Protect-me
Chapitre 15
Le silence rappelle à la vie
Son poids m'écrase, telle une masse lourde dont on ne peut se dégager. Il passe sa main sur mon torse à travers ma chemise qui protège encore ma peau. Je ne veux pas de ses doigts sur moi. Ce contact me brûle, me révulse… Je laisse échapper un gémissement de peur, quémandant aussi certainement sa pitié. Moi, Harry Potter, être réduit à ça… Rien que l'idée que sa peau ait un quelconque contact avec la mienne me donne des sueurs froides et des frissons d'horreurs longent ma colonne vertébrale dans une danse morbide. Il passe sa main le long de ma joue puis vient jouer avec mes cheveux au niveau de ma nuque. Cela ne t'est pas réservé Sirius… Ce n'est pas toi que j'aime, ce n'est pas toi que je désir, lâche-moi!
J'aimerais lui crier de me laisser, lui crier que je ne suis pas un objet, que je suis son filleul et qu'il n'a pas le droit de faire ce qu'il est en train de faire. Ma bouche reste ouverte et il n'y a que de l'air qui en sort. Mes cordes vocales sont ankylosées émettant un simple bruit de souffle accentué. Sirius sourit à cette constatation…
''Alors mon petit, on en perd la voix?''
Face à mes lèvres à moitié entrouvertes, je vois ses yeux se mettre à briller d'une lueur malsaine et je sens sa bouche sur la mienne. Je réprime un gémissement d'horreur tandis qu'il me force à le laisser approfondir son baiser. Je ferme les yeux aussi forts que possible, faisant perler mes larmes le long de mes joues. Je ne veux pas le voir, ce spectacle pitoyable qui ne ressemble pas à mon parrain…
Il s'éloigne de moi subitement. J'ai peur d'ouvrir les paupières. Pourquoi faire de toute façon? Pour voir qu'il est allé chercher un de ses jouets sexuels? Il a fermé la porte magiquement et je n'ai aucune chance de m'en sortir à moins de l'enfoncer frénétiquement avec mon épaule. Sachant qu'il est toujours dans la pièce, je pense que cela se révèle malheureusement impossible.
Une voix élève le ton avec autorité et je crois reconnaître ce timbre qui m'a fait piquer plusieurs fois des crises de nerfs, mais qui a aussi réussi à me faire sourire. J'ouvre alors les yeux lentement, ayant peur de découvrir que ce n'était qu'un simple espoir imaginaire.
Il est là, droit et fier, tenant Sirius par le col de sa robe. Il semble hors de lui, ses joues prenant une teinte légèrement carmine.
''Tu devrais avoir honte, pauvre fou! S'en prendre à Harry alors que c'est ton propre filleul! En plus, tu pues l'alcool à des mètres!''
Il secoue légèrement Sirius qui est écrasé contre le mur. Il semble tenter de le ramener à la raison, lui criant toujours dans les oreilles.
'' Je te jure que tu retouches un SEUL cheveux de 'ry et t'es mort!''
Je ne sais pas si c'est la détermination de Draco ou le fait de savoir que je suis sauvé, mais d'autres larmes discrètes perlent le long de mon visage. Je soupir de soulagement, ce qui attire l'attention de mon colocataire. Il lâche alors brutalement Sirius qui retombe au sol, et s'approche de moi, tenant en joug mon parrain via sa baguette.
''T'avises pas d'approcher, car prisonnier d'Azkaban ou non, tu ne sais pas ce dont je suis capable.''
Il s'agenouille près de moi, pose son index sous mon menton et me relève légèrement la tête. Là, il regarde si je n'ai pas de coups apparents et me demande si ça va. Je réponds alors à la positive d'un signe de tête. Il se relève alors. Il semble un peu calmé et sort d'une de ses poches une petite fiole qu'il jette à Sirius.
''Boit ça. Et rapidement.''
Son ton et toujours aussi menaçant, pesant sur le dos de mon parrain qui obéit, étant toujours sous le joug de Draco. Il s'évanouit peu de temps après avoir avalé entièrement le liquide pour se réveiller quelques secondes plus tard. Il semble perdu et cligne des yeux comme après un long sommeil. Son regard se pose alternativement sur moi encore assit sur son divan et sur Dray qui est debout, devant moi, comme pour me protéger d'un éventuel débordement. Tout semble alors lui revenir en mémoire en quelques instants. Il porte alors ses deux mains à son visage….
''- Qu'est-ce que j'ai fait…. Mais qu'est-ce que j'ai fait… James, pardonne-moi, je t'en prie…
- Lève-toi.''
