Disclaimer Tout le monde du petit Potter appartient à Rowling et à elle seule...

Chapitre 8/ Laisser passer Caïn !

« Vieillissant, rejeté par la mort comme indigne,

Tremblant sous la nuit noire, affreux sous le ciel bleu….-

Peuples, écartez-vous ! cet homme porte un signe ;

Laissez passer Caïn ! il appartient à Dieu. »

Tels furent les mots ébauchés sur un mur de Poudlard à l'encre noire. A l'endroit exact où il y a quelques années Ginny Weasley avait tracé le message de la chambre des secrets.

Certains professeurs y virent une provocation pure et simple.

- Vous êtes sûrs de n'y être pour rien, Headcliff ? Demanda Rogue sans grande conviction.

- Non, monsieur.

Son regard se posa sur l'adolescent en face de lui. Mince, grand, cheveux noirs, prunelles grises, flegmatique : la personnification de l'ennui.

- Le nom Caïn, dit l'élève les yeux mi-clos, auraient pu être utilisé par n'importe qui.

- Je sais, à condition bien sûr de connaître la religion moldue, rétorqua Rogue, mais l'écriture ressemble à la vôtre.

- Cependant ce n'est pas la mienne.

Le maître des potions ne le retint pas davantage : Headcliff était à Serpentard. En outre, il appréciait bien cette formule : « écartez-vous ! Cet homme porte un signe… » Dans la genèse, il est dit que Yahvé marqua Caïn, le premier assassin de l'histoire de l'humanité, d'un signe afin que les autres hommes n'essaient pas de venger Abel…

Cet homme porte un signe, il appartient à Dieu.

Et il se malaxa le bras gauche…


- Comment s'est passée ton entrevue avec Rei ? Demanda Korée.

Joyce se resservit une part de gâteau en grognant. Malicia lisait tranquillement son courrier en se grattant la nuque.

- Je n'aurai jamais cru, dit Shun, qu'une femme aussi belle puisse être aussi colérique. Vous nous avez fait peur, hier !

- Joyce, intervint Malicia, tu ne devrais pas autant mangé à ton petit-déjeuner !

- J'ai besoin de me passer les nerfs sur quelques choses. Et ce pudding devra s'y faire ! Il sera l'objet de mon courroux.

Malicia leva les yeux au plafond de désespoir. La porte s'ouvrit et elle vit passer Headcliff qui allait s'asseoir seul à la table des Serpentards.

- Déjà de retour ? S'indigna-t-elle, si c'était un Gryffondor qui avait marqué ça, il aurait reçu un savon de la part de tous les profs !

- De quoi tu parles ? soupira Joyce en enfonçant son couteau dans la pâte tendre qu'elle s'apprêtait à dévorer.

- Du mot tracé sur le mur ! C'est lui qui l'a tracé, ça ne peut-être que lui.

Shun reposa sa cuillère :

- Ce n'est pas parce qu'il s'appelle Caïn que c'est lui…

- Il est tellement bizarre ! Depuis le début qu'il est dans notre classe, il n'a jamais…

- Dans notre classe ? S'étonna Joyce en se réveillant soudainement.

Korée lui donna un coup de tête :

- Dans quel monde vis-tu ? Ma pauvre fille ! Il était même dans le club de potion, c'était le seul serpentard !

Joyce tenta d'apercevoir le jeune homme mais il était déjà dos tourné.

- Mince, avoua-t-elle, j'ai pas encore retenu la moitié des noms de la classe.

- Il est temps de s'y mettre, gronda Shun… Comment je m'appelle, moi ?

Joyce se resservit une part de gâteau sans rien dire.


- Qui peut me dire ce qu'est une néréide ? Demanda le professeur Madurei sous une sérénité feinte.

La classe était silencieuse, Joyce faisait semblant d'écrire pour ne pas être interrogée.

« Bon sang » se dit Rei, « je serai avec les 5ièmes années, Hermione Granger aurait déjà répondu, avant même que je pose la question. »

- Joyce, tu as bien une petite idée ?

