Disclaimer : Le monde d'HP appartient à Rowling

Chapitre 9/ Qui a tué le rouge-gorge ?

« Maintenant que la carte de la Racine est de retour. Je refais ce rêve étrange : ma sœur jumelle me demande d'écraser un serpent. Mais cela ne s'arrête pas là. J'ai les mains recouvertes de sang. Mes doigts me piquent, je ne sens plus mes articulations, seul le sang coulant à petit débit régulier affûte encore mes sens. Et il y a cet homme qui me nargue ! Rei, j'ai peur ! Jusqu'à présent, je n'avais jamais craint ces silhouettes noires que notre père accueillait, jamais je n'avais redouté la marche de Mangemorts… Mais cet homme me l'a appris, oui. Cet homme aux yeux noirs m'a enseigné la peur… Il faudra sans doute que je le remercie un jour pour ça… Oui, je le remercierai. »


- Caïn ? demanda Rei, oui, en effet, il vient de chez nous.

Joyce était appuyée sur son bureau, se balançant d'une main sur l'autre de par une nervosité chevrotante.

- Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ?

- Je voulais laisser faire la nature, avoua Rei, ne pas te l'imposer comme ami.

- Il m'a dit qu'il ne viendrait plus me voir.

- Et toi, tu lui as répondu quoi ?

- Ben rien…

- Formidable initiative, Joyce ! Concise, laconique… Il a du repartir avec le cœur brisé.

- Ne fais pas de l'ironie de si bon matin, s'il te plaît.

La jeune fille s'affaissa dans un fauteuil, l'air déprimé :

- D'où te connaissait-il, pourquoi l'as-tu envoyé, lui, pour me surveiller ?

- Parce que, murmura sa grande sœur, il n'avait rien d'autre à accomplir. Il ne lui reste plus personne dans la vie.

Elle sembla hésiter mais elle finit par ajouter en pesant bien chaque mot :

- Notre famille… a massacré la sienne…

Les iris de Joyce scintillèrent.

- Après l'hécatombe les derniers survivants de sa famille ont vécu aux abords de notre château mais la maladie les a emportés les uns après les autres. Au final, seul Caïn a survécu. Il vivait, crevant de faim un peu plus chaque jour, sous les fenêtres où notre père festoyait goulûment. Et il t'entendait, toi, pleurant dans ta tour d'Ivoire où l'on t'avait faite prisonnière… Il a bu les sanglots de Néréis et à présent il ne peut plus en détacher son esprit.

- Arrête ! Cria Joyce, je ne suis plus Néréis, Néréis est morte !

Elle n'était pas prête à porter un tel fardeau. Caïn ! Elle ne voulait plus le voir non plus maintenant. C'était bien trop pesant pour ses épaules déjà écrasées par le cadavre de Salana, par ces Yeux Rouges et par tout ce qui allait suivre…

- Si toi-même tu commences à le dire, conclut sa grande sœur, alors oui, Néréis est vraiment morte.


Caïn ne la regardait plus d'ailleurs… Elle ne tenta même pas de faire un geste, soulagée en un sens de pouvoir l'ignorer à si bon compte. « Je me répugne » pensait-elle sous la direction de sa conscience, « il n'est responsable de rien, et ce n'est pas non plus de ma faute si ma famille a… »

Mais il en savait plus sur son compte : Ne lui avait-il pas dit que des gens étaient morts par elle ? Cette angoisse pressait encore ses entrailles alors qu'elle nettoyait le sol avec une éponge usagée :

- Je n'y arriverai jamais ! S'exclama-t-elle face aux tâches qui ne partaient pas. Monsieur ! Laissez-moi utiliser la magie, je vous en prie.

- Non, répliqua Rogue. Je veux que ces dalles resplendissent de mille feux par le simple sacrifice de votre huile de coude !

Il l'avait attrapée à la fin de son cours et hâtée de dénoncer Potter pour les évènements survenus la veille. Malgré tout le respect qu'elle avait pour son professeur, Joyce ne pouvait décemment pas trahir un élève.

- Et n'hésitez pas à frotter ce coin-là, Malefoy y a renversé sa potion ce matin.

- Pourquoi c'est pas lui qui nettoie alors ? Je vaux cent fois plus que ce mec !

- Cessez de vous plaindre ! Ou alors pleurez directement pour mieux essuyer le sol.

En son fort intérieur, elle maudissait Potter et ses amis, même si elle s'était fait prendre à cause de sa curiosité mal placée.

- En plus, continua Rogue d'un air narquois, il semblerait que Trelawney vous ait enfin trouvé une punition. Elle m'a chargée de vous dire de la rejoindre après le dîner.

- Mais je vais me coucher à quelle heure alors ?

- Ce n'est pas mon problème.

