CHAPITRE IV – DU NOUVEAU DANS LE VOISINAGE

Le début de l'été avait mal commencé pour Harry. En effet, dès son retour d'école, malgré les menaces de Maugrey Fol Œil et de certains autres à l'endroit de son oncle, on lui avait fait sentir qu'il était responsable du fait que Tante Marge avait renoncé à les inviter pour les vacances, puisqu'il aurait été obligé de les accompagner. Il avait pourtant tenté de convaincre son oncle qu'à 16 ans, il était parfaitement capable de demeurer seul à la maison, ce qui aurait volontiers fait son affaire.

- Tu crois vraiment qu'on va te laisser seul ici? Je n'ai pas envie de voir la maison envahie par ces gens bizarres ou ces rats de malheur à mon retour. Et puis, qui sait ce que tu serais bien capable de faire en notre absence.

Malgré la promesse de Harry, l'oncle Vernon avait catégoriquement refusé de quitter la maison et tous en avait accablé Harry. D'ailleurs, qui leur en aurait voulu? Trois années plus tôt, Harry avait réagi avec colère lorsque la sœur moustachue de l'oncle Vernon avait insulté ses parents. Il avait alors gonflé l'horrible harpie jusqu'à ce qu'elle devienne un énorme ballon. Le Ministère de la magie avait dû intervenir en la soumettant au sortilège d'amnésie et l'avait crevée afin qu'elle retrouve sa forme initiale. Fort heureusement, cette fois-là, Harry n'avait subi aucun blâme. Depuis, son oncle Vernon et sa tante Pétunia avaient rarement des nouvelles d'elle et c'était tant mieux, selon Harry.

Las d'être constamment la source de leurs malheurs, Harry avait pris l'habitude de se promener dans son quartier. En fait, il se plaisait à dire qu'il patrouillait, mais personne n'était au courant, sauf peut-être Mme Figg qu'il rencontrait parfois. Il ne partait jamais longtemps, puisqu'à chaque retour, on le soumettait invariablement à un interminable interrogatoire sur ses allées et venues et surtout sur les personnes avec qui il avait parlé. Harry ne parlait jamais à personne et personne ne lui parlait.

Il regrettait le temps où, avant de commencer son éducation de magicien à Poudlard, on le saluait parfois dans la rue. Ces gens, il l'avait appris plus tard, faisaient partie de la communauté magique et il s'était toujours demandé s'ils avaient été chargés de le surveiller pour le protéger, à l'instar de Mme Figg.

À cause de la peur qu'inspirait son énorme cousin à ses camarades de classe, Harry n'avait jamais eu d'amis jusqu'à son entrée à Poudlard. Comme Ron et Hermione lui manquaient! En fait, il n'y avait qu'une seule personne que Harry n'avait pas vraiment envie de revoir et c'était Rogue, le détestable Maître des potions.

Cet après-midi là, assis sur le muret de la propriété, il regardait pensivement les autres maisons de Privet Drive. Quand son regard croisa celui désapprobateur d'un voisin, il rougit et se tourna de l'autre côté, mais ce qu'il vit alors le sortit instantanément de sa torpeur. Il se redressa aussi soudainement que les cheveux de sa tête.

Au bout de la rue, il y avait une maison, la plus ancienne de Little Whinging, et la préférée de Harry. En effet, il était souvent passé devant cette maison abandonnée et il l'adorait. Après plusieurs années de laisser-aller, la maison semblait revenir à la vie. Elle semblait tout à coup avoir changé de couleur et détonnait maintenant encore plus sur les autres. Et puis… Était-ce possible? Il se frotta les yeux. La maison avait-elle vraiment bougé? Il ferma les yeux et regarda de nouveau. Mais si! La maison bougeait vraiment. En jetant un regard autour de lui, il constata qu'aucun des voisins ne semblait remarquer quoi que ce soit.