Et pour cause. La jeune fille se souvint du jour où Ollivanders l'avait chassée de son magasin. « Que je ne vous revois plus jamais, néréide ! »

- Contrairement aux sirènes qui possèdent une queue de poissons, expliqua-t-elle, les néréides correspondent à la vision que les anciens en avaient plus généralement dans l'antiquité : c'est à dire qu'elles ont des ailes. Ce sont des anges des mers en quelque sorte.

Les autres élèves eurent le souffle coupé : Joyce qui fait une réponse juste ?

- Très bien, marmonna Rei.

Elle tournait le dos et s'apprêtait à poursuivre quand Joyce tendit une main furieuse :

- T'as oublié mes points !

- Tu veux que je t'en enlève ? Répliqua furieusement sa grande sœur, pas de familiarité entre nous.

- Mais tu me tutoies !

- Silence !

Rei prit une profonde inspiration :

- 10 points pour Gryffondor, grâce à ta formidable réponse. Et 20 points en moins pour ton insolence. Alors, heureuse ?

Les gryffondors, et surtout Malicia, bourdonnèrent de rage à l'endroit de Joyce, celle-ci s'accouda sur sa table d'un air plaintif.

- Continuons, déclara Rei en faisant quelques pas appuyés, maintenant qui peut me parler des naïades ?

Et il y eut un nouveau silence. « On se croirait dans une Eglise… Ou mieux, dans un cimetière… » Râla-t-elle in petto.

- Headcliff ! Diffusez vos lumières !

Une tête brune émergea du fond de la classe, Caïn se gratta rêveusement le menton et s'adressa d'une voix furtive à son professeur :

- Les naïades possèdent une longue et profilée queue non pas de poisson mais de serpent. Leurs mains sont excessivement larges, leurs doigts acérés et leurs canines proéminentes. La couleur de leur peau s'étend sur une palette allant du vert au bleu. En raison de leur aspect peu humain, elles sont moins sociales que les néréides ou les sirènes.

- Excellent, et quels sont leurs pouvoirs ?

- Les trois espèces possèdent un chant envoûtant mais elles ne s'en servent pas de la même façon.

- N'en dîtes pas plus, Headcliff, inutile de mâcher le travail de vos camarades. Joyce, cite un pouvoir spécial de la néréide.

Joyce déglutit, ses coudes s'écartèrent et sa tête heurta la table :

- Heu… Nous avons quoi déjà comme pourvoir ? gémit-elle.

Rei parut légèrement surprise mais elle se reprit rapidement :

- Mademoiselle se prend pour un ange des mers maintenant ? Il y aurait pourtant encore beaucoup de travail !

Les serpentards ricanèrent, sauf Caïn qui était reparti dans ses pensées.

- A défaut d'une réponse cohérente, Joyce, dis au moins une autre particularité de cette espèce.

L'adolescente réfléchit quelques secondes :

- Les yeux de la néréide sont comme autant de miroirs, ils ne reflètent que ce qu'ils peuvent voir.

- De la poésie, maintenant ! Conclut le professeur, exaspérée.

Juste avant de quitter la classe, Joyce fut retenue par sa grande sœur qui lui susurra d'une voix menaçante :

- Je ne t'aurai jamais cru si stupide ! « Quel pouvoir NOUS avons ? » ! Encore une bourde comme celle-là et je t'étripe !


« C'est pas ma faute en plus ! » songeait Joyce avec amertume, « qu'est-ce qu'elle avait aussi à me harceler avec ses questions sur les néréides ! Il est plus que gênant ce chapitre ! Elle aurait du le sauter. » Sans y prendre garde, elle s'était faite distancer par sa classe depuis longtemps. Mais comme elle passait devant le mur où le poème était inscrit, elle décréta qu'elle avait bien cinq minutes à perdre. Elle sortit donc sa plume, déroula un parchemin et se mit à écrire maladroitement sans appui. Elle aimait collectionner les vers moldues. Pour elle, c'était ainsi que ces êtres sans pouvoir comblaient le manque de magie de leur vie.

