Tadaaammm ! La tigresse est de retour ! Non, non, arrêtez d'applaudir ça me gêne... #regarde les toiles d'araignées osciller doucement en réponse# ... hum... Faut que je dépoussière ce compte moi...

Bon, je suis de retour mais avec une fic même pas à moi... Enfin, si, elle est à moi dans ce sens où c'est une gift-fic mais elle a été écrite par SeaGull-chan-goéland-de-moi-que-j'aime il y a... plus d'un an ! Oo Depuis le temps que j'avais dit que je la loaderai... TT Enfin, c'est chose faite, mieux vaut tard que jamais, hein..? Ben si, quand même... #petite moue toute kawaii, larmes aux yeux et lèvre tremblotante#

Bref, bref... Ceci est une petite merveille de gift-fic du nouvel an, à consommer sans modération quelque soit la période de l'année !

Auteur : SeaGull

Kou : Je me demande quelle est la pire des deux...

#ignore superbement#Pour les commentaires et autres demandes d'autographes, soit vous choppez son adresse mail là : honmyoseagullfree.fr Soit vous laissez une review que je me ferai un plaisir de transmettre en tant que secrétaire générale autoproclamée du fan club du goéland fickeur ! X3

Titre : Un nouvel homme. (première partie)

Genre : Heu... Un peu angst. Peut-être légèrement UA ? Mais vu qu'on connaît absolument rien du passé de nos youkai préférés c'est dur à dire... Et pis yaoi, disons en filigrane...

Disclamer : Ben... Je sais qu'elle a un poltergeist de Kannan qui se balade chez elle et aussi que y'a pas mal d'allers et venus par la bishoutière de sa porte d'entrée... Mais à priori les persos de Saiyuki lui appartiennent pas...

Doku : Il manquerait plus que ça tiens... #chope son Kou et s'en va loin, des fois qu'on l'oublie#

Y'a pas de danger qu'on vous oublie après avoir lu ÇA ! Allez les gens ! Lisez, c'est un ordre !

oOoOoOo Doku's POV oOoOoOo

« Un nouvel homme. » / Part I

oOoOoOo

Il y a quelques mois, j'ai tué ma mère. Il y a quelques mois, j'ai aussi abandonné mon petit frère sans aucune ressource. Sha Jien n'a rien pour inspirer confiance, n'est-ce pas ? Enfin, voici des mois que je voyage, dans des conditions plutôt précaires. Effectivement, les gens qui circulent seuls et armés n'inspirent que la méfiance. J'avais emmené l'épée souillée du sang mon matricide. Il y a quelques jours cette lame s'est rompue. Aujourd'hui, je continue ma route, seul et désarmé. Je souris. Apparemment, je n'ai plus longtemps à vivre, puisqu'il ne me reste plus rien, pas même la protection d'une arme. Je me dirige vers le soleil couchant depuis le début. Tous les soirs, le ciel prend la couleur des yeux de mon frère. Quand je mourrai, je sais déjà que je regarderai dans cette direction.

oOoOoOo

Les youkai qui l'attaquèrent tombèrent des arbres comme des fruits mûrs. Sans arme, comment se défendre ? Il en avait promptement envoyé deux à terre, mais se trouva rapidement submergé. Comment aurait-il pu en être autrement ? L'un d'entre eux s'apprêtait à porter le coup de grâce, et Sha Jien l'attendait, presque avec impatience. Mais un autre youkai fit son apparition, et tous les autres se figèrent. Sa peau bleue et écailleuse s'éclairait de reflets irisés. Une langue bifide dardait entre ses dents. Jien entendit que les autres l'appelaient Boa. Il rameuta ses troupes. Ils attendent quelqu'un, les informa-t-il. De future victime, Sha Jien se retrouva complice, enrôlé peu importe que ce soit ou non contre son gré. Car ses mains ne seront pas de trop. Ils auront affaire à forte partie, ils le savent. Mais ils seront tous riches s'ils rapportent la tête à la forteresse du Hôtô.

