Disclaimer : le monde d'HP appartient à Rowling.

Chapitre 12/ Cousines de Lord Voldemort.

« Je l'aurais sans nulle doute aimé si je l'avais connu davantage… Si je l'avais connu davantage. »

La chair se déchire dans un résonnement infernal. Sang en gros bouillons gicle de la plaie. Rei s'était affaissée sur Rogue, la tête penchée en arrière. Dans un grand effort, il parvint enfin à dégager sa jambe et soutint promptement la jeune femme en lui passant une main sous sa nuque pour rehausser son visage :

- Madurei ! Madurei !

Elle ouvrit difficilement les yeux : un vert terni par la souffrance lui tint lieu de regard.

« Je l'aime… »

- Madurei, gronda-t-il la voix mêlée de rage et d'angoisse.

Elle tenta de s'écarter de lui pour se relever mais elle retomba lourdement dans ses bras.

- R-Redressez-moi… haleta-t-elle, un filet de sang lui coulant de la bouche.

Il l'assit doucement. Un étrange sourire se dessinait sur les lèvres de Madurei. Elle fit une nouvelle tentative pour se lever en s'appuyant sur ses épaules.

- Ne bougez pas ! dit fermement Rogue.

Elle inclina sa tête, cracha du sang en prenant garde de ne pas le salir et le contempla à nouveau :

- Je ne mourrai pas, souffla-t-elle.

Les yeux de Rogue s'élargirent :

- Bien sûr que non vous n'allez pas mourir, mais vous devez rester tranquille.

Rei n'avait de cesse de le fixer droit dans ses pupilles sombres.

« La douceur qui fascine et le plaisir qui tue »

- Il serait très égoïste de ma part que je meure pour vous… J'ai des devoirs envers Néréis…

Il se laissa troubler par le sens de ses paroles. La douleur de Rei la rendait encore plus ensorcelante au sens propre du terme : chacun de ses battements de cils mêlé à ses soupirs agissait comme un filtre.

Devant eux la naïade était tombée raide morte : Maugrey l'avait tuée sans plus de cérémonies.

Ils se regroupèrent tous autour de la blessée :

- Sirius n'est pas encore parvenue à la plate-forme, haleta Lupin avec inquiétude, et la mer commence à se déchaîner.

Rei n'était plus en mesure de parler, son épée gisait à ses côtés. Rogue découpa le tissu de sa veste pour la panser et lança un sort d'apaisement pour stopper le saignement.

- ça ne suffira pas pour arrêter l'hémorragie, grogna Maugrey, la plaie est trop profonde.

- Vous avez quelque chose de mieux à proposer, Alastor ? Cria Rogue avec colère.

Il y eut un silence. Enfin, l'Auror prit une décision :

- Maintenant que nous sommes à leur merci, ces satanées bêtes (son œil magique pivota en direction de l'onde salée) ne vont pas tarder à relancer une attaque. Rémus, allez chercher du secours, prévenez l'Ordre ou le ministère.

Sans attendre davantage, Lupin transplana.

- Plaçons-nous devant elle, ordonna Rogue en se relevant.

Ils se mirent en position : devant eux, l'eau se remit à bouillonner.


- Rei ?

Le cœur pressé par un froid inconnu, Joyce s'était dressée de toute sa hauteur dans la brume adjacente. Le vent en écho parut lui rapporter les pensées de sa sœur agonisante :

Ô toi que j'eusse aimé, Ô toi qui le savais

Un lien ineffaçable reliait Joyce à Madurei, bien qu'il fût moins fort que celui qui l'enchaînait à l'Ecarlate. Elle avait donc tout vu, tout entendu de cet étrange souvenir. Pire : elle avait compris.

- Pourquoi ne l'ai-je pas vu plus tôt, bredouilla la jeune fille en peinant à y croire.

Rei… Son attitude colérique envers Rogue, la rage dont elle avait fait preuve au départ, ses dédains, ses sarcasmes : tout cela était un leurre ! Joyce demeura immobile, des tourbillons d'air soulevèrent et ses cheveux et sa voix :

- Ma sœur, Tu l'AAAAAIMES !

Le mot AIMES s'était envolé par delà la brume pour résonner le plus loin possible. Elle cacha sa bouche sous ses mains comme si elle venait de dire une monstruosité.