- Je trouve que je paye un peu cher mon intégrité.

- Vous protégez un coupable. En outre, vous aussi, vous erriez sans autorisation dans les couloirs. Remerciez-moi plutôt pour mon indulgence, j'aurais pu prévenir votre directrice…

« Et au lieu de cela, tu m'exploites. C'est bizarre, j'arrive pas à éprouver de la reconnaissance. »


Joyce était véritablement fourbue quand elle pénétra dans le tour de divination, ayant été prise sur le chemin d'un terrible mal de tête, son tatouage aussi s'était mis brièvement à la faire souffrir. Elle avait quitté à regret Shun et Malicia qui allaient faire une partie d'échec avec Korée pour arbitre… Une partie d'échec ? Non, finalement, elle se dit qu'elle n'allait rien manquer.

Elle ouvrit une trappe et se faufila dans la salle de cours. L'endroit reposait dans l'obscurité la plus totale. Les brûleurs d'encens, les petits chaudrons multicolores, tous étaient éteints. Les fenêtres et les volets étaient clos. Joyce s'avança timidement.

- Je vous attendais…

La voix n'avait pas été plus haute qu'un murmure.

- Professeur, chuchota la jeune fille en serrant les mains sur sa robe de sorcière, pourquoi tout est noir ?

- Nous allons… appeler les morts.

Joyce poussa un petit cri : « mais elle a pété les plombs ? »

- Oui, poursuivit la femme, j'étais plutôt déçue de ne pas avoir pu aborder le chapitre de l'aganima avec mes classes…

- Cette potion qui permet de voyager au pays des morts ?

- Oui, et comme vous paraissez avoir des dons pour la voyance, j'ai pensé que…

Une petite lueur s'alluma au dessus d'elles, diffusant juste assez de lumière pour voir la petite fiole posée devant le professeur. La jeune fille écarquilla des mirettes qui ne comprenaient plus rien. Elle aurait voulu dire qu'en fait, pendant ces vacances de Noël, elle avait légèrement « triché », c'étaient les cartes de sa grande sœur qui lui avait permis de faire ce petit jeu de divination, mais sa fierté le lui refusait. Sa main gantée étreignit la carte de la Racine qu'elle gardait toujours dans sa poche.

- Qui a préparé cette potion, Rogue ?

- Sa provenance n'a nulle importance.

Joyce avala sa salive :

- Madame, je refuse. Je ne peux pas boire cela.

- MAIS VOUS LE VOULIEZ POURTANT !

L'adolescente se transit face aux accents si durs qu'avait pris la voix de son professeur.

- Madame, balbutia-t-elle… Que…

- Vous le voulez, votre père est mort, et vous voulez savoir pourquoi ! Pourquoi ne vous a-t-il jamais aimé ? Pourquoi alors que vous, vous avez pleuré à sa mort ? Vous avez porté le deuil d'un homme qui vous méprisait. Vous voulez savoir : pourquoi votre jumelle plutôt que vous, qu'avait-elle de plus ?

« C'est vrai, pourquoi pas moi ? Je n'ai rien fait pour mériter un tel sort ! »

Trelawney lui tendit la potion, Joyce remarqua que ses yeux étaient vides, comme une possédée. Cependant la jeune fille elle-même se sentait envahir par une présence extérieure. Lentement ses lèvres se penchèrent vers le liquide grisâtre.

- Non, non, murmura-t-elle alors qu'elle s'inclinait de plus en plus.

- Buvez, Néréis.

Entendre prononcer son nom lui fit l'effet d'une douche froide, elle se redressa subitement en hurlant. Le professeur afficha une figure horrible, tordue par la déception.

- Reprenez-vous ! Prof, piailla Joyce, on vous contrôle !

En tombant à la renverse, elle s'agrippa à la trappe et tenta de la soulever en rameutant toutes ses forces mais elle ne s'ouvrait plus.

- Impero ! Cria Trelawney en pointant sa baguette magique.

Les mains de l'adolescente lâchèrent la poignée et ses pieds la portèrent vers son professeur, bien malgré elle.

- Maintenant, buvez…


Rei marchait au hasard des couloirs, sans cape cette fois-ci. Au cours de la journée, elle avait reçu la visite des trois gryffondors de la veille. Ils l'avaient remercié de n'avoir rien dit et s'étaient excusés.

Elle avait détaché ses cheveux, ils s'écoulaient, raides et droits, comme un fleuve noir qui descendrait d'une montagne à pic. Ou alors comme un saule pleureur…

Un détail l'étonnait : Joyce Happer alias Néréis ne l'avait pas questionnée sur sa sœur jumelle. Savoir ce qu'elle était finalement devenue ne l'intéressait donc pas ? Ses yeux verts brûlèrent de haine : l'une des deux avaient tué Salana. Mais laquelle ? Rei n'en savait rien mais elle se jurait de le découvrir. Que ce se soit l'une et l'autre, sa décision était sans appel, elle la t…

- Bonsoir.