Quelques heures plus tard, leur proie se tenait au centre d'une clairière. Il clamait haut et fort qu'il se nommait Kougaiji et que ce territoire dépendait désormais de la suzeraineté du Hôtô et qu'il venait le revendiquer. Dans les buissons, des youkai se gaussaient des propos présomptueux du « petit prince ». Et soudain c'est la mêlée. Ils sont des dizaines à se jeter sur lui, les armes au clair. La victime se défend comme un beau diable, assénant des coups dans tous les sens à une vitesse ahurissante. Les pans d'un manteau noir claquent à chaque fois qu'il se retourne brusquement pour parer un coup ou déchirer la chair de ses ennemis. Seul Sha Jien reste hébété aux abords de la clairière où se déroule de combat.

oOoOoOo Le personnage devant moi a des cheveux rouges. Une marque sur la joue. C'est ce que j'ai vu en un éclair quand il s'est tourné pour porter un coup. Mon cœur s'est mis à cogner plus fort dans ma poitrine. Hanyou me dit-il. Un enfant tabou. Et ils veulent tous le tuer. Comme des mois plus tôt, mon sang ne fait qu'un tour et je cours. oOoOoOo

Son cœur réagit avant sa tête. Un cri de guerre sortit de son corps sans son accord…

Gojyo !

Sha Jien se frayait un chemin parmi la multitude avec ses griffes et sa fureur. Lorsqu'il était sur le point d'atteindre le hanyou, un youkai s'apprêtait à le surprendre dans son dos. Son poing s'abattit sur l'agresseur qui s'effondra comme une masse. Mais ayant senti une présence derrière lui, l'agressé se retourna. L'espace autour de lui était pour l'instant dénué de youkai encore en vie – à part Jien. Le bras de Kougaiji s'apprêtait déjà à frapper, mais l'expression de l'autre le stoppa net. Ses griffes s'arrêtèrent à seulement quelques centimètres de la face de son allié inattendu. Les pupilles de ses yeux d'améthyste étaient dilatées.

oOoOoOo

Violets. Violets ? Oui, ses yeux sont bien violets, je réalise. Et la main qui s'apprêtait à me frapper est terminée par des griffes acérées. Sanglantes et acérées. C'est un pur youkai. Comme moi. Pas un hanyou. Les traces sur sa joue gauche ne sont pas deux cicatrices, mais des marques courantes chez ceux de notre race. Trois éclairs rouge pour lui. Il a encore les traits fins d'un adolescent. Une pure stupéfaction est inscrite sur son visage. Le mien doit présenter le même masque. Il ne s'explique pas mon geste, comme je ne m'explique pas sa soudaine immobilité. Et puis il amorce un mouvement plus vif que l'éclair…

oOoOoOo

La seconde vague de leurs opposants préparait déjà son mouvement vers ses victimes. Il était maintenant évident que le youkai aux cheveux noirs allait partager le sort de la proie initiale. Se remettant plus vite de la surprise que Jien, le youkai aux cheveux rouges jeta d'un geste vif celui-ci à terre tandis que son autre main décrivait un arc mortel qui trancha la gorge du premier assaillant qui s'apprêtait à frapper son allié de circonstance. Le même arc de gouttelettes de sang brûlantes rencontra le visage et le haut du corps de Sha Jien. La fulgurance de cette réponse sembla un instant figer les autres assaillants. Le prince youkai profita de cet instant d'étrange silence pour prendre la parole. D'une voix forte, il déclara avec une calme assurance :

« En une seule incantation, je pourrais tous vous tuer. Est-ce ce que vous souhaitez ? » Ses interlocuteurs, médusés, se figèrent : il était devenu le centre de l'attention de tous. Il haussa un sourcil impérieux. Tous comprirent aussitôt qu'il était mortellement sérieux.

« C'est ce que je pensais. Pour cette fois, je vous épargne. Ce territoire est mien maintenant. » ajouta-t-il. Par petits groupes, les youkai commencèrent à se retirer dans la pénombre de la végétation, sans jamais le quitter des yeux. Le prince surveillait leur retraite d'un regard d'aigle. Lorsqu'ils eurent tous disparu, il se tourna vers la seule personne restante. Sha Jien était toujours agenouillé. D'un geste gracieux, le youkai qui s'était désigné comme Kougaiji lui tendit une main pour le relever. Pendant quelques secondes, Jien garda son regard tourné vers le sol. Peut-être effrayé du trop plein d'émotions qui pouvaient sans doute encore se lire sur son visage. Lorsqu'il releva enfin la tête, la main était toujours tendue vers lui. L'autre youkai s'apprêtait à parler lorsqu'il accepta finalement son aide. Pendant un moment ils restèrent là à s'observer. C'est Kougaiji, le premier, qui rompit enfin le silence.

