Disclamer : Tout appartient à Rowling.
B/ Je suis maître, je parle, allez : Obéissez !
Madurei revenait dans ses quartiers. Il était tard, minuit passé. Joyce et Caïn venaient de se séparer et chacun était retourné dans son dortoir. Elle aperçut alors une forme sombre qui s'éloignait de sa porte :
- Rogue ! Appela-t-elle.
La silhouette se figea : effectivement c'était bien lui. Elle ouvrit la porte, alluma à l'intérieur et l'invita à entrer.
En pénétrant dans la pièce, Rogue ne détacha pas son regard de la jeune femme. Madurei se débarrassa de sa cape et l'accrocha à son porte-manteau. Puis elle se retourna, un peu surprise : il avait glissé sa main dans sa chevelure. La lumière était faible et vacillait par à-coups.
- Vous avez des brindilles dans les cheveux, s'expliqua-t-il.
Il retira en effet quelques pailles dorées.
- Joyce a pris sa première leçon de vol… Soupira-t-elle pour justifier l'état déplorable de sa chevelure tout en se recoiffant. Au début elle s'est bien débrouillée. Mais lorsqu'on a essayé de voler en duo, une bourrasque de vent l'a gênée et elle m'est rentrée dedans.
- C'est du Joyce tout crachée, ricana-t-il.
Mais il se recomposa un air plus sévère :
- Cependant, ce n'est pas de cela dont je voulais vous entretenir.
- Et de quoi donc ? Demanda Rei en fronçant les sourcils.
Leurs yeux se battirent en duel pendant quelques secondes. Rei finit par détourner négligemment le regard et alla s'asseoir dans son fauteuil.
Rogue la contempla longuement. Le silence régnait dans la pièce. Au bout de quelques minutes, l'attention de Rei sembla s'envoler et ses yeux restèrent dans le vague, comme si elle ne s'apercevait plus de sa présence.
Rogue songeait toujours. Il l'avait laissée faire. Oui, il l'avait laissée faire. Lorsqu'elle l'avait enfermé dans ses ailes, il avait deviné qu'elle allait l'embrasser mais il n'avait pas cherché à résister…
Que dire ? Le silence s'imposait toujours : aucun des deux n'étaient naturellement doués pour la communication. Soit ils s'enfermaient justement dans le silence, soit ils se cachaient derrière la colère : ils ne savaient agir autrement.
Rei coulait dans de nouveaux cauchemars : son périple en mer après qu'elle eut décollé de la muraille, son sauvetage par des sirènes… les créatures marines l'avaient soignée et au bout d'un mois, elle avait pu gagner Londres… La ville où elle l'avait retrouvé, lui : Severus Rogue…
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue…Elle releva la tête d'un geste brusque et braqua son regard dans le sien. Rogue, sentant ce feu qui l'appelait, s'approcha d'elle. Il avait rêvé d'elle, cette nuit. Et ce fut un rêve bien étrange : Une enfant dissimulée sous une cape noire était là, au milieu d'un cimetière. Elle déblatérait avec cynisme sur quelques aspects de sa vie : elle parlait d'une hache, de son père… A la fin, elle soulevait sa cape et se présentait : Madurei Serpentard…
Sans y penser, il était déjà devant elle, Rei baissa les yeux comme si de rien n'était. Il s'assit sur un accoudoir, les mains de Madurei se raidirent. Il prit son visage par le menton pour la forcer à le regarder :
- Je veux juste vérifier quelque chose, murmura-t-il en se penchant.
- Je pensais avoir été claire, dit-elle d'un ton de reproche mais avec un trouble évident.
Leurs lèvres s'effleurèrent lentement, des moments qui leur semblèrent excessivement longs s'écoulèrent dans ces petits frôlements. C'était comme le jeu de « celui qui se brûlera le premier ». Ils se tentaient l'un l'autre par ces caresses furtives. Mais Rei finit par se vexer et essaya de le repousser d'un air excédé. Rogue, pour ne pas perdre l'équilibre, se laissa tomber sur elle et avant qu'elle ait pu lui reprocher quoique ce soit, il s'empara de ses lèvres avec ardeur : pour la faire taire, pour la faire vivre… La jeune femme, entièrement conquise, se lova plus étroitement contre lui.
Et dire qu'il était venu à l'origine pour lui demander de ne pas se faire d'illusion sur son compte… Et au lieu de cela, il l'enlaçait fougueusement. Il la serrait même si fort contre lui qu'elle ne parvenait plus à respirer. Mais pour Rei cela n'avait plus d'importance : il était devenu à présent son seul oxygène. Sentir ses bras qui s'enroulaient autour d'elle, le poids de son corps, son odeur embaumante et ses lèvres contre les siennes : tout cela était devenu son dernier critère de vie…
Ils s'embrassaient déjà depuis de longues minutes, collés l'un contre l'autre. Rei avait l'impression que sa tête allait exploser, Rogue aussi… Une ivresse sans pareille s'était emparée d'eux, les plongeant dans un état aussi lymphatique qu'empreint de violentes impulsions… Mais une douleur bien réelle ramena Rogue à la réalité : son bras droit se mit à le faire souffrir. Ils se séparèrent avec vivacité : la marque des ténèbres le brûlait, Voldemort le convoquait !
Rogue dévisagea Madurei comme s'il venait de tomber dans un cauchemar éveillé. Il s'était laissé aller quelques instants et voilà le résultat ! « Calme-toi » se disait-il à lui-même, « il n'est pas forcément au courant… »
- Vous n'êtes pas obligé d'y aller ! Dit Madurei avec empressement.
