CHAPITRE VI – UN DÎNER INSOLITE

- Bon alors, Hermione, tu vas t'asseoir ici, devant Ron et toi Harry, tu restes derrière moi. Nous mettrons les malles de ce côté. Tiens! Au fait où est donc Hedwige Harry, nous ne l'avons pas vue depuis un moment.

D'un seul mouvement, ils levèrent tous la tête vers le ciel à la recherche de la chouette immaculée, mais elle demeurait invisible.

- Elle est peut-être retournée au Chaudron Baveur, fit remarquer Hermione.

- Bah! ajouta Ron d'un air hargneux, elle saura bien où te retrouver ta chouette.

Harry n'était pas certain que son ami fut heureux de les accompagner, mais il s'en souciait peu car il avait enfin retrouvé ses amis. Rien n'aurait pu le rendre plus heureux. Il savait que Ron retrouverait sa bonne humeur une fois lancés sur la route.

- Bon, alors tout le monde est installé? Harry, tu t'accroches à moi d'accord, Ron, toi tu te tiens après Hermione.

- Je sais, je sais, maugréa-t-il. Hermione n'avait pas l'air rassurée par une telle perspective.

Harry ne savait pas si c'était parce qu'elle n'avait jamais fait de balade en moto ou à cause de Ron qui se tenait derrière elle, mais d'après lui, il était vivement temps que les choses se règlent entre eux deux. Harry n'avait pas l'intention de s'en mêler, mais en ce moment, il avait le goût de prendre Ron par les épaules et de le secouer jusqu'à ce que ce qu'il entende sa ra raison cliqueter à l'intérieur.

- Vous allez voir, c'est fantastique! s'exclama Harry le regard brillant. Attache bien ton casque Hermione.

En la voyant s'escrimer sur l'attache de son casque protecteur, Harry se proposa de l'aider. Ron se renfrogna encore plus et Harry lui lança un regard agacé. Ron le fixa pendant quelques instants où ils s'affrontèrent dans un duel silencieux. Hermione, entre les deux, n'était pas très à l'aise. D'un seul mouvement, elle rejeta ses cheveux en arrière, caressant au passage le visage de Ron puis remit son casque en place. Le regard de Ron se détourna de Harry et, les joues rosissant soudainement, il eut un mouvement pour retenir la chevelure abondante, mais en voyant le regard goguenard de Harry, il rougit de plus belle et abaissa sa main, furieux. Il regarda ailleurs.

- Alors, vous êtes prêts? Hermione, ton casque ça va? demanda la voix étouffée de Dimitri.

Elle leva le pouce en l'air et Dimitri lui sourit. Hermione papillota des yeux et baissa son regard vers l'intérieur du véhicule, un sourire soudain timide aux lèvres.

- Alors tenez-vous bien, nous partons.

Harry s'accrocha. Dimitri, pour leur balade, leur avait fait apparaître à chacun un blouson de cuir noir, des gants et un casque protecteur. Ils avaient l'air d'un gang et ce n'était pas pour déplaire aux trois amis. Même Hermione, qui se serait tuée plutôt que d'avoir l'air rebelle, souriait de toutes ses dents et ses yeux étaient éclatants de plaisir anticipé.

Ils quittèrent Londres dans un vrombissement terrible et quelques moldus désapprobateurs se retournèrent sur leur passage. Harry avait remarqué que le motard avait aménagé la monture pour le retour dans Privet Drive. En effet, il avait ajouté à son bolide une petite voiturette où étaient assis Ron et Hermione et Harry le soupçonna d'en avoir également augmenté l'amplitude sonore. Tous les bagages avaient également été disposés sans problème. Les trois amis regardaient de tous côtés et n'avaient jamais été plus heureux qu'en ce moment. On voyait l'extase sur chacun de leur visage. C'était l'euphorie.

