La suite du début ! Meuh nan je vous prend pas pour des abrutis, je vous informe, nuance... #allume son auréole#

Et je copie/colle l'intro paske flemme...

Auteur : SeaGull

Kou : En fait je crois que la bonne question c'est : de laquelle devrai-je me débarasser en premier..?

#ignore toujours# Pour les commentaires et autres demandes d'autographes, soit vous choppez son adresse mail là : honmyoseagullfree.fr Soit vous laissez une review que je me ferai un plaisir de transmettre en tant que secrétaire générale autoproclamée du fan club du goéland fickeur ! X3

Titre : Un nouvel homme. (suite et fin)

Genre : Heu... Un peu angst. Peut-être légèrement UA ? Mais vu qu'on connaît absolument rien du passé de nos youkai préférés c'est dur à dire... Et pis yaoi, disons en filigrane...

Disclamer : Ben... Je sais qu'elle a un poltergeist de Kannan qui se balade chez elle et aussi que y'a pas mal d'aller et venus par la bishoutière de sa porte d'entrée... Mais à priori les persos de Saiyuki lui appartiennent pas...

Doku : Ça nous fait une belle jambe : elle fait exactement comme si c'était le cas toute façon...

Mais c'est fini ces interruptions oui ! èé Allez, on lit !

« Un nouvel homme. » / Part II

Rien qu'à la lumière dans la pièce à son réveil, Dokugakuji devinait que le soleil devait se trouver non loin de son zénith. Il y avait longtemps qu'il n'avait pu s'accorder un sommeil si réparateur. La porte étant entrebâillée, il jeta un coup d'oeil dans les appartements où avait disparu Kougaiji, la veille au soir. Le prince avait quitté sa couche. Depuis un certain temps. Le drap gardait l'empreinte de son corps mais toute chaleur avait disparu de la pièce de tissu. La chambre en elle-même semblait déjà étouffante avec cette moiteur propre à l'été de la région. Les fenêtres donnant sur l'extérieur étaient grandes ouvertes, et le youkai à la chevelure aile de corbeau pouvait sentir les vagues de chaleur qui se frayaient doucement un chemin vers l'intérieur des salles. Il portait toujours le long (mais heureusement léger) manteau blanc que le prince youkai avait réussi à lui dénicher. Il se dirigea vers les immenses baies vitrées pour sortir. La chaleur du dehors lui tomba dessus comme une chape de plomb.

Mais celui qu'il cherchait était bien là. Une natte épaisse était posée à même le sol, en plein soleil. Kougaiji était étendu dessus de tout son long, vêtu de son seul pantalon, la tête légèrement tournée vers le côté. Reposant sur le dos, un de ses bras était rejeté en arrière et l'autre posé légèrement sur sa poitrine. Ses jambes légèrement repliées en un mouvement souple. Une de ses longues mèches serpentines s'étalait sur son torse, semblant presque vivante à chaque fois qu'une calme inspiration soulevait ses côtes. Il avait la pause languide d'un chat qui dort, semblant avec délice absorber la chaleur avec la moindre parcelle de son corps. Mais d'un félin, en plus de la grâce, Kougaiji possédait la vigilance. Ses yeux s'ouvrirent quelques secondes à l'approche de Dokugakuji, juste avant de se refermer à nouveau, le corps retrouvant à l'instant sa béatitude animale. La posture abandonnée trahissait une confiance absolue en ce spectateur muet qui s'avançait. C'était une attitude, qui à certains aurait pu paraître presque provocante et appelait le contact d'une main sur la peau nue. Mais Dokugakuji préféra réfréner cette impulsion, même surpris d'avoir eu pareille pensée. Il s'assit non loin de là, en tailleur, le dos droit contre l'un des merlons des hauts créneaux de la terrasse, qui d'ailleurs, à cette heure, ne procuraient quasiment aucune ombre pour l'abriter de l'ardeur des rayons du soleil.