Un malaise s'empara de lui, car il venait précisément de se rappeler son rêve étrange de la veille. Il ne voulait pas se souvenir, mais c'était plus fort que lui. Il n'arrivait plus à se souvenir des détails, mais il voyait une table, une épée et… quoi d'autre encore… un foyer. Oui, c'est ça, il y avait un foyer dans son rêve. Un grand âtre où brûlait un immense feu qui réchauffait la pièce. Puis plus rien. Seulement un malaise, une impression de danger. Mais enfin, qu'est-ce qui se passait? Était-il en train de devenir complètement cinglé? Il n'était plus sûr de rien. Il resta songeur encore quelques secondes puis secoua sa tête et se dirigea finalement vers la maison voisine pour l'examiner de plus près.

Sa tante, qui passait tous ses temps libres à la fenêtre dans le vain espoir de découvrir chez ses voisins des détails croustillants, cria :

- Où vas-tu? Reviens tout de suite.

- Je ne vais qu'à côté, je crois que nous avons de nouveaux voisins.

Par la fenêtre ouverte, Harry entendit distinctement sa tante ordonner à son fils de le suivre de près, comme elle le faisait toujours quand Harry s'éloignait, et lui recommanda de rapporter autant de détails qu'il le pouvait sur les nouveaux arrivants. Il entendit son cousin grogner qu'il avait autre chose à faire, mais finalement, comme il était aussi curieux que sa mère, il obtempéra et sortit de la maison. Depuis un certain temps d'ailleurs, Dudley s'entêtait à demeurer dans l'environnement immédiat de la maison… et de Harry.

Il dû attendre que son cousin l'eût rejoint et Dieu sait qu'il en mettait du temps avec son corps lourdaud. Et si je le faisais disparaître quelque temps, pensa-t-il? Peut-être que le Ministère de la magie ne m'expulserait pas de Poudlard pour une « erreur aussi minime ». Au moins, Dudley ne lui tapait plus sur la tête.

Harry s'arrêta donc devant la maison ancestrale et se baissa pour attacher son lacet, question de ne pas paraître trop indiscret. Plus rien! Aucun mouvement, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la résidence, et Harry fut convaincu avoir tout imaginé. Pourtant, ce n'était pas la première fois qu'il « voyait » des choses. Tout cela avait commencé quelques années plus tôt. Pour commencer, ses cheveux qu'il n'arrivait jamais à tailler correctement, la fuite devant les amis de Dudley qui l'avait fait atterrir sur le toit de l'école, sa discussion avec un serpent au Zoo, son lien presque télépathique avec Voldemort et maintenant ces rêves étranges qui envahissaient son sommeil et auxquels Harry n'avait pas encore trouvé de signification plausible. L'année précédente surtout, Harry avait réalisé que ses rêves étaient pour la plupart porteurs de malheurs, ce qui avait maintenant tendance à l'inquiéter.

Tout à coup, un mouvement, un effet d'illusion? Il cligna des yeux et les rouvrit. Il avait maintenant l'impression que les arbres se déplaçaient. Une expression perplexe apparut sur le visage de son cousin.

- Dis… Cette maison… dit Dudley.

- Oui, quoi cette maison? répondit Harry d'un ton étrangement rauque.

- Elle est bizarre.

- Euh! Que veux-tu dire par bizarre? Pour Dudley et ses parents, l'expression « bizarre » n'était jamais une expression qu'on utilisait volontairement dans la maison et elle était pour la plupart du temps associée à Harry lui-même.

J'sais pas, j'arrive pas à voir. T'as vu la moto? Jamais rien vu d'aussi gros. Ils ne vont tout de même pas laisser cette horreur dans leur cour à côté de notre maison?

Harry, quant à lui, la trouvait absolument extra. Elle était complètement noire avec des chromes brillants et il était certain qu'elle n'obtiendrait jamais l'assentiment des Dursley. Si celle-ci correspondait à la personne qui demeurait maintenant à côté, il avait bien hâte de voir la réaction de son oncle et sa tante lorsqu'ils apprendraient qu'un « motard » vivait dans le voisinage.

On s'en va à la maison. En voyant Harry hésiter, Dudley dit : « Tu veux que j'appelle mon père? »

Attention Duddlinouchet, je le dirai à mes amis si tu n'es pas gentil avec moi, rétorqua Harry exaspéré.

