Note : Merci à mes bêta-lecteurs pour leur aide !
Talking to the dead
02 Escape
Poussant la porte de ma chambre, je tends le bras à l'aveuglette histoire de trouver l'interrupteur. Faut pas croire, revenir d'une mission en plein hiver, passé vingt-deux heures, il fait vachement noir.
Ma main tâtonne sur le mur à la recherche du bouton. Bientôt, je mets le doigt dessus et, d'une simple pression, illumine la pièce. Un bref coup d'œil au désordre régnant dans la chambre suffit à m'épuiser. Je me jette sur le lit sans prendre la peine de me déshabiller. Il fait tellement froid que je n'ai pas le courage d'enfiler un de ces vieux t-shirts qui me servent de pyjamas.
Brrr… Je me recroqueville et m'enfouis sous les couettes. Ah, qu'il est agréable de se coucher en sachant qu'aucune mission ne m'attend le lendemain ! Il faut dire que je reviens tout juste de l'hôpital. J'ai donc droit à un petit congé. Ça m'ennuie, j'ai à peine entr'aperçu Kakashi avant de quitter le bâtiment. Je n'avais pas spécialement envie de le voir, cependant… Je dois bien avouer que savoir ce qu'il s'est passé entre notre départ de Konoha et mon réveil à l'hôpital ne me dérangerait pas. Je sais, j'aurais dû demander à Sakura, mais ses réactions m'ont pris de court.
Bah, j'irai la voir demain. Elle n'a toujours pas pu rentrer chez elle. À cause des poussées de fièvres et des malaises trop fréquents dont elle est victime. Ceci dit, je ne m'inquiète pas trop vu qu'elle s'est retrouvée confiée aux bons soins de la vieille qui, mine de rien, est assez balèze pour s'occuper des gens. Notez qu'elle est hokage donc c'est un peu obligé. Enfin, bref. Sakura n'a rien de grave ; elle a juste besoin de beaucoup de repos. Mais je ne vais pas me priver d'aller la voir pour autant.
Oh et puis, tant qu'à faire, j'irai voir Sasuke aussi. Parce que malgré qu'il soit venu me voir, depuis quelques semaines il redevient de plus en plus méfiant. Déjà que c'était pas un modèle de confiance avant… Enfin, il faut dire que l'épisode Akatsuki n'est pas encore réellement terminé. Et Orochimaru court toujours, aussi. Même si bon, il semble avoir lâché la grappe à Sasuke.
Vous savez… Ça ne fait pas si longtemps qu'il est revenu ; pour de bon, s'entend. Il est toujours possible qu'il reparte, mais… Le survivant du clan Uchiha semble s'être calmé, ces derniers temps. Ça a été dur de le ramener. De le convaincre que ça valait le coup de nous laisser une chance.
Quand j'y repense… Ca fait à peine six mois qu'il est revenu. Six mois, c'est beaucoup et très peu à la fois. Parfois je me réveille en sursaut, à cause d'un mauvais rêve dans lequel Sasuke est reparti. Et ça me fout les boules… J'veux pas qu'il nous quitte encore. Il doit rester. Mais comme il ne s'est toujours pas débarrassé de son frère, je ne suis pas tranquille. Qui sait quand sa folie vengeresse le reprendra.
Pfff… Je me demande bien quelle heure il est. Allez, hop, on tourne la tête et on ouvre les yeux. Voilààà. À peine minuit ? C'est fantastique. Je suis crevé et je n'arrive pas à dormir. Ça me fiche en rogne, c'est pas croyable. Et je m'ennuie… Vivement que le matin arrive. J'suis impatient d'aller voir Sakura et puis l'autre asocial, aussi.
Merde… J'ai froid. Je me recroqueville sur moi-même, espérant trouver un peu de chaleur, mais ça ne me mène à rien. Bah, autant se lever ! Aussitôt dit, aussitôt fait. Je me dirige vers la commode, bien décidé à trouver un bon pull, histoire d'oublier les frissons qui me parcourent. J'ouvre un tiroir, prend le premier bout de tissu repéré et, tout en l'enfilant, vais éteindre la lumière. Je regagne le lit puis me blottis dans les couvertures.
Silence total. Ça fait du bien, franchement. Je ferme les yeux et aucun bruit ne vient troubler le calme ambiant si ce n'est un imbécile qui gratte à la fenêtre.
Minute. C'est à ma fenêtre qu'on gratte ? Quel est l'abruti qui ose venir me déranger à cette heure-ci ? Je grogne et me lève d'un bond, bien décidé à aller engueuler l'intrus. Je sors quelques kunais de ma table de nuit ; sait-on jamais. Un ninja – futur hokage, qui plus est – se doit d'être méfiant.