Comme à chaque fois qu'il contemplait le prince, les pensées du bretteur glissèrent insensiblement vers son frère cadet. Il existait une source près de chez eux, idéale pour rafraîchir les longues journées d'été telles que celle-ci. Après quelques brasses, les deux frères se laissaient souvent sécher par le soleil, allongés sur l'herbe grasse. Un jour, Gojyo ne devait avoir que cinq ou six ans, le gamin s'était endormi. À son réveil, son dos était aussi écarlate que ses cheveux. La brûlure étant profonde, pendant deux semaines il n'avait pas même pu supporter le contact d'une simple chemise sur sa peau. Et les coups fréquents de sa marâtre n'avaient rien arrangé. Dokugakuji rouvrit ses yeux qui s'étaient fermés pour se protéger de la lumière intense qui se réverbérait sur les larges dalles de pierre. Il se sentit presque aveugle pendant quelques secondes, mais cela ne l'empêcha pas de parler :

« Vous devriez passer un vêtement, Kougaiji-sama, vous risquez de vous brûler pas cette chaleur… » Il fut lui-même étonné de l'inquiétude qui perçait soudain dans sa voix. Kougaiji ouvrit à son tour les yeux, son regard calme et énigmatique posé sur son interlocuteur.

« Me brûler ? » Sa voix semblait incrédule. Ses sourcils se froncèrent imperceptiblement tandis qu'il observait son compagnon. « Tu ne sais pas ce que je suis, n'est-ce pas ? »

« Ano… » Non en effet, je n'en ai aucune idée, aurait voulu acquiescer l'autre youkai. Mais cette réponse aurait pu paraître insultante. D'un mouvement fluide, Kougaiji se redressa, s'approcha, pieds nus sur les dalles brûlantes, pour s'agenouiller juste devant lui. En d'autres circonstances, le youkai brun aurait eu le réflexe de s'écarter de cette intrusion dans son espace personnel. Mais la présence de Kougaiji était tout sauf invasive. La main de celui-ci se retrouva tendue entre eux deux, la paume tournée vers le ciel.

« Regarde, mais ne touche pas. » commanda-t-il à voix basse. Une flamme apparut au centre de sa main, bien droite et brillant intensément en se contorsionnant à la hauteur de leurs visages. Un youkai de feu… Mais déjà Kougaiji avait refermé son poing, la flamme était morte et quelques filaments de fumée blanche en train de disparaître dans l'atmosphère. Cela expliquait bien des choses.

« Il faudrait que tu me dises ton nom si tu comptes rester avec moi ici. C'est plus simple pour communiquer, tu sais ? » lança-t-il tout à trac, peut-être même légèrement moqueur. Une drôle d'expression apparut sur sa figure quand il vit le regard abasourdi que lui retournait Dokugakuji. Le youkai brun lui répondit avec une légère hésitation.

« Je préfèrerais oublier le nom que j'ai porté avant d'arriver ici. Vous m'en avez donné un autre, hier soir… », commença-t-il d'un ton incertain, laissant traîner dans l'air la fin de sa phrase, frappé de stupeur.

Kougaiji porta sa main à son front, ses longues griffes dégageant les mèches d'acajou qui tombaient devant ses yeux. « J'ai cru l'avoir rêvé… J'ai dû boire plus que de raison hier… » murmura-t-il avec un air songeur.

Il fronça légèrement les sourcils en concentration, et appela doucement : « Dokugakuji, c'est ça ? » Le regard qui croisa celui du nouveau baptisé était solennel. « C'est ta dernière chance de le changer s'il ne te convient pas. » le prévint calmement Kougaiji.

« Non, je le garde. » répondit l'autre youkai avec fierté, soutenant ce regard sans baisser les yeux.

oOoOoOo

Parce que j'aime ce nom. La sonorité des consonnes a quelque chose de martial, et pourtant lorsque que c'est Kougaiji qui parle, ces sons s'écoulent de sa bouche comme de l'eau fraîche. J'aime surtout la sonorité des trois dernières syllabes, elles sont presque semblables à son nom à Lui. Il ne comprend pas l'honneur qu'il me fait en m'acceptant à ses côtés, en me permettant de devenir un youkai nouveau. Il m'offre une nouvelle vie, et lorsqu'il dit mon nom, je peux presque croire qu'une rédemption est possible pour un être tel que moi. Dokugakuji. C'est ce que signifie ce nom pour moi.

