Le poids du Souvenir

CHAPITRE 1 : Simplement Harry

Le vent recouvrait les branches mortes des arbres d'1 fine pellicule de givre tant il était glacial.

Son mugissement, violent et puissant, avait quelque chose de sinistre.

Tout autour de nous était nu, dénué de gaieté, dépourvu de chaleur.

Paysage morne, journée triste... l'hiver.

Nous le sentions sur nos peux frissonnantes, nos visages rougissants. Mais nous le ressentions plus profondément... Aux entrailles de nous-mêmes, dans nos coeurs, dans nos tripes.

Le vent soufflait face à nos corps, tellement fort... Comme pour nous ramener en arrière. Le poids du Souvenir. Le poids du Remord.

Face à l'immensité de la nature qui se liguait contre nous, face à sa colère grondissante, la foule de personne habillée tout de noir était insignifiante.

Il n'était plus. Et toutes les personnes rassemblées aujourd'hui en son honneur auraient mérité de tomber à sa place.

Mais le destin était injuste... Nous l'avions appris à ses dépens.

Tout c'était joué devant nos yeux, notre désarroi, notre crainte. Tout s'était joué en un millième de seconde... Le déclic.

Je me rendis soudain compte que le prêtre avait fini son serment. Je n'en avais pas écouté un mot. Que pouvait-il dire sur Harry, lui qui ne le connaissait pas ?

Ce que tous les autres avaient dit, qu'il était mort en héros, vaillant jusqu'au bout.

Mais rien de tout cela n'était vrai. Harry l'avait compris au dernier moment, et c'est ce qui l'avait tué.

Les gens s'avancent un à un vers la boite en châtaignier, effleurent le bois, murmurent des paroles incompréhensibles.

Je ne reconnais personne. Je ne suis pas en état de reconnaître qui que ce soit. Une main se glisse dans la mienne. Ron.

On ne se regarde pas. Le silence est tellement plus facile à comprendre...

Nous sommes muets face à notre frère, collés l'un à l'autre, comme si c'était moins éprouvant à deux...

Je le sens trembler. Remus est passé le dernier, s'attardant sur le cercueil, déversant sa peine par une unique larme qui ne changera rien.

Ca va être à Ron.

C'est à lui de lui rendre un dernier hommage. De lui parler une dernière fois.

Je lui presse la main pour lui donner du courage, et il avance vers l'autel d'un pas hésitant, sans un regard vers le sarcophage de bois.

Je le comprends. Sa vue m'est également insupportable.

Rien que de penser qu'il se trouve à l'intérieur, que ses yeux se sont fermés pour l'éternité...

Un désagréable frisson me parcourt le corps, et je sens ma gorge me brûler.

Non, je lui ais promis de ne pas pleurer...

Je fixe sans vraiment les voir Neville et sa grand-mère ; les sœurs Patil ; Cho Chang, en train de pleurer pour changer ; Alberforth Dumbledore, qui ressemblait d'une manière frappante à son frère ; Remus, qui n'avait jamais paru aussi vieux ; et enfin Draco Malfoy, à l'écart de tous les autres, mais présent quand même. Les seuls qui étaient restés…

Un éclaircissement de gorge me fait doucement sursauter, m'arrachant à mes pensées. Je sens à nouveau la froideur mordante du parc de Poudlard. Harry avait tenu à reposer ici pour l'éternité. Il disait que c'était sa seule maison…

Mon regard se pose sur Ron, qui semble extrêmement pâle sous ses taches de rousseur. Ses mains tripotent nerveusement le bouton de sa cape. Le silence, qui jusque ici avait été ponctué de quelques pleurs et gémissements, se fait total.

La voix magiquement amplifiée de Ron s'élève et résonne dans tout le parc. Il me semble que même les oiseaux se taisent pour écouter.

« - Cette journée semble être la plus propice pour dire un dernier au revoir à Harry. Que vous soyez proches ou non avec lui, vous avez choisi de venir lui rendre hommage. Mais rendre hommage à qui ? Au héros qui a brillamment vaincu l'être de vos cauchemars ? Ce n'est pas ce Harry que je pleure aujourd'hui. Je ne veux pas que l'on oublie son nom pour celui gravé dans l'Histoire. Je veux que l'on se souvienne de Harry James Potter, un garçon comme les autres. Ou presque.

Je souris malgré moi, sentant un flot de nostalgie remonter dans ma poitrine.

Lorsque je l'ai rencontré, il ne connaissait pas un mot de ce terrible destin qui l'attendait. Il était seul, perdu au milieu d'un monde nouveau, mais il m'avait étonné par sa gentillesse et son courage. Je pourrais vous raconter d'innombrables histoires que j'ai vécues avec lui, et qui vous feraient beaucoup rire… Mais Harry détesterait ça, alors… Il ne voulait pas que l'on se préoccupe de lui, voulait juste être comme les autres, et avoir droit à l'affection, au soutien de personnes qui l'aimaient. Il refusait toute cette célébrité qui tournait autour de lui, et revendiquait le droit d'être comme il le voulait. Je l'ai vu se transformer considérablement en 7 ans. D'innocent, espiègle et immature, il est passé à courageux, protecteur et terriblement triste. Chaque jour était pour lui un combat contre cette destinée qu'il n'avait jamais voulue, mais il ne laissait rien paraître. Il est dur d'effacer les moments difficiles, mais je préfère garder en mémoire ce Harry que je considérais comme mon frère. Ce Harry totalement nul aux échecs, ce Harry incapable de comprendre les filles… Il est facile d'aimer une célébrité, mais au bout d'un certain temps, j'ai compris que ce que je préférais en lui, c'était Harry. Simplement Harry. Et c'est là que j'ai compris qui il était réellement. Et c'est pourquoi vous comprendrez les évènements de la chute définitive de Voldemort. »

Je me rends compte que les larmes coulent librement sur mon visage. C'est comme si devant mes yeux plissés par le froid se déroule cette nuit maudite, mais marquée par la victoire.

Cette nuit où j'ai enfin compris ce qu'était l'amour…

La nuit n'était pas tout à fait tombée, les dernières lueurs du jour paressant à disparaître, teintant les rues mouillées d'une couleur rouge. Cette journée du 30 juillet 1998 s'était annoncée radieuse et chaude comme l'Angleterre n'en avait pas connue depuis longtemps, mais ce soir… c'était comme si le temps avait perdu tout contrôle : le ciel orageux déversait des trombes d'eau sur la terre, le vent violent nous sifflait aux oreilles et déracinait les arbres, les lacs débordaient, le sol se soulevait par endroit…

La nature était en rébellion, et les Moldus restaient perplexes devant ce déchaînement apocalyptique.

Nous n'étions que très peu à savoir que quelque part dans un manoir, esseulé en haut d'une colline, se déroulait le combat qui, venu du passé, allait déterminer le futur. Le combat le plus titanesque que le monde ait connu. La Fin des Temps.

La guerre entre Aurors et Mangemorts était à son zénith, lorsque les deux principaux protagonistes s'affrontaient dans un combat égal. Dans un lieu qui avait fait la célébrité de l'un, causé la perte de l'autre.

C'était il y a 16 ans.

Godric's Hollow. Là où tout avait commencé. Là où tout devait finir.