Cet homme porte un signe… Elle pensa instinctivement à la Marque des ténèbres, combien il devait être lourd de porter un tel fardeau. A mesure que le temps passé, elle était de plus en plus persuadée que Rogue faisait bien l'espion pour Dumbledore. Mais comment à la base avait-il pu faire partie de ces Mangemorts ? Elle frissonna : il avait du forcément être l'auteur de crimes… abominables… Il appartient à Dieu… Nul ne pourra à présent sauver son âme, il est seul, à jamais. Assurément, ce poème était magnifique…

- Mais qui l'a écrit ? marmonna-t-elle pour elle-même en achevant de le recopier.

Quelques cheveux noirs se mêlèrent aux siens, elle aperçut un œil gris :

- Victor Hugo… Dit Headcliff dans le creux de son oreille.

Elle fit volte-face et se retrouva nez à nez avec le serpentard (enfin façon de parler, le jeune homme faisait presque une tête de plus qu'elle) :

- Victor Hugo, répéta-t-il, « les châtiments »…

- M-Merci, bafouilla-t-elle en reculant de quelques pas…

Il posa ses yeux vitreux sur le mur et contempla longuement l'inscription. « Bon » se dit Joyce, « je devrais en profiter pour m'éclipser… »

- Je savais que vous aimiez la poésie, reprit Headcliff d'un ton rêveur, alors j'en ai lu, longtemps, longuement… Et j'ai trouvé ce poème… Il m'a… amusé…

« Je psychote ou il m'a vouvoyée ? »

- Il vous a fait pensé à Rogue, n'est-ce pas ? Demanda-t-il.

Sa voix s'était brutalement durcie.

- Baaah… Heu…

- Moi, continua-t-il sur un ton agressif, il m'a fait penser à vous.

Joyce devint totalement silencieuse. Ce garçon la mettait mal à l'aise, il y avait quelque chose de bizarre dans sa personne même.

- Des gens sont morts pour et par vous. Et vous, vous menez une vie paisible ici ? Je trouve ça… intolérable…

Elle se plaqua contre le mur en laissant entrouverte une bouche horrifiée. Caïn la regarda, ses yeux brûlant d'immensité. Il empoigna sa main gantée et la brandit en l'air comme un trophée :

- Vous aussi, vous portez un signe.

En toute réponse, Joyce lui balança sa main libre à la figure. Il recula en frictionnant sa joue rougie. La jeune fille prit les jambes à son cou sans demander son reste. « Comment, comment le sait-il ? » s'angoissait-elle, « qui est ce mec ! »

Elle avait mal choisi son jour pour être en retard : le cours suivant était celui de Rogue. Et elle avait oublié un autre détail : ce cours là était en commun avec les serpentards.

- Excusez-moi, monsieur ! Haleta-t-elle en ouvrant la porte.

Caïn apparut derrière elle (ses cheveux se dressèrent sur sa tête de linotte), tout aussi essoufflé.

- Encore en retard ! S'exclama le professeur, 10 points en moins pour Gryffondor. Passez devant… tous les deux !

Il indiqua le bureau devant le sien. Joyce pâlit en remarquant au passage que Rogue n'avait pas ôté de point à Serpentard… Elle ne voulait pas se retrouver à côté d'Headcliff mais celui-ci la poussa violemment en avant. Elle trottina jusqu'à sa chaise en silence.

- Tu as vu ça, murmura Malicia à l'oreille de Shun, c'est la première fois que je vois Headcliff… en colère.

Joyce était encore sous le choc et fut d'autant plus déconcertée que Caïn avait déjà retrouvé tout son calme.

- Qu'est-ce que tu me veux ? Chuchota-t-elle.

Il ne répondit pas.

- D'où viens-tu ?

Il coupa ses racines de Mandragore avec une attention particulière.

« C'est pas vrai ! Qu'est-ce qu'il me fait, là ? » Songea-t-elle. Il était devenu silencieux comme un mort… Comment savait-il qu'elle aimait la poésie ? Elle n'avait pas encore eu l'occasion de le dire à qui que ce soit : ses devoirs lui prenaient tellement de temps, cela faisait belle lurette qu'elle n'avait lu un bon recueil. Et pour son tatouage sur la main ? Seul Rogue et Rei étaient au courant. Rei… Rei savait qu'elle aimait la poésie. Et elle avait interrogé Caïn sur les naïades comme si elle se doutait qu'il allait bien répondre… Rei ! Elle le connaissait ! Elle connaissait Caïn.

