CHAPITRE V – LE GARDIEN

Le samedi suivant, Harry se leva de peine et de misère. Ils devaient partir tôt et Harry était chargé de préparer le petit-déjeuner, comme d'habitude. Ils quittèrent la maison dès que Dudley eut avalé le contenu du garde-manger.

Heureusement, aucun des Dursley ne remarqua que Hedwige volait à quelques mètres au-dessus de la voiture et ils ne virent pas non plus les autres conducteurs sur l'autoroute qui les regardaient, les yeux ronds, leur nez collé contre la vitrine de leur voiture.

Tout à coup, les indicateurs de pression de la voiture des Dursley chutèrent, de même que la gauge à essence. Tout s'arrêta en quelques secondes. Vernon réussit à immobiliser la voiture sur le bas-côté et sortit ouvrir le capot. Une épaisse fumée blanche s'en échappa. Pétunia préféra rester à l'intérieur alors que les garçons préférèrent sortir.

Ah, mais c'est pas vrai, notre nouvelle voiture. Comment cela a-t-il pu arriver? Nous l'avons fait inspecter la semaine dernière, n'est-ce pas Pétunia?

Ils n'attendait pas vraiment sa réponse et se dirigea vers la valise arrière. Évidemment, l'oncle Vernon ne connaissait rien à la mécanique, il laissait toujours ce soin à des individus qui n'hésitaient pas à se salir les mains, en autant qu'on les paie pour le faire.

Pendant ce temps, Hedwige s'était éloignée et Harry se demanda si elle chercherait un endroit où se poser ou si elle continuerait sa route jusqu'à Londres. À ce stade-ci, il n'y avait non plus aucun moyen de contacter des secours et ils étaient à au moins une vingtaine de kilomètres de Londres. Son oncle Vernon était contre toute technologie trop avancée et les cellulaires étaient proscrits de son vocabulaire.

- Euh… oncle Vernon.

- Que veux-tu toi? Tu ne vois pas que je suis occupé?

En fait, il ne faisait que l'allez-retour entre l'avant et l'arrière de la voiture dans l'espoir que soudainement, la voiture redémarrerait. Il jouait avec les fils électriques, ouvrait et fermait les réservoirs à lave-vitres et à essence, en vain.

- Je pourrais peut-être marcher jusqu'à la prochaine maison et demander de l'aide?

- C'est ça. Tu crois vraiment que je vais te laisser partir comme ça, tout seul sur cette route?

- N'importe qui pourrait s'arrêter et t'embarquer.

Harry trouvait étrange la soudaine sollicitude de son oncle. Il n'était pas habitué à ce qu'on s'inquiète pour lui, du moins chez les Dursley.

- Évidemment, si on t'embarquait, on serait débarrassé de toi pour de bon, mais qui sait ce que tu pourrais leur dire. Je ne voudrais pas voir arriver les gendarmes à la maison parce qu'ils ont trouvé sur la route quelqu'un comme TOI, ou pire encore, voir arriver tes « amis ».

Harry fut rassuré par ces paroles. Il préférait nettement l'animosité de son oncle à la sollicitude que ses paroles précédentes avaient pu laisser croire. D'ailleurs, il n'aurait pas su quoi répondre.

- Il n'y a donc aucune voiture sur cette route? Où sont-elles toutes passées, bon sang!

- Chéri, je t'en prie, ne jure pas devant Dudley, lança une Pétunia inquiète par la fenêtre.

Puis, ils entendirent, tout d'abord vaguement, puis de plus en plus puissamment, le vrombissement assourdissant d'une moto qui venait dans leur direction. Elle était énorme et, mis à part quelques chromes étincelants, elle était complètement noire.

- Dieu du ciel chéri, un motard, chuchota tante Pétunia, déjà apeurée, se réfugiant à l'intérieur en verrouillant toutes les portes et fenêtres.

La moto s'arrêta derrière la voiture des Dursley et le conducteur en descendit, puis s'approcha d'eux d'un pas nonchalant, insolent, les pouces dans la ceinture.

- Bonjour, dit-il en enlevant ses verres fumés, vous avez besoin d'aide on dirait. Sa voix était grave et profonde, mais éraillée, comme s'il y avait longtemps qu'il n'avait parlé et son ton était nettement sarcastique. Harry pensa qu'il devait trouver la situation très amusante.