Draco semble encore rempli d'une colère indescriptible. Serait-ce parce que lui aussi a ressenti la scène? Ou parce qu'il trouve cela répugnant? Une fois avoir installé Sirius décomposé à la table du salon, il revient me chercher. Il s'agenouille une fois de plus à ma hauteur pour me parler de sa voix douce et rassurante.
''C'est bon, c'est fini maintenant.''
Je tente de lui demander ce qu'il a fait boire à Sirius mais aucun son ne sort. Ses prunelles grises se dilatent à cette constations puis il se reprend. Il veut être pour moi une présence réconfortante sur laquelle je peux m'appuyer.
''Ah… Contrecoup du stress. T'inquiètes pas, ça va revenir, laisse seulement le temps. Pour Sirius, je lui ai fait avaler une potion qui a décongestionné ses neurones imbibés d'alcool. Production personnelle!''
Je lui souris alors sincèrement. Merci Dray… Merci d'être là, d'exister, d'être né… J'aimerais tellement pouvoir sauter dans tes bras et te serrer contre moi, pouvoir te dire tout cela… Mais la distance sociale qu'il reste entre nous m'en empêche. Et puis je ne sais pas comment tu prendrais cela.
''Ecoute 'ry, je sais que c'est dur mais… Il faut que vous vous expliquiez…''
Je lui montre d'un signe de la main mon absence de voix et il hoche une nouvelle fois la tête. Et puis la peur reprend petit à petit place dans mes veines à la perspective d'un nouveau tête à tête en compagnie de mon parrain.
''Et bien tu peux toujours écrire… Et puis je resterai là, promis…''
Je le suis alors dans le salon et m'installe en face de Sirius. Là, je ne peux m'empêcher de frissonner alors que je revois certaines images de notre entrevue. Dray m'apporte une liasse de parchemin, une plume et un encrier. Il s'assoit lui aussi, sur ma droite. Il attend que mon parrain débute, moi de même.
''Je… je sais que tu voulais des explications, mais je ne sais pas si je mérite même que tu m'écoutes… Je suis qu'un pourri et je mérite pas ton attention…''
Sirius semble dépité, baissant le regard sur la table en bois. Draco l'incite tout de même à parler.
''Et bien… Je sais que j'ai déconné, ne serait-ce que pour notre premier dîner en tête-à-tête, mais dit toi que je ne voulais pas ça…''
Je trempe alors ma plume dans l'encrier et écrit frénétiquement un ''pourquoi'' bien lisible.
''Et bien… C'est un peu flou dans ma tête mais… Je crois que ça a un rapport avec mon passé d'ado. On ne te l'a peut-être jamais dit mais… A ton âge, j'ai développé une grande attirance pour ton père. Peut-être même bien trop grande. Je l'ai aimé. Durant toute ma vie à Poudlard et sûrement jusqu'à maintenant. ''
Mes yeux s'écarquillent sous cette révélation. Mon parrain amoureux de mon père… ? Sirius soupire, puis reprend, se libérant d'un lourd secret.
''Ce qu'il faut que tu comprennes Harry c'est que… Ce n'est pas contre toi que j'ai voulu m'en prendre, mais contre moi-même. Cela fait déjà près d'un an que tu ressembles presque traits pour traits à ton père… Et à ce jour où il m'a repoussé fermement. C'est vrai que James n'a pas vraiment été tendre avec moi…''
J'avoue ne pas comprendre… Je n'ai jamais connu mon père, mais les derniers mots qu'il prononce me contrarient. Je n'aime pas vraiment qu'on revienne sur la mémoire de mon aîné comme cela.
''- Je ne sais pas comment te dire cela Harry….
- Avec des mots.''
A ma réponse, il hoche la tête et tente de reprendre, se triturant les doigts d'une façon inquiète.
''Je suis sortis avec ton père…''
Je prends la nouvelle à bras le corps. A vrai dire, vu comment mon parrain semble déboussolé, je ne peux que l'accepter… Il n'est pas dans l'état de me mentir. De plus, Dray est à mes côtés, veillant à ce que nos explications soient justes.
''Exactement un an. Seulement… seulement ton père n'a pas été très… On dira que j'ai peut-être aussi joué au con…''
Je sens que Draco s'impatiente, tout comme moi. Mon parrain s'embrouille tout seul dans ses mots et mon colocataire tente de le ramener à la réalité en tapant légèrement sur la table.
