Disclaimer : Seigneur Dieu ! Mais puisque je vous dis que le monde d'HP appartient à Rowling ! Schroumph alors !

Chapitre 7/ Sa seigneurie Madurei.

Chanson :

- Qui a tué le rouge-gorge ?

- Moi, dit le moineau. Avec mon arc et mes flèches j'ai tué le rouge-gorge…

- Qui a recueilli son sang ?

- Moi, dit le poisson. Dans mon petit plat j'ai recueilli son sang…

- Qui portera le deuil ?

- Moi, dit la colombe. Je pleure par amour, je porterai le deuil…

C'est la voix d'une petite fille, d'une toute petite fille…

- Moi, dit le Mangemort, je suis rempli de haine, j'ai tué le rouge-gorge…

C'est la voix d'un Severus, d'un Severus Rogue…


Joyce faisait décidemment des cauchemars de plus en plus étranges… Elle n'avait pas eu potion le lendemain, ce qui lui permit de souffler : Rogue avait compris qu'elle avait compris (Ouais bon, ça va pas recommencer !) qu'il y avait peut-être une drôle de marque sur son bras et elle avait d'autant plus besoin de faire le point…

En marchant au hasard dans les couloirs, elle repassa en mémoire tous les évènements de ces derniers mois et décréta finalement que Rogue ne pouvait faire parti de ces Mangemorts… Elle se souvenait vaguement que, le soir où il avait reçu l'Avada Kedavra deux fois, il avait fait allusion à de l'espionnage. C'était ça ! Il espionnait les Mangemorts pour le compte de Dumbledore. « Logique, non ? » se dit-elle. Enfin, il pouvait très bien faire l'inverse, c'est à dire espionner Dumbledore pour des Mangemorts, c'était tout aussi logique… Elle s'énervait toute seule : lui faisait-elle confiance oui ou non ? Oui, donc ce genre de doutes ne devaient pas avoir de suite. Et puis si elle avait pris peur c'était à cause de son regard. Un regard où la haine se mêlait à la gêne. Les deux allaient de mise, elle n'aurait pas du lui montrer qu'elle était mal à l'aise.

Une petite claque sur la tête la dépêtra de ses mornes idées. Malefoy la distança entouré de ses deux gardes du corps. Quelqu'un d'autre prit son bras :

- Encore en train de rêvasser ! Râla Malicia. Tu vas au hall d'entrée ?

- Non, pourquoi ?

- Le nouveau professeur de défense contre les forces du mal va arriver. Regarde comment Malefoy se laque les cheveux : à ce qu'il paraît, ce serait un canon… d'ailleurs Shun nous a déjà devancé…

- Qu'est-il arrivé à notre prof actuel ?

- Tu ne sais pas ! Il a gagné un an de vacances au Bahamas avec Sorcière-hebdo.

Joyce se laissa entraînée. Tous les professeurs étaient réunis dans le hall d'entrée, tous… Elle évita le regard de Rogue qui lui était trop pesant pour le moment.

- La gueule qu'il fait ! S'étonna Shun qu'elles avaient retrouvé, c'est sûrement parce que le poste lui a encore échappé…

- Entrez, professeur Madurei, dit galamment Dumbledore.

Que Rogue enlève subitement son masque et lui annonce qu'il venait de la planète Sxor pour aliéner l'humanité toute entière n'aurait pas eu cet effet-là sur Joyce : elle se glaça totalement.

Une superbe brune apparut sur le seuil, ses cheveux denses et raides étaient ramenés dans une queue de cheval lisse et soyeuse qui descendait jusqu'à ses hanches admirablement bien dessinées. Elle semblait jeune, très jeune pour un professeur, à peine la vingtaine mais elle paraissait pourtant incroyablement mûre. Elle portait une jupe en cuir moulante s'arrêtant à mi-cuisse, dessous des bas totalement opaques dessinaient de superbes jambes. Une longue cape de cuir tombait avec grâce jusqu'à ses chevilles. Une autre cape, plus petite, la surmontait pour recouvrir la partie supérieure de son corps. Le tout était totalement noir.

- Bonjour à tous, énonça-t-elle d'une voix glaciale et veloutée.

Autant dire que tout ce qu'il y avait de jeunes et de masculins resta hébété. Le visage de la jeune femme était imprégné d'une grande beauté dotée d'un petit air gothique. Ses yeux verts sombres scrutèrent intensément l'assistance :

- Joyce !