Harry savait qu'il conserverait ce souvenir pour le reste de ses jours. Mais il savait aussi que ceux qui le hantaient la nuit reviendraient bientôt et, le temps d'un soupir, sa main se crispa soudainement sur les épaules du Gardien. Celui-ci dû sentir sa tension car Harry sentit son corps se tendre un fugace moment puis, comme si rien n'était, continua sa route.

- Arrête de bouger comme cela Dudley chéri, je n'arrive pas à attacher ta cravate.

- Mais m'man, on est en retard, dépêche-toi. Tu es trop lente.

- Allons, allons mon garçon, claironna Vernon en entrant dans sa chambre. Vous êtes prêts tous les deux?

- Encore quelques secondes mon chéri, ton fils est très turbulent ce soir.

- Ah, mon fils, il est tout à fait moi à son âge.

Harry, dans la chambre voisine, entendait ce qui se passait et pensait que Dimitri Marshenko n'avait certainement pas toute sa tête quand il avait décidé de les inviter. Harry se préparait aussi, mais pour lui, c'était bien plus facile. Il était habillé avec ses vêtements de Poudlard, sans la robe noire bien sûr. Son oncle et sa tante avaient d'ailleurs tenté de lui refiler le vieil uniforme de son cousin, trois fois trop grand pour lui, mais il avait refusé en disant qu'il avait tout ce qu'il lui fallait, d'où l'inquiétude de son oncle et sa tante justement.

Harry avait eu de la difficulté à cacher son agacement. S'imaginaient-ils qu'il allait porter sa robe et son chapeau de sorcier? Quoique… cela aurait été plutôt amusant. D'ailleurs, il lui avait fallu presqu'une garde-robe complète, tellement il avait grandi. Il était certain que s'il avait pu se mettre dos à dos avec son père, il l'aurait certainement dépassé de plusieurs centimètres. Il espérait que ça ne nuirait pas à ses talents d'attrapeur de Quidditch.

À cette pensée, une vague de désespoir l'envahit. Il ne savait même pas s'il aurait le droit de jouer au Quidditch l'année suivante puisque le professeur Umbridge l'avait grevé d'une sommation à vie.

Mais le professeur Umbridge n'était plus à Poudlard. Du moins, il l'espérait. La dernière fois qu'il l'avait vue, elle était alitée à l'infirmerie de l'école, après avoir été attaquée par une horde de centaures. Avec les événements tragiques de la fin de l'année, il n'avait même pas pensé à récupérer son Éclair de Feu. Il était probablement encore enchaîné solidement au mur de son bureau.

Les Dursley ne savaient pas qu'ils étaient invités par un sorcier, a fortiori par un sorcier chargé de le protéger lui du plus grand sorcier noir de tous les temps et il était nullement de l'intention de Harry de les en informer. Plusieurs autres personnes étaient au courant tout de même, dont Albus Dumbledore pour qui Harry vouait une véritable admiration et Remus Lupin, le meilleur professeur de Défense contre les forces du mal que Harry ait jamais eu. Il y avait aussi les Weasley et malheureusement aussi… Rogue.

- Alors, tu es prêt toi? cria son oncle du bas de l'escalier.

Tout à ses pensées, Harry n'avait pas remarqué qu'ils l'attendaient. Il dévala l'escalier et s'arrêta à côté de son cousin. L'un était grand et maigre, à la voix maintenant grave et l'autre plus grand encore, mais aussi gros qu'un pachyderme. L'un était plutôt mignon avec ses yeux verts frangés de cils noirs alors que l'autre n'avait manifestement aucune chance à cause de ses triples mentons, de son cou inexistant et de ses cheveux gras. Mais l'oncle et la tante Dursley, en admiration devant leur rejeton, ne remarquèrent pas à quel point Harry était très élégant.

- Allons-y, il est presque l'heure.

Comme ils sortaient de la maison et se dirigeaient vers celle de leur hôte, au bout de la rue, l'oncle de Harry le prit à part.