- Je vous l'avais dit, maître, cette fille est folle, dit une femme qui devait être Bellatrix.

- Complètement folle, renchérit un Mangemort aux tonalités veloutées, mon fils m'en a parlé.

- Je sais que vous la voulez vivante mais son impertinence lui aurait déjà coûté mille morts en temps normal.

- Je sais, Bella, prononça une voix des plus glacées, mais tu connais mes ordres…

- Oui, maître.

La voix aux parures glaciales se distingua des autres, l'homme s'avança. Quel visage épouvantable… Des yeux rouges prédominants y laissaient une impression d'inachevée, il se rapprochait davantage du serpent que de l'homme. Derrière lui, en retrait dans la brume, les Mangemorts étaient assemblés. Etaient-ils tous là ? Joyce n'aurait su le dire mais elle en compta une bonne quinzaine. Cet homme, c'était ce Voldemort dont tout le monde parlait tant. Mais c'était aussi cet Homme aux Yeux Rouges, c'était le fruit pourri…

- Jédusor… Murmura-t-elle.

La moitié des Mangemorts ruminèrent et Joyce comprit qu'elle avait commis une grave erreur. Mais le Seigneur des Ténèbres conserva encore son calme :

- Cela faisait bien longtemps, fillette… Avant de se suicider, ton père aurait pu avoir l'amabilité de reprendre contact avec mes serviteurs, conformément à notre promesse.

- Il ne voulait pas…

Elle ne savait quoi dire, la terreur toute entière noyait ses veines, et son cœur se nourrissant de ce sang d'angoisse battait en discontinue. Ses lèvres bougeaient seules. Seulement ce n'était pas sa jumelle qui la commandait cette fois-ci, non… C'était cette même peur. La mort, la mort, la mort ! Voilà ce qui l'attendait, quoi qu'elle dise !

- Pourquoi ne le voulait-il pas ? souffla doucereusement Voldemort.

- Il a dit… qu'il ne voulait rien avoir affaire avec un Sang-De-Bourbe…

Ce n'est pas parce que c'est le fils de ma sœur Carmina que ce bâtard doit se croire le bienvenu ici…

Une baguette brandie… Joyce n'avait plus le temps de penser : elle ne se souvenait même pas qu'elle pouvait lancer le sort mortel d'un simple geste… Ce ne serait pourtant qu'un mouvement si simple, si aisé… Mais Joyce ne bouge plus, terrorisée, elle n'essaiera même pas de se défendre. Voldemort a pointé sa baguette sur un elle… Un éclat mauve s'en échappe, mais quel éclat !

- Endoloris !

Elle s'écroula à terre, parcourue de larges convulsions. Mais aucun son ne sortit de sa bouche : la douleur la rendait totalement aphone.

- On ne crie pas ? dit Voldemort qui l'ignorait, voilà une petite bien courageuse et bien arrogante.

Il força la dose. Elle se secoua frénétiquement dans tous les sens, comme si des couteaux se plantaient dans chaque parcelle de son corps. Les silhouettes noires poussèrent des rires fébriles, leur maître leurs ordonna de se joindre à lui. Des sortilèges Doloris fusèrent de toutes parts.

- Stop, dit ce dernier au bout d'une longue minute. Relevez là.

Bellatrix saisit Joyce sous les épaules et la souleva.

- Ben quoi ? Déjà morte ?

La jeune fille n'avait plus la force de bouger. Voldemort lui-même referma ses mains sur les épaules juvéniles en les pressant d'une force phénoménale, Joyce se débattit sous ce contact exécrable.

- En cas d'échec, ton père m'avait promis ta tête, dit-il très sérieusement, son visage à seulement quelques millimètres du sien, à moins que tu n'aies quelque chose de mieux à offrir, je vais me voir dans l'obligation de …

Elle le repoussa mais c'est elle qui tomba à terre. Mordant son propre bras blessé, elle en fit couler quelques gouttes de sang dont elle se servit pour tracer ce mot :

NON

Ce NON, c'était la dernière chose à laquelle elle pouvait se rattacher. Elle avait bien dit, à Rei avant de partir, qu'elle ne reverrait pas la lumière du jour. Elle savait maintenant qu'elle allait mourir ici, toute seule. (Mais non, Joyce, t'as au moins une quinzaine de personnes autour de toi…)

A son grand étonnement, un sourire effroyable fendit la face de serpent de Voldemort. Ce sourire promettait bien plus de souffrances encore.