Il la fixa durement :
- Si…
La même angoisse l'avait saisie elle aussi. Elle voulut s'avancer vers lui mais il recula.
- Severus, murmura-t-elle en tentant de maîtriser sa voix, Jédusor peut sentir mon aura et mes élans d'humeur… mais il ne pas savoir exactement ce que je pense ou ce que je ressens… Il n'y aura aucune fuite de mon côté !
Il ne parut pas rassuré pour autant. Il prit un pas martial et amorça son départ.
- Bonne chance, lui souffla Rei.
Il ne la remercia pas mais il lui adressa un regard entendu. Lorsque les bruits de ses pas se furent éloignés et qu'elle se savait seule, Rei laissa sortir un petit cri de rage. Elle tremblait de nervosité et son souffle devint haletant, comme si elle approchait de la crise de nerf.
- Depuis quand… Soupirait-elle toute seule en retenant ses larmes, depuis quand je me mets dans des états pareils, moi, pour un homme ?
Elle saisit le premier objet en verre qui lui passait sous la main et le brisa contre le mur.
Après avoir transplané, Rogue se retrouva en un lieu inconnu. Du brouillard s'éparpillait tout autour de lui et des corbeaux croassaient comme un glas sinistre. En signe de mauvais présage, la lune était noire. La brume se dissipa par endroit et il put apercevoir un château au loin : la bâtisse de feu Frédéric.
- Admirable n'est-il pas ? Demanda une voix de glace.
Rogue la reconnut comme étant celle de Voldemort : il pivota dans la direction du bruit et posa un genou à terre en signe d'humilité :
- Certainement, acquiesça-t-il.
Les deux yeux rouges étincelèrent comme des phares en pleine mer et chassèrent les dernières nuées. Le seigneur des ténèbres s'avança dans un calme trompeur :
- Je n'y suis pas encore rentré, dit-il en désignant le château du menton, Néréis le sentirait. Elle est liée à ce lieu, tout comme Joyce, ou plutôt l'Ecarlate, puisque c'est ainsi qu'on la surnomme…
- « Liée ? »
- C'est la raison pour laquelle elles ne doivent pas mourir… Pour l'instant…
Rogue remarqua avec inquiétude qu'il était le seul Mangemort présent.
- Relève-toi ! Commanda son maître.
Il s'exécuta, Jédusor commença à tourner autour de lui comme s'il voulait cerner une proie. Rogue avait déjà fait le vide dans sa tête : le moindre doute, la moindre hésitation, et il était mort.
Voldemort l'agrippa brutalement par l'épaule et le tira vers lui. Rogue se retint tout juste d'exprimer son dégoût, son maître enfouit sa tête dans son cou. Il serra ses poings, prêt à saisir sa baguette en cas de besoin. Mais Voldemort laissa s'échapper un petit murmure qui se finit en un véritable hurlement :
- Tu pues le parfum de MADUREI !!!
Et d'un geste infiniment brutal, le seigneur ténébreux envoya son serviteur loin de lui : Rogue s'écroula à terre, tenta de se relever, mais il reçut une décharge foudroyante que le rejeta à nouveau sur le sol.
- C'est faux ! Cria-t-il en s'appuyant sur un bras, je n'ai rien fait qui puisse vous trahir ! J'espionnais pour vous !
Le regard rouge fulminait de rage :
- Je t'ai bien demandé en effet de surveiller Madurei, Severus, mais tu aurais du te contenter du minimum ! Du strict minimum !
Rogue parvint enfin à se mettre debout, il arbora son regard le plus déterminé en prononçant d'une voix confiante :
- Je ne vous ai pas trahis !
Voldemort le scruta longuement. Puis il caressa doucement sa baguette de ses longs doigts effilés :
- Tu ne te demandes pas d'où je connais son parfum ?
Rogue flaira le piège : il essayait de le rendre jaloux : surtout, ne pas se laisser prendre !
- Non, maître, en quoi cela me concernerait-il ? Vous êtes maître : parlez… Et moi j'obéirai. Je n'ai rien à savoir de plus.
- Je le connais bien, le parfum de Madurei…
Il sentit ses veines palpiter. Voldemort s'approcha de lui tout en lenteur :
- Ho, oui ! Je le connais bien, très bien même… Mais tant mieux… Tu sais combien j'aime être proche de mes Mangemorts, nous aurons une expérience commune.
Ces sous-entendus rendaient Rogue fou ! La colère accéléra les battements de son cœur mais il resta stoïque :
- Non, maître… Ma relation avec Madurei s'est toujours passée sur le plan strictement professionnel : je m'efforce en tant que « collègue » de gagner sa confiance, conformément à vos ordres…
Un sourire épouvantable illumina la face de serpent de Lord Voldemort :
- Très bien, très bien… Je ne voudrai pas que tu t'investisses trop dans ton rôle d'agent double… Je sais que tôt ou tard, elle reviendra vers moi… Tu comprends, Severus ? elle est mienne…
- Je… comprends.
« Il te ment » se disait Rogue avec force, « ça ne peut être qu'un mensonge : lui… et Madurei ? » Un profond dégoût l'envahit : il avait hâte de mettre un terme à cette discussion.
- Severus, dit le maître d'un ton impénétrable, veux-tu me rendre un service ?
Question inutile, Rogue répondit bon gré, mal gré :
- Oui, maître…
Voldemort lorgna sur le château de son ancêtre, animé de la plus vive avidité :
- Je veux qu'elle souffre…
Rogue avala sa salive en s'efforçant de ne pas soupirer.