- L'enfoirée ! Gronda lourdement Joyce en écrasant ses insectes.


Rogue s'était retourné, chacun se retint de respirer jusque dans les moindres fibres de son corps. Cependant le professeur se contenta d'un glacial mais pas moins cruel : « dehors… »

- Mais puisque je vous dis que je parlais de ma sœur !

Joyce avait patiemment attendu Rogue à la sortie de son cours et tentait vainement de se justifier.

- Mais je n'en doute pas ! Marmonna-t-il, mais la prochaine fois, choisissez un autre cours pour épancher votre petit cœur oppressé !

Elle arbora une mine déconfite.

- Ne faîtes pas cette tête ! Cela marche peut-être avec mes collègues mais pas avec moi. Ecoutez, j'ai d'autres chats à fouetter. Vos histoires et votre sœur ne sont pas mes affaires !

- L'autre chat, c'est Potter… (la fille jalouse)

L'envie de faire quelques infractions aux règlements pour attirer à nouveau son attention se glissait en elle. Mais elle secoua vigoureusement la tête : quelle idée !

- Si j'avais le choix, dit Rogue avec la ferme intention de la faire taire, j'occuperais mon temps à des tâches moins ingrates. Sur ce, bon vent !

Avec surprise, Joyce le trouva un peu familier. C'était peut-être bon signe. Il n'essayait même plus de soigner son langage quand il s'adressait à elle.


Shun était véritablement excédé, cela faisait une bonne heure que Joyce l'assaillait de questions tournant autour de ce Caïn.

- Il était arrivé en début d'année, répéta-t-il pour la énième fois, mais il a toujours été très discret. Largement plus discret que toi. Personne n'y fait attention à présent. En plus, il est à serpentard alors…

Elle se sentit un peu piqué : « j'aurais du y être aussi, mon gars… »

Ils repassèrent devant le poème que Rusard essayait inutilement de faire disparaître. Une silhouette sombre apparut à la croisée d'un couloir puis se faufila dans la pénombre.

- Je te laisse, souffla Joyce à son ami.

- Malicia nous attend !

- Je sais, va la rejoindre, je viendrai plus tard.

Elle avait aperçu Caïn. Elle n'en doutait pas. Un air frais accompagnait sa présence. Il marchait à contre-jour, d'un pas languissant, elle fut stupéfaite de trouver des éclats sélénites dans sa chevelure sombre. Un papier tomba de sa poche en émettant un petit bruissement. Joyce bondit littéralement dessus à la manière d'un fauve. Caïn avait déjà déserté les lieux.

Elle lut avec une curiosité fébrile : c'était écrit dans sa langue natale !


- Ce drôle d'oiseau vient de chez moi ! dit-elle à ses deux amis en agitant le bout de papier.

La salle commune des Gryffondors était vide. Korée grignotait des biscuits en répandant des miettes dans les cheveux de Joyce.

- Vraiment ? dit Malicia, c'est peut-être un de tes amis d'enfance.

- Je n'en ai pas, assura Joyce, mon père ne me laissait pas sortir. Rei a du lui parler de moi…

- Et qu'est-ce qu'il raconte dans ce mot ? S'enquit Shun en regardant avec dégoût les débris que la fillette-lapin laissait choir.

Joyce racla sa gorge et commença à lire :

« Programme du jour en cas d'oubli :

1/ Ecrire le poème.

2/ Observer sa réaction.

3/ Lui parler.

4/ Se rendre devant le portrait d'Atropos, ce soir à minuit.»

- Zarb ce mec, firent-ils tous les trois à l'unisson.

La petite Joyce décantait à vue d'œil.

- On dirait, dit timidement Malicia, qu'il a fait une fixation sur toi.

- Ouais, ouais, ouais… approuva l'intéressée.

D'un geste magistral, elle se leva et sortit un long morceau de tissu de derrière le fauteuil où elle s'était trouvée assise une seconde plus tôt.