La jeune fille tressaillit.

- Avance !

Ses jambes la portèrent au devant du nouveau professeur.

- Quel accueil tu me fais mon enfant ! Aurait-ce un rapport avec ceci ?

Joyce aurait voulu crier de toutes ses forces : « Non ! Mais tu as l'air trop en colère ! » Cependant elle arbora une mine défaite à la vue de l'objet que tenait Madurei : une boule de cristal fêlée…

- Tu sais ce qu'est cela, Joyce ?

Toute l'assemblée présente s'enfouit dans le plus profond silence, ne comprenant rien. Dumbledore paraissait amusé et adressait à ses collègues un œil entendu.

- C'est la boule de cristal que je t'avais gracieusement prêté. C'est ce que tu m'as jeté à la figure quand j'ai essayé de te parler à Londres !

« Non ! » Pensa Joyce, « c'était elle qui m'avait attrapée ! Mais que je suis… »

- Attends Rei ! Je vais t'expliquer !

- Silence ! Je ne sais pas ce qui me retient de te tuer !

Rei l'avait empoignée pour la soulever (le haut de la tête de Joyce ne parvenait même pas à hauteur de ses épaules !) et lui lança un terrible regard via ses prunelles furibondes :

- Nous réglerons ça plus tard, fais-moi confiance ! Je vois que mes cadeaux ont une grande importance à tes petits yeux impies ! J'espère que tu as pris un plus grand soin de mes cartes.

- On les a brûlées dans la forêt, soupira Korée.

Sursaut général suivi de « comment ! » et de « quoi ! » outrés...

- Je disais « on sait plus où on les a fourrées ! » Se rattrapa la fillette.

Si les iris de Rei étaient source de mort, Joyce rejoindrait déjà les mânes de son père.

- Excusez-moi, intervint Macgonagall en faisant signe vers Joyce, vous vous connaissez ?

- Ha oui, pardonnez-moi, reprit calmement Rei en lâchant la jeune fille, je suis la sœur de cette…

Comme elle ne pouvait pas dire « chose », elle acheva par :

- … demoiselle.

Joyce fusilla Korée du regard en élargissant bien ses yeux pâles d'un air de dire : « Depuis quand t'es là toi ? T'as failli tout foutre en l'air ! »

Dumbledore présenta les professeurs un par un. Ayant achevé par Rogue (sans toutefois dire son prénom), Rei s'approcha du maître des potions.

- Séverus, n'est-ce pas ? Nous nous sommes déjà rencontré autrefois mais je ne pense pas que vous vous en souveniez, une mémoire courte est parfois un outil salutaire.

- Si j'avais rencontré une femme aussi impétueuse, je m'en serai souvenu. Répondit-il avec aigreur.

- Il faut croire qu'à cette époque vous étiez des plus troublés…

- Il faut croire que vous ne m'aviez pas laissé un souvenir digne d'être retenu.

Rei fronça les sourcils :

- J'aurai à vous parler, dès ce soir.

- Mon bureau est vôtre, dit-il mais l'inflexion de sa voix signifiait tout autre.

Macgonagall convia la nouvelle venue à la suivre dans ses nouveaux quartiers. Joyce tenta de s'éloigner discrètement :

- Joyce ! Cria Rei une dernière fois, tu viendras aussi.

Un petit sigh ! se fraya un chemin dans la gorge de la jeune fille.


Pendant tout le repas, Joyce dut répondre aux accusations de Shun qui la blâmait pour ne pas lui avoir présenté sa sœur plus tôt. Malicia, quant à elle, était plutôt angoissée : « elle a l'air vachement sévère : c'est un Rogue plus sexy et plus méchant ! » Joyce ne savait que répondre, sa sœur avait un tempérament de feu et était très étrange. Elle changeait d'humeur comme de chemise.

- Enfin, soupira-t-elle au souvenir du regard éperdu de Draco sur sa grande sœur, j'espère qu'elle brisera le cœur de Malefoy.

- A ce propos, dit Shun d'un ton minaudant, tu pourrais peut-être m'arranger le coup…

- Ce ne serait pas te rendre service, avoua Joyce dans un rictus.