- Je veux qu'elle souffre, Severus. En ce moment, je sens bien que son aura est perturbée par je ne sais quel souci, mais ce n'est pas assez à mon avis. Ecoute-moi : que tu gardes sa confiance ou non, cela n'a plus d'importance. Alors, t'en qu'à faire, le bon « collègue de travail » que tu es va se faire un plaisir de la persécuter : je veux sentir son aura vaciller, je veux qu'elle souffre à en crever. Je ne te demande pas de l'attaquer physiquement : tu as encore une mission à accomplir auprès de Dumbledore mais brise-y le cœur pour moi.
Il considéra alors son serviteur d'un air doucereux :
- Estime-toi heureux de la confiance que je mets en toi. Un maître moins indulgent t'aurait déjà congédié.
« Congédié » : quel euphémisme pour « tué » ! Rogue saisit très bien le message : il s'inclina avec respect :
- Vous êtes trop bon, maître…
Madurei n'avait pas pu aller se coucher : elle attendait, assise dans l'ombre sur un banc d'une cours intérieure du château, non loin du couloir où Rogue devrait passer pour aller se coucher : non pas pour lui parler, mais pour être sure qu'il était rentré sain et sauf. Elle regarda l'heure d'une horloge qui la surplombait : 2 heures du matin, s'il n'était pas rentré dans 1 heure maximum, elle irait alerter Dumbledore. Elle ne pouvait pas s'empêcher de s'en vouloir, d'avoir des scrupules : le temps n'était pas vraiment opportun pour s'abandonner à de telles futilités. Abattre Jédusor… et ces murailles : voilà le seul vrai but qu'elle devait poursuivre.
« Un jour viendra où je détruirai ces murailles ! »
« Ouais, c'est ce qu'ils disent tous… Tous ceux qui prennent la mer pour s'enfuir d'ici. Mais aucun ne revient jamais… »
Mais non, 15 ans après : elle revenait !
Le 24 juin de l'année précédente : elle revenait… Tandis que Harry Potter concourrait pour sa troisième tâche dans le cadre du tournoi des trois sorciers, sans se douter que d'un instant à l'autre, il se retrouverait face à son ennemi juré, une atmosphère angoissante noyait le château de Sir Frédéric.
Un orage dantesque déchirait les énormes nuages noirs qui traversaient les cieux. Rafales et coups de vents se frottaient aux murs dans des résonnements lugubres. Les villages les plus proches du château étaient en état d'alerte. Les murs et les portes furent barricadés. Au loin, les débris de la poupée d'un enfant perdue s'envolaient dans un tourbillon de boue.
Sir Frédéric et l'Ecarlate s'étaient enfermées dans la grande salle de festin. Murs noirs, table d'ébène s'étendant d'un bout à l'autre de la sinistre pièce. Frédéric dînait à la place d'honneur. Il grignotait une aile de poulet d'un air angoissé. Des cernes faisaient tomber ses joues, lui conférant une mine maussade et fatiguée. L'Ecarlate, à l'autre extrémité de la table, ne mangeait pas : elle n'avait pas faim.
La tempête semblait irréelle tant elle était forte. La jeune fille observait les voûtes avec inquiétude, comme si elles s'apprêtaient à lui tomber dessus.
Une vitre se brisa, des débris d'arbres et de boue s'étalèrent sur le sol aux carreaux sombres. L'Ecarlate poussa un petit gémissement.
- Servantes ! Gueula Frédéric en séparant momentanément ses dents de sa modeste pitance.
Trois jeunes femmes entrèrent lentement.
- Nettoyez ! Et toi, (il s'adressa à sa fille), répare-moi ça.
L'Ecarlate ferma les yeux : les bouts de verre s'envolèrent vers la fenêtre laissée béante et se reconstituèrent aussitôt en une vitre fortifiée. Mais les servantes ne bougèrent pas.
- Vous êtes sourdes !? Gronda Frédéric.
Elles firent toutes un pas en même temps :
- Il est de retour…
Frédéric se dressa doucement, avec une prudence telle qu'on l'aurait cru face à face avec un lion avide.
- Pardon ? Qu'est-ce que vous dîtes ? Chuchota-t-il d'une voix d'outre-tombe.
- Celui qui construira les murailles est de retour ! Hurlèrent les trois servantes.
Elles s'agitèrent, prises de convulsion. L'Ecarlate détala de son siège pour rejoindre son père.
- Je vous construirai des murailles, prononça la première servante d'un ton éteint.
- Non pas de ces murs, reprit la seconde avec un timbre encore plus sombre, qui tombent sous les affres de l'homme et du temps…
- Mais des remparts, murmura la troisième, comme on en voit seulement bâtis par des mains IMMORTELLES !!!!!
La pâleur de la mort imprégna le visage de Frédéric.
- Des mains immortelles, marmonnèrent les trois en même temps…
- Pour un Seigneur immortel ! Couina l'Ecarlate terrifiée…
Elle n'eut pas le temps de voir le coup : son père la frappa en plein visage : elle s'écroula à ses pieds en gémissant.
- C'est elle qui vous fait dire ça ?? Hein ? C'est elle ?? C'est Néréis ?? Bon sang mais je la croyais morte ! Néréis ! NEREIS !!!
Il rua sa fille de coup de pieds :
- Je t'avais dit de la laisser crever !! Je t'avais dit la laisser crever !!
L'Ecarlate se traînait sur le sol en sanglotant :
- Pardon, père ! Pardon ! Mais je ne pouvais pas la laisser mourir : JE L'AIME !
Il s'arrêta, non pas parce qu'il avait retrouvé son calme, mais parce qu'il était trop épuisé pour continuer. La fille s'éloigna à une bonne distance, songeant qu'un autre accès de colère était toujours possible.