- Oh, euh… non, pas vraiment. Nous nous étions arrêtés pour euh… enfin…, répondit l'oncle Vernon d'une voix embarassée. Mais avec le capot ouvert et la fumée qui s'en échappait, il était bien difficile pour lui de convaincre le motard que tout allait bien.

L'homme était très grand et puissament musclé, avec une chevelure de jais parcourue de fils d'argent attachée en catogan. Il avait les yeux presqu'aussi noirs que ses cheveux et ses vêtements étaient aussi sombres que la nuit. Son visage reflétait les ravages d'une vie dure et tourmentée. En fait, selon madame Dursley, il était à faire peur et pourtant, elle ne pouvait en détacher son regard. Elle descendit finalement de la voiture et s'avança vers eux d'un pas hésitant.

Il n'était pas d'un abord très sympathique et selon Vernon Dursley, n'importe qui d'autre pour les aider aurait été nettement plus souhaitable. Personne ne vit les yeux de leur interlocuteur se poser un instant avec insistance sur Harry. De son coté, Harry remarqua que Hedwige était perchée sur une branche qui bordait la route. Elle s'était arrêtée, pensa-t-il avec plaisir.

- Je crois que nous nous connaissons, dit tout à coup l'homme, son regard de nouveau tourné vers les Dursley.

- Vraiment, fit l'oncle Vernon? Euh? Et à qui ai-je l'honneur?

- Je vous ai vu quitter votre maison ce matin, nous demeurons dans la même rue. Il se trouve que je me rendais également à Londres et je vous suivais de quelques kilomètres à peine je crois.

Vraiment? répondit Pétunia, vous nous avez vus? Pourtant, nous ne vous avons jamais… puis elle se tut. Elle venait de comprendre. Elle venait également de prendre conscience que malgré l'allure peu recommandable du motard, ses vêtements étaient d'une rare qualité. Le bolide était impressionnant certes, mais son conducteur s'exprimait avec une grâce peu commune chez les hommes de ce genre.

- Oh non, ce n'est pas possible, dit-elle dans un souffle. Vernon…il s'agit de…

L'oncle Vernon, chez qui les rouages de son cerveau étaient toujours plus lents, n'avait encore rien compris et commençait à s'impatienter.

- Vous ne seriez pas… euh!… monsieur…demandant-elle la voix faible.

- Dimitri Marshenko pour vous servir, gente dame, répondit-il en s'inclinant galamment devant elle et en posant ses lèvres sur les doigts longs et secs de la tante Pétunia qu'il venait de saisir dans une main large et puissante, gantée de cuir noir.

On n'aurait pu voir expressions plus étonnées sur Terre en ce moment que sur les quatre visages levés vers lui.

Puis l'homme en question leva les yeux et regarda la chouette toujours perchée sur la branche. Harry lui jeta un coup d'œil interrogateur puis revint à l'homme et l'observa discrètement mais avec attention. Avec un certain rictus, il proposa aux Dursley de retourner à leur voiture, le temps qu'il jette un coup d'œil au moteur de la voiture. Ils n'hésitèrent pas un instant, heureux de se décharger de cette affreuse tâche aussi salissante que dégradante. De toute façon, cet homme semblait savoir ce qu'il faisait. Harry, cependant, hésita. Il n'était pas certain qu'on puisse confier la mécanique de leur voiture à un pur étranger d'allure si… si… étrange.

Pourtant, après quelques secondes à peine, Dimitri Marshenko demanda à l'oncle Vernon de démarrer la voiture, et comme par enchantement, elle ronronna aussitôt. Harry se dirigea lentement vers la voiture et s'y installa.

- Ah, mais c'est extraordinaire, s'exclama Vernon, d'un air satisfait. Voilà décidément un homme qui s'y connaît.

L'oncle Vernon n'imagina pas un instant qu'il aurait été poli de descendre de la voiture pour aller remercier celui qui leur était venu en aide. Aussi, ce fut l'homme en noir qui se pencha au-dessus de la vitre du côté conducteur.

- Voilà, c'est réparé, ce n'était qu'une simple fuite. Il les regarda tous l'un après l'autre d'un regard frigorifiant et son regard s'arrêta encore une fois sur Harry. Un éclair glacial, trempé dans l'acier, traversa ses yeux à la plus grande consternation de Harry. Il n'aimait vraiment pas cet homme.