- Nagini… Siffla-t-il.

Il avait parlé fourche-langue, un langage que Joyce comprenait aussi. Un énorme serpent s'avança vers eux. Joyce se traîna à reculons sur les fesses en poussant des petits gémissements terrorisés. Posant un pied dans son dos, Bellatrix la retint fermement.

- Je sais de source sûre que tu adores les serpents, ricana Voldemort.

- Une fourche-langue terrorisée par les serpents ! Gloussa un Mangemort à l'arrière. C'est une aberration.

- Et dire qu'il n'y a même pas une heure, pouffa la jeune femme, elle hurlait qu'elle allait tous nous tuer avec le sort mortel !

Joyce commençait à reprendre de la voix :

- Il vous aurait dit ça, articula-t-elle faiblement.

Mais non idiote, Rogue n'aurait jamais raconté ça à Voldemort….

- Qui ? Demanda sévèrement le seigneur des ténèbres.

- … Mon père, répondit la jeune fille en tentant de se rattraper, de mon problème avec les serp…

- Tu mens… Affirma-t-il en scrutant ses yeux bleus.

Mais pendant ce temps le reptile l'avait peu à peu entourée, Joyce perdait connaissance au fur et à mesure que ses méandres se refermaient sur elle.

- J'ai un secret à t'apprendre, chuchota le Seigneur des ténèbres d'un ton effroyable, je suis le seul et unique héritier de Serpentard. Toi et le reste de ta famille allaient vite comprendre que vous avez pris le mauvais chemin en passant me faire concurrence…


A présent, ils tuaient sans ménagement. Ils ne pouvaient plus se permettre le luxe d'épargner leurs ennemies : les naïades formaient un amas de cadavre sans cesse nourris par de nouveaux corps mourants.

Rogue et son compagnon étaient épuisés. Derrière eux, Rei reposait, les yeux clos, respirant difficilement. Brusquement, l'assaut des naïades cessa. Au-devant d'eux, une tour surgit de l'eau et se dressa juste devant la plate-forme. Rogue remarqua que la base de cette gigantesque plaque de métal se constituait d'un dédale de lames de fer et d'acier, de poutrelles enchevêtrée les unes sur les autres. A l'heure qu'il était, Sirius devait déjà l'avoir atteint. Du moins, il l'espérait.

Au sommet de la tour, pendue à une poutrelle, il aperçut Joyce, ficelée à Nagini.

- Non ! Murmura-t-il.

La situation s'aggravait. Voldemort apparut quelques mètres plus bas. Quelques Mangemorts parsemaient la tourelle.

- Madurei ! Cria-t-il, je sais que tu es là !

Les paupières de la jeune femme battirent.

- Je ne pense pas avoir besoin de te rappeler ce que je veux. Je te propose un échange.

Il leva la tête vers Nagini :

- Réfléchis bien, il en va de la vie de ta sœur !

Rogue posa un genoux près de Rei et la secoua doucement par l'épaule :

- Rei, souffla-t-il en usant pour la première fois de son diminutif, que veut-il dire ?

- Il… bluff… Il a … besoin de nous… Il ne la tuera pas…

- Alors, Madurei ? fit Voldemort avec plus d'empressement.


Rêve… Néréis courait, un oiseau paisiblement endormi dans ses mains.

- Maman ! Maman !

Elle s'approcha d'une fontaine où siégeait une femme à l'air triste. Ses cheveux, tirant sur le bleu foncé, étaient sans attaches et tombaient tout autour d'elle dans la plus grande liberté.

- Maman ! Mon rouge-gorge est mort ! Mon tatouage ne marche pas… Il était censé me permettre de contrôler l'Avada, mais ça ne marche pas…

- Néréis… Tu sais bien que je suis fatiguée…

- J'ai pris l'oiseau dans les mains, et un volute vert est sorti de moi et, et, et… il est mort !

- Néréis…

Sa mère lui prit doucement les mains, son visage affichait une mine abattue :

- Si tu as peur, cette enclave que l'on a posée sur toi ne te sera d'aucune utilité. Tu es la seule à pouvoir contrôler ce pouvoir qui coule en toi.