- Si je l'ai enfermée dans la tour d'Ivoire ! Brailla Sir Frédéric, c'était pour qu'elle y meure de faim et de soif ! Je t'avais interdit de la nourrir ! Mais… Mais…
- Pardon, père ! Pardon !
Mais son père ne l'écoutait déjà plus, il se mit à tourner en rond, en proie à une démente fureur.
- Néréis, hurlait-il, descends si tu l'oses ! Descends !!
- Non père, s'alarmait l'Ecarlate, vous allez la faire venir ! Non, vous savez à quel point elle peut être méchante !
Les éclairs redoublèrent de violence, le grondement du tonnerre couvrait leur voix. Voyant là un mauvais présage, Frédéric cria de plus en plus fort, maudissant ses filles. Sa bouche cracha mille injures à l'encontre de Néréis.
- Arrêtez, père ! Pleurait l'Ecarlate ! Vous allez la vexer !
Brusquement, un énorme bruit les propulsa à terre, les oreilles sifflantes. Quelques gémissements s'échappèrent de leur gorge.
Puis le silence fut… Le silence total : le vent ne soufflait plus. Le ciel était complètement noir, aucun éclair ne le zébrait, les nuages s'alignaient, uniforme, comme une ténébreuse couverture.
- Quelque chose a explosé ? Demanda Frédéric en se relevant péniblement.
- … Néréis est sortie, répondit l'Ecarlate.
Son père s'emplit d'une terreur religieuse. Il se trémoussa sur ses genoux, tel un possédé qui voit arriver le diable venu spécialement pour lui.
- Et l'autre est entrée… souffla-t-elle.
Son père écarta les doigts et tendit une main désespérée dans sa direction :
- Qui ?
L'Ecarlate le fixa avec un regard aussi terrorisé que le sien :
- Madurei…
Elle se leva d'un coup et se rua vers le couloir. Frédéric la héla mais rien n'y fit. Même les servantes, que Néréis avait dépossédées entre temps, s'enfuirent.
Madurei ? Madurei ? Vivante ? Ici ? Impossible !
Il déambula comme un fou vers les grandes portes, le souffle coupé par la peur de la revoir. Ha ! Devoir affronter son regard après ce qu'il lui avait fait ! Elle le tuerait : elle en était bien capable !
- Sir Frédéric ! Hurla une sentinelle.
Il redressa la tête vers les hautes parois, le garde s'empressa de raconter :
- Il y a des nouvelles du sud ! La tempête avait commencé par là ! C'était un vrai déluge de feu ! Les gens racontent qu'ils ont vu un ange arriver par la mer !
- Un ange ?
- Même les villageois des environs le prétendent…
Un ange… C'était bien elle…
- Et l'explosion ? Demanda Frédéric en hurlant, d'où venait-elle ?!
- Pardonnez-moi, seigneur, effectivement : la tour d'Ivoire a été partiellement détruite…
- Par qui ? Comment ?
- … Par un ange… Dit maladroitement le soldat.
- Abruti ! Tu ne pouvais pas commencer par là ?!
Madurei avait libéré Néréis : que pouvait-il arriver de pire ? Il retourna à l'intérieur, traversa de nombreux couloirs, se sentant pris au piège comme un rat.
Il se figea brutalement : un sifflement, comme celui d'une lame qu'on avait lancée et qui tournoyait dans l'air, se fit entendre. Une… hache se planta… juste à côté de son visage, dans le mur. De la sueur dégoulina sur son front rugueux. Un ricanement suivit ce son funèbre et une silhouette noire vêtue d'une cape apparut face à lui.
- As-tu peur de mourir ? Demanda la voix glacée.
Rei souleva le tissu avec prestance et dévoila sa figure où luisaient ses yeux triomphants :
- Il est de retour ! Cria-t-elle avec une joie lugubre.
Frédéric se plaqua contre le mur en souffletant.
- Oui, poursuivit Madurei, cette vermine de Jédusor est de retour parmi les vivants. Et il sait que vous n'avez rien fait pour lui venir en aide : préparez-vous à recueillir les fruits de son courroux…
- Je ne te crois pas…
Elle releva son visage d'un air hautain et marcha autour de lui :
- Je le SENS, je le SAIS, que voulez-vous de plus ? Sa renaissance empeste sur des milles et des milles ! Je savais pertinemment qu'il reviendrait à la vie mais je ne pouvais rien faire…
Effectivement : une seule personne pouvait l'arrêter, une seule personne avait été choisie par le destin pour cette tâche : et c'était le petit Potter… Madurei avait eu vent de la prophétie de Trelawney et avait alors détourné tous ses efforts à augmenter sa propre puissance pour être utile à l'Ordre du phénix en temps voulu.
- Tu ne pouvais pas, ou tu ne voulais pas, bafouilla son père en essayant de reprendre confiance, petite garce ! ça m'étonnerait pas que tu l'es rejoint !
- La ferme ! Hurla Madurei en le menaçant d'une main confiante, ne crois surtout pas ça, pauvre dégénéré !
Les paupières de Frédéric battirent de frayeur :
- Tu ne vas pas tuer ton propre père ?
- Non ! Bien sûr ! Je ne veux pas suivre les pas de Jédusor cependant…
Elle abaissa son bras en souriant avec une expression maligne :
- C'est lui qui va te tuer pour moi… Je suis encore bien plus cruelle en te laissant vivre : je t'offre en pâture à Jédusor. Ce sera ça, ma vengeance !