Le motard leur fit alors une proposition tout à fait étonnante.

- Je n'ai pas grande chose à faire aujourd'hui et je m'ennuyais un peu. Peut-être l'un d'entre vous accepterait de m'accompagner? Je ne connais pas vraiment Londres et j'aurais apprécié un guide.

Avant même qu'elle réalise ce qu'elle disait, Tante Pétunia s'écria : Et bien, je pourrais bien…

- Mais tu n'y penses pas Pétunia, s'écria Vernon estomaqué. Allons donc! Il n'en est pas question, et Dudley non plus. Selon Harry, sa tante sembla vraiment déçue.

Harry pensa que finalement, elle ne devait pas tant détester les motards et son regard amusé n'échappa pas à l'homme en noir.

- Vous alliez faire des courses en ville je présume?

- Oui, nous emmenions notre fils se procurer un nouveau costume et quelques autres courses, répondit Pétunia, toute rougissante… Pour ce soir en fait.

Il lui sourit, soudainement charmeur, analysa Harry. Sa tante battit ridiculement des paupières et se détourna, toute frémissante.

- Je vois. Et toi? demanda-il brusquement à Harry? Tu fais des courses aussi? Pris de court, Harry hésita…

- Euh, c'est que… enfin, non pas vraiment.

Il ne savait pas comment dire à cet homme qu'en fait il les accompagnait parce que son oncle et sa tante avaient trop peur qu'il fasse disparaître leur maison et qu'il comptait rejoindre ses amis magiciens et se procurer ses fournitures scolaires.

- Il nous accompagne tout simplement, répondit froidement l'oncle Vernon, à qui le regard papillonnant de sa femme n'avait pas échappé.

- Peut-être serais-tu intéressé à faire un tour sur ma moto jusqu'à Londres? dit-il en pointant son bolide d'un doigt ganté.

Le ton de sa voix était si tranchant que l'oncle Dursley ne pensa même pas à lui opposer un refus. « Je vous le ramènerai dès que vous serez rentrés, promis. Qu'en pensez-vous? Je serais en quelque sorte son gardien. »

Harry sursauta à ces mots. Avait-il bien entendu? Il regarda le motard avec plus d'intensité, mais celui-ci ne croisa plus plus son regard.

- Voilà une proposition qui me plaît, répondit son oncle avant même que Harry ne puisse avancer quelque protestation.

- D'accord. Et bien, je vous souhaite une bonne fin de journée. Son regard se porta à nouveau sur Harry.

- Je te laisse dire aurevoir à ton oncle et ta tante… Harry. Et il retourna près de sa moto, sans plus de façon.

- Descends de la voiture!

- Mais…mais…

- Il n'y a pas de mais, tu vas avec lui. Et ne t'avises pas de faire des bêtises. C'est notre nouveau voisin. Fais bonne impression ou tu auras de mes nouvelles. Il n'est pas question que je laisse Dudley monter avec lui sur ce monstre. Mais n'oublie pas surtout que tu goûteras à la correction de ta vie si je n'ai qu'une seule petite plainte.

Harry, complètement désorienté se dirigea d'un pas hésitant vers le motard qui l'attendait avec une veste de cuir et un casque. Harry les prit sans croiser son regard et enfila la veste qui lui allait comme un gant, de même que le casque.

De sa voix grave, Dimitri Marshenko lui donna quelques brèves directives quant à la conduite à suivre pour un passager et il enfourcha sa moto.

- Où allons-nous? demanda courageusement Harry.

- À Londres bien sûr, répondit la voix étouffée du conducteur. Accroche-toi, nous y allons.

Harry n'eut que le temps d'agripper le blouson de cuir que déjà ils dépassaient les Dursley. Harry aperçut brièvement le visage désapprobateur de son oncle et le regard étrangement fiévreux de sa tante.

Même en si étrange compagnie, il trouvait cette vitesse grisante et il ne put s'empêcher d'associer l'engin à son Éclair de Feu. Il se demandait bien lequel des deux bolides était le plus rapide.

Ils ne fallut que quelques minutes pour atteindre Londres et s'engagèrent bientôt dans les rues moins achalandées. Harry se demandait où l'emmenait son voisin. Il n'avait pas vraiment peur, mais il avait l'impression que cet homme avait un peu forcé les événements. Et plus encore, il ne semblait pas s'inquiéter du fait qu'une chouette blanche les suivait de près.