oOoOoOo

ooooOOOOOOOOOOOOOOoooo

Perdu. Dokugakuji avait réussi à se perdre. Il n'arrivait pas à le croire. Kougaiji lui avait donné rendez-vous dans la grande salle. Lui avait même expliqué comment la trouver. Facile à dire. Cette forteresse était décidément un vrai labyrinthe. Pas moyen de retrouver la cour carrée, ni aucun des endroits qu'il connaissait déjà. Tours. Détours. Retours. Il était passablement énervé maintenant. Kougaiji était parti avant lui, car il devait veiller aux préparatifs de certaines festivités. Pourtant il n'avait pas particulièrement l'air de se réjouir. En tout cas il lui avait fait savoir que ce qu'il avait à faire était fort ennuyeux, et que son garde du corps n'avait pas besoin de le suivre partout, ici. Ils se verraient plus tard. Dokugakuji aurait voulu répondre que même ici Kougaiji pourrait avoir besoin de son garde du corps, mais préféra se taire. Et ce n'était pas comme si le prince était sans défense après tout, il était bien placé pour le savoir. Le prince youkai avait vaguement parlé d'un nouvel an. Tout à son irritation, Dokugakuji se mit à pester contre cette forteresse et ses habitants qui fêtaient le nouvel an en plein mois d'août. Une silhouette disparut à un tournant, juste devant lui. Ha ! Enfin quelqu'un !

C'était une youkai plutôt gironde, portant un plateau couvert d'un amoncellement de nourriture brinquebalant. À coup sûr pour le banquet de ce soir… Dokugakuji la rattrapa et entama la conversation en demandant son chemin. Manifestement, on pouvait classer la youkai dans la catégorie des pipelettes, bavardes et autres commères… Cela valait donc le coup de prendre le temps de s'informer. Se présentant sous sa nouvelle fonction – garde du corps de Kougaiji – il demanda ensuite à la femme ce qu'elle pensait de lui.

« Le prince Kougaiji ? » et ça y est, une fois en marche, impossible d'arrêter le déluge de paroles : il était le fils de Gyumao, un youkai extrêmement puissant, roi de cette forteresse, qui avait même défié les dieux et avait été tué par le toushin taichi Nataku. Son fils avait la réputation d'être d'une noblesse rare et faisait « l'admiration » de quasiment toutes les femmes et sans doute même quelques hommes du château, mais en tout cas jouissait de la dévotion totale de tous… Dokugakuji avait déjà vaguement entendu parler de Gyumao, il était mort il y a plus de 500 ans se souvenait-il : comment Kougaiji pouvait-il être son fils ? Il profita d'une pause respiratoire du moulin à parole pour poser la question, et la réponse fût un choc pour lui.

« Il a été scellé ici par les dieux durant 500 ans. Le sortilège a été brisé il y a tout juste un an aujourd'hui… On dit que c'est la femme derrière le rideau qui a fait ça… » Mais déjà Dokugakuji avait cessé d'écouter. Cinq cents ans ? Comment était-ce seulement possible ? Et quel crime pouvait justifier un tel châtiment ? Les pensées se télescopaient à un rythme effrayant dans son esprit. Y compris concernant le comportement étrange du prince le soir précédent. Comment Kougaiji avait-il pu même survivre à cette sentence ? « C'est la date de la mort de Gyumao qui sert à fêter la nouvelle année ici, mais on fête surtout la levée du sort qui isolait le château, pile il y a un an de ça, en fait… » continuait imperturbablement la servante, pendant ce temps. Elle l'abandonna aux pieds d'un escalier, lui indiquant qu'il permettait d'accéder à une galerie surplombant la grande salle. La porte qu'elle prit menait directement dans ladite salle, par contre. Dokugakuji décida que la galerie serait sans doute idéale pour observer sans être vu, jusqu'à ce qu'il repère Kougaiji.

Comme le reste de la forteresse, la salle était… Gigantesque… Sombre… Et gigantesque… Et sombre… Aucun autre qualificatif ne lui venait à l'esprit. Ho, si ! Et pleine à craquer de youkai venus sans doute des quatre coins du pays : Dokugakuji n'en avait jamais vu autant en un même lieu… La rumeur de la foule était assourdissante, particulièrement ici, sur la haute galerie faisant le tour de la pièce, le plafond en coupole de la salle circulaire renvoyant impitoyablement le son dans cette direction. Il se pencha pour mieux voir. Il ne remarqua pas l'ombre qui le guettait.