La voix n'était pas du tout chaleureuse et encore moins cordiale. Rei n'accorda pas un seul regard à Rogue.

- J'ai pourtant fait un effort pour vous saluer, soupira ce dernier, mais si vous le prenez sur ce ton…

- BONSOIR !

Sa tête avait pivoté comme si elle s'était trouvée sur un pieu, la colère se dessinait sur son visage :

- Je n'avais pas très envie de parler, confia-t-elle, on ne peut pas être tranquille dans ce château ?

- Je vois, répondit glacialement son confrère, dans ce cas…

- Non, restez !

Elle le rejoignit en trois enjambées, Rogue la trouva trop près à son goût.

- Je crois avoir quelques « excuses » à vous fournir en ce qui concerne le jour de mon arrivée.

- Ne vous en faîtes pas, c'est oublié, dit-il d'un timbre qui signifiait le contraire.

La jeune femme toussota : ce serait plus difficile que prévu.

- Je ne vous ai pas agressé verbalement parce que vous étiez un ancien…

Elle marqua une seconde de réflexion :

- … « nécrophage » mais parce que j'étais jalouse de l'intérêt que vous portait ma petite sœur.

« Nécrophage », songea Rogue avec ironie, « quel terme pudique pour indiquer Mangemort ! »

- Cela ne se voit peut-être pas, continua Madurei en paraissant excédée (les excuses n'étaient pas son fort !), mais j'ai une légère tendance à m'énerver facilement.

- Vous cachez bien votre jeu ! Répondit Rogue d'une façon sardonique, je n'avais rien remarqué ! Vous d'habitude si posée…

- Hé !

- Si aimable : un modèle de vertu et de courtoisie…

- Oui bon ça va ! Gronda la jeune femme, vous acceptez mes excuses OUI ou NON !

Rogue la dévisagea avec minutie, comme s'il s'attendait à voir de la fumée sortir de ses oreilles :

- C'est un souhait ou un ordre ? S'enquit-il avec un pessimisme sournois.

Rei lui jeta un regard hostile en serrant les dents. Leurs yeux se lancèrent des éclairs pendant un long moment.

- J'accepterai vos excuses, soupira-t-il finalement avec lassitude, si vous me dîtes d'où vous me connaissiez.

Radoucie par son nouveau ton, Madurei se décida enfin à lâcher ces quelques paroles :

- Il y a fort longtemps, Jédusor a voulu convaincre mon père de rejoindre ses troupes.

Rogue fit tiquer ses yeux noirs : elle avait employé le vrai nom de Voldemort.

- Et vous, souffla-t-elle, vous l'accompagniez, vous et tous ses Mangemorts. Difficile de vous oublier.

Difficile d'oublier la marche des Mangemorts !


Joyce se réveilla enfin, ses souvenirs étaient encore floue : elle avait senti un liquide brûlant s'immiscer dans sa gorge pour imprégner peu à peu tout son corps. Il avait fait l'effet d'un dissolvant. Sa chair avait chassé son esprit.

Mais elle s'était réveillée, et elle était à nouveau constituée d'os et de sang. Une plate-forme gigantesque l'entourait, ce qui lui rappela quelques lambeaux de mémoire. « C'est ici que j'avais vu Rogue se faire tuer… » Elle se rendit compte que quelques détails dans ses vêtements avaient changé : elle portait l'uniforme de serpentard et n'avait plus de gant. Son tatouage était à l'air frais, ce qui la choqua profondément : elle haïssait le contact de « l'extérieur » sur cette chose, ce dessin, cette honte…

- Professeur Trelawney ! cria-t-elle, professeur !

Impossible, sa prof ne l'avait quand même pas envoyé dans l'au-delà ! Cette plateforme ne correspondait pas du tout à l'idée qu'elle se faisait du paradis, ou de l'enfer. Elle tenta vainement de se souvenir des effets secondaires que pouvait avoir l'aganima. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle était seule.

Prête, Néréis ? Le jeu commence !

Le sol se brisa, s'écartant sous ses pieds. Le vide, puis la nuit !

Le décor avait changé. L'immensité chaotique avait cédé sa place à un jardin verdoyant cerné par une haute muraille grisâtre : il s'agissait de la cour intérieure d'un château gothique.

Des allées recouvertes par de hautes voûtes offraient quelques portes donnant sur les couloirs principaux. Il y avait surtout un chemin dallé entre les herbes, un long chemin qui conduisait d'une porte rouge à de grandes portes noires au dessus desquelles trônaient, immortel et invaincu, un serpent de pierre verte.