Il s'arrêta soudainement sur le côté d'une rue et gara la motocyclette. Il attendit patiemment que Harry en descende, puis enleva son casque. Harry trouvait dommage que la promenade fut déjà terminée. En fait, il n'aurait pas dit non à un petit tour de l'Angleterre sur cette moto. Plus encore, se rendre jusqu'à Poudlard… Peut-être un jour, quand il serait plus âgé et qu'il travaillerait…

- Viens, allons nous asseoir sur une terrasse, nous discuterons tranquillement.

Discuter? pensa Harry, mais de quoi, pensa-t-il? Que pouvait bien raconter un apprenti-magicien à un Moldu à l'allure des plus rebelles qui avait en plus l'air d'un assassin?

Ils marchèrent quelques instants et Harry reconnut bientôt les lieux. L'homme se dirigea sans hésiter vers une porte discrète, et absolument invisible pour ceux qui ne la connaissaient pas et l'ouvrit d'une seule poussée. Harry, abasourdi, demeura sur place, les yeux fixés sur la porte du Chaudron Baveur.

- Allez, viens Harry! dit l'homme brusquement, de sa voix rauque.

- Euh! Je ne crois pas qu'on puisse entrer là… sans autorisation. Je crois que c'est un… vous savez… un de ces clubs privés où euh… les mold… euh… Harry ne savait vraiment pas comment il allait convaincre cet homme de stopper net.

Comme s'il n'avait rien entendu, l'autre entrait déjà. Il se tourna à nouveau vers Harry, impatient. Harry ne s'expliquait pas la raison de cette animosité à son égard.

- C'est vous le Gardien n'est-ce pas? C'est vous que le professeur Dumbledore a envoyé pour m'accompagner à Poudlard?

- Amène-toi, répondit-il brusquement, nous n'avons pas toute la journée, dit-il sans répondre à sa question, nous parlerons de tout cela à l'intérieur.

Harry, la voix étranglée par une émotion aussi soudaine que vive, ne su quoi répondre et se contenta de hocher gravement la tête. Ils venaient tout juste de mettre les pieds dans le Chaudron Baveur que déjà Tom s'avançait vers eux.

- Bonjour Harry, comment vas-tu? Tu es venu acheter tes fournitures scolaires?

- Euh!… répondit bêtement Harry. En fait, je… oui, je…

- Harry est avec moi, répondit gravement l'homme planté à côté de lui.

Le barman impressionné, se ressaisit quand même assez rapidement. Il en avait sûrement vu d'autres.

- Ah… et bien monsieur… sir, soyez le bienvenu. Harry, tu auras besoin d'une chambre?

- Je… je…non, non pas de chambre. Décidément, pensa-t-il, j'ai l'air d'un parfait idiot. Ressaisis-toi mon vieux.

- Je le reconduirai moi-même un peu plus tard après ses achats.

- Je suis venu chercher mes livres et toutes ces choses pour le début de l'année. Vous n'auriez pas vu Hedwige par hasard, demanda Harry?

- Je ne crois pas non, répondit Tom, mais vas sur la terrasse, elle t'attendra peut-être là, elle est vraiment intelligente ta chouette Harry. Allez, je reviendrai prendre votre commande quand vous serez prêts. Et il s'éloigna pour répondre à des clients impatients.

Harry et Dimitri sortirent sur la terrasse et s'attablèrent.

- Je vous sers quoi? demanda Tom quelques minutes plus tard.

Harry, qui n'avait pas une seule petite noise sur lui, regarda autour de lui et attendit. Il aurait préféré passer d'abord à la Banque.

- Que veux-tu? demanda Dimitri Marshenko.

- C'est que, voyez-vous, je… je n'ai…

- Je sais parfaitement que tu n'es pas encore allé à la Banque, mais moi si, alors que veux-tu?

- Et bien… De la bièraubeurre s'il-vous-plaît monsieur Tom.

- Bien sûr, je t'apporte ça tout de suite, avec un sundae, comme d'habitude?

Harry sourit jusqu'aux oreilles. Tom lui sourit en retour.

- Et vous euh…Sir?

- Rien, merci. Il n'eut pas droit au même sourire.

