour ne pas voir ma réaction ou plus par lassitude. C'est vrai que c'est plutôt rare un Draco qui enchaîne les excuses et les compliments ! Pourtant, je ne souhaite pas me donner en spectacle sous ses yeux calculateurs et perfides. Je remets alors le sabre que j'ai emprunté à sa place originelle et m'apprête à me rechausser lorsqu'il rajoute ces quelques mots.

''Je venais te voir pour te dire que Fawny vient de nous servir le repas… Si ça t'intéresse…''

Draco fait beaucoup d'efforts… Sûrement trop pour que ça dure, mais je ne me plaindrai pas. Je regarde les dernières ombres qui suivent son départ puis sort de ma stupéfaction face à tant d'attentions de sa part.

Je relace finalement mes chaussures et suis ses pas, me dirigeant vers la dernière porte qui m'est encore inconnue. Je fais de nouveau quelques pas dans le hall pour retrouver ce qui doit être la salle à manger.

Je tombe sur une petite pièce charmante, une grande table en chêne occupant la plupart de son espace. Malfoy est assis à l'une des chaises assorties à la table et commence son repas, ne faisant nullement attention à mon entrée. Je m'approche de mon assiette d'où se dégage une légère brume traduisant la chaleur du plat et m'assois, face à mon colocataire. C'est la première fois que je partage mon repas avec lui, et j'avoue que ça me fait quelque peu bizarre de l'avoir si près de moi pour le dîner. C'est dans ces moments de silences intenses et froids que je me rends compte à quel point mes deux meilleurs amis me manquent…

J'attaque ma soupe qui ne réclame que d'être mangée et esquisse un sourire en imaginant ce que ce repas aurait donné en compagnie de Ron et de d'Hermione. Un ensemble de bonne humeur et de chaleur humaine, chose qui m'est indispensable pour mon équilibre mental. Et à mon plus grand désarroi, Draco n'est pas réellement doté de telle aptitudes qu'est de m'offrir un peu de baume au cœur. En remarque, je ne sais pas si j'accepterais qu'il me fasse la causette avec un ton enjoué.

Les différents plats s'enchaînent, tous les uns plus merveilleux dans les assiettes serties d'un liserai doré. Encore de quoi nous faire oublier que nous sommes ici pour nous entraîner, mettant en jeu notre vie. L'esprit humain a tellement de failles à exploiter…

Le repas se termine dans le même silence que le début, une atmosphère frigide me glaçant la colonne vertébral. Draco se lève le premier, posant avec négligence sa serviette sur le rebord de la table et me tournant le dos. Avant de passer la porte et sans même m'adresser un seul regard, il m'exprime tout de même quelques mots.

''J'aimerais qu'on s'entraîne demain matin, dès la première heure… Si cela ne te dérange pas, je souhaiterais avoir ta présence lorsque les premiers cours débuteront. Je vais dans mes quartiers, tâche de ne pas me déranger.''

Je ne réponds rien à ces derniers mots, sachant pertinemment qu'il a fait un ultime effort pour ne pas m'envoyer d'autres sarcasmes en pleine figure. De toute façon, je ne sais pas vraiment s'il souhaite une réponse tandis qu'il sort de la pièce, me laissant seul avec ma mélancolie. Je me lève à mon tour, presque au ralenti, mes pensées étant tournées vers un certain professeur brun, aux yeux d'ange…

Je décide tout comme Draco de prendre un peu de repos. Après tout, autant se faire plaisir avant d'affronter les moments les plus difficiles à vivre. Je monte alors deux à deux les marches qui mènent jusqu'à ma chambre rouge et or et entre avec entrain dans cette pièce si agréable. Je me laisse tomber sur mon lit, soupirant d'aise. Observant sans grandes convictions les rideaux qui retombent le long des baldaquins, mon esprit et comme engourdit. Il ne pense plus, mais reste là, toujours et encore à regarder ce tissu rouge et or créant multiples plis. Me détachant de cette contemplation silencieuse et agréable, je me lève brusquement, comme pour me persuader moi-même et m'arracher plus facilement de cette douce fainéantise qui m'emprisonne.

Je me dirige d'un pas décidé vers mon armoire et l'ouvre avec de grands gestes précis, découvrant avec surprise que tous mes habits y sont rangés avec soin. J'attrape alors un boxer et me dirige vers la salle de bain.

Je n'ai pas encore vu ma salle d'eau et je ne retiens pas ce petit sourire de satisfaction en apercevant que la pièce est plus que chaleureuse. Tout en me déshabillant, je commence à faire couler l'eau dans ma grande baignoire, préparant ainsi mon futur moment de plaisir. La douce chaleur que dégage cette eau à travers la buée s'empare de la pièce, obstruant petit à petit la grande glace qui surmonte mes deux lavabos aux robinets d'aigles. Voyant la baignoire rempli à moitié, je plonge mon premier pied dans l'eau et exprime mon bien être dans un petit gémissement. M'installant dans un des coins, la douce chaleur m'enlace lentement, délassant un à un mes membres. Je pose ma tête sur le rebord de la baignoire et ferme les yeux. Je suis bien, là, n'ayant aucune contrainte à subir…

Je sursaute alors que je sens quelques bulles d'air commencer à me chatouiller le dos. J'ouvre les yeux et me relève pour m'apercevoir qu'un système de balnéothérapie est installé dans les parois de la baignoire, ajoutant à ce bain quelques huiles essentielles de roses et autres relaxant, parfumant l'eau et faisant apparaître une fine mousse. Un autre sourire rempli de bien-être et peut-être aussi de surprise prend place sur mes lèvres. Je récupère quelques bulles de savon dans les mains et m'amuse à souffler dedans, tel un enfant qui n'a jamais vu ça. A vrai dire, je crois que c'est la première fois que je prends un véritable bain, avec tant de confort…

Après plusieurs minutes de prélassement, je décide de sortir, attrapant du bout des doigts la serviette rouge sertie d'or accrochée non loin de la baignoire. Elle est douce et moelleuse, mes mains apportant cette caresse jusqu'à mon visage. Je me sèche rapidement et tente d'observer l'expression que porte mes traits à travers la buée qui s'est installée sur la glace, mais je n'aperçois qu'une simple masse indistincte. J'attrape mon boxer et l'enfile pour sortir de ma salle de bain. Je me laisse une nouvelle fois tomber sur mon lit, prenant conscience que cette journée fut plus fatigante que je ne l'aurais imaginé. Je décide au bout de quelques instants de me glisser sous les draps qui n'attendent que ma présence.

Une fois ma nuque confortablement installée sur l'oreiller, je ferme les yeux et me laisse à de douces pensées. Sirius… Tu m'as offert tellement aujourd'hui. Ton sourire, tes lèvres ainsi que tous ces regards remplis d'amour et de tendresse. Je ne sais pas si je mérite tout ce que tu me donnes, mais même si je ne comprends pas ce que tu trouves en moi, j'ose espérer que tu apprécies ma simple présence et que tu trouveras ton bonheur en ma compagnie. Je revois ce moment où pour la première fois je t'ai vu et où je n'ai pas hésité à pointer ma baguette sur toi… Je revis une nouvelle fois en rêve cet instant qui m'est si cher, celui où tu as posé tes lèvres sur les miennes pour sceller notre amour tandis que je m'envole jusqu'au pays des songes.