Une petite fille aux cheveux châtains roupillaient entre les fleurs odorantes : Joyce.

Non, pas « Joyce Happer », mais la vrai Joyce, celle qui portait véritablement ce nom, la sœur jumelle de Néréis.

La grande Joyce s'approcha et contempla l'enfant :

- l'Ecarlate, murmura-t-elle.

La petite, que nous nommerons donc l'Ecarlate, se leva et accourut vers une allée sombre :

- Ils arrivent, cria-t-elle, cache-toi, Salana.

Joyce remarqua juste à ce moment-là une enfant de 12 ans à la longue chevelure d'argent qui était assise sur un banc à la fraîcheur de l'ombre. Salana ferma le livre qu'elle lisait et se faufila à l'intérieur de l'imposante bâtisse. L'Ecarlate se retourna vers le jardin :

- Néréis ! Viens, Néréis ! Madurei nous attend à l'intérieur ! Elle est en train de se disputer avec père au sujet de ces hommes. Viens !

Mais comme on ne lui répondait pas, elle suivit les pas de sa grande sœur en boudant. Joyce Happer partit donc en quête d'elle-même, cherchant la petite Néréis qui ne devait pas être loin.

Son regard se posa alors sur une petite fille agenouillée dans l'herbe humide. Un voile noir recouvrait son visage de sorte que ses cheveux, ses yeux et ses oreilles demeuraient invisibles. Sa bouche seule aux lèvres indécises se laissait voir. Et elle portait de petits gants en dentelles bleu foncé.

Un vase aux figures marines était posé devant elle. Elle y déposa le cadavre encore frais d'un oiseau : son petit rouge-gorge.

Cette scène raviva les souvenirs de Joyce : oui, elle se rappelait : ce jour-là, elle avait accidentellement tué son oiseau favori. Elle avait alors voulu l'enterrer et pour accompagner son âme au paradis, elle avait chanté une ancienne comptine.

Et l'enfant conformément à ses souvenirs se mit bien à chanter :

- Qui a tué le rouge-gorge ?

- Moi, dit le moineau. Avec mon arc et mes flèches j'ai tué le rouge-gorge…

- Qui a recueilli son sang ?

- Moi, dit le poisson. Dans mon petit plat j'ai recueilli son sang…

- Qui portera le deuil ?

- Moi, dit la colombe. Je pleure par amour, je porterai le deuil…

Joyce sursauta : à l'autre bout de l'allée, la porte rouge s'était ouverte : une grande silhouette noire paré d'un maléfique charisme s'avança. D'autres formes ténébreuses accompagnaient ses pas décidés. L'enfant se saisit d'un fin mouchoir en dentelle et boucha l'orifice du récipient. Les silhouettes noires approchaient toujours mais elle ne leur prêta aucune attention. « Ils seront bientôt à ma hauteur » s'alarma Joyce, « mais fuis, idiote ! Fuis ! » Tandis que ses mains s'affairaient, la petite fille se remit à fredonner :

- Qui a tué le rouge-gorge ?

- Moi, dit le Mangemort…

La voix qui lui avait répondu lui avait semblé d'abord inhumaine… Pas le temps de tourner la tête, la suite de la phrase s'imposa à ses oreilles :

- …Je suis rempli de haine, j'ai tué le rouge-gorge.

Le vase explosa dans ses mains, se répandant en filets de sang qui parsemèrent des boutons rouges sur les marguerites pâles. Elle se retourna pour voir qui l'avait ainsi interrompue… Un homme… Joyce cria d'horreur… Rogue… La fillette contempla tour à tour ses doigts ensanglantés et le méchant jeune homme. Des morceaux de verre étaient incrustés dans sa chair, même ses genoux n'avaient pas été épargnés.

- Votre blague n'est pas marrante… murmura-t-elle terrifiée, ho non ! Pour sûr ! Ce n'est pas drôle du tout…

- Tu n'as pas encore la taille requise pour décider de ce qui peut être ou n'être pas. riposta-t-il.

Les autres Mangemorts ricanèrent et continuèrent leur chemin.

L'enfant se leva et partit en courant. Joyce s'empressa de la suivre. Elles cavalèrent toutes deux entre les Mangemorts, distançant leur chef qui s'avançait d'un air assuré vers l'entrée du château… Et l'espace tournoya !

Joyce se retrouva dans une pièce noire. L'enfant voilé était encore à genoux.

- Voldemort sera furieux, dit une voix connue.

C'était son père. La pénombre dissimulait ses traits mais on devinait sa folie dans son ton écartelé.

- Il sera furieux, poursuivit-il, nous n'avons pas respecté notre engagement. Et c'est de ta faute, Néréis !