Aussitôt que Tom s'éloigna, Harry se pencha vers lui, mais avant même d'avoir placé un mot…

- Tiens! Voilà Hedwige. Je la trouvais plutôt lente aujourd'hui. On dirait qu'elle n'a pas toute sa forme tu ne crois pas? demanda l'homme avec un pli soucieux entre les deux yeux.

- Vous connaissez Hedwige? Comment cela se fait-il? Et puis qui êtes-vous vraiment? Il me semble vous avoir déjà vu quelque part, mais je n'arrive pas à me souvenir. C'est vous mon « Gardien » n'est-ce pas? demanda finalement Harry avec un air de dire « ma babysitter ».

- Tu dis m'avoir déjà vu quelque part, demanda-t-il? Comme c'est curieux, moi je ne t'avais jamais vu auparavant, sauf dans les journaux bien sûr, et pourtant, tout à l'heure, moi aussi j'ai eu cette impression. Il faudra que j'en parle à Dumbledore.

- Vous connaissez Dumbledore? demanda aussitôt Harry? Où est-il? Vous savez ce qui se passe présentement? Allez-vous m'emmener à Poudlard? Quand partons-nous? Harry avait conscience de l'impatience de ses questions, mais il ne pouvait s'en empêcher. Il avait hâte de retourner là-bas. Mais aussitôt, il sut que sa hâte avait paru enfantine.

- Toutes ces questions, répondit l'homme impertubable. Tu es impatient, je vois. On m'avait averti.

Harry rougit jusqu'aux oreilles. « Désolé, répondit-il, les yeux fixés sur son sundea qui venait d'arriver, c'est que… enfin… j'ai hâte de partir. »

- Je crois que Hedwige est fatiguée. Laissons-la se reposer un moment et passons à la banque. Nous irons ensuite chercher ce qu'il te faut. Pour ce qui est de comment et quand nous partirons, ce sujet n'est pas encore tout à fait réglé, j'attends des instructions. Tu en sera avisé le moment opportun, ajouta-t-il d'un ton sans réplique.

- Harry eut l'impression de recevoir une douche froide. On aurait dit que son interlocuteur cherchait constamment à le remettre à sa place.

Après une visite chez Gringotts, la banque des sorciers, ils passèrent chez le boutiquier, l'apothicaire et ils s'apprêtaient maintenant à se rendre chez le marchand de parchemins et autres articles de papeterie quand Harry entendit crier son nom.

Hermione arrivait en courant, toute essoufflée. Ses parents la suivaient, comme d'habitude, un peu plus loin, curieux de ce monde qui n'était pas le leur mais heureux d'y être, semblait-il.

- Salut Harry, comment ça va? Tu as vu Ron? Il est arrivé?

- Salut Hermione, euh! non, je ne l'ai pas vu encore, bégaya-t-il misérablement.

Harry n'arrivait pas à s'exprimer clairement car il était sous le choc. Hermione avait drôlement changé cet été. En fait, il lui était presque impossible de la reconnaître. Il n'avait pas souvenir qu'elle était si resplandissante. Ah! Si, peut-être au bal de Noël de l'année de ses 14 ans. Il se souvenait même de l'expression de Malefoy quand il l'avait vue. Mais enfin! Ce n'était qu'Hermione, sa meilleure amie. Mais là, tout de même, il en était presque ébloui.

Depuis que Harry avait vu pour la première fois des Vélanes au Mondial de Quidditch deux années auparavant, il s'était découvert une affinité avec les longues chevelures. Et là, il était servi. Ses cheveux avaient tellement poussé qu'ils lui descendaient plus bas que les hanches. Elle avait tenté de les retenir par une boucle, mais celle-ci menaçait de lâcher à tout instant et Harry n'attendait que ce moment.

- Qu'est-ce que tu as à me regarder comme ça Harry? Elle souriait, mais ses joues s'étaient soudainement teintées de rouge.

Harry sursauta et, sous le regard narquois de Dimitri, il tenta d'expliquer que… et bien que…

- T'as fait quoi à tes cheveux Hermione?

- Oh ça? Je pensais avoir trouvé une potion extra pour dompter cette tignasse de cordes, mais j'ai dû mal lire les instructions, comme si c'était possible, et en fait, cette fichue potion les fait maintenant pousser sans arrêt.

- Et bien, en fait… ça te va très bien.