« C'était… » commença-t-il.

« Stupide ? » interrompit Jien, en un ton d'autodérision.

oOoOoOo

Je lui demande de but en blanc. Son expression était devenue légèrement narquoise quand il avait commencé à parler. Un éclair blanc qui fend son visage, un sourire fugace, mais pourtant déjà incrusté au plus profond de mes rétines.

oOoOoOo

« Peu commun, disons. On ne s'interpose pas devant une foule furieuse pour sauver un inconnu. », réplique-t-il d'un ton neutre.

oOoOoOo

Il ne me demande pas mes raisons. Je lui en suis reconnaissant. Je ne pense pas qu'il aurait apprécié l'explication : raconter à un prince youkai qu'on l'a pris pour un enfant tabou ! Et puis je m'étais fait à l'idée que je n'étais plus qu'un criminel. Mais j'aurais été en peine de dire pourquoi la pensée qu'il puisse l'apprendre avait le pouvoir de me bouleverser autant. Je ne m'étais guère intéressé à l'opinion d'autrui, récemment. Allez savoir pourquoi tout à coup la sienne me semblait capitale ? Parce qu'il m'avait sauvé la vie comme j'avais sauvé la sienne ? Il me fait juste signe de le suivre comme si c'était la chose la plus naturelle du monde…

oOoOoOo

« Vous feriez sans doute mieux de partir avec moi. Je ne pense pas qu'ils vous laisseraient tranquille. » Et il replonge dans son mutisme.

« Vous n'êtes pas très bavard, n'est-ce pas ? » demanda le youkai brun, légèrement ironique, tandis qu'il suivait le prince au travers des broussailles.

Kougaiji a une voix grave. Chaude. Un peu voilée. Peut-être même légèrement rauque. Un jour, au bout de près de trois siècles d'enfermement dans la forteresse de son père, où il avait été scellé par les dieux, le silence lui était devenu insupportable. C'est comme ça qu'il s'était aperçu que dans sa solitude absolue, il avait perdu l'usage de la parole. Complètement. Même les plus simples syllabes ne pouvaient plus passer le barrage de sa gorge. Il avait été terrifié par cette réalisation. Au bord de la folie. Mais comme un torrent en crue que tout à coup plus rien ne pouvait arrêter, il s'était mis à crier, à hurler comme un damné. Pendant des jours. Jusqu'à ce que sa gorge soit douloureuse et incapable à nouveau de proférer un son. Son corps brisé et vidé de toute énergie. Seul, le réapprentissage de la parole avait été long. Des mois à lire à haute voix les milliers d'ouvrages de la bibliothèque pour ne plus perdre le son de sa propre voix, la simple faculté de parler. Pour retrouver un semblant de santé mentale. Même l'écho semblait avoir déserté la noire forteresse du Hôtô. Comment le youkai qui se tenait à côté de lui pourrait-il se douter de cela ? Comment expliquer le bien-être d'entendre quelqu'un, même implicitement, lui dire qu'il aimerait entendre sa voix plus souvent ? Kougaiji se contenta de ne rien répondre, acquiesçant simplement de la tête.