« Comme on se retrouve… » susurra soudain une voix connue à son oreille. L'épée ensorcelée de Kougaiji était dans sa main avant même que Doku ne s'en rende compte, et posée sur la gorge du leader des youkai de la forêt Grise avant même que celui-ci ne puisse réagir. Boa se retrouva donc coincé entre la lame et le mur. Le visage de Doku n'était qu'à quelques centimètres de celui du youkai reptilien.

« Du calme… Ton nouveau seigneur n'apprécierait pas que tu tues quelqu'un qu'il vient juste de gracier, n'est-ce pas ? » roucoula Boa à son oreille. « C'est toi qui lui a appris que mes ordres venaient d'ici, non ? » Doku gardait le silence, mais si un regard avait pu tuer… « Et bien manifestement, c'est ce qui a empêché mon employeur, qui qu'il soit, de me supprimer : on me menait à l'exécution, ici même, quand le petit prince est intervenu… Manifestement il n'apprécie pas les gens qui se servent de pions et essayent ensuite de faire taire les témoins… » Boa, qui avait réussi à se dégager entre temps, se fendit d'une courbette moqueuse. « Je te dois donc aussi des remerciements, on dirait… »

« Si tu t'approches de lui encore une fois… » Doku ne finit pas sa phrase, mais la menace y était on ne peut plus claire…

« Pour qui me prends-tu, étranger ? Je dois ma vie à sa clémence : je ne suis pas fou au point de me retourner contre lui ! J'ai une dette. », répondit l'autre à la fois méprisant et vaguement blessé. Curieux comme tout à coup ce youkai se découvrait un certain sens de l'honneur. Dokugakuji apprendrait bientôt que le contact de Kougaiji avait souvent cet effet, curieusement, même sur des brutes épaisses.

« Moi, je vous aurais à l'œil, en tout cas. Pas la peine de penser à s'en prendre à lui. » répliqua quand même Dokugakuji. Boa laissa apparaître sa langue de reptile pendant une fraction de seconde. Comme tous les serpents (quoique Doku soit fortement tenté de le classer plutôt parmi la vermine), c'est par cet organe qu'il percevait le mieux son environnement. Dokugakuji aurait été surpris d'apprendre que son interlocuteur était presque aveugle. Mais assez perspicace, manifestement.

« Il t'a changé. Tu me paraissais tout prêt à mourir, hier encore. » pointa-t-il. Le youkai serpent avait d'ailleurs l'air intrigué par ce revirement, mais le regard peu amène du youkai brun ne l'incita guère à prolonger l'échange. Boa s'éclipsa rapidement. Dokugakuji se retrouva seul avec ses pensées.

oOoOoOo

Changé ? En un seul jour ? Et c'est vrai, pourtant. Hier, j'aurais accueilli ma mort avec bonheur, ou du moins indifférence, alors qu'aujourd'hui… Et je me retrouve encore à penser Kougaiji. Oui, peut-être que j'ai changé alors… Peut-être parce que quelqu'un se donne la peine de me donner l'illusion que je suis digne d'être pardonné ou même sauvé… Ou peut-être parce qu'il est lui. Tout simplement.

oOoOoOo

Et de nouveau son regard s'égara à la recherche de la silhouette de Kougaiji dans la salle, sans même qu'il en ait conscience…

ooooOOOOOOOOOOOOOoooo

Le silence lui était peut-être devenu insupportable durant son enfermement, mais le bruit des multiples conversations, dont les échos se répercutaient sans fin dans la haute salle, lui était presque aussi désagréable. Kougaiji continuait pourtant à porter le masque de l'hôte parfait, tandis qu'un mal de tête commençait à marteler ses tempes et que la douleur s'accumulait derrière ses yeux. Hôte parfait ? Homme de paille serait plus juste, se souvint-il. Kougaiji savait très bien que si pour l'instant Gyokumen ( jamais Gyokumen-koushu, s'il pouvait éviter que ce nom franchisse ses lèvres : cette femme n'était pas la reine de son père…) se complaisait à s'entourer de mystère et à se cacher derrière des voiles, c'était surtout car elle comptait sur lui pour renouer les vieilles alliances des suiveurs de Gyumao, d'autant qu'il en avait le statut d'héritier légitime.