« Penses-y, toi seule peut le contrôler. »

« Mais j'ai peur » songea Joyce, « j'ai peur, maman ! »

Voldemort tourna la tête, une aura verte sortait des pores de l'adolescente. Le serpent n'eut pas de le temps d'émettre le moindre sifflement : il se détendit doucement, se déroula, et chuta avec le corps qu'il retenait prisonnier. Tombée lourdement sur le dos, Joyce découvrit contre son front la tête de Nagini qui tirait une langue inerte :

- Salana ? Fit-elle les yeux pleins de larmes.

Voldemort scruta le cadavre de son serpent, quelque chose explosa dans sa tête malsaine.

- Salana, continua Joyce, Je ne l'ai pas fait exprès, je te jure que je ne l'ai pas fait exprès !

Pourquoi ne l'as-tu pas dit ? Pourquoi n'as-tu pas dit que tu étais un Animagus, que tu te transformais en serpent ? Tu sais bien que je n'aimais pas particulièrement les serpents !

Ecrase-le sous une pierre !

C'est la faute de ma jumelle ! C'est elle qui m'a dit de le faire !

Et la bouche de Joyce se perdit en paroles inaudibles, à la limite de la folie. Elle étreignit Nagini en hurlant de douleur et de désespoir. De l'autre côté, Rogue et Maugrey avaient contemplé la scène, interdits. L'incompréhension la plus totale noyait tous les regards. Voldemort fut le seul à réagir, il pointa sa baguette, poussa un rugissement de colère. La cuisse droite de Joyce explosa en une nuée de sang et de bouts de chair qui volaient. A nouveau, elle redevint muette. Ses pieds titubèrent, Voldemort visa son bras indemne. Encore toute retournée par les sortilèges Doloris, la jeune fille ne voyait plus que des éclats lumineux devant les yeux. Mais au milieu de ces lueurs, elle aperçut une forme noire : un… chien…


Sirius était finalement arrivé. S'étant faufilé à travers les barres d'acier, il avait pu gagner une certaine hauteur. Il venait de bondir sur Joyce et la renversa, évitant la nouvelle charge du Seigneur des ténèbres. Ils roulèrent ensemble et chutèrent à travers le labyrinthe métallique. Il reprit forme humaine et empoigna la blessée sous les épaules pour fuir le plus rapidement possible.

« Ils n'y arriveront jamais » songea Rogue qui scrutait vainement l'île, « ils ne pourront pas fuir… » Et lui, il était réduit à contempler le massacre depuis cette plage ! Il regarda Maugrey, ce dernier semblait ressentir la même chose.

Les Mangemorts étaient partis à leur poursuite. Sirius avait amené Joyce jusqu'au niveau le plus bas, c'est à dire juste au niveau de l'eau. Mais la mer empestait encore de naïades, comment traverser avec une enfant ?

- Sorcier, fredonna une naïade, tu risques ta vie pour sauver cette petite ? J'aime les hommes courageux, je t'aiderai.

- Silence, monstre ! Rétorqua-t-il, vous ne pourrez pas m'avoir, inutiles de faire vibrer vos cordes vocales !

Mais il entendait au-dessus de lui les Mangemorts qui se rapprochaient.

- Nous sommes pourtant prêtes à t'aider ! Tu as l'une des nôtres avec toi ! Tu mérites une récompense…

- Toi, mon enfant, dit une autre naïade en fourche-langue cette fois-ci, tu ne veux pas convaincre ton compagnon que nous ne lui voulons aucun mal ?

Joyce, qui était restée appuyée contre Sirius redressa enfin la tête.

- Laissez-la tranquille ! Grogna Black, qui cherchait toujours un moyen de fuir.

- Ne refusons pas leur invitation, siffla Joyce envoûtée.

Soudainement armée d'une force surhumaine, la jeune fille l'avait poussé dans l'eau avant de sauter. Il n'eut que le temps de se transformer en chien. Cependant les naïades qui l'avaient vu le saisirent par chaque patte :

- Voilà un sale petit tricheur ! Nous devrions tout dévorer, mes sœurs : hommes, bêtes, sans exception !

D'autres entourèrent Joyce, enroulant leur queue de serpents sur son corps meurtri :

- Voilà une néréide ! Ces traîtresses nous ont toujours méprisées au nom de leur beauté ! Moi je veux sa tête !

- Moi ses cheveux !