Sha Jien profita du trajet pour détailler le youkai avec lequel il voyageait. Il était de plus petite taille. Il lui semblait plus jeune aussi. Son ossature fine donnait une impression de légèreté, peut-être même de fragilité. Il avait l'air souple comme un roseau. Mais il avait vu aussi que les apparences pouvaient être trompeuses. La façon dont ce youkai s'était sorti de l'escarmouche sans même une blessure ou un accroc dans son long manteau noir et la puissance qu'avaient déployée ses coups avaient montré que quiconque sous-estimant cet adversaire ferait une grave erreur. Il avait en outre parlé d'incantation, et Jien n'avait aucun mal à croire sur parole les propos du youkai. Une telle puissance enfermée dans un corps à l'apparence si frêle le laissait songeur. Le couvert des arbres faisait qu'ils marchaient dans une relative pénombre, agréable par cette chaleur estivale. Pourtant, chaque fois qu'un rai de lumière se frayait un passage au travers des frondaisons, la chevelure de son guide s'éclairait de mille reflets flamboyants. Celui-ci tournait parfois brusquement la tête pour s'assurer que l'autre le suivait toujours, et un doux tintement de métal parvenait chaque fois à Jien, issus des étranges pendants d'argent qu'il portait aux oreilles.

Ils atteignirent un espace légèrement dégagé, plus petit que celui où avait eu lieu le combat. Une créature semblait dormir en son centre, dans une flaque de soleil. Un dragon blanc. Jien ne put retenir un sursaut de surprise tandis que son compagnon s'approchait pour caresser la peau blanche et écailleuse d'une main affectueuse. De sa voix grave, le prince youkai murmurait des mots doux à l'oreille de la bête qui daigna enfin ouvrir un œil. Les longues griffes de son maître grattaient doucement l'arrière de sa tête. Le youkai brun choisit de s'approcher avec circonspection. Toujours à une distance raisonnable de la bête, il pouvait entendre celle-ci ronronner. Ou quel que soit le nom que l'on puisse donner au hululement d'un dragon heureux… Kougaiji enfourcha sa monture et fit signe à un Jien plutôt réticent, de monter en croupe. « C'est monter avec moi ou rester ici en charmante compagnie… » déclara le prince, un mouvement du menton pointant des ombres mouvantes à la périphérie de la petite clairière. Mais plus que ces mots, c'est le sourire un brin moqueur du youkai, comme le défiant de venir le rejoindre, qui décida Jien. « Ce n'est pas un simple dragon qui va vous faire peur, n'est-ce pas ? » y lût-il. Pour qui se prenait ce gamin après tout ? Il était aussi insolent que son petit frère…

Les ailes du dragon étaient d'une envergure incroyable. Un immense nuage de poussière accompagna son décollage. Ayant atteint une altitude acceptable, la bête poussa un cri aigu avant de prendre sa vitesse maximale. Surpris par l'accélération soudaine, Jien se cramponna de toutes ses forces à Kougaiji, en un instinct de conservation bien compréhensible. Le paysage défilait sous eux à une vitesse folle, se fondant en un long ruban de couleurs devenues indistinctes, tandis que l'air leur fouettait violemment le visage. Le youkai brun sentit une main dotée de longues griffes agripper un de ses poignets en une pression rassurante. Kougaiji, se retournant, hurla pour se faire entendre malgré le vent qui mugissait dans leurs oreilles. Une lueur malicieuse animait le violet de ses yeux : « Je suppose que je vais laisser tomber les loopings pour cette fois, nee ? ». Pour toute réponse, Jien s'agrippa encore plus fort au cavalier devant lui. La main sur son poignet resta fermement en place. Un message muet mais terriblement éloquent : aie confiance, je ne te laisserai pas tomber. Le passager se raccrocha à cette promesse muette.

« La forteresse du Hôtô. » déclara Kougaiji avec un geste ample de la main désignant la haute tour sombre hérissée d'épines qui se dressait au centre de ce paysage désolé. Rien n'indiquait une fierté particulière dans son ton, ou la joie d'avoir enfin atteint le lieu où il habitait. Il avait parlé d'un ton particulièrement… Indifférent. Ils étaient descendus du ryu à quelques centaines de mètres de là, pour finir leur chemin à pied. Le dragon rejoindrait sans doute de son propre chef celle des alvéoles creusées dans les murs épais de la tour qui lui servait de nid. Mais le nom de la forteresse avait frappé Jien. Il saisit sans ménagement le bras de l'autre youkai.