- Pourquoi a-t-il écrit « en cas d'oubli » ? Interrogea Korée.

- Il doit être tête en l'air, râla Shun. Monsieur a besoin de marquer à l'encre bleu ce qu'il doit faire s'il ne veut pas sombrer dans l'amnésie la plus totale…

- On dirait que tu ne l'aimes pas, fit Malicia sur un ton mi-accusateur.

Il détourna la tête en faisant une moue épouvantable.

- Haem ! toussota la « fille portant un signe », vous pourriez prêter un peu plus d'attention à ceci !

Elle agita une fois encore l'étoffe qu'elle tenait serrée dans ses mains.

- A ce bout de drap sale ! s'exclama Shun de mauvaise humeur.

- Ceci, dit Joyce en plissant ses paupières, était il y a encore peu de temps, une tente d'invisibilité.

- Une tente ?

- Oui, une tente. Bon, maintenant, ce n'est plus qu'une grande cape. Elle est à Rei, je l'ai coupée en deux.

Korée percuta le tapis en gémissant :

- Elle va te tuer ! D'abord ses cartes, puis sa boule de cristal et maintenant sa tente !

- Ses deux capes, rectifia Joyce. Elle n'en apercevra pas. Je lui ai laissé l'autre moitié… Et puis c'est de sa faute ! J'ai voulu l'interroger sur Caïn tout à l'heure mais elle m'a envoyée promener !

Malicia qui saisit sa tête entre ses mains fut immédiatement imitée par Shun.

- Que comptes-tu faire ? soupira-t-elle, las.

- Le portrait d'Atropos est celui qui garde les appartements de Rogue… Je vais voir ce que Headcliff a à y faire.

- Tu vas te faire prendre !

- C'est bien pour ça que je prends cette « cape » !

Tapant du pied, Joyce avait l'impression d'être incomprise. La lapine planante s'envola à nouveau et fixa le plafond flamboyant :

- Fais-ce que tu veux mais fais-le seule. Je ne t'accompagne pas sur ce coup-là.

- Quoi ! Mais pourquoi ? s'insurgea l'autre.

- Ce Caïn te monte un piège, gros comme une maison. Tu crois sincèrement qu'il a des troubles de la mémoire et que ce papier est tombé par hasard ?

La jeune fille replia sa cape, la fourra dans son sac (ce qui le fit presque exploser) et gronda pour elle-même :

- Hé bien, c'est ce qu'on va voir !

Mais elle s'immobilisa brusquement :

- J'ai des pellicules maintenant ? râla-t-elle en grattant les copeaux de gâteau coincés dans ses cheveux.


Malgré les avertissements de ses amis, elle était finalement sortie. Drapée du voile invisible, ses pieds s'hasardèrent à travers le dédale du château. La nuit était une chose appréciable en soi. Délicate, presque maternelle, son auréole pâle avait paré le ciel pour une sainteté éternelle.

Regarde Néréis, la marche des Mangemorts !

C'était la voix de son père qui immergeait d'un lointain souvenir, elle tournoya sur elle-même, le cœur battant.

Contemple celui qui trône devant eux : tu ne vas pas me dire qu'une majesté diabolique n'émane pas de lui !

« Diabolique ! » Pensa Joyce avec une force désespérée, « oui, père, c'est une présence des plus infernales ! Mais regardez ses Yeux ! Ses Yeux ! »

Elle s'aperçut alors qu'elle avait raté les cachots d'au moins une bonne cinquantaine de mètre. Elle revint précipitamment sur ses pas et… Bang ! Elle heurta un mur invisible.

Quelques râles sourds, des voix connues. La jeune fille ôta sa cape en geignant :

- Potter !

Ce n'était pas simplement lui, Granger et Ronald l'accompagnaient.

- Que faites-vous ici !

- Qu'est-ce que toi, tu fais ici, Happer, demanda Ron avec une certaine rancœur.

- En quoi ça vous regarde !

- En rien, alors ne te mêle pas de nos affaires non plus, rétorqua Potter qui ôta à son tour sa cape.