Shun s'accouda pour se laisser tomber dans une rêverie :

- C'est vrai qu'une belle femme comme elle doit déjà être prise…

Joyce se rembrunit, beaucoup de souvenirs lui avaient échappé mais elle était sure de cette vérité : Non, Madurei n'était pas prise, il n'y avait jamais eu d'homme dans sa vie et il n'y en aurait sans doute jamais. Mais cela se plaçait au-delà du plan amoureux : Rei n'avait aucun ami. Joyce la savait seulement obsédée par une sinistre vengeance et par une haine sans pareille qu'elle vouait à un homme nommé « Tom Jédusor ».


Joyce dut se rendre seule au cachot : Korée détestait Rei… Elle s'en méfiait comme de la peste. De l'autre côté, Rei la méprisait presque autant.

La jeune fille se demanda bien ce qu'elle allait faire : elle n'avait pas encore eu le temps de s'excuser auprès de Rogue mais le faire juste avant que sa sœur n'arrive sentirait l'hypocrisie. « J'essaierai de lui parler plus tard… » Se dit-elle pour se redonner du courage. De toute façon, Rei l'attendait déjà au beau milieu du couloir en croisant les bras, à seulement quelques mètres du bureau de Rogue. Sans rien dire, elle se dirigea vers la porte, frappa, ouvrit et fit entrer Joyce avant de refermer la porte.

- Sachez, maugréa Rogue qui les attendait, que je ne tolérerai plus que vous m'agressiez ainsi devant tout le monde !

- Je n'ai pas de menaces à recevoir d'un homme comme vous. (et se tournant brusquement vers sa sœur) C'est à ça que tu fais confiance, Joyce ?

- PARDON ? Rugit-il, je vous conseille de faire attention à ce que vous dîtes ! Votre jeunesse n'excuse pas tout.

Joyce s'éloigna, en proie à une honte extrême et se plaça derrière Rei pour faire des signes à Rogue : elle lui montrait son gant et lui faisait de grands « non » avec la tête, « Ne dîtes pas que vous l'avez vue ! »

- Je suis au courant Joyce, soupira Rei en furie, ce n'est pas la peine de te cacher ! Korée m'a tout racontée !

- Mais… Mais…

Korée ? Korée qui ne pouvait pas voir Rei en peinture !

- Je suppose que vous devriez être content de voir de tels symboles sur un autre corps que le vôtre ! Hurla Rei à la pensée que Rogue avait vu le tatouage de sa petite sœur.

- Qu'est-ce que vous racontez ! S'insurgea Rogue, comme si je pouvais me réjouir de trouver des marques aussi maléfiques sur une gamine !

- Je ne sais pas comment vous avez embobiné ma sœur mais le petit jeu est fini. Contentez-vous de lui faire cours !

- Il n'a rien fait ! Intervint Joyce, coupant ainsi Rogue qui s'apprêtait à répliquer dans un nuage de postillons. Tu ne peux pas juger les gens aux premiers regards !

- Je n'en suis pas aux premiers regards sur lui !

- Allez-y ! Je vous en prie, dit Rogue de sa voix la plus venimeuse, exprimez le fond de votre pensée ! Je saurai enfin de quoi vous m'accusez…

- Espèce de Man…

- Arrête ! Beugla Joyce en agrippant férocement sa grande sœur.

Rei la gifla avec violence. La jeune fille bondit instinctivement dans les bras de Rogue. Rei tenta de l'attraper, mais le professeur s'interposa :

- Vous êtes dans MON bureau ici, et vous ferez ce que je dis ! Laissez-la tranquille !

Elle sembla se radoucir mais ce n'était qu'une façade :

- Bien, Joyce, tu as choisi ton camp, tant pis…

Elle pivota sur ses talons et sortit en dégageant dédaigneusement sa cape en arrière.

Un court moment de silence suivit le claquement de la porte…

- … J'ai encore tiré le bon numéro, soupira Joyce.

Elle s'aperçut alors qu'elle appuyait son front contre le buste de Rogue, elle recula en rougissant.

- Je suis désolée, dit-elle en se tordant les doigts, je ne comprend pas qu'elle réagisse de cette façon… D'habitude… Non, en fait, elle est toujours comme ça… Elle accuse facilement le monde sans fondement.

Elle appuya fortement sur le « sans fondement »… Elle ne savait pas s'il avait réellement la Marque des ténèbres au bras et ne voulait pas le savoir.