- Écoute-moi bien toi, si jamais tu osais nous faire honte, tu peux être certain que tu le regretterais toute ta vie. C'est une chance unique pour Pétunia et moi d'entrer dans la haute société. Je ne veux surtout pas que des drôles de choses arrivent. Tu me comprends bien?

- Bien sûr, répondit Harry en tentant de libérer son bras.

- Je n'aime pas beaucoup ton attitude en ce moment et je pense que tu te moques de nous. Ne me mets pas en colère, ça pourrait très mal tourner pour toi, termina-t-il avec une claque derrière la tête de Harry.

Harry ne répondit pas et ils rejoignirent Dudley et sa tante qui attendaient déjà sous le porche de la maison.

Ils n'eurent pas à attendre car la porte s'ouvrit au moment même où l'Oncle Vernon s'apprêtait à sonner. Un maître d'hôtel stylé, dès qu'ils furent tous entrés, prit le manteau de Vernon et l'étole de Pétunia.

- Sir Marshenko vous attend au salon, veuillez me suivre, répondit le portier, le nez quelque peu dans les airs, mais les yeux irrésistiblement tournés vers la frange de Harry.

- Mon Dieu, Vernon, tu as vu ça? chuchota Pétunia d'un air extatique. Dudley, tiens-toi droit et toi, en s'adressant à Harry d'un ton froid, corrige-moi cette frange.

Harry ne l'écoutait même pas. Il regardait de tous côtés. Mis à part la maison de son ami Ron et celle de Sirius, il n'avait jamais vu de maison de sorcier et celle-ci était particulièrement belle. Elle était vraiment différente de toutes les maisons qu'il avait vues jusqu'à maintenant, maisons de magiciens et de moldus confondues. L'intérieur était magnifique. Son gardien n'était pas pauvre, c'était évident.

Ils entrèrent au salon où les attendait Dimitri Marshenko, debout devant un bon feu de foyer.

- Ah, mais qui voilà? Bonsoir monsieur et madame Dursley, entrez, entrez. Bonjour Dudley, bonjour Harry, ça me fait plaisir de te revoir. J'espère que notre balade en moto ne t'a pas trop effrayé? Harry réalisa que son Gardien avait l'air bien amical et qu'il lui envoya même un clin d'œil coquin.

- Non non, pas du tout.

Il ne voulait pas qu'on aborde le sujet car il se souvenait avec trop de précision l'interrogatoire auquel il avait été soumis quelques heures plus tôt et il espérait qu'ils ne pousseraient pas la discussion à ce sujet plus avant.

Harry se demandait où étaient Ron et Hermione. Allait-il les voir ce soir? Il observa la pièce avec intérêt. Elle était grande, bien plus grande que le salon de son oncle. Harry n'aurait pas hésité à habiter cette maison, même dans un placard sous l'escalier.

- Un petit verre M. Dursley, un sherry pour vous Madame Dursley? demanda Sir Dimitri Marshenko.

Il cherchait en vain les ressemblances possibles entre Lily Potter, qu'il avait connue, et madame Dursley. Il n'en voyait aucune, pas même la couleur des yeux ni la finesse des traits et encore moins la couleur ou l'abondance de la chevelure. Autant Lily avait été belle et charmante, autant celle-ci était laide et sèche. Enfin, se dit-il, Harry et elle était liés par le sang, il ne devait pas l'oublier.

Il se rappelait ce que Dumbledore avait dit quand il lui avait mentionné, avec son sourire mystérieux, qu'il risquait de s'attacher à son protégé. Dimitri Marshenko lui avait pourtant répondu qu'il avait l'habitude de ce genre de travail et qu'il avait comme point d'honneur de ne jamais s'attacher à ses « clients », femme ou homme. Il n'avait toutefois pas pris en considération que pour la première fois, il était chargé de la protection d'un enfant.