« Hôtô ? Mais c'est de là que venait l'ordre de vous tuer et qu'ils devaient ramener votre tête ! C'est de la folie d'aller là-bas ! »

« Hmmm. Peut-être que j'aurais dû prévenir que je comptais revenir avec ma tête sur les épaules. Ça nous aurait évité des ennuis. » conclut Kougaiji, mi-figue mi-raisin, mais les sourcils légèrement froncés. Jien le regarda continuer d'avancer vers l'imposante construction, et lui emboîta finalement le pas. Il n'aimait pas ça. Pas du tout.

oOoOoOo

Il n'a même pas l'air surpris que cette menace provienne du lieu même où il réside. Moi, je le connais à peine et je crains déjà pour lui...

oOoOoOo

ooooOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOoooo

La forteresse du Hôtô. La première impression de Sha Jien fut assez mitigée. C'était grand. Très très grand. Et pas particulièrement accueillant au premier abord, si on lui demandait son avis. Il se laissait guider par Kougaiji dans les couloirs, traverses, croisements et autres passages couverts plus ou moins souterrains. Un vrai dédale. Bondé aussi. Ils croisèrent des tas de youkai affairés : il semblait que la forteresse était en plein travaux. Il s'attendait un peu à évoluer en territoire ennemi : les ordres pour tuer son compagnon venaient d'ici après tout. Pourtant, toutes les personnes qu'ils croisèrent montrèrent une grande déférence à l'égard de Kougaiji. Et autant qu'il puisse en juger, il ne s'agissait pas d'une simple façade pouvant cacher le ressentiment. Quoique respectueuses, toutes les salutations avaient quelque chose de chaleureux. Manifestement le youkai aux cheveux rouges avait l'air très aimé. Pourtant Jien ne put s'empêcher de remarquer que Kougaiji était un peu tendu. Sinon, il était aimable (mais peu loquace) quand certains le retenaient pour échanger quelques mots. Sans doute le trop plein d'intérêt autour de lui expliquait ce malaise. En outre, Jien dût se rappeler qu'après tout il ne connaissait l'autre youkai que depuis une demi-journée tout au plus, alors qui était-il pour essayer de déchiffrer son comportement ? Décidément, il se posait trop de questions depuis cette rencontre.

Ils retrouvèrent l'aveuglante lumière du jour en atteignant une cour carrée. La chaleur renvoyée par les larges dalles était tellement accablante que le sol semblait ondoyer sous leurs yeux. Des arcades surbaissées de pierres sombres étaient soutenues par des piliers massifs de pierre noire. Elles abritaient sur trois côtés des passages qui même s'ils donnaient sur un espace découvert devaient rarement recevoir la lumière du soleil. Le quatrième côté était un mur plein composé de blocs cyclopéens, mais au-dessus duquel courait une galerie. Cependant, celle-ci demeurait invisible, car des longs pans de tissus diaphanes, rappelant un peu des bannières, en cachaient la vue. Ces fins rideaux aux couleurs froides ondulaient au moindre souffle d'air chaud. C'est de là que s'éleva une voix désincarnée mais indubitablement féminine. Manifestement Kougaiji s'y était attendu puisqu'il regardait déjà dans cette direction, à ce moment-là.

« Alors ? Ces rebelles de la forêt Grise ? » susurra cette voix moqueuse. On aurait dit qu'elle parlait avec la condescendance que l'on adopte parfois pour s'adresser à un enfant. Cela mettait Jien mal à l'aise de ne pas pouvoir voir leur interlocutrice. D'autant plus que si du dehors les draperies avaient l'air opaques, il était persuadé que la personne derrière pouvait parfaitement les observer, elle. Et son instinct lui disait instamment de se méfier.

« Ils ne devraient plus poser de problèmes. » répondit brièvement Kougaiji. Un pas derrière, le youkai brun ne pouvait distinguer son expression. Il croyait cependant deviner que Kougaiji non plus n'appréciait guère la mise en scène, ni la personne qui s'en servait.

« Voyez-vous ça… Je vois que tu nous ramènes un prisonnier ! Tu n'avais pas à te donner cette peine, Kougaiji… » Le dernier mot, son nom, dit avec une délectation qui fit se hérisser les fins cheveux de sa nuque à Jien. Mais manifestement le pire était à venir.« Tuez-le. » Cette fois c'est un frisson glacé qui parcourût son corps. Il était piégé. Même s'il arrivait à quitter cette cour, il serait incapable de retrouver son chemin dans la bâtisse. Et deux gardes armés s'approchaient déjà de lui. Piégé.