Rogue s'assit à son bureau, tout était redevenu normal à priori. « C'est peut-être parce que j'ai pris sa défense » songea Joyce, « ça vaut mieux qu'un millier d'excuses… »

- Vous sauriez, demanda-t-il, où votre furie de sœur m'a connue ?

Elle haussa les épaules :

- Aucune idée, nous n'avons pas été élevées ensemble.

Elle avait l'impression qu'il souhaitait l'entretenir sur un autre sujet mais il y renonça. « Quel type secret » pensa-t-elle découragée.


Ficelée comme un saucisson, geignant sur la moquette pleine d'acariens, Korée demeurait soumise sous le poids de Joyce :

- Tu as écris une lettre à Rei pour l'avertir ! (depuis quand tu sais écrire en plus ?)

- Je craignais pour toi ! (Depuis toujours ! Qu'est-ce que tu crois ?)

Il y eut un petit craquement, Joyce se décida enfin à se lever…

- Oui, continua Korée, Rei est peut-être uneXXXXXXX mais je me méfie de Rogue…

- Qu'est-ce que vous lui reprochez tous ?

- Ben rien, c'est juste que c'est un prof et qu'un prof c'est l'ennemi des élèves.

Joyce se radoucit : ainsi les propos de Korée se plaçaient sur un tout autre terrain que ceux de Rei.

- Sinon à part ça ?

- Il est vachement désagréable ! Il te donne toujours des punitions en plus.

La jeune fille secoua fermement la tête : décidément, Korée n'avait rien compris.


- Allez ! Pas de favoritisme Joyce, donne-moi les quatre sorts qui peuvent repousser un silène … Pas de réponse ? Tu m'en feras 6 rouleaux pour demain !

« Mon Dieu ! » S'écria Joyce à l'intérieur de sa tête martelée par le désespoir. « C'est une Rogue au féminin, et qui me tutoie en plus… »

Le cours de Rei avait démarré en trombe. Etait-ce la crainte de paraître partiale ou une brusque colère ? Elle passait son temps à agresser sa petite sœur avec des questions plus précises les unes que les autres. Les autres élèves ne disaient rien : leur professeur se montrait plutôt indulgente avec eux mais ils se rendaient compte qu'il ne fallait pas chercher les ennuis.

Rei n'en manquait pas une pour la reprendre. Mais Joyce hésitait à lui répondre. Il y avait un terrible malentendu entre elles. Une ambiguïté qui allait au-delà des Mangemorts, de l'Homme Aux Yeux Rouges : quelque chose qui ne les regardait que elles trois, les trois sœurs survivantes.

« - Joyce, Néréis, savez-vous où est Salana ? » Avait demandé la jeune Madurei il y a fort longtemps.

Joyce ferma les yeux : « j'aurais du » pensa-t-elle, « lui dire la vérité… Salana, à cause de moi est… En fait, c'est moi… Je l'ai… »

- …Tuée !

L'adolescente poussa un cri terrifié, comme un voleur pris dans le sac. Elle fit volte-face et tomba presque de soulagement : deux poufsouffles de première année se disputait activement :

- Mais puisque je te le dis, ton hibou a encore failli tuer ma grenouille !

- Ne dis pas n'importe quoi, je le laisse toujours avec ceux de l'école !

Joyce n'attendit pas davantage et se précipita vers son prochain cours. De même que la culpabilité la rongeait, elle était submergée par l'incertitude : Rei était-elle au courant de la nature exact de « l'incident » qui avait coûté la vie à sa sœur jumelle ? Il ne fallait plus attendre, Joyce devait la tester. Quitte à en souffrir, il lui fallait savoir ce que Rei pensait…

- Tu as ton air des jours sombres, dit Malicia qui venait de la rejoindre, qu'est-ce que tu as ?

- Rien, mentit Joyce, rien…


Dans ses appartements Rei relisait les cours qu'elle avait préparés pour le lendemain et supprimait ce qui lui semblait trop subtil ou trop dur pour ses élèves. Un miroir se dressait à l'autre bout de la pièce, l'ombre de son reflet retint son attention : sa propre attitude la dégoûtait. Elle pensait pouvoir se contenir, n'être qu'un amas de tendresse fraternelle mais à peine eut-elle aperçu sa petite sœur parmi la foule que la haine la plus vive devint vengeance froide. Et elle s'en était prise à cet homme, à Rogue, sans aucune raison…

Elle soupira. Des excuses ? Et puis quoi encore ? Ce n'était pas son genre. L'horloge lui indiqua alors qu'il était temps de dîner. Elle arrangea ses dossiers et sortit.