À l'expression de terreur qui apparut sur le visage soudain blême de son volumineux cousin, Harry savait qu'il allait payer cher cette remarque. Il n'aurait probablement pas droit au dîner de ce soir, mais cela ne l'inquiétait plus.

Dudley et Harry rentrèrent à la maison et celui-ci s'empressa de monter dans sa chambre, alors que Dudley rapportait déjà ses impressions et la bévue de Harry à sa mère. Harry se coucha sur son lit en attendant l'heure du châtiment. Hedwige avait quitté sa cage, probablement partie chasser un petit rongeur à se mettre sous la dent ou pour fuir son pensionnaire trop actif. Il médita sur ce qu'il venait de voir, mais il était à deux doigts de penser qu'il allait devenir fou. Il entendait son oncle et sa tante discuter sur les possibilités d'approcher ou de repousser les nouveaux voisins, déjà étiquetés d'étranges.

Il n'y avait pas que la moto. Quelque chose n'allait pas. Une crainte incontrôlable s'empara tout à coup de lui. Et si Voldemort… Il avait bel et bien peur. Et ce gardien, quand arriverait-il? Comment arriverait-il? Le plus effrayant était qu'il ne savait pas de quoi il avait peur. Seuls les détraqueurs lui inspiraient ce type de frayeur et il avait depuis longtemps appris à la contrôler.

Harry décida de jeter un coup d'œil aux deux livres que lui avaient envoyés ses amis. Il ouvrit donc «Construire son propre balai de Quidditch» et resta interdit. Les images qu'on retrouvait dans les livres de magie que Harry avait l'habitude de regarder étaient toujours mobiles. Celui-ci était extraordinaire en ce que les images étaient en trois dimensions et qu'il était possible de le regarder dans tous les sens, comme un hologramme. Il commença à lire la première page dans laquelle l'auteur, debout dans le livre, lui parlait et lui en expliquait le contenu. Il tourna la page et il pu voir plein de brindilles, de morceaux de bois, de cordages et autres objets hétéroclites. Harry pouvait même toucher et sentir sous ses doigts la texture des objets.

Il ne pu s'empêcher d'aller voir à la fin du livre, mais à peine ses doigts effleurèrent-ils la dernière page que le livre bondit et lui échappa des mains. Il tomba avec fracas sur le plancher et l'homme, debout dans le livre, hurla d'un ton aigu « Holà! Holà! Holà! Défendu de regarder! ».

Il s'empressa de récupérer le lourd volume. Mais même si sa porte était fermée, Harry entendit le silence soudain à l'étage inférieur. De son pas lourd et menaçant, son oncle montait maintenant l'escalier et ouvrit la porte avec fracas. Le livre continuait de se débattre, tout en expliquant pourquoi on ne pouvait sauter une page. Harry ferma le livre d'un coup sec, mais pas assez vite cependant pour empêcher son oncle d'entendre et de voir le minuscule individu dont les mains cherchaient par tous les moyens à rouvrir le livre et ses protestations étouffées. Vernon eut un mouvement instinctif de recul, mais sa colère l'emporta aussitôt.

- QU'EST-CE QUE C'EST QUE ÇA?

- Ce n'est rien, lui dit Harry, c'est simplement un livre que…

- JE ME FOUS DE SAVOIR CE QUE C'EST, DÉBARASSE M'EN! cria son oncle en postillonnant tellement qu'un moment, Harry songea au sortilège d'Impervium que Hermione avait utilisé sur ses lunettes pour en éloigner la pluie lors d'un match de Quidditch particulièrement difficile.

Je ne peux pas le faire disparaître, tu sais bien, je n'ai pas le droit de … de… et bien de… de faire ça. Harry savait très bien que dans cette maison, certains mots étaient proscrits et le mot « magie » était bien le pire de tous.

L'oncle Vernon recula dans le couloir, ferma la porte et lui donna trois tours de clé.

- Tu es privé de dîner. Tu as intérêt à faire disparaître tout ça, sinon je brûle tout et crois-moi ce sera une fête.