Un pion, songeait-il amèrement, tandis qu'il paraissait toujours écouter les discours de Hyakugan-mao et de son fils, tâchant de ne pas laisser transparaître son dégoût et à quel point il pensait que ces youkai méritaient largement le nom de « monstres » que leur donnaient certains humains. Avec le peu de cas qu'ils faisaient de toute vie, en particulier celles des femmes (même youkai) et des humains, quel point commun avait-il avec eux ? Gardant fermement en place son masque impassible, il se rendait compte qu'il n'avait aucun allié en ces murs. À qui pourrait-il accorder sa confiance ici ? Il détourna un instant les yeux de ces personnages qu'il abhorrait, balayant la galerie des yeux par la même occasion comme s'il admirait les guirlandes de verdures qui y étaient accrochées. Il reconnut soudain la haute stature de Dokugakuji, penché vers la salle. Le bretteur croisa son regard et le salua d'un geste discret de la main. Kougaiji lui renvoya un sourire légèrement forcé, avec le mouvement de lever son verre vers lui. Il n'était peut-être pas si seul que ça, après tout. Détournant les yeux, il retourna à ses devoirs d'hôte, peu enthousiaste, mais avec un courage renouvelé. Une petite voix dans sa tête se demandait pourtant d'où venait cette confiance absolue qu'il avait en ce bretteur…

Le corps de Kougaiji se tendit quand une main se posa sur son épaule, quelques minutes plus tard. Il se retourna pour découvrir un Dokugakuji tout à coup très formel, qui lui demandait de le suivre pour régler un problème important. Le prince prit gracieusement congés de ses invités, comme si le fait de les quitter était un crève-cœur, un sacrifice sur l'autel de ses devoirs de prince. Du grand art.

« Alors ? » Il avait suivi Dokugakuji hors de la salle et attendait maintenant qu'il s'explique. Ils s'étaient retranchés sur la galerie, ce qui permettait de garder un œil sur les festivités. Le youkai brun eut un sourire un peu gêné avant de répondre. Qui sait si le prince apprécierait son initiative…

« Alors j'ai pensé qu'un changement d'air vous ferait peut-être du bien. » Un sourire narquois apparut sur les lèvres du prince youkai, à ces mots.

« Décidément, ça devient une habitude de t'interposer entre moi et la foule… » Cependant, il s'adossa à un mur en poussant un profond soupir, et ferma un instant les yeux. « Merci, ça commençait à devenir étouffant, en bas. » avoua–t-il.

« Ils commencent tous à boire de toute façon. Dans cinq minutes, ça ne fera plus aucune différence qu'on soit là ou pas. » fit remarquer Doku, en se penchant encore par-dessus la balustrade donnant sur la salle. Il eût un petit sourire, et cela suffit à convaincre Kougaiji d'abandonner la grande salle. Dés le premier tournant, le bruit des festivités se trouva assourdi, et quelques minutes après on n'en entendait même plus la rumeur. Dans les corridors silencieux de la forteresse (tout le monde se trouvait dans la salle de banquet), on aurait dit que cette fête n'avait pas plus de consistance qu'un rêve lointain.

Kougaiji s'était dirigé vers le long escalier qui permettait d'atteindre ses appartements. Celui-ci se déroulait comme un immense serpent enroulé en spirale à l'intérieur de la tour. Quelques paliers interrompaient parfois la succession des marches, certains marquant la présence d'une porte donnant sur les pièces des différents étages, les autres constituant juste un repos sur ce long trajet. L'ascension était aussi scandée par la présence de torches enchâssées dans les murs de pierre, allumées tous les soirs, dès la tombée du jour. Elles dispensaient une lumière seulement assez chiche pour rendre l'obscurité autour plus impénétrable encore. Pourtant, Dokugakuji ne put que s'émerveiller durant les premières volées de marches (jusqu'à ce que la monotonie du trajet ne l'emporte à nouveau sur sa surprise) comme il découvrait une nouvelle facette des pouvoirs du prince. En effet, comme des serviteurs vivants se tenant au garde à vous, les flambeaux redoublaient de lumière, leurs flammes se faisant même plus brillantes, simplement par la proximité du youkai de feu. Pendant ces quelques secondes, l'espace étroit de l'escalier se faisait plus accueillant. Et Dokugakuji regardait Kougaiji quelques pas devant lui. C'était comme si le youkai aux cheveux longs portait la lumière en lui et acceptait de la partager pendant quelques instants. Et comme quelque prophète, l'obscurité déchirait son voile devant lui. Le youkai brun se retourna une fois et constata qu'après leur passage, l'intensité des flammes redevenait quasi inexistante.