En rentrant dans la grande salle par le côté professeur, elle aperçut sa sœur dans le fond en train de se tordre nerveusement sur sa chaise. Cette vision lui fit instantanément pitié mais elle tourna la tête avec dédain. Elle s'assit entre Macgonagall et le professeur Chourave. Rogue, qui était à gauche de la directrice de Gryffondor la toisa glacialement. Rei fit miroiter ses yeux d'une étrange façon.

- Ne faites pas attention à ce vieux grincheux, chuchota Chourave, il veut votre poste depuis toujours.

- Je vois, répondit Rei, dur dur d'être systématiquement recalé.

Rogue, ayant entendu, se saisit tranquillement de son verre :

- Après la crise d'hystérie, on joue la carte de l'attaque frontale ? Hé bien, Madurei, vous tombez bien bas si vous pensez que je peux me vexer après les remarques désobligeantes de quelqu'un qui sort à peine de l'enfance.

- Qui parle de vous vexer ? Mes paroles ne recèlent aucunes arrières pensées, Rogue. Tout égocentrisme mis à part, ne vous imaginez surtout pas être le cœur des réjouissances.

- Difficile de ne pas se sentir concerné quand on est quasiment montré du doigt (ses yeux s'attardèrent sur Chourave qui rougit en baissant la tête.)

Dumbledore abattit joyeusement sa chope sur la table :

- Allons ! Ce n'est pas ainsi que l'on fête l'arrivée d'un nouveau collègue ! Je vous en prie Melle Madurei, parlez-nous de vous…

- Je n'ai rien d'intéressant à dire, fit-elle laconiquement.

Rogue promena son regard sur la salle. Il remarqua Joyce qui fixait sa sœur intensément. Korée lui tapa l'épaule, la jeune fille le regarda puis se concentra à nouveau sur son assiette.

- Comment se fait-il, prononça Rogue à l'adresse de Rei, que vous n'ayez pas le même nom de famille que votre sœur ?

Les iris verts l'arpentèrent en silence. Les autres professeurs parurent soudainement intéressés. Enfin Rei se remit à parler, mais sa voix s'était faite lointaine et faible, comme si elle craignait de réveiller un mort :

- Notre vrai nom est devenu un sujet d'opprobre éternel. Sale et répugnant à l'oreille, nous le prononçons le moins possible. Mais il fallait bien un nom pour inscrire Joyce sur les registres de Poudlard. J'ai choisi « Happer » au hasard. Quant à moi, « Madurei » est en fait mon prénom mais il me tient lieu de patronyme à présent.

L'ambiance était passablement retombée.

- Ne soyez pas si mystérieuse, dit Rogue en réprimant un ricanement, vous n'avez pas affaire à une classe qu'il vous faut effrayer.

- Je pensais seulement qu'en matière de honte vous seriez bien placé pour me comprendre.

Rogue respira sourdement et reprit une gorgée de son verre. Rei était furieuse. Sa colère semblait faire le tour de la table, murant tous ses collègues dans un silence religieux. Dumbledore enroula mélancoliquement ses spaghettis autour de sa fourchette : il se doutait bien que ces deux-là allaient cassé l'ambiance…

Mais il redressa bientôt la tête : la petite Joyce Happer s'était levée. Celle-ci s'avança rapidement et s'immobilisa juste devant sa grande sœur.

- Je dois te parler immédiatement, en privé.

Il lui fallait faire vite, sinon elle perdrait courage.

- Ca ne peut pas attendre la fin du repas, Joyce ? Répondit Rei avec agacement.

« Après » ce serait trop tard, elle n'oserait plus.

- Non ! Maintenant.

- Et bien tu n'as qu'à parler ici.

Bingo ! Rei savait que sa sœur n'oserait pas discuter devant tout ce monde. Mais une lueur insolite passa dans les yeux bleus de l'adolescente :

- Dia ti pratteis outôs meta emou ! Cria-t-elle.

Cela voulait dire « Pourquoi agis-tu ainsi avec moi ? ». Il s'agissait de leur langue maternelle. (Pour les connaisseurs, j'ai utilisé le grec ancien). Lesquelquesélèves qui étaient les plus proches se turent.

- Je n'ai pas de comptes à te rendre, Joyce ! Répondit Rei dans leur langue.