''Il sortait avec une fille… Une certaine dénommée Léna. Ils étaient ensemble avant que je ne me mette avec ton père. Moi j'étais… fou amoureux, on ne peut le nier. Un homme comme lui ne pouvait laisser personne indifférent seulement… Dans sa jeunesse, il n'était pas vraiment un enfant de cœur, et j'en ai payé les conséquences. Chaque jour il me promettait de rompre avec cette Léna. Il me répétait que son histoire avec cette Poufsouffle n'était qu'une façade pour sa notoriété, mais que dès qu'il serait prêt et que notre couple serait assez soudé, il pourrait tout lâcher du jour au lendemain pour moi, pour nous. Mais… il ne l'a jamais fait. Et moi, ça me rendait malade de les voir rirent ensemble, de s'embrasser… Surtout que je ne pouvais rien dire. Pourquoi faire? Pour être la risée de l'école? Moi, le grand Sirius Black, simple amant du tombeur James Potter ? Un jour oui, il a jeté la pauvre Léna, qui a pleuré toutes les larmes de son cœur, comme toutes celles d'avant. Là, j'ai eu un espoir… de trop courte durée, car deux jours après il ressortait avec une Serdaigle.''
Des larmes perlent silencieusement sur ses joues blanches… Je peux ressentir d'où je suis le malaise émaner de lui.
''Là, s'en fut de trop… Alors le soir même, je lui ai fait une crise de jalousie, ce même soir où il a mis fin à notre histoire. Il m'a simplement dit que pour lui je n'avais été qu'un jouet, qu'une simple distraction de plus…''
Là, il relève la tête et détourne le regard, avalant avec difficulté sa salive. Draco ne scille pas, moi non plus. Je sens seulement mon cœur se serrer alors qu'il reprend son récit, d'une voix cassée et pas vraiment sûre.
''Après, je l'ai vu multiplier les conquêtes, jusqu'à se rendre compte de la présence de Lily Evans… Et là… Là, je crois qu'il s'est calmé. Je me suis toujours demandé ce qu'elle avait, elle, qui lui a plus.''
Il soupire une nouvelle fois, tentant d'alléger le poids qui persiste sur son cœur.
''Je n'ai jamais voulu admettre qu'il voulait fonder une famille avec Lily et… même s'il m'a répété plusieurs fois que c'était fini entre nous, que désormais il était sérieux et qu'il voulait absolument me garder en tant qu'ami…J'ai dû prendre sur moi, étant toujours là pour lui. J'ai toujours vécu dans l'espoir qu'on se remette un jour ensemble, même si j'avais toujours un goût amer dans la bouche. Alors… ce soir-là, celui où tu es venu manger ici, celui où pour moi j'invitais James… Le James de mes rêves, celui avec lequel j'ai passé des nuits ardentes et remplies d'amour et bien…''
Je hoche alors la tête. Mes idées s'éclaircissent alors lentement. Il vivait dans un rêve fondé de toutes pièces jusqu'à ce fameux dîner. Et puis après… Une fois s'être aperçu de son absurdité, il s'est mis à boire, tentant d'oublier à nouveau son cœur brisé par les erreurs de jeunesse de mon propre père. D'où le topo de ce soir.
''Si tu savais comme je m'en veux Harry…. Je te demande pardon… ''
Je reste dans mes pensées quelques instants. Je réfléchis, tente de m'imaginer la situation dans laquelle nous sommes…Je griffonne finalement une réponse sur mon parchemin.
''Je veux bien essayer, mais laisse-moi seulement le temps. Je veux juste retrouver mon parrain… le vrai.''
Je vois ses yeux briller d'un espoir nouveau au fur et à mesure qu'il lit mes mots. Il relève alors la tête et me sourit timidement.
''Je te le promets.''
Quelques instants plus tard, Draco ferme la porte des quartiers de Sirius derrière moi. Nous repartons pour notre tourelle et sur le chemin nous restons silencieux. De toute façon je n'ai plus de voix, et même si la majorité du choc est passé, je reste quelque peu tendu. Une question reste tout de même en suspens dans ma tête. Pourquoi ai-je été trouvé du réconfort dans les bras de mon parrain?
Deux couloirs plus loin, et plusieurs réflexions à l'appui, j'en déduis que j'ai confondu les mots admiration et amour. Étant le dernier membre de ma famille et surtout ayant connu la prison et aussi mes parents… Je crois que je lui voue beaucoup de fascination. Peut-être un peu trop. Et puis il a été là au moment où j'en avais le plus besoin…
Nous arrivons dans le hall. Dray se retourne alors vers moi et sens encore la tension qui émane de moi. J'ai eu mes explications, ok, mais l'après coup est encore là.
