Disclamer : Gloire et louange à toi Rowling, dans les hauteurs du ciel où tu règnes ! Car tout cela t'appartient, ô Muse céleste !

A/ Un jour viendra où je détruirai ces murailles…

15 ans auparavant : au royaume des Ksris… L'imposante bâtisse de Salazard Serpentard s'étant sur des milliers d'hectare. Château gothique pour certains, labyrinthe mortel pour d'autres, tous cependant sont d'accord pour associer l'adjectif lugubre à la majesté qui se dégage du lieu. A l'intérieur, à l'abris sous les épaisses murailles noires, repose un jardin digne de celui décrit dans la bible : un véritable éden qui tranche avec ses murs angoissants.

Sir Frédéric s'avérait très anxieux, son esprit troublé arpentait son regard malade. Non, ce n'est pas parce que sa fille aînée, Salana, a disparu sans laisser de traces il y environ une semaine, non… C'est parce qu'une rumeur insensé a traversé son territoire : Jédusor est mort ! Terrassé par un … un bébé ! Un enfant ! Il ne pouvait y croire… Qu'allait-il advenir des Mangemorts ? Devait-il rester fidèle à Voldemort ? Il promena un regard perdu sur les voûtes trônant au dessus de lui sur lesquelles une effigie de la marque des ténèbres en pierre lui rappelait son serment fait à son diabolique neveu…

- Sir Frédéric, susurra un serviteur, où dois-je poser le bois ?

Ces terres nordiques restaient traversées par un froid perpétuel. Mais Sir Frédéric avait oublié de faire allumer un feu ce jour-là, tout perturbé qu'il était. Devant l'absence de réponse, le serviteur, désappointé, déposa son fardeau là où il se trouvait. Et comme d'autres tâches l'attendaient, il planta sa hache dans la plus grosse bûche :

- Je vous la laisse, Sir Frédéric, daignez me convoquer si vos bûches doivent être découpées…

Le manche était penché vers le mur, dessinant une ombre menaçante qui s'étendait jusqu'aux pieds de Frédéric…

Dans le jardin d'Eden, ce n'était pas Abel et Caïn qui se cachaient derrière un rosier aux fleurs rouge sang mais deux Caïnettes, deux petites sœurs fratricides : L'Ecarlate et Néréis trituraient la terre avec leurs ongles, l'air misérable et coupable.

- Nous devrions lui dire, murmurait Néréis… Nous ne pouvons la laisser chercher indéfiniment…

- Elle nous tuera ! S'exclama L'Ecarlate.

- Mais, Joyce, si…

Un sanglot l'étrangla :

- Si elle trouve le cadavre

L'Ecarlate n'eut pas le temps de répondre, Madurei venait de pénétrer dans la cour, se précipitant droit sur elles, les traits déformés par la haine. Ses cheveux remuaient selon les à-coups de son corps furieux :

- Salana! Hurla-t-elle, Vous l'avez TUEE !! Joyce, Néréis !!! Vous l'avez TUEE !!

Les deux enfants se levèrent, se soutinrent l'une et l'autre et reculèrent en couinant.

- C'était un accident ! Fit l'Ecarlate en éclatant en sanglots.

Madurei les considéra avec le plus grand dégoût : ces choses, car ce n'était plus que des choses pour elle… Ces choses avaient occis sa jumelle : sa Salana…

Elle leva une main, un éclair violet s'y profila : elle se préparait à leur lancer le sortilège Doloris … Les deux enfants braillèrent en se répandant en torrents d'excuses… Mais au dernier moment, Rei se transit d'horreur. Elle ne pouvait s'y résoudre. Elle fit volte-face et s'enfuit à toute jambe : quelle folie se répandait sur sa famille ? Voilà qu'elle ressentait le désir irrépressible de tuer ses cadettes !

Sir Frédéric tournait encore en rond. Il n'avait toujours pas remarqué la hache et les bouts de bois que lui avait apportés son serviteur.

Une porte claqua violemment :

- Vous voilà, père ! Vociféra Madurei, tout est de votre faute ! Votre couardise, votre stupidité…

- Que dis-tu, Madurei ?

- Salana est MORTE !

Elle avait hurlé à s'en déchirer la gorge. Son père la jaugea en silence.

- Et c'est votre faute ! Reprit-elle, la voix éclatant en mille lambeaux de haine, je vous avais dit de ne pas accueillir ce maudit Jédusor !

- Tais-toi ! S'il t 'entendait !

- Il entendra soyez-en sur ! Il n'est pas mort : Néréis…

A la pensée de cette sœur fratricide, elle eut envie de vomir mais elle dut poursuivre sa phrase :

- …Néréis a prévu son retour ! Et vous savez que nos prévisions sont rarement inexactes !