La jeune fille gonfla les joues et reprit en criant :

- Pourquoi m'avoir caché la mort de notre père !

- Je ne pensais pas que cela t'aurait autant intéressée. En outre, ne le haïssais-tu pas ?

- Comment peux-tu dire une chose pareille ! TOI, Tu le haïssais ! Mais moi, je... Je…

- Tu préfères laisser les autres faire le travail à ta place… Que ce soit de haïr ou de frapper, tu as peur de te salir !

- Que veux-tu dire, tu n'as quand même pas tué notre père !

- Bien sûr que non ! Idiote ! Mais je dois admettre que sa mort m'a soulagée. Enfin ! Ne fais pas cette tête ! Tu ne te souviens plus ce qu'il avait promis à celui qui a les yeux rouges ?

Rei se rendit alors compte que le teint de ses collègues avait viré du blanc au lait caillé. Ils n'avaient rien compris, bien entendu, mais le ton de leur voix en avait dit long. En effet, elles avaient passé leur temps à hurler et ces mots étrangers ajoutés à leurs échos avaient formé une véritable cacophonie. Elle quitta sa chaise :

- Allons poursuivre cette discussion ailleurs, suis-moi.


- Ce ne va pas d'hurler comme ça devant tout le monde ? Grogna Rei en fermant la porte de son bureau.

- Toi aussi tu criais, s'indigna Joyce. Et tu as oublié que je savais lire sur les lèvres. Je sais ce que tu leurs as dit peu avant : « un sujet de honte éternelle… »

- C'était le seul moyen pour leur faire passer l'envie de m'interroger. D'ailleurs, je n'avais pas tellement envie d'inventer un nouveau mensonge.

Rei repensa avec satisfaction au visage défait de ses consœurs. « Ben voyons, » songea Joyce, « après ce sera moi la petite créature immature. »

- Bon, où en étions-nous ? Murmura la jeune femme.

- Nulle part, dit sa sœur atterrée.

Elle voulut sortir mais Rei la retint par le bras :

- Je n'ai pas voulu te faire souffrir. Je suis revenue pour te sauver, j'espère que tu l'as bien compris.

- Me sauver de quoi ?

- La question n'est pas de savoir « de quoi » mais « de qui ». Il plane autour de nous. Tu sais pertinemment qu'il est vivant : essaie de t'en souvenir !

- Qui est vivant ? Qui ?

- Lui.

- Lui ?

- Oui.


Souvenir… Une pièce qui est noire. Un homme se trouve au milieu. Deux enfants sont enlacées, glacées de terreur : l'une a les cheveux châtains et des yeux bleus sans pupille, l'autre porte un voile. Quelques servantes au visage caché se tiennent prostrées contre les murs :

- Votre propre fille, Seigneur ! Nous vous en supplions ! Maître ! Maître Frédéric !

- La ferme ! Madurei a choisi ! Elle va mourir. Tuez ! Tuez-la ! Ne la laissez pas sortir ! Elle ne quittera pas cette contrée vivante ! Je ne veux pas provoquer la colère de Jédusor !

L'enfant aux yeux bleus se lève et accourt au milieu de la salle :

- L'Homme Aux Yeux Rouges est MORT, père ! Et vous seul en doutez !

Elle avait hurlé cela en tendant deux mains pleines d'espoir…

- Il n'est pas mort, dit l'enfant voilé.

- Que dis-tu, Néréis ? Râla Frédéric avec haine.

- Il n'est pas mort, il reviendra… continua l'enfant voilée dite Néréis, Il n'y aura pas de pardon pour nous, père ! Nous sommes restés sourds aux lamentations des condamnés… Ils se vengeront tous ! Ses partisans et ceux qui le haïssent ! C'est ce qui arrive quand on joue sur les deux tableaux !

L'homme s'approche, son propre père… Il enlève sa ceinture de cuir, la dresse en l'air, il va la frapper, il va la… La fille aux yeux bleus crie, Néréis recule…


- Joyce !

Rei l'avait prise par les épaules.

- Ca va aller, souffla Joyce en se dégageant, c'était juste un mauvais souvenir…

Et elle sortit sans rien ajouter : elle ne parlerait pas de Salana… Elle n'avait jamais le courage de parler de Salana.

Rei se rembrunit. Quoi qu'elle puisse faire la situation empirerait…