N'empêche, faut vraiment être désespéré pour venir m'emmerder maintenant. Déjà, plutôt que le grattage à la fenêtre très peu discret, le coup de sonnette, c'est toujours mieux. Ensuite, vu le temps qu'il fait dehors… Vraiment affreux. Et c'est peu de le dire. Il pleut, il vente, il tonne, …
Bon, à trois j'ouvre cette saleté de fenêtre.
Un. Deux. Et… Trois !
Armes dans la main droite, je tends la gauche en vue d'attraper l'intrus. Par chance, j'arrive à l'effleurer. Sûr de la position de l'ennemi – si c'en est un – je l'agrippe au collet et le soulève à ma hauteur, alors qu'il se débat rageusement.
Nom. De. Dieu.
Pourquoi lui ?
- Lâche-moi, lâche-moi, crétin !
- Si je te lâche tu tombes, espèce d'abruti !
Sasuke relève la tête. Il s'apprête à me sortir une vacherie, puis semble se rendre compte de sa position. Il regarde à droite, à gauche, puis d'une voix mal assurée, il me demande :
- Naruto… Je peux entrer ?
Bah mince, alors. Comment je pourrais lui dire non ? Je le tire pour qu'il enjambe la fenêtre, ce qu'il fait non sans jeter un dernier coup d'œil derrière lui. Je le pousse sur le lit tout en refermant derrière moi.
Un regard en direction de sa silhouette me fait comprendre que je suis un homme mort.
Oh bordel. Sauvez-moi, c'est pas possible ! Il est… trempé. Ce que ça lui va bien, ses petites mèches qui lui retombent devant les yeux ! Et ses vêtements qui lui collent à la peau…
Argh ! Mauvaise pensée ! Songer à se baffer si ça recommence.
Je secoue la tête et il ramène ses jambes contre lui. Il les enserre de ses bras.
- Tu as froid ? je lui demande, perspicace.
Je mérite des claques. C'est vrai, quoi. Il dégouline de partout, et tout ce que je trouve à faire, c'est de lui baver – double argh – dessus plutôt que de lui proposer des vêtements secs. Il doit vraiment se les geler.
- Un peu.
Ah, j'ai honte. J'aurais du y penser plus tôt ! Je sors un pull et un jean de la commode ; les lui tends.
- Tu veux boire quelque chose ? Tu n'as pas faim ? je lui demande avec un certain détachement.
Il hoche la tête alors qu'il me prend les fringues des mains.
- Thé et ramens, ça te convient ?
- Du thé.
- OK, je te fais ça.
Je quitte ma chambre pour la cuisine tout en étouffant un soupir. Sasuke est chez moi. Mince. Dire qu'il se change dans la pièce d'à côté. Hmm… On respire et on se calme, d'accord ? Lààà, c'est déjà mieux ! Bien. Le thé, maintenant.
Je sors deux tasses tout en faisant chauffer l'eau. N'empêche… Je me demande ce qu'il me veut, à cette heure-ci. C'est vrai, quoi. Ça doit être à propos de quelque chose de vachement important. Parce que je vois déjà pas Sasuke venir me dire bonjour en pleine journée. Alors si en plus, il fait nuit noire et qu'on a droit à une espèce de tempête en modèle réduit…
- Naruto…
Je sursaute alors que mon hôte entre dans la pièce. Ça lui va plutôt bien, ces vêtements. Je remarque qu'il porte vraiment bien le jean.
- Oui ? lui fais-je en lui servant son thé.
Mon ton est plus froid que je le voudrais, mais des années de rivalités font que j'ai du mal à lui exprimer ce que je veux.
Il me prend la tasse des mains, tire une chaise, et s'assied.
- Naruto, je…
Il s'arrête et cherche ses mots. Ça me surprend beaucoup. Ce n'est pas son genre. Il est plutôt sûr de lui, d'habitude.
- Est-ce que tu…
- Est-ce que je… ? j'essaie de l'encourager.
Sasuke me regarde d'un air que je ne lui connais pas, presque apeuré. Il pose son thé en brusquement, comme pour cacher une espèce de tremblement.
- Naruto… Est-ce que toi aussi les morts te parlent ?
C'est quoi ça, pour une question ? Bordel. Le type sur qui je fantasme est encore plus atteint que ce que je croyais.
Il semble m'implorer du regard.
Bon. Trouver une réponse correcte.
- Ouah, comment dire…
Sasuke tremble, c'est très visible maintenant, mais on voit qu'il essaye de se contenir ; du moins le temps que je lui réponde. Mon cœur me fait mal tout d'un coup.
- Je leur parle pas vraiment, commencé-je. Parfois, je repense à Haku et Zabuza et j'espère, qu'où qu'ils soient, ça se passe bien pour eux. Et puis, aussi…
Une main pour m'arrêter.
- Non, fait-il en secouant la tête, je ne t'ai pas demandé si tu parlais aux morts. Ce que je veux savoir, c'est… Est-ce que, eux, ils t'apparaissent parfois ?
- Huh ?
Dans le genre réponse éloquente, il y a mieux, je crois.