Il pensa à Voldemort qui avait récemment tué un jeune étudiant de Poudlard. Cédric, le fils des Diggory. Harry ne lui avait rien dit à ce sujet quand ils s'étaient retrouvés seuls aujourd'hui, bien sûr. Il devait gagner sa confiance. Quand il avait senti ses mains se serrer sur ses épaules, il avait alors ressenti sa détresse, mais c'était là la seule faiblesse que Harry s'était permise. Il était vrai qu'il ressemblait à son père, malgré cette réserve qui semblait caractériser Harry. James était beaucoup plus ouvert, plus enjoué, plus spontané.

Ils n'avaient pas étudié à la même école, mais avaient déjà combattu ensemble, pour l'Ordre.

- Oui, merci, je prendrais bien un sherry, répondit Tante Pétunia.

Dimitri eut un léger sursaut intérieur et lui sourit aussitôt. Il avait presque oublié ses invités. Il secoua mentalement la tête et leur servit un verre à chacun.

- Les garçons désirent peut-être quelque chose aussi? Un petit champagne peut-être?

- Dudley, tu veux du champagne? demanda son père. Tu es assez grand je pense maintenant, ajouta-t-il, ignorant superbement son neveu.

- Oh, mon petit Dudlinouchet, tu es un grand garçon maintenant. Oui, oui, bien sûr, il peut en prendre. Mais cette fois-ci seulement. Tante Pétunia n'osait contredire ce remarquable voisin, mais n'était pas certaine que ce fut une bonne idée. Il n'avait que 16 ans quand même.

Dudley, tout content de lui, tendit une main boudinée et avide vers la coupe de cristal où pétillait le liquide clair. Harry, quant à lui, aurait bien savouré une bièreaubeurre ou un jus de citrouille bien glacé.

- Tu veux du champagne aussi Harry?

- Non, il n'en veut pas, répliquèrent ensemble son oncle et sa tante.

Harry leva les yeux vers le sombre Gardien et haussa les épaules. Il lut la surprise sur son visage, puis la colère. Harry lui intima silencieusement de ne rien faire, il avait l'habitude.

- J'ai autre chose à t'offrir si tu veux Harry, lui dit-il, les dents serrées. Ça ne contient pas d'alcool, mais je suis certain que tu aimeras. C'est très populaire dans mon pays.

Une toux retentissante se fit alors entendre et tout le monde sursauta, sauf Dudley. En fait, c'est lui qui s'étouffait. Dimitri lui flanqua une tape dans le dos d'une main vigoureuse. Une fois la toux apaisée, la teinte bleuâtre qui avait envahi son visage redevint à sa couleur habituelle, c'est-à-dire le rose cochonnet.

- Mon petit chéri, ça va? Que s'est-il passé? Tu te sens bien?

Dudley, incapable de parler, les yeux noyés, cherchait désespérément son souffle. Évidemment, sa masse imposante dû au manque d'exercice rendait l'air plus difficile à se rendre aux poumons.

Personne ne s'était rendu compte qu'il avait renversé sa coupe de champagne. Les petites bulles avaient dû le surprendre et il avait tout recraché.

- C'est ça, pointa Dudley de son gros doigt boudiné vers la coupe, toujours par terre. C'est pas bon.

- Hé bien, conclut Dimitri Marshenko de son sourire ironique, il semble que le champagne devra attendre encore quelques années. Puis-je également t'offrir du jus de citrouille bien glacé Dudley?

Dimitri ne put s'empêcher de jeter à Harry un regard moqueur, mais celui-ci n'eut pas le goût de rire. Il refusait que son cousin boive du jus de citrouille. C'était du jus de sorcier. Heureusement pour Harry, cet incident avait fait perdre à Dudley le goût pour de nouvelles saveurs.

- Et si nous passions à table?