Puisqu'il était consigné à sa chambre comme prévu, Harry décida de ranger ses deux livres et de ne les rouvrir que dans le train qui l'emmènerait à l'école, ou chez Ron comme il l'espérait, c'était beaucoup plus prudent. Il réalisa que c'était déjà le 2 août et qu'il n'avait toujours pas répondu à Ron. Ses parents l'avaient invité à passer les dernières semaines de vacances avec eux et Harry allait faire tout son possible pour y aller. Il sortit son parchemin, son encre et sa plume.

« Salut Ron, merci pour ton cadeau et merci à ta mère aussi. Hermione m'a également envoyé un livre que j'ai hâte de te montrer. J'aimerais bien aller chez toi pour la fin des vacances, mais j'ai reçu un message de notre ami Lunar. On viendra me chercher je pense. Tes parents ont-il reçu une réponse de Dumbledore? Je ne sais pas encore comment je pourrais m'organiser pour me rendre au Chemin de Traverse, mais je ferai tout pour y être le 10. » Il plia la lettre en un tout petit carré et se dirigea vers la cage d'Hedwige où l'attendait le petit hibou déjà tout excité de retourner chez lui.

- Calme-toi Coq, comment veux-tu que j'attache ce message à ta patte si tu bouges tout le temps. Il finit par attraper le minuscule oiseau et dès qu'il fut prêt, Coq s'envola aussitôt vers la fenêtre… fermée.

- Coq! Tu t'es fait mal? Ça va?

Un peu étourdi par le choc, Coq secoua sa tête et ses ailes puis s'envola en tournoyant. Quand Harry ouvrit la fenêtre, Coq s'en approcha prudemment.

- Ça va Coq, tu peux y aller maintenant.

Harry aurait juré que l'oiseau lui avait souri avant de s'envoler vers la maison de son maître. Il prit ensuite un autre parchemin « Cher professeur Lupin, je suis bien content d'avoir enfin de vos nouvelles. Pour répondre à votre question, je n'ai pas eu mal à ma cicatrice de tout l'été. N'est-ce pas étrange? Il n'y a rien de particulier ici si ce n'est que nous aurons bientôt de nouveaux voisins. Croyez-vous que le professeur Dumbledore me laissera aller chez Ron cet été? Qu'est-ce qui se passe en ce moment? J'attends votre réponse. À bientôt. Harry»

Il s'abstint de lui faire part des observations qu'il avait faites sur la maison et surtout des rêves insistants qui dérangeaient son sommeil depuis quelque temps. Il savait que le professeur Lupin s'inquiéterait inutilement et il avait sûrement d'autres soucis bien plus importants en ce moment.

« P.S. Le rat que vous m'avez envoyé n'est pas tout à fait passé inaperçu; je pense que vous devrez trouver autre chose la prochaine fois. Ma tante a horreur des rats, mon oncle et mon cousin aussi d'ailleurs, mais c'était quand même bien drôle. »

Comme Hedwige n'était pas encore revenue, Harry déposa sa lettre sur son bureau. Dans cette maison, Hedwige était sa seule amie. Quand il recevait une lettre, elle ne partait jamais bien longtemps, car elle savait qu'une réponse serait envoyée sous peu. Elle serait heureuse de constater que Coq était parti.

Il avait faim tout à coup et l'idée qu'il devait attendre jusqu'au lendemain le déprimait. Il aurait dû demander à Hedwige de lui rapporter quelque chose… enfin quelque chose de comestible. La meilleure chose à faire pour passer le temps était de se plonger dans ses devoirs. Mais il était tôt et il y avait toujours la possibilité de se faire surprendre. Il devait attendre la nuit. Il n'osait imaginer la réaction de son oncle ou de sa tante s'ils venaient à ouvrir sa porte et le surprenaient en train de mélanger des ingrédients. Il voyait déjà leurs yeux terrorisés quand il leur expliquerait qu'il était en train de préparer une potion Réchauffe-mitaines.