- SILENCE MADUREI !

Il se jeta sur elle pour la battre à coups de poing, aussi furieux que désespéré. L'obscurité se profilait dans toute la pièce, seule la hache laissait échapper sur sa lame un éclat malsain.

- SILENCE, SILENCE, petite garce !!! Ne vois-tu pas dans quel état tu me mets ! Tu vas me faire tuer, je le sens !

Rei le mordit en lâchant quelques étincelles du sort doloris, il recula en glapissant, puis se ressaisit en montrant une bouche pendante et des yeux hagards :

- Madurei, je suis quand même ton père ! Tu ne dois pas me faire mal comme ça…

Madurei le considéra avec un sourire vengeur et perfide :

- C'est l'hôpital qui se fout de la charité !! Ho ! Vous ne m'échapperez pas, père ! Vous ne m'échapperez pas…

Il s'éloignait encore à reculons, saisi par une peur incommensurable : il avait oublié que sa fille pouvait maîtriser le sortilège Doloris sans baguette, il avait même oublié qu'il en était l'auteur… S'il avait su que l'expérience qu'il avait fait subir à ses filles leur permettrait un jour de lui montrer quelques résistances, il aurait pris plus de précautions.

- Salana est morte, murmura Madurei en lui tournant le dos, je n'ai plus rien à perdre…

A force de reculer, Frédéric avait heurté le mur. Surpris, il chercha un appui, sa main droite se posa sur un bout de bois : le manche de la hache…

- J'irai par monts et par vaux chanter votre infamie ! Ricanait Rei d'un air dément. Je sais que vous aviez prévu de sacrifier Salana à Jédusor, mais je sais aussi que vous considérez ce type que comme un Sang-De-Bourbe !!!

La main de son père se referma sur le manche.

- Et quand il reviendra ! Poursuivit-elle en lui tournant toujours le dos, Il vous tuera ! Il vous torturera !! C'est lui qui me vengera de vous !! Et puis, moi, je tuerai ce salaud !!

Il s'apprêta à soulever la hache pour la sortir du bout de bois où elle était encastrée quand… Madurei laissa échapper un cri de désespoir en retenant hargneusement ses larmes. Il abandonna son idée, lâcha le manche et accourut vers elle :

- Attends ! Souffla-t-il, tu n'es pas sérieuse ! Ecoute moi !

Il tenta de la saisir mais elle se déroba à son étreinte avec épouvante :

- Ne m'approche, maudite créature !

- Rejoins ses Mangemorts ! Hurla Frédéric, Jédusor nous croira fidèles, il nous épargnera !

- NON ! Je ne suis pas comme toi !!! Je n'ai pas peur de mourir !!

- Menteuse ! Tout le monde a peur de mourir !

- Non !

Le vert de ses yeux fut recouvert d'une lueur démente :

- A mort Jédusor ! Hurla-t-elle un sourire haineux illuminant son visage.

Au même moment, elle leva une main conquérante : le sortilège doloris en sortit et heurta la marque des ténèbres dans un grand craquement : la pierre explosa. Il neigea une multitude de débris poussiéreux, quelques gros fragments chutèrent à quelques mètres de Rei. Elle s'en approcha avec une indescriptible fierté. L'un des morceaux semblaient être le haut de la tête de mort. Elle le foula du pied en souriant :

- Je m'en vais ! murmura-t-elle, je ne reviendrai jamais… Je ne veux plus rien à voir avec vous… Arrangez-vous comme vous voulez avec Jédusor : ce ne sont plus mes affaires.

La voix de son père s'éleva dans son dos :

- Si tu pars, tu ne seras plus ma fille, mais une immonde traîtresse…

- Je ne reste pas…

Elle voulut se pencher pour ramasser le morceau de pierre afin de mieux jouir du plaisir de le réduire en poussière entre ses doigts. Mais…

Elle ne comprenait pas ce qu'il s'était passé : son dos lui avait subitement fait mal. La douleur atteignit un sommet d'intensité en quelques secondes. Un liquide chaud coula sur son épine dorsale, imprégnant ses habits à gros bouillons. Elle s'effondra sur ses genoux, sous le joug de cette souffrance qui ne cessait de grandir.

Un réflexe salvateur la poussa à sauter sur le côté : elle roula au sol en laissant derrière elle une longue trace de sang. Une lame sanguinolente vint se planter à l'endroit où elle se trouvait encore une seconde plus tôt…

Une hache pleine de sang ? Une douleur dans son dos ? Son père qui tient la hache ?