Les ongles de Madurei se plantèrent dans le cou paternel, il gémit de douleur, elle le souleva sertie d'une moue de dégoût et le jeta loin d'elle en braillant :
- J'ai vu le sort que tu avais réservé à Néréis ! Je l'emmène avec moi ! Et l'Ecarlate aussi !
Mais un étrange sentiment se glissait dans le cœur de Rei : la haine qui se mélangeait à l'amour sororal. Quant elle était arrivée devant la tour d'Ivoire, la plus vile exécration la guidait encore, mais en découvrant sa petite sœur dans un état aussi misérable, un gain de compassion avait déferlé dans son âme. Mais curieusement, elle ne ressentait pas de pitié pour l'Ecarlate : celle-ci n'avait été ni enfermée, ni privée de nourriture… Madurei ne comprenait pas encore bien ce que s'était passé entre son père et ses deux cadettes, il lui fallait encore le découvrir.
Elle s'en alla, se fiant à ses sens pour repérer l'aura de ses sœurs. Ses pas la conduisirent dans une cours où coulait une fontaine décorée par la statue d'Icare, le fameux personnage de la mythologie grecque. Néréis était devant la fontaine, agenouillée. Madurei trembla d'indignation : elle portait un masque aux pierreries rouges qui rappelaient atrocement le regard de Voldemort !
L'Ecarlate était de dos et murmurait à sa jumelle d'un ton ému :
- Oui, grande sœur, tu peux y arriver… je t'en prie, quitte ce masque…
Emplie de fureur, Madurei joignit sa voix à la sienne :
- QUITTE CE MASQUE !
L'Ecarlate sursauta et se retourna.
- Tu imites Jédusor maintenant ?! Hurla Madurei, petite idiote ! De quoi parliez-vous ?
- De Severus Rogue, répondit Néréis.
Pour la première fois depuis longtemps, le visage de Rei refléta la crédulité la plus complète.
- Est-il vrai, demanda Néréis en chuchotant comme une enfant qui aurait brutalement découvert un nouvel univers, qu'il n'est plus un Mangemort ?
- Oui, fit lentement Madurei, oui, ce n'est plus un Mangemort.
- Et nous pouvons lui faire confiance ?
- Oui… Nous pouvons lui faire confiance…
Mais Néréis se sembla pas satisfaite pour autant :
- Après tous les meurtres qu'il aura commis, les tortures qu'il aura infligées, il devient le plus honnête des hommes ? Cela ressemble à une mauvaise plaisanterie. Soit c'est un surhomme qui ne craint pas la loi du commun des mortels, qui se souille et se purifie à loisir, soit il est incroyablement culotté…
- Il s'est repenti, murmura Madurei. Il s'est tout simplement repenti.
L'Ecarlate perdit toute contenance, elle tenta de désarçonner leur grande sœur :
- Tu es sure ? Tu es VRAIMENT sure, Madurei ? Il est rare de te voir pardonner à un ex Mangemort !
- C'est parce qu'il est rare de me voir parler de Severus Rogue, lança Madurei du tac au tac.
Néréis tiqua à cette dernière réplique mais elle ne laissa rien paraître :
- Et est-il heureux, Madurei ?
Elle lui posait une colle… Madurei n'avait croisé Rogue que trois fois : la première fois ici même dans ce château, alors qu'il était encore Mangemort (juste après qu'il eut fait exploser le vase de Néréis, elle l'avait entraperçu par le battant d'une porte) et ses yeux étaient pleins de haine et de révolte. La deuxième fois, c'était à Londres : son regard était plus doux mais désœuvré, comme celui du paria qui sait qu'il ne trouvera jamais une place au soleil dans ce bas-monde. La troisième fois, elle l'observait, perchée sur une tour à Poudlard et il lui donna l'image d'un homme froid dont la rage sinistre perdure…
- Non, conclut Madurei, il n'est pas heureux… je doute qu'il le soit un jour…
Néréis fut enfin satisfaite de cette réponse :
- Je veux le voir… Annonça-t-elle, je veux voir comment c'est un homme qui se révolte contre Jédusor.
- Ne t'inquiète pas, tu vas être exaucée…
L'Ecarlate écarta largement les yeux :
- Vous partez ?! Tu pars, Néréis ?!
- Tu viens aussi avec nous, dit Madurei.
- Non ! Cria l'Ecarlate, JAMAIS !!! Je reste ici, je reste avec père ! Néréis, tu ne peux pas me faire ça ! Ne pars pas !
- Fais comme tu veux, murmura Madurei d'un air mauvais, mais n'influence pas ta sœur.
Néréis fit deux, trois pas flottants. Elle se stabilisa, regarda le ciel que les nuages avaient finalement déserté :
- Très bien, je viens…
Sa jumelle s'agita, comme saisie par une jalousie maladive :
- Tu préfères Madurei à moi ! Tu préfères le Rouge-Gorge à moi !
- Rogue, un rouge-gorge ? Ricana Rei, voilà qui est charmant.
Et Néréis répondit à l'Ecarlate par ce simple mot :
- Oui…
Les larmes lui montèrent aux yeux, l'Ecarlate fit volte-face pour cacher son visage.
- Vous ne pourrez pas vous enfuir, marmonnait-elle, Néréis est trop visible ! N'importe qui vous reconnaîtra ! Déjà nos gardes arpentent la frontière, vous ne passerez pas !
- Je sais, soupira Madurei, et c'est là que j'ai besoin de toi !
L'Ecarlate se transit.
- Caïn ! Appela Rei.
Un jeune homme surgit de derrière la fontaine, trempé jusqu'aux os : Caïn Headcliff.
- Nous avons eu l'occasion de faire connaissance, fit remarquer Néréis.