Au moment où il s'étendait sur son lit, Hedwige vint se poser sur sa cage et jeta par terre une souris absolument répugnante. Harry avait l'habitude des cadeaux dégoûtants que sa chouette lui rapportait en signe d'affection et il avait toutes les peines du monde à ne pas montrer son aversion pour les petites bêtes mortes. Il remercia Hedwige comme il se doit et celle-ci, assez fière d'elle, réintégra sa cage.

- Hedwige, j'aurais une lettre à envoyer. Tu peux y aller? C'est pour le professeur Lupin.

Contrairement à son habitude, elle ne manifesta pas l'enthousiasme auquel Harry était habitué. Elle semblait même plutôt fatiguée.

- Ça ne va pas Hedwige? Qu'est-ce que tu as?

Mais avec cette dignité qui lui était propre, elle lui montra aussitôt la patte, lui mordilla l'oreille avant de déployer ses ailes pour s'envoler. Harry espérait qu'elle ne serait pas trop longue à revenir.

Le jour suivant, alors que tous étaient en train de prendre leur petit déjeuner, on frappa à la porte des Dursley.

- Vas ouvrir Dudley, dit Vernon.

- Pourquoi moi? Pourquoi c'est toujours moi? Pourquoi c'est pas Harry? se plaignit Dudley. Il avait toujours la plus grande difficulté à quitter son poste de télévision des yeux. Au cours des années, le poids de Dudley s'était considérément accentué en plus du volume musculeux de ses bras, à la grande fierté de ses parents d'ailleurs. Il était assez impressionnant aux yeux des moldus, mais aux yeux de Harry Potter, son cousin n'était qu'une petite bête insignifiante.

- Laisse mon chéri, dit Tante Pétunia, je vais y aller moi-même.

Tante Pétunia se dirigea de son pas rapide vers la porte et l'ouvrit sur un postier.

- Bonjour ma p'tite dame, je suis bien chez les Dursley?

- Euh… oui, vous êtes bien chez les Dursley, répondit Pétunia. Vous désirez?

- J'ai un message à livrer à la famille Dursley. C'est une invitation.

- Ah oui? s'écria Pétunia d'un ton surexcité. Vernon, s'écria-t-elle, viens voir, nous avons reçu une invitation. Viens voir!

En fait, ce fut toute une famille curieuse qui accourut vers la porte, même Harry.

- Qu'est-ce que c'est? demanda Vernon de sa voix bourrue. Tu as parlé d'une invitation Pétunia?

- Bonjour monsieur, répondit le postier, oui, j'ai une invitation pour la famille… toute la famille. Vous êtes monsieur Dursley, bien sûr… et voici votre fils, dit-il alors que ses yeux se portaient avec insistance sur Harry… et sur sa cicatrice. Harry déplaça instinctivement une mèche devant son front.

- Lui? Non? s'écrièrent à l'unisson l'oncle et la tante de Harry. Il n'est évidemment pas notre fils, il n'est que notre neveu.

- Dudley est notre fils, ajouta Pétunia en repoussant Harry d'une tapette sur l'épaule tout en saisissant son fils affectueusement par le bras afin qu'il s'approche du messager.

- Ah! Je vois, dit-il. Effectivement, on remarque tout de suite la ressemblance… et la différence, vraiment. Mais le postier ne pouvait empêcher son regard de revenir vers Harry. Celui-ci, d'ailleurs, commençait à trouver gênante cette insistance et demeura en retrait.

- Alors, cette invitation? demanda brusquement Vernon Dursley.

- Ah oui, mille pardons monsieur dit-il en lui tendant l'enveloppe d'une main alors que l'autre attendait en vain quelque pourboire qui ne viendrait jamais. Bon… m'sieur dame, au revoir, dit-il après avoir regardé sa main vide d'un air désolé.

- C'est ça, grommela l'oncle Vernon en claquant la porte sur le messager insulté.

- Ouvre la Vernon, dépêche-toi. Allez, ouvre-la.