- Moi sa langue !

- Et moi ses ailes blanches !

- Ses magnifiques plumes !

- Ses ailes ! Ses ailes ! Sors tes ailes !

« Encore un serpent ? » Se dit Joyce… C'est trop… Beaucoup trop… Elle écrase un serpent… Il redevient sous ses yeux sa sœur Salana.

Salana qui a le crâne défoncé ! Raille l'Ecarlate.

C'est assez ! ASSEZ !


Dehors, Voldemort s'impatientait. Deux de ses Mangemorts rentrèrent bredouilles :

- Les naïades les ont attrapés ! crièrent-ils.

- Et bien, dîtes-leur de relâcher Néréis ! Qu'elles dévorent Sirius Black si elles le veulent !

Ses yeux sanglants se portèrent sur la surface lisse de l'eau… Non ! Elle était tout, sauf lisse ! Des remous incessants venaient la perturber jusqu'à ce qu'elle se mette directement à bouillir. L'onde s'éleva dans les airs dans un énorme tourbillon, dépassant la hauteur à laquelle Voldemort était perché. Elle éclata, dévoilant à la lumière de la lune un ange… noir.

- Noires ? Des plumes noires ? Hurlèrent les naïades qui fuirent dans une terreur presque religieuse.

Les ailes largement déployées, Joyce tenait fermement le chien noir dans ses bras. Elle les fit battre lentement mais brusquement une sensation de vertige s'empara de son dos : elle venait de croiser le regard de Voldemort et ce contact visuel avait dissout ses ailes.

- Korée ! Brailla-t-elle en tombant, je sais que tu es là, trouillarde ! Attrape le chien !

Joignant le geste à la parole, elle jeta Sirius bien loin d'elle. Korée surgit de dessous la tour et le rattrapa péniblement au vol. Des plumes d'ébènes tourbillonnaient encore dans les airs.

Chutant irrémédiablement, l'adolescente n'eut pas le choix : elle enleva les lambeaux de tissu qui constituaient encore son gant et évoqua sa faux avec ce qui lui restait de forces. Rogue sursauta en revoyant cette lame, Voldemort parut intrigué. Joyce la chevaucha en amazone et fixa son « cousin » droit dans les yeux.

Un instant pour se décider. Un autre pour changer d'avis et un dernier pour se convaincre à nouveau : Elle foncera.

- NON ! Gémit Korée.

Rogue empiéta sur l'eau, se mouillant jusqu'au genoux, Maugrey le rattrapa, l'empêcha de crier :

- Ta couverture ! Gronda-t-il. Ne montre pas que tu es aussi inquiet !

Mais cette situation était intolérable. Son sang-froid s'apprêtait à céder devant cette audace, devant cette stupidité que s'apprêtait à faire cet imbécile : Joyce se dirigeait droit sur Voldemort. La faux atteignit rapidement une vitesse inouïe. Plus le temps de penser… Si ? Si ! Il faut croire que la pensée possède une célérité supérieure à celle de la lumière. Joyce savait pertinemment que sa tentative était vouée à l'échec. Non pas parce que Jédusor était le plus fort, non pas parce que c'était l'Elu de forces diaboliques la dépassant. Mais parce que…

- Cette faux, héritage de Serpentard, ne pourra jamais blesser l'un de ses descendants. Soupira Madurei.

Rei reprit son souffle avant de poursuivre :

- De ce fait, Joyce non plus ne craint rien.

Elle eut un rire aigre. Maugrey et Rogue s'était retournés vers elle, sidérés.

« C'est inscrit dans chaque fibre de métal de cette arme » S'alarma Joyce qui s'accrochait désespérément au manche, « à peine l'on tente d'y verser le sang de Serpentard qu'un rejet s'opère…. »

Voldemort s'étonna du soudain courage de sa geignarde de cousine et se contenta de pointer sa baguette vers elle : « attends, ma belle, quand je t'aurai entièrement démembrée, tu me supplieras de t'achever ! » songea-t-il avec une sorte d'extase perverse.

La lame siffla dans le vide alors qu'elle s'approchait. Soudainement, le métal comprit : comme animé d'une volonté propre, il se refusa à blesser les enfants de son maître. Voldemort n'eut pas besoin de lancer un sort pour stopper Joyce : une lumière blanche jaillit entre eux, les aveuglant tout deux.