Joyce devint écarlate :

- Vous essayez de voler le bureau de Rogue ! Ne mentez pas, vous reveniez des cachots !

(Remarque : elle est plutôt gonflée. Elle ne s'est pas gênée, elle…)

- Pas du tout, déclara Hermione, écoute, on oublie que l'on t'a vue, et tu nous oublies aussi…

- Pas si sûr, souffla une voix glaciale.

Leurs quatre paires d'yeux papillonnèrent de long en large sans distinguer quoi que ce soit. Brusquement, une large cape se souleva entre eux et Rei apparut, ses iris d'émeraude brillants dans la nuit :

- Je peux savoir ce que vous faites ici ?

Le trio indéfectible se perdit rapidement en tentatives d'explications plus vaines les unes que les autres.

- Que faisiez-vous ! s'impatienta Rei.

- Ouais ! Parfaitement, renchérit Joyce avec un grand sourire, qu'est-ce que vous fout…

- La ferme ! Joyce, la question vaut aussi pour toi !

Les lèvres de Joyce prirent le pli inverse.

- En plus, gronda sa grande sœur, tu as encore pourri mes affaires ! Je vais te…

Mais les clameurs d'une course effrénée s'insinuèrent dans leurs fragiles tympans. Instinctivement, tous se revêtirent de leur cape d'invisibilité.

- Par là ! Professeur Rogue, cria Rusard.

Joyce trembla de la tête au pied en essayant de fuir. Rogue apparut au bout du couloir. Il pointa sa baguette et clama haut et fort :

- Accio Potter !

Tout se passa en une seconde : Potter fut attiré en arrière. Ronald et Granger se retrouvèrent momentanément sans cape mais Joyce, qui était juste à deux pas d'eux les recouvra aussitôt. Potter glissait encore sans pouvoir se retenir à quoi que ce soit. Mais il cogna violemment « quelque chose ». Cette « chose » roula à terre à cause de l'impact et s'immobilisa entre Rogue et le concierge.

- Nous l'avons eu, s'écria Rusard. Nous l'avons eu !

Joyce et ses deux protégés en avaient profité pour fuir.

- Harry, murmurait Hermione, Harry !

Ils entendirent un petit bruit de suffocation :

- Je suis là…

Joyce s'arrêta, un petit air de joie et de peur confondus se lisait sur son visage :

- Mais alors, si tu es là, si on est tous là… Qui ont-ils attrapé ?


La jeune fille s'empressa de faire transvaser de cape ses deux gêneurs qui repartirent avec Potter. Elle se rapprocha en silence de Rogue, de Rusard, et de leur captive pour ne pas rater une miette du spectacle.

Rogue esquissait un sourire de triomphe, comme à chaque fois qu'il croyait avoir coincé Potter. Miss Teigne miaulait avec volupté devant son maître qui gloussait, fier comme un coq.

- Sortez de là ! Dit Rogue d'un air malfaisant, le petit jeu est fini.

Mais pour toute réponse il ne reçut que des râles horribles ainsi que cette voix aiguë et scandalisée :

- Je suis empêtrée ! Espèce de sombres abrutis ! Mais attendez que je sorte de là ! QUELQU'UN va être désolé !

Joyce ne douta pas qu'elle était ce « quelqu'un » et se prit d'un fou rire irrésistible. Fort heureusement, la rage de Madurei la couvrait. Rogue nageait dans l'incompréhension, Rusard avait bondi en arrière de peur et Miss Teigne s'était tue.

- Aidez-moi ! Bande d'abrutis ! Hurla Rei, pour pourchasser de sales mioches vous êtes forts… Mais pour le reste, pour le reste…

Enfin, elle se dépêtra et se dévoila à eux. Ses cheveux étaient tout emmêlés et ses joues avaient quasiment carbonisé de fureur :

- Professeur Madurei ? Prononça lentement Rogue.

- Quelle perspicacité ! Bravo, cher collègue ! Et quel fin sorcier vous faîtes, vous appelez Potter, et c'est moi qui vient ! Vous trouvez que j'y ressemble sans doute ?