Durant leur ascension, Kougaiji restait étrangement silencieux. Cela faisait un an aujourd'hui que les portes de sa prison s'étaient ouvertes, et pourtant les séquelles de son enfermement, profondes, étaient toujours présentes. Qu'était-ce, un an, après cinq siècles d'isolement absolu ? Rien du tout. Parfois, il lui semblait encore que sa libération n'était qu'un songe et qu'il allait bientôt se réveiller en sursaut pour retrouver la solitude qui chaque jour grignotait un peu plus sa santé mentale. En fait, c'est exactement ce qui se passait à cette minute. Ce qu'il ressentait, c'est qu'il aurait aussi bien pu être seul pendant cette longue ascension. Il savait pourtant que Dokugakuji devait se trouver juste derrière lui, mais il n'avait aucun indice tangible de cette présence.

Sha Jien n'était pas né guerrier et, en l'absence de son père, avait encore moins été élevé comme tel. La seule arme qui se trouvait dans la maison où il avait grandi, hormis la hache qui servait à débiter le bois pour l'âtre, était un vieux sabre qui aurait appartenu à un lointain ancêtre de son père. Jien ne l'avait même jamais sorti de son fourreau avant le jour fatidique où il avait dû choisir de perdre ou sa mère, ou son frère (et parfois il pensait d'ailleurs amèrement qu'il avait perdu les deux, finalement). Mais les quelques mois qu'il avait passés sur les routes l'avaient profondément transformé et il avait maintenant les attitudes d'un véritable homme d'arme, ne serait-ce que pour rester en vie. Parmi ces acquis, la capacité de se mouvoir dans un silence absolu. La grâce de Kougaiji expliquait que son pas soit inaudible. Dans le cas de Dokugakuji, il s'agissait simplement d'un réflexe de survie qui s'était profondément ancré en lui, sans même qu'il n'en soit pleinement conscient. Toujours est-il que pour le prince youkai, sa présence en devenait presque incertaine.

Il se forçait à regarder droit devant lui les escaliers qui se révélaient quand les ténèbres mouraient sur son passage. Kougaiji se mit silencieusement à compter les marches, essayant de se concentrer uniquement sur les chiffres qui défilaient dans son esprit. Mais avant tout, il faisait tout ce qu'il pouvait pour résister à la tentation de faire volte-face, tant celle-ci était grande. Mais moins que la peur de se retourner effectivement et s'apercevoir que, dans ce couloir humide, personne ne se trouvait derrière lui. Il se rappelait encore le nom de ce musicien mythique qui s'était rendu aux enfers pour y retrouver son amante, mais l'avait à nouveau perdue quand il s'était retourné trop tôt dans sa hâte de la revoir.

Et aussi, il y avait ce vieil ennemi qui avait menacé de le submerger pendant cinq siècles : ce silence de mort qu'il ne pouvait plus supporter et contre lequel il avait utilisé de multiples stratagèmes durant un demi-millénaire, pour que le son fasse à nouveau son apparition dans la forteresse. Pour que celle-ci ne soit jamais son tombeau. Avant même qu'il ne se rende compte de ce qu'il faisait, sa main aux longs doigts effilés ornés de griffes se tendait vers la surface de l'un des murs, produisant un son de grattement sinistre sur les blocs granuleux, tandis qu'il la laissait traîner sur les pierres rugueuses, rebondissant parfois sur les joints de mortier.