Harry se demanda si elle avait pris une potion pour tout le reste aussi parce qu'en fait, il n'y avait pas que les cheveux. Elle avait grandi de quelques centimètres. Et en fait de centimètres, ils s'en étaient rajoutés à quelques endroits tout à fait stratégiques. Il sentit monter malgré lui un petit fourmillement dans l'estomac. L'homme en blouson noir ne disait toujours rien et se contentait d'observer attentivement Harry en train de faire l'idiot et cela commençait à l'agacer prodigieusement.

Quand Harry chercha de nouveau le regard de Hermione, celle-ci l'avait déjà oublié et contemplait avec stupeur son « Gardien », les yeux presque aussi grands que ceux de Dobbie. Elle savait toujours détecter les choses plus vite que la plupart de ses semblables. Elle voyait toujours au-delà des apparences, et ce n'était pas toujours rassurant. En fait, elle était plus intelligente que la plupart des gens. Évidemment, l'homme qui accompagnait Harry ne manqua pas de le remarquer aussi.

- Vous êtes un « Gardien », dit-elle, comme si cela allait de soi.

- Comment tu sais? demanda-t-il aussitôt? Comment peux-tu savoir?

- Et bien c'est évident non? répondit-elle.

- Et bien non, justement!

- Pardon! Mais enfin… monsieur, ajouta-t-elle en regardant dans les yeux cet homme immense. C'est bien ça n'est-ce pas, vous êtes un Gardien? J'ai lu dans Histoire de la Magie que les gardiens étaient toujours habillés en noir et qu'ils étaient plutôt sédui… heu… je veux dire, qu'ils sont là pour… Vous êtes là pour Harry?

Dimitri lui sourit en retour et prit doucement sa main. « Mademoiselle ». Et sous le regard ébahi de Harry, il se pencha et baisa la main de Hermione.

Puis, cessant brusquement de sourire, le Gardien se tourna vers lui : « Tu nous présentes? »

Hermione piqua un fard et un sourire tremblota un instant sur ses lèvres. Les parents de Hermione, toujours discrets, attendaient également que Harry leur présente cet homme froid, mais apparemment très charmeur, peu ordinaire et habillé d'un blouson et pantalon noirs. Ce n'était pas tout à fait le genre de personne qu'ils désiraient voir fréquenter leur fille et surtout pas un homme de cet âge qui se permettait de lui baiser la main.

- Euh! Madame Granger, Monsieur Granger, je vous présente … euh…

Dimitri Marshenko, pour vous servir, monsieur, madame, répondit-il en s'inclinant devant la mère d'Hermione. Ses yeux scintillèrent et se troublèrent un instant devant ce profond regard si masculin.

Ses parents avaient toujours été assez à l'aise en présence de la communauté magique, mais le père d'Hermione récupéra brusquement la main de son épouse. Après les politesses d'usage, Hermione les raccompagna jusqu'au Chaudron Baveur. Harry vit le père de Hermione discuter avec elle. Il semblait être en désaccord. Il se doutait que son compagnon était probablement en cause.

Il vit la mère d'Hermione jeter un dernier coup d'œil de son côté et rougit en croisant le regard interrogateur de Harry. Il se demandait s'il existait un équivalent de Vélane mâle. Mais quand même, baiser la main d'Hermione… et de sa mère. C'était le comble.

- Harry, tu as l'intention d'aller chez Ron pour le reste des vacances ou chez ton Gardien?

Brusquement ramené à la réalité, Harry regarda Hermione, puis Dimitri. Mais avant d'avoir pu répondre…

- Hey! Hey! Regardez qui est là. C'est moi!

- Salut Ron, répondirent en cœur Harry et Hermione. Comme elle était cachée derrière Dimitri, Ron ne la vit pas immédiatement. Harry, quant à lui, senti un fourmillement familier l'envahir, ses amis étaient tous enfin là. Il n'était plus seul.

Monsieur et Madame Weasley, de même que Ginny, s'approchaient rapidement, tous heureux de retrouver Harry. À quelques pas, cependant, ils stoppèrent net en voyant l'étranger qui accompagnait Harry. Ginny, placée derrière tout le monde, embouta le dos de Ron et celui-ci, sous l'impact, tomba presque sur son père qu'il dépassait maintenant d'un bon 5 centimètres.

- Bonjour, dit solennellement M. Weasley, en jetant un coup d'œil à Harry, puis à l'homme en noir, puis de nouveau à Harry, avec quelque chose d'interrogatif dans la voix.