Il rougit. L'Ecarlate parut surprise : elle ne savait pas qu'il y avait un garçon en ces lieux et fut prise au dépourvu.
- Tu as ce que je t'ai confié ? Questionna Madurei (mais cela ressemblait plus à un ordre).
Caïn s'approcha en silence et sortit une fiole violette de sa poche ainsi qu'une petite seringue. Madurei s'empara de l'instrument et piqua promptement le bras de l'Ecarlate. Celle-ci se débattit en glapissant mais Rei la lâcha bientôt pour la laisser tomber à terre. Enfin, la jeune femme brune versa le sang dans la fiole :
- Polynectar avancé ! Clama-t-elle, bois, Néréis !
La jeune fille fixa la potion avec perplexité :
- Je voudrais… perdre la mémoire aussi. Pas entièrement, mais une bonne partie.
Le visage de Rei exprima une colère noire : Si Néréis perdait la mémoire, elle ne pourrait plus savoir ce qui était arrivé à Salana. Elle essaya donc de la dissuader :
- … Tu courras le risque, répondit sévèrement Madurei, de voir tes souvenirs ressurgir en rêve sans savoir qu'ils sont vrais ! Tu seras encore plus embrouillée !
- Qu'importe, le jeu en vaut la chandelle. Tu n'as qu'à faire en sorte que ce soit temporaire. Puissé-je passer seulement une année en oubliant presque qui je suis vraiment !
Madurei arbora un visage insondable :
- Comme tu voudras…
Un rayon de soleil la réveilla : elle s'était endormie ! Tous ses muscles étaient engourdis. Elle se leva précipitamment et s'engouffra dans le couloir avec hâte.
- Madurei !
C'était Sirius.
- Déjà debout de si bonne heure ? demanda-t-il.
- Oui, fit-elle, j'ai des devoirs à corriger.
Et de sa voix la plus détachée :
- Au fait, vous n'auriez pas croisé Rogue ?
- Si… Avoua-t-il en grimaçant, je n'arrivais pas à dormir et je l'ai entendu rentrer vers 3/4 heures du mat… Je reconnaîtrais son pas méprisant entre mille.
Et il traînassa les pieds dans ce qu'il croyait être une imitation de Rogue, mais Rei ne trouva pas ça drôle. Elle prit congé, soulagée.
Les élèves commençaient à remplir les allées, en route pour leur petit-déjeuner. Rei finit par retrouver Rogue mais au moment où leur regard s'était croisé, elle avait compris que quelque chose n'allait pas. « Allons bon… » Se dit-elle, « je sens que ça va être ma fête… Combien on parie que TOUT va me retomber dessus ? »
- Les remords ne vous ont pas empêché de dormir, Madurei ? lui lança-t-il en serrant les dents.
« Bingo ! »
- … Ravie de vous revoir en pleine forme, dit-elle d'un ton indifférent.
Puis elle s'enferma sous des accents narquois et mima une conversation :
- Moi ? ho, non, je vous en prie, j'ai passé une très bonne nuit… Si, si, je vous le dit… C'est pour ça que je porte encore les habits de la vieille !
Le teint de Rogue vira au rouge : elle se moquait de lui…
- « Remords », reprit-elle avec colère, je ne vous ai pas agressé, hier, que je sache !
- ça suffit, suivez-moi !
Il l'entraîna dans un coin sombre pour ne pas être vus.
- Connaissez-vous bien le Seigneur des ténèbres, Madurei ?
Ses yeux s'étaient éclaircis sous une lueur démente. Rei ne manqua pas de le remarquer.
- C'est à dire ? S'impatienta-t-elle. Personnellement ?
- Oui, personnellement…
- … Je l'ai vu deux fois…
Il était devenu étrange, sa voix trahissait une fureur sous-jacente. Madurei ne voyait pas où il voulait en venir.
- Deux fois ? C'est tout ? Il a pourtant été assez imprégné de votre parfum pour s'en souvenir…
En un éclair, Rei saisit le sous-entendu et sa réaction fut fulgurante : son poing vint se nicher dans le nez de Rogue.
- Mais quelle audace ! Hurla-t-elle tandis que Rogue posait les deux mains sur son visage en sang. Ecoutez-moi bien : la première fois que je l'ai rencontrée, mon père s'apprêtait à l'adopter, mais à mon grand bonheur, cela ne s'est pas fait : il avait cinq ans… Il aurait fallu qu'il soit vraiment précoce pour faire quoi que ce soit, et que moi je sois une vraie catin !
Rogue essuya le filet de sang qui avait coulé sur son menton.
- Et la seconde fois, vous étiez en sa compagnie ! Je vous ai juste entraperçu tandis que j'entraînais Néréis après moi pour se cacher, après que vous lui avez fait exploser son vase entre ses mains !
Elle était tellement emportée dans ses justifications qu'elle ne vit pas l'expression mauvaise qui envahit le visage de Rogue à ce moment-là.
- Et pour finir avec cette histoire de parfum : si vous étiez un si bon prétendant au poste de Défense contre les forces du mal, vous devriez savoir, imminent collègue, que les néréides ont quasiment toutes la même odeur… Vous n'avez qu'à renifler Joyce et vous le verrez !
- Merci du conseil, grogna-t-il.
Subitement, le dos de Rei vint heurter la roche froide du mur, Rogue l'avait violemment poussée. Trop furieux, trop heurté dans sa fierté, les phrases se bousculaient dans sa tête. Il la retenait prisonnière contre la paroi, les joues de Rei se parèrent du rouge de l'indignation.