« Non. » Le mot avait claqué comme un coup de fouet. Kougaiji. Et Jien pouvait presque sentir la colère qui irradiait de son corps. La température sembla soudain monter encore de quelques degrés. Les deux autres youkai s'immobilisèrent aussitôt. « Cet homme est avec moi. »

« Tiens-donc ! » ricana la voix derrière le rideau. « Et à quoi pourrait-il te servir, Kougaiji ! » Et toujours cette dérision en prononçant ce nom, détachant chaque syllabe. Et tout fût clair pour Jien. La menace venait de là, il en était sûr. Au pire, cette femme voulait la mort de Kougaiji, au mieux, cette rixe était un test sorti d'un recoin de cet esprit tordu. Et il savait déjà quel rôle il voulait jouer au milieu de tout ça. Mais il est vrai que parfois on ne se rend pas compte combien quelques mots, par leur portée, peuvent changer le cours d'une vie.

« Je suis son garde du corps. » déclara calmement le youkai brun. Mais sa voix portait. Kougaiji inclina la tête légèrement vers lui, sans rien trahir. Bien. Jien se rendait cependant compte que son apparence ne plaidait pas en sa faveur. Vêtements qui avaient connu des jours meilleurs, et même présentement tachés de sang. Chevelure en désordre. Rien de bien impressionnant, il le savait. À part sa carrure, bien sûr.

« Et il défendra chèrement ta vie à mains nues sans doute ? » moqua encore la voix, teintée d'un mépris qu'elle ne cherchait même pas à dissimuler.

« C'est un bretteur. » répondit tranquillement Kougaiji.

« Et où donc est son épée alors ? » reprit la voix, sarcastique.

« Dans sa main. » répliqua encore Kougaiji, comme si c'était évident.

oOoOoOo

Il est si sûr de lui. Pourtant, je ne fais pas confiance facilement, depuis quelques temps. Mais ce youkai est différent. Et après la fureur, il est maintenant tellement… Calme. Peut-être même une pointe de défi dans la voix, avec sa dernière phrase. Alors, comme j'ai décidé de le suivre ici, je décide de le suivre jusqu'au bout. Et il reste ce souvenir sur le dragon, sa main sur mon poignet. « Aie confiance », disait ce contact. J'ai confiance. Ma main droite se referme. Et pas sur le vide. Surtout ne pas regarder. Ne pas montrer de surprise. Ma main assure sa prise sur la garde de métal. J'effectue quelques passes rapides avec la lame courbe. J'ai un instant le vertige, quand je réalise que l'œil étrange enchâssé dans la garde envoie aussi des images à mon cerveau. Il me montre notamment les deux youkai armés qui font manifestement demi-tour, derrière nous. Convaincus. Peut-être même légèrement rassurés d'échapper à une confrontation directe. Je m'en aperçois et je souris. Ce gamin est malin. Et il a bien choisi l'arme, même si je n'ai aucune idée de la façon dont il l'a faite apparaître…

oOoOoOo

« Il faudra que je l'étalonne sur toi pour que tu puisses l'appeler tout seul. » dit Kougaiji. Cela sortit Jien de sa torpeur. Il était toujours en train de contempler le sabre, d'en apprivoiser les moindres aspects. Il tourna son regard vers Kougaiji, puis vers les voiles bleutés qui continuaient à onduler, imperturbables.

« Elle est partie. » confirma le prince.

« C'était un bon choix. Pourquoi une épée ? »

« Une intuition. » Kougaiji haussa une épaule. Un sourire flasha encore brièvement sur son visage, même s'il n'atteignait pas ses yeux. Mais un instant, c'est pourtant Gojyo que Jien vit devant lui avec le sourire satisfait d'un gamin qui a fait une bonne blague. Par réflexe, il ébouriffa la chevelure rouge du youkai à ses côtés. C'est l'expression effarée de Kougaiji (le prince Kougaiji) qui le ramena à la réalité. Jien blêmit en réalisant sa bévue. Il se mit même à bafouiller abominablement…

« Je suis désolé… Un moment j'ai cru que vous étiez… Et… » Et il se tut. Il savait que le prince allait poser des questions. Chercher à savoir. Et ensuite, qui, avec un brin de cervelle, ferait confiance à un homme comme lui ? Il ferma les yeux. Et alors il se prépara à raconter qui était Sha Jien. Mais Kougaiji le devança. Il avait lu le trouble sur son visage.