L'enfant redressa la tête dans un sursaut :

- Non, je n'ai rien…

- Bien sur que tu n'as rien fait, se radoucit son père. Mais il nous faut bien un bouc émissaire… Il faut quelqu'un, un responsable, du sang pour calmer le Seigneur des ténèbres ! Et c'est toi qui joueras ce rôle… Allons mon enfant, ne gémis pas, tu ne veux quand même pas que ta petite sœur meure à ta place ? Notre survie dépend de la sienne, mais toi… Tu n'es pas indispensable toi.

- … Je vois… Dit-elle, c'est d'accord, j'accepte.

Joyce s'épouvanta :

- Quoi ? J'ai promis ça, MOI ? J'ai accepté de signer un tel PACTE ? Moi, je dois me livrer à ce monstre ?

L'enfant tourna la tête vers elle :

- Rei est partie à cause de moi, je ne vois pas pourquoi je devrais préserver ma vie. La seule personne qui pouvait me sauver me hait à présent…

- Réveille-toi, hurla Joyce, Rei n'est pas le nombril du monde ! Tu n'as pas besoin d'elle !

- Ho si j'en ai besoin ! Sans Rei, rien ne serait possible, Rei, c'est mon oxygène ! C'est mon juge, ma force et ma foi !

« Pas possible » se dit Joyce, « ces mots ne sont pas les miens, ce n'est pas moi qui parle là… »

- Néréis, dit son père.

Il prit les mains de Joyce, ce qui la fit sursauter : il n'était pas censé la voir et encore moins la toucher !

- Néréis, calme-toi, nous ne te demandons pas de trahir tes nouveaux amis en rejoignant les Mangemorts, nous voulons juste que tu meures pour nous…

Ses mains devinrent plus fines, il se muta sous ses yeux en une fille lui ressemblant trait pour trait : L'Ecarlate !

Celle-ci afficha son éternel sourire dénué d'innocence :

Veux-tu mourir pour nous pour le pire et le pire ?

Souffrir dans le silence et avoir en retour

Le destin le plus cru des plus sinistres jours :

Le mépris est bien tout ce que l'on peut t'offrir !

Joyce se sentit sombrer, un serpent se faufila sur sa gorge pâle et commença à l'étreindre. Le contact froid d'une eau glacée s'ajouta à celui du reptile, elle tenta d'hurler : mais le liquide l'avait déjà complètement recouverte. Et resserrant ses méandres, le serpent l'étranglait davantage. Ses cheveux et ses vêtements se gonflaient sous les ondulations de l'eau.

- C'est fini, dit l'enfant, il n'y a plus d'espoir. Même si tu retournais à Poudlard ils ne voudraient plus de toi… Plus quand ils sauront

Joyce réalisa qu'elle avait coulé dans un aquarium géant. L'enfant se trouvait à l'extérieur, face à la baie vitrée.

- Mets-toi à leur place, continua-t-elle, tu leurs mens sur ton nom.

Joyce laissa sortir quelques bulles grésillant.

- Tu leurs mens sur ta maison

Elle tenta en vain de mordre le reptile.

- Et tu leurs mens sur ton visage !

En disant cela, la fillette avait furieusement agrippé son voile :

- Mais le jour où ils découvriront ta véritable apparence, ils te vomiront à la face ! Personne ne pourra te regarder dans les yeux.

Ces yeux, ces immondes yeux, je veux que tu les crèves, je veux que tu les perdes !


C'était Trelawney qui avait donné l'alerte. Elle se souvenait juste qu'elle avait eu un sacré mal de tête et s'était assoupie. A son réveil, elle avait trouvé son élève, inanimée sur le parquet. Déboulant dans les couloirs en lançant mille prédictions néfastes, elle avait alerté ses collègues. Rogue et Macgonall furent les premiers sur les lieux. Ils envoyèrent Chourave quérir Madurei qui s'était déjà couchée.

La directrice de Gryffondor fit apparaître un matelas, Rogue y installa la jeune fille :

- Son cœur bat mais elle se retient de respirer, dit-il, elle est plongée dans une sorte de transe.

Il ne parvint pas à la réveiller.

- Que lui avez-vous fait ? Gronda Rogue dans la direction de Trelawney.

- Je n'ai rien fait, sanglota celle-ci, je l'ai trouvée comme ça, je ne savais même pas qu'elle était là…

- Allons Sybille, dit Macgonagall, reprenez-vous, il faut à tout prix que vous vous souveniez.

- Vous croyez que je suis responsable ! Hurla l'intéressée complètement hystérique.