- Je ne veux plus vous voir, murmura Rogue d'un ton plein de menaces, foutez-moi la paix ! J'ai déjà assez à faire avec lui, alors si en plus il faut que je me coltine les cousines !
Et les yeux d'émeraudes flamboyèrent de haine : c'était bien la pire insulte pour Madurei. Mais une petite voix les interrompit : un ton angoissé et atterré :
- Qu'est-ce que vous faîtes ?
Joyce était là, le teint livide, la figure décomposée. Elle avait du entendre… Rogue lâcha Rei instantanément. Celle-ci eut un mouvement vers sa petite sœur mais l'enfant l'évita pour concentrer son regard sur Rogue.
- Je suis bête, murmura l'adolescente avec une effroyable lucidité, vous détestez Potter à cause de son père… Alors, nous, les cousines… N'en parlons pas…
Et elle s'enfuit à tire d'ailes, Madurei lui partit après en lui criant quelque chose dans leur langue natale. Rogue avait l'impression d'avoir reçu une balle en pleine poitrine : dans le regard de l'enfant, il avait lu la déception la plus profonde. Cette déception ! Cette amertume, cette honte ! C'était ce que lui-même portait dans son regard autrefois lorsqu'il regardait son propre père. Et sa mauvaise humeur s'accentua.
Mais le pire, c'était qu'il avait cour avec sa classe le jour même… Lorsque les sixièmes années entrèrent, chaudron pendu sous l'épaule, il remarqua l'absence de Joyce. Peut-être avait-elle décidé de sécher purement et simplement : cela le mettait encore plus en rogne ! Mais alors que tout le monde était installé, la porte claqua, interrompant Rogue dans ses explications.
- JEDU… Cria Joyce en fronçant les sourcils comme une mauvaise fille, …retard ! J'ai du retard !
Le jeu de mot n'était pas malin et Rogue n'apprécia pas du tout. Il mit un violent coup de pied à la chaise située devant son bureau pour « l'inviter » à s'asseoir et lui indiqua la table d'un doigt déchaîné. Caïn lança un regard surpris à Joyce, mais elle S'avança sans y faire attention. Shun et Malicia remuèrent leur main droite en soufflant : « holala ! »
Joyce s'assit donc juste devant le bureau du professeur. Rogue finit ses instructions puis vint s'installer face à elle, l'air plus mauvais que jamais :
- Très amusant, très amusant, miss Happer… Mais ne jouez pas à ce petit jeu avec moi.
- Je ne joue pas, marmonna-t-elle en éviscérant un crabe.
Il abattit sa main sur l'une des siennes et commença à l'écraser fortement. Joyce serra les dents.
- Je n'ai pas le temps d'essuyer les caprices d'une adolescente, continua-t-il en reprenant ses habitudes doucereuses, restez bien en dehors de mon chemin, et tout se passera bien.
- Rien ne se passera jamais bien ! C'est vous qui le sous-estimez maintenant.
Il relâcha la pression Joyce secoua ses doigts d'un air maussade.
- Je vois bien l'influence de Potter, vous ne possédiez pas cette arrogance… Ces impertinences ajoutées à votre stupidité naturelle font un mélange détonant.
- Pardonnez-moi, maugréa-t-elle, j'avais oublié que vous n'aviez eu que de bonnes relations à Poudlard…
Là, Rogue vira au lait caillé, Joyce regretta son effronterie : ce n'était plus de la glace qu'elle pouvait deviner dans ses prunelles sombres mais un feu noir et insondable… Cela devait être l'abîme décrit par le philosophe Nietzsche… Le lac de l'immondice humaine. Si Rogue avait pu, il l'aurait giflé, mais la présence des autres élèves lui imposait le calme.
- J'ai cru comprendre, chuchota-t-il néanmoins, que vous aviez, selon Madurei, quelques vilaines choses à vous reprocher ?!
A son tour, le visage de Joyce perdit sa couleur naturelle : elle devint pâle comme un fantôme. C'était marrant, à eux deux, ils auraient pu constitué une coupe de glace à la vanille (pour le teint jaunâtre de Rogue) cernée de chantilly (pour la mine blafarde de l'adolescente.) Mais en fait, ce n'était pas marrant du tout. Rogue fut satisfait de l'effet escompté et s'estima venger. Mais il ne savait pas qu'il avait fait mieux que ça : tout l'équilibre de Joyce s'était brisé. Le souvenir de Salana devint intense et sa présence redoutable… Si Rei venait à savoir, elle n'aurait plus qu'à mourir ! Des tas d'idées emplirent l'esprit de Joyce pour lancer une réplique cinglante à Rogue : « Brillante remarque pour un ancien Mangemort ! », « Si c'est pour être aussi cruel, vous auriez du rester au service de Jédusor… » « Vous jouez les petits espions pour augmenter l'opinion que vous avez de vous-même, parce que vous avez honte de ce que vous avez fait. Mais ça ne servira à rien : vous ne serez jamais entièrement lavé ! Il y aura toujours cette ombre sur vous ! Sur toi ! » Les mots se promenaient sur le bout de sa langue : elle pouvait les lâcher à tout moment. Mais elle avait peur : les ripostes de Rogue se feraient de plus en plus blessantes… Où est-ce que ça les mènerait ?
Mais pourquoi devrait-elle dire ces horreurs ? Pourquoi les pensait-elle ? Joyce réalisa alors qu'il y avait quelqu'un d'autre qui parlait en elle…
- Pourquoi tu fais du mal à ma grande sœur ? murmura-t-elle.