Non ! C'est impossible ! Jamais il… Elle le croyait lâche et abruti, indécis et incapable de prendre une décision radicale, et voilà qu'il…

Sir Frédéric s'appuya sur son arme en transpirant :

- Hé bien, Madurei, souffla-t-il, si tu voyais ton visage en ce moment… Je savais bien que toi aussi tu avais peur de mourir…


- NON ! S'écria Rei adulte.

Retour à Poudlard : Madurei venait de se réveiller en sueur : mais quel cauchemar ! Et quels affreux souvenirs ! Pourtant, la soirée ne s'était pas si mal passée… Elle se frotta les yeux et risqua l'un d'eux vers son horloge : 4 heures du matin… Elle ne parviendrait plus à se rendormir, autant corriger quelques copies. Tandis qu'elle s'affairait sur les devoirs récoltés quelques jours auparavant, il lui semblait sentir son dos la picoter… Ha ! Comme si c'était facile pour une enfant de se dire : « Ton père va te tuer, fais attention ! » ! La mort de Salana l'avait rendue folle ce jour-là. Si elle avait su garder son sang-froid, elle n'aurait pas défié son père, elle ne lui aurait pas inconsciemment tourné le dos, elle n'aurait été ni blessée, ni condamnée à mort.

Et elle aurait pu veiller sur L'Ecarlate et Néréis. Quoique, le méritaient-elles ? Qu'était-il vraiment arrivé à Salana ?

Elle essaya vainement de trouver un autre sujet de pensée moins douloureux mais Rogue lui vint en tête : elle serra sa plume quitte à l'écraser. « Pourquoi a-t-il fallu que je l'embrasse ? » Ils avaient pourtant déclaré d'un commun accord : « l'incident est clos… »

Et le pire dans tout ça, c'est qu'elle lui avait précisé qu'elle n'attendait aucune réponse… « Il doit croire que je ne sais pas ce que je veux… » Songea-t-elle. Mais une idée narquoise lui rendit momentanément le sourire : « Je me demande bien comment il va réagir en me revoyant… »

Quelques heures plus tard, elle se retrouvait à faire cours. Ses élèves remarquèrent tout de suite qu'elle n'était pas très en forme. Son timbre manquait d'énergie, son attention s'amenuisait et ses explications étaient redondantes. Comme si elle faisait un rêve éveillé, Madurei entendait des voix, plusieurs voix, appartenant certainement à des hommes :

« Non mais vous avez vu sa tête ?? »


- Non mais vous avez vu sa tête ??

- Ho ! Oui, c'était bien la première fois que l'orgueilleuse Madurei tirait une gueule pareille.

- Elle est complètement débile ou quoi ? Depuis le temps que son père la maudissait, elle devait bien s'y attendre, non ?

Des soldats discutaient. Madurei était à l'abri sur une branche en hauteur et ne perdait pas une miette de la discussion. Elle priait seulement pour que le sang qui s'échappait encore de ses nombreuses plaies ne les alertent pas.

- Je ne suis rentré qu'après le coup de hache, commenta l'un des deux hommes, elle nageait dans son sang en regardant son pater d'un air abruti…

- Je sais, il a de suite annoncé sa condamnation à mort : il ne perd pas son temps le Sir Frédéric.

- Ouais, et après ça, il lui a couru après avec sa hache.

- La fière Madurei a déguerpi comme un lapin ! Si vous aviez vu ça !

Ils se perdirent dans des ricanements stridents, Rei serrait les dents en se promettant de se venger.

- Bon, assez rigolé, elle ne doit pas être lo…

L'homme se tut, une goutte de sang venait de tomber sur son front. Alerté par ce silence suspect, Rei jeta un œil : l'homme leva la tête dans sa direction et sourit.

- Les chiens démons sont là ? demanda-t-il, nous allons la dénicher…


Mal à la tête… Rei ne se prit même pas la peine d'aller manger ce midi-là. « Bien joué… » Grogna-t-elle dans son fort intérieur, « Rogue va croire que c'est de sa faute… » Et l'après-midi de cours se passa comme la matinée. Sauf qu'à la place de ces voix d'hommes, Madurei avait entendu de longs grognements canins et le bruit de la chair qu'on déchire.

Une bonne tisane pour évacuer ses cauchemars et au lit, c'est ce qu'elle avait prévu… Tout irait certainement mieux demain… Demain, elle aurait tout oublié. « Je devrais faire comme Néréis, et prendre une potion pour perdre ces mauvais souvenirs » songea-t-elle. Quant on pense au loup : Joyce accourut vers sa sœur :

- ça y est ! fit-elle toute essoufflée, j'ai l'autorisation…

- Quelle autorisation ?