- Mais non, je voulais dire que…

Les yeux affûtés de Rogue étaient déjà partis en quête d'indice et remarquèrent dans un coin de la pièce une petite fiole renversée. Il venait de la ramasser quand un boucan effroyable accompagna l'ouverture de la trappe. Rei parut, vêtue d'une longue chemise de nuit noire, ce qui fit ressortir l'horrible pâleur qui s'était emparée de son teint. Elle regarda sa sœur, étendue et de plus en plus violette, elle observa Trelawney. Ses pupilles volèrent de l'une à l'autre, puis de l'autre à l'une jusqu'à ce qu'elles s'immobilisent sur la professeur de divination. Le geste fut bref, Madurei saisit sa consoeur à la gorge en ne prenant nullement garde à ses ongles acérés :

- Qu'est-ce que tu lui as fait ! Hurla-t-elle.

Ses prunelles étaient devenues aussi fines que celle d'un chat, le son de sa voix se répercutait en échos sauvages.

- Madurei ! S'exclama Macgonagall, cela n'arrangera rien !

Mais la jeune femme ne lâchait pas prise. Rogue la saisit à bras le corps, l'obligeant à laisser sa victime, et la cala violemment contre un mur :

- Ca suffit, maintenant ! Vous seriez plus utile à son chevet au lieu d'étrangler les seuls témoins !

Tout homme normalement constitué serait tombé raide mort face au regard haineux que Rei lança. Mais pas Rogue… Il avait vu pire, cent fois pires… Affrontant régulièrement les lueurs sanglantes du Seigneur des ténèbres, ce n'était pas elle qui l'impressionnerait !

La jeune femme croisa les bras. Rogue sortit la fiole de sa poche.

- Qu'est-ce ? Demanda Rei, soudainement radoucie.

Le maître des potions ne répondit rien, il en renifla l'ouverture.

- Trelawney, dit-il, que fait cette agamina chez vous ?

Tandis qu'elle essuyait le sang coulant sur son cou, Sybille hocha les épaules.

- Vous ne savez pas, murmura Madurei avec hargne en se rapprochant dangereusement d'elle, mais à quoi servez-vous donc, Sybille ? Quand Joyce se réveillera, elle parlera, j'espère que vous aurez songé à votre défense d'ici là !

Mais sa petite sœur se mit à suffoquer, exhalant des râles rauques.


La jeune fille avait la sensation de se noyer depuis une éternité mais elle ne pouvait pas mourir : ce n'était qu'un rêve. Elle était juste capable d'endurer la douleur, encore et toujours.

« Je n'arrive pas… à me dégager ! Les effets de l'agamina aurait du cesser, qu'est-ce qui me retient ici ! »


- Si elle en a bu une telle dose, expliqua Rogue, alors l'agamina ne l'a pas plongée dans un état léthargique apte à la faire « communiquer » soi-disant avec les morts. Bien au contraire, son esprit se replie sur lui-même et elle sera bientôt prisonnière de ses propres cauchemars.

Entre-temps, l'infirmière était arrivée. Elle avait passé une lotion sur le buste de la jeune fille pour lui permettre de mieux respirer.

- Très bien, dit Rei en s'agenouillant auprès de sa soeur, puisqu'il en est ainsi, il faut entrer dans sa tête et l'en sortir…

Elle dessina un pentagramme sur le front de l'adolescente. « Et ce serait aussi un moyen pour moi de tirer cela au clair » se dit-elle secrètement, « je connaîtrais enfin la vérité sur la mort de ma Salana… » Elle serra les dents, réfléchit encore un peu, mais sa position changea radicalement : ce serait très malhonnête de sa part, quoique qu'elle eût de bonnes raisons pour le faire.

- Moi, murmura Madurei, je ne peux pas me permettre de violer l'intimité de ma sœur… Rogue, allez-y.

Il n'avait pas sursauté mais sa surprise fut grande.

- Dépêchez-vous, beugla Pomfresh, cette enfant souffre !

Rei lui fit signe de s'asseoir à côté d'elle. Il n'hésita pas longtemps, autant vaincu par la curiosité que par la mine blafarde de Joyce :

- Comment comptez-vous vous y prendre, Madurei ?

- Je vais dessiner le même pentacle sur votre front. Ne vous inquiétez pas, pénétrer les esprits est une spécialité de la famille.

Elle se mit à l'œuvre en poursuivant :

- Vous-même êtes un pro de la l'occlumancie. Ce sera un jeu d'enfant pour vous. Cependant dans ce cas-ci, ce ne sera pas une simple intrusion dans un esprit : vous pourrez y prendre forme et vous y matérialiser.

- Je trouve que vous savez bien des choses, Madurei.

Achevant les figures magiques, la jeune femme aperçut un bref instant un sourire sur les lèvres de Rogue, sourire qu'elle lui rendit instantanément.