Tout d'abord Dokugakuji n'y vit qu'un réflexe enfantin, comme le jour où son petit frère s'était mis à courir avec dans la main une baguette qu'il aimait à laisser traîner sur la barrière de joncs entrecroisés qui limitait leur jardin. Il en tirait des sons qui le faisaient rire aux éclats quand il était encore petit, tandis que ce vacarme incessant avait failli rendre fou son frère aîné. Comme souvent, la dispute avait fini en bagarre, une des plus mémorables du duo terrible, se rappela Dokugakuji avec un sourire. Cependant ce sourire ne dura pas longtemps. Son regard s'était posé sur les doigts du prince raclant le mur. Il s'aperçut que ce n'était pas seulement les griffes du prince qui faisaient contact avec la pierre, mais aussi la pulpe du bout de ses doigts. Au bout d'un moment, ce petit « jeu » commençait à laisser une trace brunâtre sur les parois. Du sang, réalisa Dokugakuji avec horreur.

La panique qu'il sentit monter en lui manqua presque l'étouffer. Il grimpa avec précipitation les deux marches qui le séparaient de Kougaiji et se saisit d'un geste brusque de son poignet pour l'éloigner du mur, tandis que son autre bras cerclait les épaules du prince, plaquant le corps mince de celui-ci, le dos contre sa propre poitrine. Kougaiji laissa échapper un léger éclat de surprise et tressaillit violemment à ce contact soudain. Le coeur du youkai brun battait la chamade tandis que des fragments de conversation lui revenaient en mémoire.

« Le prince Kougaiji ? Il a été scellé ici par les dieux durant 500 ans. Le sortilège a été brisé il y tout juste un an aujourd'hui… »

Kougaiji essaya de se dégager d'une secousse, mais Dokugakuji resta ferme, déterminé à ne pas le laisser s'échapper.

« Parle... Onegaï. Lorsque tu es silencieux comme ça, je pourrais presque croire que je suis toujours enfermé ici pour l'éternité et que tu es une image inventée par mon esprit malade… »

Puis abandonnant finalement toute velléité de résistance, le corps de Kougaiji se laissa aller dans l'étreinte. Sa tête rejetée en arrière reposant maintenant au creux de l'épaule de Dokugakuji, son corps partageait sa chaleur avec celui du bretteur. Il avait fermé les yeux. Sa main libre vint reposer légèrement sur le poignet de l'autre youkai au niveau de son torse nu. Il eût un long soupir. C'est à ce moment-là que Doku se mit à murmurer près de son oreille. Des paroles qui comptaient infiniment plus que n'importe quel simple serment d'allégeance. Kougaiji sentait le souffle du youkai brun contre son cou à chaque fois que celui-ci parlait.

« Plus de solitude : je serai toujours là quel que soit le chemin que tu choisiras… » Cela lui paraissait étrange, à ce Dokugakuji qui était « né » hier, de déjà tutoyer son prince, mais cela paraissait tellement naturel, à ce moment-là, peut-être même nécessaire pour exprimer son inquiétude, sa peur, et sa dévotion aussi… Le ton qu'il fallait pour guérir Kougaiji. « Plus de silence : appelle mon nom et je te répondrai toujours… »

« Dokugakuji ? » souffla le corps prisonnier de ses bras.

« C'est moi, Kou … » répondit-il solennellement. Si naturel aussi dans sa bouche, ce nom affectueux… Kou. Même si demain il sera à nouveau Kougaiji-sama, et ensuite pour un long temps encore… Jusqu'à ce que la familiarité, la confiance et l'affection réduisent à nouveau leurs noms à leur plus simple expression…

Ils restèrent encore pendant quelques minutes ainsi, à écouter leurs propres respirations, et laissant les battements de leurs cœurs retrouver un rythme plus normal. Qui sait combien de temps cela aurait duré sans l'écho des pas qu'ils entendirent plus haut dans l'escalier, et qui s'approchait d'eux à une allure respectable. Cette fois, Dokugakuji ne se défendit pas quand Kougaiji se libéra doucement de son étreinte, même s'il ressentait une certaine réticence à être séparé ainsi de l'autre youkai. Pourtant, c'était comme si Dokugakuji pouvait toujours sentir l'empreinte de la chaleur de ce corps contre le sien. Le prince se remit à marcher, sans regarder en arrière : il n'en avait plus besoin pour savoir qu'il n'était plus seul. Son garde du corps le suivit deux pas derrière. Comme tout à l'heure. Même si tout semblait différent, maintenant.