- Celle de Dumbledore ! Tu ne te souviens pas, hier, quand je suis venue te voir…

- …Pour pleurnicher parce que Rogue t'avait engueulée…

- …Pour te demander de m'apprendre à voler ! Gronda Joyce en gonflant les joues. Il y a un endroit discret, à l'abri des regards de l'autre côté du lac. Le directeur nous permet d'y aller pour mon entraînement…

Rei n'avait pas envie de commencer dès ce soir-là mais Joyce insista lourdement. Elles se préparèrent quelques sandwiches et se mirent tout de suite en route, accompagnées de Caïn qui connaissait leur secret.


Rogue s'était attablé, songeur. Un doigt s'attarda sur ses lèvres tandis qu'il méditait. La place de Rei était encore vacante, il ne savait pas si elle l'évitait mais ce n'était pas si important : il irait lui parler…

Il avait compris, il avait compris depuis longtemps. Depuis le jour où elle avait risqué sa vie pour lui ; tout en témoignait : le regard qu'elle lui avait lancé à l'agonie et ces mots qu'elle avait prononcé : « Il serait très égoïste de ma part que je meure pour vous… J'ai des devoirs envers Néréis… ». Autrement dit : « mon plus grand bonheur serait de mourir pour vous… ». Ce n'était pas de ces paroles en l'air qu'on lance avant de mourir comme pour faire du lest et décoller plus facilement vers le royaume des morts : c'était au contraire de ces mots qui vous rattache à la vie, une promesse éternelle : Je mourrai pour toi, certes, mais ce sera dans longtemps, après avoir passé ma vie à tes côtés ! Rei avait tourné cela de façon à ce que ça ne paraisse pas trop direct, mais il n'avait pas été dupe.

Il savait qu'elle l'aimait…

Il ne savait pas qu'il l'aimait…

Et maintenant ?

- Madurei n'est toujours pas là ? S'étonna Sirius.

Rictus dégoûté de Rogue comme à chaque fois qu'il entendait la voix de son ennemi de toujours.

L'Animagus tiqua, son regard pivota vers le maître des potions :

- Qu'et-ce que tu as encore fait ?

- Ta gueule !

- Severus, voyons ! S'indigna Dumbledore.

Par pitié ! Il n'avait pas pu se retenir, il ne pouvait plus le supporter ! Sirius, Sirius, Sirius! Au repas, il était là… Dans les couloirs, il était là… Mais quelle misère…

- Madurei est avec sa petite sœur, fit laconiquement Macgonagall, elles ont besoin de se retrouver entre elles quelques fois.

- Cette même petite sœur qui s'est fâchée avec toi, Severus ? continua Sirius de plus belle.

- Je lui ai juste remis les points sur les « i »…

Sirius se gratta le menton d'un air goguenard :

- Je suis sur que tu as du lui sortir ton grand jeu de «Moi, le tyran ! ». Hier, elle avait l'air d'un roquet que son maître avait puni. C'est tout juste si elle ne se mettait pas à genoux devant toi…

Le professeur Bibine releva la tête :

- C'est vrai, Severus ? Vous êtes méchant avec elle parce qu'elle a fait perdre votre maison ?

Rogue serra les dents : il n'aimait pas qu'on lui rappelle que le sablier des Serpentards étaient quasiment vide. Macgonagall eut un sourire satisfait. Il se concentra et lança son regard le plus vénéneux : l'assemblée s'enfouit dans le silence, excepté Sirius qui osait respirer encore trop fort en ultime signe de révolte…


Pendant ce temps, dans une petite clairière longeant un précipice :

- Elles ne sont pas encore assez déployées ! Gronda Madurei.

Joyce faisait pourtant de son mieux. Mais ses ailes étaient encore bloquées à moitié.

- C'est embêtant constata Caïn qui tirait sur l'une d'elles, si elles se dissolvent, dans combien de temps pourras-tu les ressortir ?

- Une heure… Murmura Joyce.

Une heure, c'était le temps nécessaire pour que ses ailes se reconstituent. Une demi-heure suffisait à Madurei. Leur pouvoir marchait ainsi : elles déployaient leurs ailes, mais elles ne les rentraient pas dans leur dos après utilisation, elles les laissaient s'évanouir dans une nuée de plumes… L'inconvénient était qu'il fallait bien calculer son coup et ne pas les dissoudre alors qu'on risquait d'en avoir encore besoin…

- Rien ne vaut la pratique à mon avis, dit la grande sœur. Joyce, prépare-toi à sauter de la falaise. Tu devrais les sortir complètement par réflexe…

- Et si elles restent bloquées ?