Joyce sourit : il lui semblait que Rei allait prendre leur défense. Cette dernière phrase cependant mit Rogue sur l'offensive.

- Potter était là, sous sa cape d'invisibilité ! Vociféra-t-il, mais c'est à cause de vous qu'il a pu s'enfuir !

- Je n'ai vu, ni entendu personne dans ce couloir ! Répondit Rei. Même avec une cape comme la mienne, je l'aurai senti !

- Parlons-en de votre cape ! Pourquoi vous baladiez-vous avec !

- Ce n'est pas interdit, que je sache. En tant que professeur, j'effectuais seulement quelques rondes en toute discrétion.

En fait, elle se doutait que sa petite sœur, après lui avoir pris une moitié de sa tente, allait sortir la nuit. Elle voulait simplement l'attraper pour… la dissuader de désobéir aux règlements.

Joyce jugea bon de s'éloigner. Elle pivota doucement sous sa cape pour revenir sur ses pas et… elle tomba nez à nez avec Caïn, qui s'était lui aussi recouvert du tissu magique :

- HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !

Il la saisit et apposa son index sur ses lèvres en fronçant les sourcils, sachant que de toute façon le mal était fait. Les trois adultes avaient sursauté.

- Happer ! S'étonna Rogue.

Il se tourna vers Rei qui faisait la grimace :

- Vous n'aviez entendu personne, ainsi donc ?

- Bien sur que non…

Elle ajouta sans conviction :

- Je vous aurais prévenu dans ce cas-là…. Bonne nuit.

- Une minute ! Ne croyez pas vous en sortir comme ça, Madurei ! Happer, lança-t-il à l'adresse de Joyce, approchez !

Mais cette dernière était déjà partie. Suivie de Caïn, elle pénétra dans une arrière-cour.

- Comment, s'affola-t-elle, as-tu pu entrer sous ma cape sans que personne ne te voie !

- Je suis discret, voilà tout.

Il dirigea son regard décoloré vers les astres cristallins.

- Vous avez trouvé le mot que j'avais laissé à votre attention. Mais comme vous n'étiez pas au portrait, je suis remonté. J'ai entendu la voix de Lady Madurei alors j'ai accouru.

- Lady ?

Il baissa enfin le front vers elle, leurs prunelles se transpercèrent réciproquement.

- Je n'ai pas été correct envers vous… Enfin, je voulais vous parler une dernière fois. Je ne vous ennuierai plus.

« Mais non, tu ne m'ennuies pas… » Songea-t-elle avec force en étant néanmoins dépourvue de volonté et incapable de dire quoi que ce soit.

- Votre sœur m'a envoyée ici peu avant vous pour vous surveiller. A présent qu'elle est là, je suis devenu inutile. Vous ne vous êtes pas demandée pourquoi vous n'aviez croisé aucune créature malsaine lors de votre escapade dans la forêt interdite ? C'était moi… Je vous ai suivi, je vous suivais tout le temps. Je vous ai vu la nuit où vous avez ensorcelé le professeur Rogue pourvue de votre faux, vous étiez d'une beauté !

Une grimace de désapprobation ternit le visage de Joyce, il se ravisa :

- Enfin, je suis là ce soir pour vous rendre la dernière carte que vous n'aviez pas brûlé. Oui, ajouta-t-il en la voyant étonnée, une des cartes s'est détachée du lot. Tenez…

Il lui tendit la carte de la Racine. Son passé la rattraperait toujours…

- Adieu, souffla Caïn avant de s'enfuir.

« Mais rattrape-le, idiote, mais rattrape-le… » Pensa-t-elle fortement alors qu'il s'éloignait. Les battements de son cœur s'étaient accélérés, elle voulut le rappeler mais… Trop tard ! Jamais peut-être… Il s'était volatilisé.

Elle caressa la carte d'un air rêveur en gardant bien à l'esprit les yeux gris de Caïn :

Alors Néréis ? Ces gens aux regards délavés et blafards ? Ne trouves-tu pas qu'ils ont moins de prestance que notre Seigneur ténébreux aux yeux tant sanglants ?

« Ho, non ! Ils ont tellement plus à donner ! »