Joyce s'était résignée à son sort depuis longtemps, elle n'avait même plus la force de bouger, s'abandonnant dans les méandres du reptile. Elle entendit un petit bruit strident. « Ben voyons, voilà autre chose… » Pensa-t-elle en soulevant des paupières défaites. C'était l'aquarium qui se fissurait. Il explosa bientôt, l'engouffrant dans un nouveau délire. Joyce ne pouvait pas savoir que ce bouleversement correspondait en fait à l'intrusion de Rogue dans son esprit.

- Néréis ?

Joyce s'aperçut brièvement dans une glace, cette fois, elle avait pris l'apparence qu'elle avait étant petite fille. Elle portait encore un voile, voulut le ôter mais refusa au dernier moment : elle ne se souvenait même plus de son vrai visage. « C'est vrai, j'ai bu un polynectar avancé pour prendre les traits de ma jumelle à qui je ne ressemblais absolument pas, mais je ne sais plus ce que j'étais, moi… » Et si ses proches la forçaient à porter des habits qui la dissimulaient presque entièrement, ils avaient bien leur raison : elle devait être… un monstre…

- Néréis, répéta Salana, montre-moi tes blessures…

Les doigts de la fillette étaient incrustés de verre et du sang sec les recouvrait.

- C'est le Mangemort, Salana, geignit Joyce, c'est ce Mangemort. Moi, dit le Mangemort, je suis rempli de haine, j'ai tué le rouge-gorge ! C'est ce qu'il m'a dit !

Sa grande sœur eut un air compatissant.

- Comment ! S'exclama quelqu'un d'autre.

Rei venait d'arriver, elle se rua vers la blessée :

- C'est un Mangemort qui t'a fait ça ! Lequel !

- C'est le grand brun aux yeux noirs, railla l'Ecarlate.

Joyce ne l'avait pas encore remarqué et s'en moquait bien, elle s'adressa de nouveau à Salana : elle au moins, plus douce qu'une mère, elle pouvait la comprendre.

- Cela faisait longtemps que ces hommes venaient ici, grande sœur, mais jamais je n'en avais eu peur, mais maintenant, mais maintenant…

Elle se mit brutalement à pleurer à chaudes larmes.

- C'est le brun qui t'a fait ça ! Vociféra Rei, je vais y péter sa…

- Non ! Madurei, annonça sa jumelle d'une voix ferme en prenant Joyce sur ses genoux. Ce sera inutile…

Ses cheveux d'argents scintillaient sous la douce lueur des chandelles, elle reprit :

- Cet homme est rempli de haine… Mais il y a autre chose en lui, un bouillonnement profond d'angoisse, de colère et de révolte. Il réalise maintenant que le fond de son cœur ne veut plus qu'une seule chose : la chute de cet Homme aux Yeux Rouges…

- Comment peux-tu le savoir, Salana ? S'exclama Rei, on ne l'a même pas entraperçu une seconde ! Lui-même ne nous a pas remarquées !

Joyce enfouit sa tête dans la robe de sa grande sœur tant aimée. Mais son contact devint subitement froid : cette dernière se désagrégea entre ses bras. Joyce tournoya sur elle-même d'épouvante : Rei et l'Ecarlate subirent le même sort. Les murs eux-mêmes se décomposèrent. L'environnement devint totalement couleur d'ébène. Malgré tout, Joyce pouvait toujours se voir.

- Ainsi c'était toi, dit une voix familière. C'était toi cette enfant que j'ai…

Rogue se dressa devant elle, la dominant de toute sa hauteur. Joyce tordait une bouche hébétée et tendit vers lui ses menottes ensanglantées :

- Après, c'est devenu un jeu, ricana-t-elle (mais ce petit rire n'avait rien d'enfantin), L'Ecarlate et moi, nous vous avions surnommé le « Rouge-Gorge »… Mais ce n'était pas drôle du tout… c'est toujours moi qui perds.

Son professeur lui prit les mains et les referma sur elles-mêmes, un long tremblement traversa la petite fille des pieds à la tête :

- C'est vous qui avez fait disparaître mes sœurs ?

- J'ai expulsé tes cauchemars, nuance, et il est grand temps de rentrer, murmura-t-il doucement.

- J'aimerais rester un peu plus longtemps avec Salana.

- Rei t'attend, la vrai Rei…

Mais elle fit une grimace incrédule :

- La vraie Rei me déteste.

- Je ne pense pas, sinon elle ne serait pas mise dans un tel état pour toi tout à l'heure.

- Vous mentez : le Rouge-Gorge est rusé, je dois m'en méfier !

Elle se changea en tourbillon noir qui se fondit dans tout l'espace disponible, Rogue s'efforça de contrer la bourrasque qui tentait de l'entraîner : si elle parvenait à le noyer sous ses souvenirs, il serait perdu. Mais un nouveau décor prit place : le jardin de Sir Frédéric.