''Tu me devais un combat à mains nues…Tu te rappelles, le coup du filtre de transparence…''
A oui, c'est vrai, ma foutue promesse de merde… Je lui fais alors un signe affirmatif de la tête. Oui… ça, pour m'en souvenir, je m'en souviens. Je risque seulement de me faire réduire à néant, mais tout va bien… Je le suis dans la salle d'entraînement. Au dehors, l'obscurité persiste. Cela fait bizarre, de voir cette pièce de nuit.
Dray laisse tomber au sol sa robe de sorcier, je fais de même tout en posant délicatement sa cape verte. Nous retrouvons alors nos habits moldus, plus pratiques pour ce combat. En remarque, un petit défouloir ne peut pas me faire de mal. D'ailleurs, je pense que nous en avons tous les deux besoins, en espérant qu'il ne me fasse pas trop mal…
J'arrive au centre de la salle, Draco fait de même. Nous nous retrouvons rapidement face l'un à l'autre, notre duel visuel commençant. Un sourire machiavélique prend naissance sur ses lèvres. Ça ne sent pas vraiment bon pour moi…
''Alors Potter, on a peur?''
Tiens… Je suis redevenu Potter. Je souris tandis que je me rends compte que ce n'est qu'un stratagème pour me perturber davantage. Un peu réussi, certes, mais désormais je suis de nouveau sur mes gardes. Ces dernières ne sont pas longtemps tenues, la première attaque de Draco me faisant vaciller. Il me laisse reprendre mon souffle, ne voulant pas être trop brutal avec moi… Il reprend finalement sa joute verbale, m'incitant à prendre part au combat.
''Et bien quoi, Potter? Ce n'est tout de même pas parce que vous nous avez battu au Quiditch que t'es le plus fort de l'univers… tel un saint !''
Je ne le laisse pas terminer son raisonnement et me jette sur lui. D'une prise habile, je le fais tomber dos au sol. Trop fier de moi, je ne fais pas spécialement attention, et il m'accroche à l'une de mes chevilles, me faisant basculer à mon tour.
On se relève avec rapidité et précision. Ce combat à mains nues, je compte bien le gagner. Il a peut-être un avantage avec les cours d'arts martiaux qu'il a pris durant sa jeunesse, mais il ne connaît pas encore ma détermination. Je mets alors en place une nouvelle technique, évitant un à un ses coups, puis pour l'attaquer à mon tour.
Je sais que je lui fais mal, lui se laissant prendre quelques coups entre les côtes… Je sais aussi qu'il le fait exprès, me laissant crier ma rage contenue via ces gestes. A défaut de la voix…
Je ne sens plus mes membres, seulement la main de Draco qui m'empoigne et me fait tomber à terre. Seulement je m'accroche moi aussi à lui et je l'entraîne dans ma chute. Moi sur le parquet, lui à califourchon eu dessus de mes genoux… Il semble un peu gêné, mais reprend rapidement contenance. Il se penche au-dessus de moi, de sa prestance supérieure, et me scrute de haut.
''Alors Potter, encore vaincu? Il faudra qu'un jour tu apprennes que tu ne fais pas le poids…''
Il me cherche une nouvelle fois, jouant au plus fort… Je pose mes yeux sur ses lèvres claires et tendres, comme la rosée du matin. Mon regard remonte lentement le long de ses traits fins… Ses joues semblent si douces, et alors qu'elles ne sont qu'à quelques centimètres de moi, je lève ma paume vers l'une d'entre elle. J'arrête pourtant mon geste en chemin, laissant mes prunelles se perdre dans les iris gris qui me font face. Alors… Alors seulement, je sens mon cœur battre frénétiquement, ratant quelques pulsassions, s'accélérant brutalement de son rythme saccadé.
Je sens mes lèvres bouger seules à l'unisson avec mon cœur… Aucun son ne sort, juste un souffle, juste un murmure sans voix, mais le message est passé.
''Je t'aime''…
Sous ces quelques mots simplement articulés, je vois les iris de mon vis-à-vis s'écarquiller, et avant que je ne réalise quoique ce soit, j'aperçois sa nuque laiteuse disparaître dans le hall.
Dray… Ne me laisse pas… Je t'en prie… Je tends une main dans le vide, dans la direction où je l'ai vu m'abandonner.
Une goutte d'eau salée glisse lentement le long de ma joue… et je suis seul, au centre de cette salle, sans lui.