Caïn désigna son balai du doigt et Rei continua :

- Nous te rattraperons…

Mais Joyce était trop perplexe. Caïn dut partir en balai. Il se plaça à une centaine de mètre au-dessous d'elle, prêt à la réceptionner.

- Bon, souffla le jeune fille, je suppose que je n'ai plus le choix…

- Exact, siffla Rei, tu m'as forcée à venir jusqu'ici, maintenant : tu assumes !

Joyce déglutit et s'avança vers le bord. Elle inspira profondément et se jeta soudainement dans le vide, les plumes s'éparpillèrent autour d'elle en large éventail. Devant ce spectacle, Madurei se retrouva interdite…

Elle avait bondi de la même façon : un genou plié, l'autre jambe tendue, les bras prêt à brasser l'air s'il le fallait. C'était il y a 15 ans…


Il y a 15 ans… Madurei venait d'échapper in extremis aux chiens démons : ses membres étaient déchiquetés, son visage noyé de sang et d'écorchures. Elle ne dut sa sauvegarde qu'à la présence d'un large gouffre : elle s'y était jetée avec ardeur… et avait pris son envol pour la première fois. Ses ailes blanches offrirent un contraste saisissant avec la rougeur qui maculait le reste de son corps. Même ses cheveux trempés de sang collaient sur ses joues, sur ses tempes, sur son dos… Elle se sentait sale, mais sale !

Combien de temps avait-elle volé ainsi ? Le vent frappait ses membres accablés par la douleur mais ses ailes toutes neuves battaient, battaient, battaient…

Et elle aperçut une muraille…. LA muraille qui séparait le royaume des Ksris du reste du monde. Nul ne savait ce qui se trouvait derrière : la famille Serpentard pour éviter les fuites avaient toujours cru bon d'interdire à quiconque de la franchir. On niait farouchement l'existence même d'un autre monde…

Mais Rei savait qu'il existait quelque chose derrière : elle avait entendu parler de Poudlard. Et surtout, tous les Ksris étaient quasiment bilingues, en même temps que leur langue ancestrale avait subsisté depuis mille ans, un langage étrange appelé « l'anglais » s'était introduit dans leur pays il y a quelques siècles… En outre, les Mangemorts et Jédusor devaient bien venir de quelques parts ! Ils ne pouvaient pas être tombés du ciel comme ça !

Les Ksris étaient des modèles d'hypocrisies, des maîtres en la matière du « vivre caché sans l'être tout en l'étant… »

Elle se rapprochait de la muraille : bientôt elle s'y poserait, bientôt elle VERRAIT ! Enfin, tout ce que son père a voulu lui cacher, tout ce dont elle pouvait rêver, elle le VERRAIT !

Et elle vit…

Rien…

A peine ses pieds eurent-ils touché la roche qu'elle s'immobilisa, stupéfaite : de l'eau…

A gauche, de l'eau. A droite de l'eau. En face, de l'eau ! Madurei découvrait l'océan pour la première fois. Elle s'affaissa sur ses genoux : ce n'était pas possible.

- Revenez ici ! Lady Maurei !

Elle tourna la tête : au bas de la muraille, des hommes s'étaient rassemblés : les soldats qui la pourchassaient :

- Vous voyez qu'il n'y a rien derrière ces murs ! Vous n'avez nulle part où aller. Fermez vos ailes !

Madurei considéra l'horizon avec désespérance. En admettant qu'il y ait bien une autre terre à l'autre bout, elle n'aurait jamais la force de voler jusque là… La fatigue et la faim auraient raison d'elle. Et toute demi-néréide qu'elle fut : elle ne pouvait respirer sous l'eau, elle finirait certainement noyée. Elle savait, certes, qu'elle possédait le pouvoir de contrôler l'eau et de se faire une bulle d'air, mais elle ignorait encore comment s'y prendre et elle ne sentait pas d'attaque à faire quelques petites expériences…

- Votre diabolique cousin ne vous a-t-il pas dit qu'il nous construirait des murailles ? Ricanèrent les hommes. Votre ancêtre Salazard avait déjà bien commencé lui ! Allez ! Descendez ! Acceptez votre sort !

Elle se redressa et écarta les ailes en signe de protestation :

- Un jour viendra où je détruirai ces murailles ! Cria-t-elle.

Elle reprit son envol en gardant, par orgueil, une posture des plus combatives.

Les soldats ruminèrent, l'un d'eux en particulier marmonna :

- Ouais, c'est ce qu'ils disent tous… Tous ceux qui prennent la mer pour s'enfuir d'ici. Mais aucun ne revient jamais…