Rogue sembla surpris de ce détournement de conversation et surtout pour ce tutoiement brutal (qu'il mit sur le compte d'un malheureux lapsus). Cela le replongea momentanément dans ce qu'il s'était passé : bien sûr, il savait que Voldemort lui avait menti pour le provoquer. Mais bien sûr qu'il n'avait pas douté de Rei… Mais le Seigneur des ténèbres avaient ressentis qu'ils étaient devenus proches, trop proches… Il devait la blesser, pour sauver sa couverture, et préserver Rei du même coup… Il ne voulait pas qu'un sinistre jour, Voldemort se serve de lui pour entraîner la jeune femme dans un piège…
- Je ne souhaite pas parler de Madurei… Répliqua-t-il.
- Je te parle de Néréis !
Ce n'était donc pas un lapsus. Quant Joyce promena sur lui des yeux dont la pupille avait disparu, il comprit : L'Ecarlate.
- Quel cruel homme tu fais ! Je t'ai toujours détesté, je ne comprends pas ce que Madurei et Néréis peuvent te trouver…
Elle se mit à suffoquer maladivement :
- Pourquoi toi et pourquoi pas moi ? Pourquoi ?!
- Après les chagrins de NéRéis, le manque d'affection de l'Ecarlate ! Soupira Rogue exaspéré, mais est-ce que j'ai « doctor love » inscrit sur le front ?
- Non, mais tu as une marque sur le bras.
Cette fois, Rogue la saisit par le col et la souleva par-dessus le bureau. Les élèves sursautèrent sans comprendre. Caïn crispa les mains en assistant à cette scène.
- Sors de ta sœur ! Menaça-t-il tout bas, ou je te jure que je te ferai ravaler ces paroles, même si Néréis doit en souffrir elle aussi !
Il bluffait, bien sur, mais l'Ecarlate ne parvint pas à sonder son esprit :
- Je te laisse Madurei, mais Néréis est à moi, rien qu'à moi…
Les mains de Rogue se détachèrent d'elle, Joyce s'abattit mollement sur sa chaise, puis se remit à couper ses ingrédients en baissant la tête.
- Vous n'avez rien remarqué ? Siffla Rogue à voix basse.
- Heu… Quoi ? demanda Joyce un peu perdue.
Rogue se pencha vers elle :
- L'Ecarlate était en vous… Et vous ne l'avez même pas sentie ? Vous n'avez ressenti ni son arrivée, ni son départ ?
Joyce trembla sous le regard de Rogue qui brûlait de déception et de mépris.
- Vraiment pitoyable, murmura-t-il.
C'en était trop, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Joyce se mit brutalement debout en faisant tomber sa chaise, et d'une gifle, elle envoya toute ses fioles dans son chaudron encore vide où elles se brisèrent. Et par des pas précipités quoique minutieux, elle se dirigea fermement vers la porte.
- Happer ! Cria Rogue, revenez ici !
Toute la classe avait les yeux rivés sur elle. Elle s'agrippa à la poignée comme à sa bouée de sauvetage :
- Je vous ai entendu, cette nuit ! Dit-elle avec dédain. « Vous êtes maître : parlez… Et moi j'obéirai. » Ha ! C'est moi qui vous ai soufflé cette phrase ! C'est une imitation d'un vers de Corneille, un moldu comme vos amis les adorent : « je suis maître, je parle, allez : obéissez ! »
- HAPPER ! Hurla Rogue au comble de la fureur.
Et elle claqua la porte.
Elle avançait avec autant de frayeur que de désespoir : comment avait-elle pu dire une chose pareille devant toute la classe ? Mais quelle terrible audace ! Puissent les autres élèves n'avoir rien compris !
Elle avait tout entendu de l'altercation entre Rogue et le Seigneur des ténèbres : comment ? A cause de cette faux ! C'était ça le « lien » qui la reliait à tous les descendants de Serpentard. C'est pour cela qu'elle avait vu dans les souvenirs de Rei lorsqu'elle était sur l'île de métal, c'est pour ça qu'elle avait entendu l'Ecarlate récitait à voix basse un discours de Voldemort (sans compter que leur état de jumelle mettait encore plus de complicité entre elles), et c'était pour ça qu'elle avait tout entendu cette nuit.
Comment avait-elle pu influencer Rogue dans ses mots ? Mais toujours à cause de la faux ! Où plutôt à cause de son application : le sort d'Alceste qu'elle lui avait jeté avait crée un certain lien entre eux. Un lien, il est vrai, dont elle ne se servait jamais. Mais elle lui en voulait tellement qu'elle avait eu envie de se mêler de ses affaires avec Jédusor, rien que pour le narguer. Mais elle le déplorait amèrement maintenant… Elle ne le referait plus.
Sa tête la brûlait : ça avait commencé depuis que Rogue lui avait interdit de prononcer le nom de Jédusor : Non ! Ça avait débuté après : pendant la nuit… Une Présence avait pénétré dans le château :
- Je ne sais pas qui tu es ! Hurla Joyce dans sa langue natale, mais va-t-en ! Va-t-en ! Laisse-moi !
Rei aussi avait ressenti inconsciemment cette Présence : ses cauchemars en étaient la preuve. Joyce ne pouvait déterminer quelle était cette chose qui avait soudainement perturbé leur quotidien en réveillant leurs plus horribles souvenirs, mais elle ne laisserait pas faire ! Ho, non !
Elle n'avait pas vu Rogue débouler en trombe dans le couloir seulement quelques secondes après elle. Il se précipitait dans sa direction, le visage déformé par le courroux le plus noir. Joyce tournait sur elle-même comme si ses pieds étaient devenus un manège infernal : elle recherchait la Présence avec un désespoir croissant. Et avant que Rogue ait pu poser la main sur elle, elle s'écroula évanouie.