Quelques minutes plus tard, ils croisèrent un homme avec une barbe de plusieurs jours et portant des lunettes qui venaient compléter sa vêture : des habits normaux sous une blouse de laboratoire. Une cigarette à moitié fumée pendait entre ses lèvres, et il portait de grotesques pantoufles blanches qui étouffaient un peu le bruit de ses pas. Il lâcha un petit nuage de fumée avant de leur laisser le passage.

« Vivement que Gyokumen-koushu fasse installer les ascenseurs, n'est-ce pas, oji-sama ? » souffla-t-il.

oOoOoOo

Il se plaque contre le mur, avec une inclinaison faussement servile de la tête pour nous laisser le passage. Son bras porte un drôle d'objet blanc contre son épaule.

Kougaiji passe devant lui sans lui accorder un regard. Lui par contre ne fait aucun effort pour dissimuler qu'il détaille le prince des pieds à la tête. Le regard qu'il pose sur Kougaiji me glace. Ma mère m'a parfois regardé avec cette même expression affamée. Ma première impulsion serait de lui trancher la gorge sur l'instant. Mais je suis l'homme d'arme de Kougaiji. Et je n'utilise mon arme que sur son ordre. Il nous a enfin tourné le dos et continue de descendre les marches. Je réalise tout à coup que ce qui est près de son épaule est un lapin en peluche. Pourtant l'étrange objet ne fait rien pour rendre plus bénin l'aspect du personnage. Le museau de la bestiole synthétique est tourné vers nous, dépassant de l'épaule de l'humain comme son propriétaire s'éloigne. Une oreille se balance doucement cachant à chaque pas un des yeux de verre, tandis que la seconde reste bien droite. Je pourrais jurer que j'ai vu un éclair sardonique flasher dans ces yeux de verres. Ou bien c'est une illusion due à la lumière tremblotante des torches… Dès que mon regard revient sur le dos de Kougaiji, je me sens déjà plus calme.

oOoOoOo

Quelques marches plus haut, quand l'autre personnage eut disparu derrière une courbe de l'escalier, le prince youkai se retourna soudain vers son suiveur et demanda :

« Qui est-ce que tu crois voir en moi chaque fois que tu me regardes, les yeux dans le vague ? » Et le regard de Kougaiji se fit intense et scrutateur. Pourtant, sentant peut-être qu'il en demandait trop, il se détourna soudain pour reprendre son ascension, avec un brusque mouvement de la main à l'intention de Doku qui signifiait clairement qu'il renonçait à attendre une réponse. Après tout, comme il l'avait dit lui-même le jour précédent : « Ton passé n'a pas d'importance. Je ne te demanderai jamais de comptes. »

oOoOoOo

Et pourtant c'est là que j'ai réalisé.

Qui je regardais et qui je voyais à cet instant précis ? Ce n'était plus le reflet du petit frère que j'avais abandonné. C'était lui, Kougaiji. Une personne bien réelle, et vivante, devant moi. Pas un souvenir qui, tout en restant précieux à mon cœur, s'effaçait pourtant de plus en plus de ma mémoire, comme la brume laissant la place à la lumière lors du lever du soleil, aux premières lueurs de l'aube. Je choisis de ne pas répondre. Il n'insista pas.

oOoOoOo

« Il paraît que c'est un nouvel an aujourd'hui. Comme si le passage d'un seul jour pouvait signifier quelque chose… » lance alors Kougaiji dans un ton à la fois léger et étrangement amer.

Un nouvel an.

Un nouveau nom.

Un nouvel homme.

« Pour certaines personnes, ça peut signifier beaucoup… », murmura Dokugakuji, comme pour lui-même.

« Tu as peut-être raison. », admit le youkai de feu en lui jetant un regard pénétrant et intrigué. Comme d'habitude, il ne demandera rien de plus.

Un homme qui appartient à Kougaiji.

Le passage d'un jour à l'autre.

Le passage d'un an à l'autre.

Le passage d'une vie à l'autre.

« À partir d'aujourd'hui, tout est différent. », pensa Dokugakuji en suivant Kougaiji sur son sombre chemin.

ooooOOOOOOOOOOOOoooo

Quelques mois plus tard :

J'ai remarqué ça, il y a quelques jours.

Dedans. Quelques minutes. Dehors.

Dedans. Quelques heures. Dehors…

Ore wa…

Homme d'arme…

Bras droit…

Ami…

Et…

Mais ceci est une autre histoire…