Vernon tourna l'enveloppe dans tous les sens. Il est vrai que les invitations ne pleuvaient pas sur la famille Dursley. Voyant son épouse et son fils impatients, il ouvrit enfin l'enveloppe et lu à voix haute :

« À la famille Dursley

Vous êtes cordialement invités à un dîner et soirée de bienvenue

Samedi le 10 août prochain

au 23 Privet Drive à 20h30

R.S.V.P. avant 17h00 aujourd'hui

Dimitri Marshenko

Votre nouveau voisin »

Ci-joint, quatre billets-réponse

Jusqu'à ce que l'oncle Vernon lise la dernière ligne, le ton de celui-ci avait atteint un niveau d'excitation sans précédent, et la tante avait lu, dans un état d'extase le nom du signataire : Le nom a l'air assez noble, tu ne trouves pas chéri?

- Que veut-il dire par « 4 billets-réponse », nous ne sommes que trois demanda platement le cousin Dudley.

Harry ne savait pas si le moment était bien choisi pour leur rappeler sa présence. Ce fut Vernon qui répondit pour lui.

- Il ne parle tout de même pas de lui? demanda-t-il alors que tous tournaient leur regard horrifié vers Harry.

Il aurait dû demeurer dans sa chambre. Il ne voulait pas y aller. Il ne voulait aller nulle part avec eux. De toute façon, il serait complètement ignoré toute la soirée.

- On a qu'à lui retourner trois des quatre réponses, dit Dudley. Nous lui dirons qu'il est malade.

Quoique cette remarque était assez judicieuse et étonnante de la part de son cousin, son père s'y refusa catégoriquement.

- Il est hors de question qu'il reste ici seul dans la maison, rugit l'oncle Vernon.

- Mais enfin, chéri, nous ne pouvons l'emmener avec nous, imagine qu'il arrive… des choses. Peut-être madame Figg…

Harry était habitué à ce genre de conversation où l'on parlait de lui comme s'il n'était pas là.

- Je ne veux pas y aller vous savez… oncle Vernon, tu pourrais peut-être me conduire samedi matin à Londres et j'y attendrais le début des classes, je pourrais aller chez mes amis… tu sais… les Weasley. Ils m'ont déjà invité et tu as dit que tu ne verrais pas d'inconvénient à ce que j'y aille.

Vernon réfléchissait à toute vitesse, tenté malgré tout par cette proposition. Toutefois, leurs nouveaux voisins considéreraient-ils comme une insulte le fait de ne recevoir que trois réponses? D'un autre côté, Harry risquait de tout gâcher. Mais encore, si ses zoulous d'amis désiraient absolument le recevoir…Oui, mais le message spécifiait bien que les quatre étaient invités. L'absence de Harry serait manifestement remarquée et susciterait possiblement des questions.

- Non, c'est décidé, tu viendras avec nous. Il n'est pas question que tu t'absentes. Je tiens à faire bonne impression.?

Sa tante et son fils, médusés, n'en crurent pas leurs oreilles.

- Chéri, tu crois que c'est bien prudent de le laisser… venir. Elle se souvint tout à coup avec précision de la beuglante qu'elle avait reçu l'année précédente. Il est vrai que…

Écoute Pétunia, nous n'allons tout de même pas lui raconter qu'il est pensionnaire à St.Brutus, n'est-ce pas?

- D'accord, répondit-elle, vaincue. C'est décidé, nous irons samedi prochain acheter tout ce qu'il nous faut. Tu viendras avec nous. Puis, ajouta-t-elle soudainement joyeuse, il faudra acheter un bel ensemble pour mon petit Duddlinouchet. Toi aussi mon chéri, il te faudra un beau costume, dit-elle à son mari, et je pourrai avoir une nouvelle robe, comme c'est excitant. C'est presque comme un invitation à la Cour.

Harry profita de leur allégresse pour aller s'enfermer dans sa chambre. Il était morose. Il aurait préféré mille fois rester à la maison et terminer ses devoirs pendant qu'ils prenaient le thé chez leur voisin. Il ne remarqua pas tout de suite que sa chouette était dans sa cage et il fallut un hululement léger pour que Harry la remarque.

- Hedwige? Tu es déjà revenue? Tu as déjà donné ma lettre à Lupin? Mais comment as-tu fait?

Hedwige se contenta de fermer les yeux et s'endormit.