« Stop. Ton passé n'a pas d'importance. Je ne te demanderai jamais de comptes. Si tu désires rester ici, bien sûr. » Pas de promesse. Pas de serment inviolable. Seulement un regard d'améthyste franc et direct. Et ça suffisait à Sha Jien. Il hocha la tête en réponse à ces propos. Kougaiji lui retourna son regard et se mit ostensiblement à détailler des pieds à la tête son nouveau garde du corps. Il tourna les talons pour se diriger hors de la cour ensoleillée. Jien qui ne voyait rien d'autre à faire, le suivit, évidemment.

« Il faut que je te trouve des vêtements. Des appartements aussi. Ça, ça risque de prendre un moment : tout est en travaux ici. Et je suppose qu'une petite visite des thermes ne te ferait pas de mal… »

Le doux tintement de l'argent se fit à nouveau entendre quand il se retourna pour jeter un bref regard à l'autre youkai… Et soudain Jien eut très envie de sourire. Ici, il se sentirait peut-être un jour chez lui.

ooooOOOOOOOOOOOOOoooo

Le prince youkai tenait dans sa main un verre de cristal taillé, à hauteur de son regard. Il y faisait doucement tournoyer un liquide ambré, absorbé dans la contemplation des reflets du feu et de la lumière des candélabres, diffractés par l'alcool. Une carafe du même liquide, fortement entamée, se trouvait à portée de main. Un autre verre attendait près de celle-ci. Sha Jien revenait juste des thermes de la forteresse, maintenant vêtu d'un pantalon et d'un long manteau de soie blanche que Kougaiji lui avait fait porter. Appuyé contre le chambranle de la porte, il observait l'autre youkai perdu dans ses pensées. Assis dans un immense fauteuil couvert d'un plaid aux couleurs chatoyantes, celui-ci resta un moment oublieux de la présence de son nouvel homme d'arme. Cependant, conscient peut-être de ces yeux posés sur lui, il tourna enfin son regard de sphinx vers l'autre youkai.

« Entre. » dit-il simplement, un gracieux mouvement du poignet gauche invitant Jien à prendre place non loin de lui, sur un imposant sofa couvert de coussins brodés et de fourrures. Il rejeta la tête en arrière quand il finit son verre d'un seul trait. L'invité s'arracha à sa contemplation silencieuse, non sans regret, pour se rapprocher. Il avait rarement vécu de moments plus paisibles, dans les derniers mois. Il s'approcha et regarda son hôte lui verser le même breuvage, puis lui tendre son verre. Le parfum de la liqueur évoquait des fruits de l'été : pêches de vignes, ou peut-être des figues mûres. Enivrant le youkai avant même qu'il ne trempe ses lèvres dans le liquide. Il ne s'attendait pas non plus à la forte sensation de brûlure qui parcourut son corps à la première gorgée. Il faillit s'étrangler de surprise, et Kougaiji eut le bon goût de paraître ne pas le remarquer, malgré le léger pli ironique qui incurva ses lèvres.

Ils passèrent les heures suivantes dans un silence reposant, simplement interrompu par le craquement des bûches en flammes dans la cheminée - Jien se demandant comment l'autre youkai supportait une telle chaleur en plus de celle de la saison sèche - ou le tintement du cristal, lorsque le col de la carafe heurtait le bord de l'un des verres à pied, à chaque fois que Kougaiji les resservait. Ils partagèrent aussi la collation déposée à leur intention. Dans cette atmosphère calme, le bretteur se permit de repenser à ce qu'il avait abandonné derrière lui, de convoquer les images des jeux simples ou des soirées sereines comme celles-ci - rares il est vrai, avec la présence constante de sa mère - qu'il avait pu passer avec son frère cadet. À chaque fois que son regard se posait sur le prince, il imaginait que c'était son frère qu'il voyait. Et pendant quelques instants, il pouvait s'abandonner à l'illusion, faire comme si rien ne s'était passé. Il revint cependant rapidement à lui, lorsque Kougaiji abandonna son siège.