- Bonjour monsieur Weasley, dit Hermione. Bonjour madame Weasley. Salut Ron! Ginny comment allez-vous?

Tous les regards se braquèrent sur elle. Ron, la bouche soudainement sèche et grande ouverte, la regardait comme si elle arrivait d'une autre planète. À ce moment, un double « bonjour » joyeux annonça l'arrivée des jumeaux Weasley.

- On vous a vus et nous avons laissé le magasin pour quelques instants. Bonjour tout le monde, on s'assoit quelque part? ajouta George, alors que Fred venait tout juste de remarquer l'étranger près de Harry et fronçait les sourcils, mais un coup de coude dans l'estomac lui rappela la présence des autres et plus particulièrement d'une fille. Les deux jumeaux tombèrent presque à la renverse en la voyant apparaître. Oui, se dit Harry, elle avait bien changé cet été son amie Hermione. Il n'était pas le seul à l'avoir remarqué.

- Salut Ron, réitéra Hermione d'une voix douce. Bonjour George, Fred.

Ron ferma un instant les yeux, puis les rouvrit brusquement. Le choc, se moqua intérieurement Harry.

- Euh…b…b… bonne nuit, euh non, bonjour Hermione, bégaya Ron d'une voix fluette.

- Bonjour Hermione, dit Mme Weasley. Dis donc, tu es devenue une bien jolie petite femme maintenant. Il faudra te surveiller de près, ou plutôt il faudra surveiller les garçons de près, ajouta-t-elle en regardant les deux garçons avec un faux regard sévère. Ron, Harry, je vous somme de protéger cette pauvre enfant des méchants loups à l'école, vous m'entendez? Elle est bien trop jolie, ajouta Mme Weasley en souriant tendrement.

Harry se demanda s'il était sage de leur confier cette responsabilité, surtout à voir l'expression horrifiée qui apparut sur le visage écarlate de son meilleur ami.

Pendant ce temps, les deux jumeaux se disputaient l'honneur de prendre dans leur main celle de Hermione et de pouvoir, chacun à leur tour, la garder un peu plus longtemps. Hermione rougit bien un peu, mais son sourire était resplandissant.

M. Weasley continuait d'observer l'étranger noir qui le lui rendait bien d'ailleurs. Un mince sourire s'affichait sur son visage.

- Enchanté monsieur, mon nom est Arthur Weasley.

- Enchanté de même monsieur, on m'a parlé de vous… en bien, ajouta-t-il. Mon nom est Dimitri Marshenko, pour vous servir. Madame, dit-il de sa voix charmeuse qui ne semblait résister à aucune femme, dit-il en s'inclinant devant Mme Weasley. Comme Hermione l'a deviné un peu plus tôt, je suis le Gardien. Dumbledore vous en aura parlé je pense.

Deux taches rosées apparurent soudainement sur les joues de Madame Weasley et elle tendit sa main que Dimitri prit doucement dans la sienne pour baiser ses doigts délicats. Elle battit des cils et retira sa main d'un geste brusque sous les yeux ébahis et choqués de son mari. Harry se souvenait avoir déjà vu ce regard énamouré dans les yeux de Mme Weasley devant Gilderoy Lockhart, le professeur de défense le plus nul que Harry ait jamais rencontré.

- Nous n'attendions pas votre venue… si tôt je crois, dit alors M. Weasley, sa voix se refroidissant de plus en plus.

- C'est vrai, mais la curiosité a eu raison de moi j'en ai bien peur, rétorqua le motard cynique. Cela pose-t-il un problème… à qui que ce soit? continua-t-il d'un ton légèrement plus froid.

- Non, bien sûr que non, s'empressa de répondre Mme Weasley. Allez venez tous, Fred, George, je crois qu'il est préférable que vous retourniez à votre boutique.

- Mais maman, se plaignirent-t-ils en cœur… on veut aller avec vous.

- Il n'en est pas question. Vous avez voulu quitter l'école? Alors prenez vos responsabiltés… ouste, allez! Dit-elle en les regardant d'un regard sévère. « Ces deux-là, ajouta-t-elle tout bas, mais bien distinctement alors que les jumaux Weasley s'éloignaient d'une mine pitoyable, jamais sérieux, toujours à s'amuser.

- Harry, demanda Ron, tu viens avec nous? demanda-t-il en jetant un rapide regard à l'imposante présence.