Dudley sembla tout à coup retrouver une certaine vitalité. Il fut le premier à traverser la cuisine, presque en courant, pour se rendre dans la salle à dîner. Harry avait les yeux partout. Il voyait des choses que les autres ne remarquaient pas. Un magnifique balai dans un coin de la cuisine lui indiqua qu'il ne devait pas servir à faire la poussière. Des livres qui se disputaient, des bibelots qui changeaient de place, mais surtout, quelques tableaux qui demeuraient figés sur le passage des Dursley, mais dont les personnages lui envoyèrent la main ou un clin d'œil lorsqu'il passa devant eux.

- Quels remarquables tableaux que vous avez là, mon ami, lança à tout hasard son oncle qui n'y connaissait visiblement rien.

- N'est-ce pas? rétorqua le Sir. Ils semblent tellement réels que parfois on croirait presque les voir bouger.

C'était tout à fait le genre de remarque que détestait son oncle. Décidément, il n'était pas certain d'apprécier l'humour de cet étrange voisin, mais était désespérément désireux de faire bonne impression. Il n'allait tout de même pas perdre une telle occasion d'établir un contact avec quelqu'un de la haute. Cet homme lui ferait certainement rencontrer des clients intéressants… et riches. Il se força donc à rire.

Dès qu'ils furent tous assis, le maître d'hôtel arriva avec les entrées. Le repas se déroula ainsi tranquillement, tellement tranquillement qu'il eut un effet soporifique sur Harry. Dimitri ne tentait pas de l'inclure dans la conversation et de toute façon, Harry n'y tenait pas vraiment. Évidemment, les autres n'en voyaient manifestement pas l'intérêt. À vrai dire, ce repas l'ennuyait au plus haut point. Il n'était pas habitué aux dîners de gala, sauf à ceux offerts par son école. Les repas de Poudlard étaient toujours animés et joyeux. Il se mit à rêver du retour à son école, mais son oncle n'arrêtait pas de le distraire avec sa conversation tout à fait ennuyeuse sur la Grunnings et sur d'encore plus ennuyeuses perceuses. Enfin arrivèrent les fromages et Dudley ne se fit pas prier pour en dévorer la moitié. Il n'avait pas tellement apprécié les moules.

- Vous aimeriez peut-être visiter la maison? demanda l'hôte bienveillant à la fin du repas.

Tante Pétunia bondit de sa chaise à la vitesse de l'éclair, puis se rassit aussitôt, tout à coup consciente de son impolitesse.

- Euh oui, nous aimerions bien, répondit-elle. En fait, elle avait plus que hâte de voir le reste de cette magnifique maison et les petits secrets qu'elle cachait.

- Et bien alors suivez-moi!

Alors qu'il menait les Dursley dans une visite guidée, Harry, quant à lui, suivait plus tranquillement derrière, il prenait tout son temps. Lui aussi était curieux. Il saluait les tableaux au passage, serra la main d'une armure qui ne fut jamais remarquée par les Dursley. Harry adorait cette maison, elle lui faisait penser à Poudlard, mais dans un style plus moderne.

Dimitri était un guide patient et aimable, contrairement à l'attitude étrangement froide à son égard. Il ouvrit toutes les portes avec quelques explications pour la forme. Les Dursley s'étonnaient du fait qu'il y eut tant de pièces, beaucoup plus que dans leur propre maison.

- Ah, tout est dans l'aménagement vous savez mes amis. J'y ai apporté quelques modifications de mon propre crû.

C'est cela, pensa Harry, il voyait très bien quels genres « d'aménagements » un magicien pouvait apporter à une maison pour la faire paraître plus grande. Il en avait vu quelques exemples à la finale de la Coupe du Monde de Quidditch ou lorsque M. Weasley avait trafiqué sa vieille Ford Anglia pour la rendre plus spacieuse à l'intérieur, alors qu'elle paraissait tout à fait normale de l'extérieur. Heureusement, son épouse n'avait jamais rien soupçonné.