Rogue s'avança vers une forme infantile agenouillée dans l'herbe : Néréis enfant lui tournait le dos.

- Qui a tué le rouge-gorge ? Moi, dit le Mangemort, je suis rempli de haine, j'ai tué le rouge-gorge.

- Happer !

Il la saisit doucement par les épaules et la secoua.

- Je suis rempli de haine, répéta-t-elle, je suis rempli de haine. VOUS êtes rempli de haine !

Elle se débattit brusquement tandis que l'environnement changeait. La petite fille disparut à nouveau, Rogue la rechercha en pestant : ce jeu devenait ridicule, sans compter que plus le temps passait, moins il avait de chance de la ramener. Il décida d'utiliser une méthode plus radicale en l'obligeant à réapparaître sans artifice. Un voile lumineux l'entoura, perçant l'obscurité. Une jeune fille prit forme devant lui, accroupie sur le sol, les mains posées en appui, entièrement drapée d'un voile noir. Elle baissait les yeux, une abondante chevelure de la couleur d'un ciel de minuit dissimulait son visage.

- Qui êtes-vous ? Demanda-t-elle.

Il répondit simplement en espérant qu'elle ne disparaisse pas à nouveau :

- Severus Rogue.

- Oui, je vous connais.

Il remarqua la faux qui apparut juste sous ses doigts :

- Je ne veux pas rentrer à Poudlard, je ne pense pas mériter habiter un tel lieu. Vous savez qui je suis ? N'est-ce pas ? Si Sir Frédéric est mon père, alors vous savez quel autre fruit pourri nous comptons dans la famille.

Rogue fit quelques pas mais resta à une distance honorable pour ne pas l'effaroucher :

- Tu n'es pas responsable des méfaits de ton cercle familial.

- Vous plaisantez ! Ricana-t-elle en étouffant un sanglot, je ne vaux pas mieux qu'eux !

Elle étreignit la lame en rêvant :

- Je suis certainement très bizarre aussi puisque je me promène partout avec la Faux qui a tué ma mère…

Rogue répliqua presque aussitôt une lueur mystérieuse dans le regard :

- Disons plutôt que vous avez accepté ce fardeau pour éviter que le fruit pourri ne s'en empare.

Elle sembla se radoucir et murmura avec lenteur :

- J'ai toujours su que je vous avais déjà connu… Mais je n'aurai jamais cru que ce soit dans de telles circonstances ! Jédusor est certainement très doué s'il a pu tromper un homme de votre… intelligence…

Rogue ne répondit rien… Il avait bien envie de lui expliquer les causes de sa déchéance, non pas pour chercher à se justifier mais pour la mettre en garde… « Toi aussi tu es remplie de haine, ma petite » songea-t-il, « toi aussi tu aurais pu être comme… moi… » Son silence fut très éloquent pour Néréis…

Un vent léger se leva et elle sembla se métamorphosait : ses cheveux ne dépassait plus du drap, la Faux disparut. Il la débarrassa de son voile : elle était redevenue « Joyce Happer ».


En revenant à elle, Joyce aperçut les deux figures qu'elle aimait le plus en ce bas monde : celle de Rei et celle de Rogue.

- Vous vous sentez mieux ? demandant Macgonagall.

La jeune fille acquiesça lentement : elle ne souvenait plus de ce qui s'était passé dans sa tête, elle gardait en mémoire seulement tout ce qui s'était passé avant que Rogue n'intervienne. Ce dernier le savait très bien et cela avait l'air de l'arranger. Sa grande sœur, malgré son soulagement, s'essaya à paraître sévère :

- Voilà ce que j'ai trouvé dans tes poches (elle montra la carte de la Racine), c'est dangereux de se promener avec, cette carte n'appelle que les pires souvenirs.

Joyce enlaça Rei pour toute réponse. Les trois spectatrices (Macgogo + Pompom + Sisi) parurent attendries. Rogue allait se remettre debout en regardant dans la direction opposée quand Joyce lui sauta aussi au cou.

- Hé là ! s'exclama-t-il.

Mais la petite était fermement accrochée à lui :

- Merci, sanglotait-elle, merci beaucoup.

Madurei les contempla tous deux. Rogue tapota le dos de l'adolescente avec ce qui lui sembla être une tendresse de père. « Je ne suis pas fâchée finalement de ne pas avoir eu à connaître la vérité » se dit-elle. Elle l'aimait, sa petite sœur, malgré ce désir de vengeance qui frappait ses veines. « Je n'ai plus tellement envie savoir… Je ne veux pas te tuer, Néréis… »

Et elle baisa le front de sa petite sœur.