Il s'avança vers Jien, prit appui sur le sofa avec un genoux, dominant son hôte, et ses mains se posant doucement sur le visage de celui-ci, ses griffes disparaissant dans la courte chevelure sombre. Il y avait une telle intensité dans les yeux violets que le second youkai, comme prisonnier, ne pouvait en détacher son regard.

« Parle… Onegaï. » C'était une requête présentée d'une bien étrange manière. Mais tout à coup, Jien était curieusement conscient de la détresse qui sourdait sous ces simples paroles. Mais il en resta pétrifié, incapable de proférer un mot. C'est pourquoi le prince fut obligé de continuer.

« Lorsque tu es silencieux comme ça, je pourrais presque croire que je suis toujours enfermé ici pour l'éternité et que tu es une image inventée par mon esprit malade… » Et bien sûr, son interlocuteur n'avait aucune idée de ce dont le prince parlait, mais la douleur derrière ces yeux d'améthyste était bien réelle, elle, et ça il n'avait pas besoin de mots pour le comprendre. « N'as-tu donc pas de nom ? » continuait le youkai, tandis que son visage s'approchait jusqu'à ce que son front soit en contact avec celui de Jien. Celui-ci avait fermé les yeux. Cette douleur rappelait trop celle qu'il avait parfois lue dans les yeux de son frère pour qu'il puisse en supporter l'image plus longtemps.

« Non. » murmura-t-il, presque inaudible. Et c'était vrai. Quel droit avait-il de porter le nom de ses parents après ce qu'il avait fait ? Son souffle se mélangeait maintenant avec celui de Kougaiji. Le parfum estival de l'alcool qu'ils avaient bu lui faisait tourner la tête. Il ne rouvrit les yeux que quand il sentit le visage du prince s'éloigner un peu de lui. Fixant intensément la face qu'il tenait en coupe entre ses mains, son hôte laissa tout à coup échapper un mot.

« Dokugakuji. » Il suffit d'une fois pour que le bretteur accueille en son cœur ce nouveau nom. Mais au même instant, un éclair de lucidité traversa le visage du youkai aux mèches couleur de flamme. Il relâcha précipitamment son emprise sur le visage de son homme lige et s'éloigna vers la cheminée. Il contempla le feu quelques minutes, ce simple exercice l'aidant manifestement à recouvrer son calme. L'absence soudaine de ce corps près du sien et de la chaleur de ces mains sur son visage fût presque douloureuse pour le nouveau baptisé. Et le trouble qu'il lisait dans le corps de l'autre youkai à l'allure juvénile, pourtant tourné vers les flammes, lui donnait envie de le rassurer, mais il n'aurait pas su comment s'y prendre. Kougaiji n'était pas son frère. Tout à coup, il en ressentit une douleur singulière : il n'avait aucun droit sur le prince. Même celui de lui apporter du réconfort, tant que celui-ci ne lui serait pas demandé, se rendait-il vaguement compte. Le sentiment de perte l'envahit. Enfin, son nouveau seigneur brisa le silence.

« Pardonne-moi. » souffla-t-il. « Tu peux t'installer dans cette pièce pour la nuit. Tes appartements seront sûrement prêts demain. Oyasumi nasaï. » Et il s'éloigna vers une porte qui menait probablement vers sa chambre à coucher. Dans un étrange état de stupeur qui ne devait que peu à l'alcool, Dokugakuji resta un long moment à contempler les flammes. Dés le départ de Kougaiji, il lui semblait qu'elles avaient commencé à mourir. Lorsqu'il se retrouva plongé dans une obscurité percée seulement par les dernières braises rougeoyantes, il n'avait toujours pas tout à fait compris le sens de la scène qui venait de se dérouler. Mais un mot ne cessait plus de tintinnabuler doucement dans ses pensées. Dokugakuji.

ooooOOOOOOOOOOOOOoooo

#End of the first part#

Le piaf est trop prolixe pour la taille requise par ffnet, que voulez-vous... #s'en va loader la suite#