- Euh… je ne sais pas….

- Tu peux y aller, nous nous retrouverons à 17h30 ici même. Et ne sois pas en retard. J'ai des choses à faire, je crois que tu es entre de bonnes mains. À plus tard. Et il s'éloigna à grandes enjambées vers l'Allée des Embrumes.

- Vous avez vu? Vous avez vu où il va? s'étonna Hermione? Il va dans…

- Allez vous autres, on y va, jeta rapidement M. Weasley.

- Allez Ron, réveille-toi! chuchota-t-Harry, en le voyant jeter un dernier regard vers Hermione.

- Dis-moi Harry, demanda finalement Ron, tu viendras avec nous pour la fin des vacances? Tu as fini tous tes achats?

- Je ne pense pas que ce soit possible Ron, répondit Mme Weasley. Nous ne l'attendions pas si tôt, comme disait ton père. S'il était arrivé comme prévu, Harry aurait pu venir, mais maintenant…

- Qu'est-ce qui se passe, demanda soudainement Harry en regardant M. Weasley? Pourquoi un Gardien?

- Je ne crois pas que ce soit l'endroit indiqué pour discuter de tout ça Harry, tu devras être patient. Il te dira tout ce que tu as besoin de savoir… Ordres de Dumbledore, ajouta-t-il rapidement en voyant le regard de Harry s'assombrir.

Ils se promenèrent donc tout l'après-midi et achetèrent les fournitures manquantes. Harry, Ron et Ginny ne manquèrent pas de s'arrêter devant leur magasin préféré. Là, en vitrine, un nouveau balai était arrivé, le Stardust 2004. Ils entrèrent pour l'admirer. Il y rencontrèrent quelques amis de l'école, Neville notamment, ce qui était assez étonnant, et Dean Thomas. Harry remarqua l'éclair de plaisir qui traversa le regard de Ginny et la rougeur soudaine sur les joues de Dean.

Après quelques heures à dévaler les allées du Chemin de Traverse, ils revinrent tous ensemble au Chaudron Baveur ou les attendait Dimitri devant un verre dont le contenu avait une couleur ambrée, à l'odeur fortement épicée. Ce n'était certainement pas une bièraubeurre, pensa Harry.

Harry s'apprêtait à se séparer de ses amis, quand soudain : « Puis-je me permettre une suggestion? interrompit tout à coup Dimitri Marshenko. Puisque les trois amis souhaitent se retrouver pour la fin des vacances, peut-être pourrais-je tous les inviter chez moi pour les dernières semaines. Je pense que Dumbledore pourra certifier que je suis tout à fait… recommandable, ajouta-t-il narquois en jetant un regard à M. Weasley.

- Euh, je ne pense pas que…commença-t-il.

- Mais bien sûr que si, termina son épouse. Vous êtes vraiment très gentil de nous le proposer. Ainsi Harry ne désobéira pas aux ordre de Dumbledore et Ron et Hermione pourront l'accompagner. Tout est donc arrangé, nous vous retrouverons sur le quai 9¾ le 1er septembre. Ron, je te ferai envoyer tes affaires, ne t'inquiète pas, ajouta-t-elle rapidement en voyant Ron qui s'apprêtait à intervenir.

- Mais enfin, Molly, balbutia son mari. Tu n'y penses pas? Nous ne le connaissons pas…chuchota-t-il.

- Toi non, mais Dumbledore si, et ça me suffit amplement. Il est tout à fait correct, rétorquant d'un ton sans appel. Non Ginny, toi tu viens avec nous, étouffant ainsi ses pitoyables protestations.

- Je vous remercie de votre confiance, dit enfin Dimitri de sa voix troublante, qui manifestement, donna quelques frissons à Madame Weasley, ce qui agaça prodigieusement son époux. Je prendrai bien soin d'eux, ne vous inquiétez pas.

- Oh, je ne m'inquiète certainement pas, monsieur Marshenko. Allez, au revoir et amusez-vous bien.

Alors que M. et Mme Weasley et la malheureuse Ginny prenaient la direction d'une cheminée quelconque qui les ramènerait au Terrier, Harry, Hermione, Ron et Dimitri Marshenko sortirent du côté des Moldus.

- M. Marshenko, comment on va faire maintenant pour ramener tout le monde? Vous êtes venus comment au juste? demanda Hermione.