- Naruto… Je les vois. Comme avant leur mort. Ils reviennent tous…
Attention, si ça continue, je vais finir par croire qu'il va se mettre à pleurer. Je m'approche de lui et là, je fais quelque chose que je n'aurais jamais, mais alors jamais fait avant. Je me penche, histoire d'être à son niveau. De mes mains, je relève sa tête pour qu'il tourne les yeux vers moi. Mais son regard m'évite.
- Qui ça, ils ?
- Tous. Ma famille…
- Attends, j'ordonne, attends ! Je te suis plus trop, là. Si j'ai bien compris, ta famille – que tu as retrouvée morte il y a quelques années – est « revenue » ? Tu les vois ?
- Ils me parlent. Ils me prennent dans leurs bras, et le contact est réel.
- Ça fait longtemps ?
- Bientôt trois semaines.
Oh purée. Et moi qui me demandais pourquoi il était de nouveau si bizarre … Je pense que j'aurais finalement préféré ne pas savoir. Merde. Et pourquoi c'est moi qu'il vient voir, hein ?
Parce que Sakura est toujours à l'hôpital ? Toi, là, le petit comique du fond. Inutile de te cacher, je t'ai vu.
Sasuke pose ses mains sur mon pull et les remonte jusqu'à mon visage.
Misère, mais qu'est-ce qu'il lui prend ? Qu'il arrête, il peut pas faire ça… Il n'a pas le droit. Ce n'est pas le Sasuke que je connais, celui qui me gueule dessus et me traite de crétin à longueur de journée…
- Toi, tu es vivant.
J'ai déjà dit qu'il était parfois très surprenant ?
- Naruto, tu crois que je deviens fou ?
Et sur ces mots, il éclate de rire. Ça me glace le sang.
- Tu me crois, Naruto, quand je te dis que je les vois ? Tu me crois, hein ?
Et il me supplie du regard… J'ai envie de lui dire oui, rien que pour le rassurer. Mais ce serait trop facile.
- Je t'avoue que… je commence. En fait, je ne sais pas trop quoi dire. Il… Il n'y a que toi qui les vois ?
Il secoue la tête.
- Ils ne veulent pas se montrer aux vivants, donc je ne sais pas.
Je soupire.
- Accepte que c'est quand même un peu gros.
- Non ! crie-t-il. Je te jure que c'est vrai !
Je recule d'un pas. Sasuke se lève et m'attrape le bras.
- Crois-moi.
Il a un regard halluciné. Ça me fait vraiment mal de le voir comme ça.
- Si toi tu ne me crois pas, qui le pourra ?
C'en est trop. Au diable les convenances et ce qu'il peut penser. Je passe mes bras autour de lui et je le serre. Fort.
D'abord, il est tout raide. Puis, au fil des secondes, il se laisse un peu aller. Sa tête se niche dans le creux de mon cou et nous ne disons plus rien.
Et puis il éternue.
- Pardon…
- C'est pas grave ! fais-je à la hâte, en me détachant de lui. Euh… Tu as encore froid ?
- Non.
- Ah.
Le silence s'installe. Je ne sais pas trop quoi dire. Visiblement, je suis pas le seul. Sasuke se rassied et semble attendre que je parle. Bon, puisque c'est comme ça…
- Tu veux dormir ici ?
Il détourne le regard.
- Bien… Je vais te laisser le lit, je prends le canapé. Attends juste un instant que j'aille te chercher un t-shirt pour dormir.
Il m'attrape alors par la manche de mon pull et m'oblige à me tourner vers lui. Ce faisant, il me marmonne un truc dont les seuls mots que je relève sont « dormir » et « s'il te plait ».
- Pardon ?
- Est-ce que je peux dormir avec toi s'il te plait ? me répète-t-il très vite mais néanmoins plus clairement.
Ma mâchoire s'affaisse de quelques centimètres.
Il. Veut. Dormir. Avec. Moi.
- Tu peux le redire encore une fois ?
- Ne m'oblige pas à le répéter.
Il détourne à nouveau la tête.
- Tu sais, mon lit est pas très grand, hein…
Sa main serre ma manche un peu plus fort ce qui me met mal à l'aise.
- J-je disais ça pour ton confort, je bégaie.
Il baisse les yeux et me murmure un vague « merci ».
Je soupire tout en me retenant de rire. Sasuke le prendrait mal. Mais la situation me paraît si irréaliste.
- Bon ! Je vais te passer un t-shirt.
- Pas besoin. Je peux dormir comme ça.
- Si tu le dis…
J'attends qu'il se couche, éteins la lampe, et le rejoins. Étrangement, j'ai plus chaud qu'avant qu'il n'arrive. Ça a du bon, de ne pas dormir seul.
- Naruto… chuchote Sasuke.
Il me fixe de ses yeux noirs et semble un peu moins paniqué que lorsqu'il est arrivé. C'est toujours ça de gagné.
- Ouais ?
- Merci.
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