Une dernière pensée vint à l'esprit de Joyce, un nom s'imposa à elle : « Caïn… Adieu ! »

Du rivage, les impuissants témoins cessèrent de respirer : Joyce avait percuté le Seigneur des ténèbres. Ils étaient hors de leur vue, tombés dans les entrailles métalliques de l'île, emportés dans l'éclatante lueur qui les enveloppait. Les Mangemorts se jetèrent au secours de leur maître. Pendant une seconde, les sons moururent, comme aspirés dans un trou noir. Les cris ne pouvaient plus surgir des bouches, même les vagues sur la plage et les remous des eaux faisaient silence. La lumière se condensa sur elle-même et… il y eut une gigantesque explosion. L'île de métal fut happée et s'affaissa sur elle-même, sombrant entièrement dans les flots. Des débris giclèrent dans tous les sens accompagnés de détonations tardives. Les Silhouettes noires transplanèrent en toute hâte.

Korée venait de déposer Sirius sur le sol :

- Elle est dessous ! Joyce est prisonnière sous l'eau !

- Accio Joyce Happer ! Hurla Rogue.

Mais rien ne se fit.

- Elle doit être retenue par une poutre ou une barre de fer ! râla Sirius.

Rogue, suivi de Maugrey, se jeta à l'eau et s'y enfonça à moitié. Il aperçut deux jolies jambes qui le dépassèrent en toute sérénité. Deux pieds fins et légers qui voguait sur l'onde. L'Animagus ouvrit de larges mirettes, Rogue parut tout aussi surpris : Madurei marchait sur l'eau.

Encore toute maculée de sang, la jeune femme déambulait sur la surface lisse. Elle tenait debout avec certes moult difficultés mais son visage implacable masquait sa douleur.

- Madurei ! Cria Rogue, qu'est-ce que vous faîtes !

Les lèvres de la jeune femme s'entrouvrirent, laissant échapper quelques notes. Sa voix s'éleva en une mélodie enchanteresse et, pour l'accompagner dans son combat, ses ailes se déployèrent, immenses et blanches, aux plumes fortes et denses. L'onde fut balayée d'un mouvement circulaire, soulevant Rei sous l'effet du vent.

Rogue n'aurait jamais cru pouvoir assister un jour au déploiement de forces d'une néréide, même métis.

- Naïades et Sirènes reçurent le don d'envoûter les hommes, murmura-t-il, les Néréides celui de commander aux dieux !

Plus exactement, en chantant, les Néréides pouvaient contrôler l'élément liquide comme elles le voulaient, à défaut de pouvoir y respirer. Elles s'arrangeaient donc des bulles d'air douillettes au fond de l'océan, là où personne ne pouvait les déranger ou arracher leurs précieuses plumes.

Rei tendit ses mains vers l'endroit où l'île s'était engouffrée.

- Vous êtes bien trop affaiblie, lança Maugrey.

Rogue acquiesça rageusement, mais que faire d'autre ? La contempler… La fine esquisse que dessinait le corps élancé contrastait avec l'imposante garniture de ses ailes, aussi épaisses qu'une couverture, de sorte que l'on souhaitait s'y enfouir pour mourir de bonheur, plongé en transe dans cette reposante chaleur. Mais Rogue se reprit : ce n'est pas le moment de fantasmer !

Un craquement dantesque résonna sous le liquide en pleine rébellion. Les eaux, comme des milliers de bras incolores, jouèrent des coudes pour rehausser l'île hors de l'eau. Une autre trombe d'eau s'y engouffra en l'éventrant et en ressortit un corps inanimé.

- Accio… Néréis, souffla Rogue mu par une soudaine inspiration.

Joyce fut attirée vers le rivage. Son professeur la fit délicatement atterrir. Sirius lui prit son pouls et sourit : elle était vivante et se remettait à respirer calmement. La chanson cessa et Rei, presque évanouie, s'enfonça complètement sous l'eau. Elle s'était avancée trop en avant et était au-dessus d'une crevasse. Rogue se rapprocha un peu plus et, la saisissant sous les épaules, il la hissa au-dessus de lui. Leurs chevelures sombres se mêlèrent, Rogue apprécia cette sensation qui lui fit comme un voile de fraîcheur humide. Rei s'effondra dans ses bras en silence, épuisée.