À l'étage supérieur toutefois, Harry fut surpris de voir son oncle, sa tante et Dudley passer devant trois portes de part et d'autre du couloir sans que ni l'un ni l'autre ne s'arrête pour en examiner la pièce qui se trouvait vraisemblablement derrière. Et plus étonnant encore, Dimitri passa devant comme si elles n'existaient pas. Il ouvrit finalement une dernière porte au bout du couloir, derrière laquelle un escalier retournait à l'étage inférieur. Ils descendirent tous, sauf Harry à qui Dimitri envoya un signal en direction des portes oubliées. Harry venait de comprendre. Les portes étaient invisibles. Voilà donc où se cachaient probablement Ron et Hermione.

Il hésita quelques instants, puis aussitôt son Gardien disparu, il ouvrit la première porte. À sa grande surprise, celle-ci donnait sur un escalier menant à un autre étage. La maison comportait donc trois niveaux? Comment cela était-il possible? Un autre aménagement à la Marshenko? Il monta l'escalier et tout en haut, découvrit une chambre aux dimensions plus que respectables, avec entre autres un grand lit à baldaquin sur lequel trônait une immense courte-pointe. La pièce comportait également une grande armoire ancienne tout en bois d'ébène et un secrétaire. Il s'approcha du lit et s'y assit. Une douleur aussi soudaine que fugace traversa sa cicatrice. Il sentit tous ses muscles se contracter puis la douleur disparut aussitôt. Des souvenirs aussi spontanés que confus affluèrent à son cerveau, sans qu'il puisse en saisir un seul. Tout était trop flou, trop soudain.

Il se jeta au bas du lit avec force, mais quelque chose de terrible et d'irrésistible l'attirait inexorablement vers la couche. Il… ne… voulait… pas.

Après quelques minutes de force mentale désespérée, qui lui parurent des heures, il réussit à rejoindre la porte et la claqua enfin derrière lui. Il était épuisé comme s'il venait de courir un 100 mètres. Cette pièce était manifestement ensorcelée, mais il ne s'expliquait pas la douleur qu'il avait ressentie. Il refusait d'être lié encore à Voldemort. Cette fois-ci, il ferait tout ce que Dumbledore lui dirait, mais il ne voulait plus être connecté. Il en avait assez. Il avait assez perdu.

Il dévala l'escalier à toute vitesse et sortit dans le couloir, le cœur fou. Devait-il ouvrir les autres portes? Il hésita devant la deuxième, mais la curiosité l'emporta bientôt. Il aurait dû s'en douter. Un autre escalier. D'un pas beaucoup moins enthousiaste, cependant, il le grimpa.

Cette fois-ci, la chambre était sombre et décorée d'une façon très différente. En fait, on ne pouvait pas tout à fait parler de décoration. On aurait dit qu'un combat avait eu lieu récemment ici. Les chaises étaient toutes renversées et le lit était défait, les draps en charpie. Une vieille robe de sorcier traînait sur le dossier d'une chaise. Fallait-il s'étonner alors de voir deux chaînes solidement fixées au mur terminées par deux anneaux à peine assez grands pour laisser passer un poignet d'homme. Et par terre, une muselière. Une chambre de torture? Ici?

Son protecteur avait décidément les idées d'un goût assez douteux.

Un pas se fit entendre derrière lui et l'instant d'après un homme d'aspect dépenaillé et fatigué entra dans la chambre. Harry fut saisi de stupeur.

- Ah, mais ça alors, Harry! Comme je suis content de te voir, dit le nouvel arrivant en le serrant dans ses bras frêles, mais chaleureux, chose qu'il n'aurait jamais pu faire alors qu'il enseignait à Poudlard. On l'aurait alors accusé de préférence et on aurait pas eu tort.

- Professeur Lupin, mais…, bégaya Harry. Que faites-vous ici? Comment est-ce possible? Vous habitez ici?

Harry sembla tout à coup saisir la raison d'un tel désordre dans la pièce. Il regarda encore autour de lui et reconnut enfin quelques objets qui avaient un jour fait partie du bureau du professeur, alors qu'il résidait à Poudlard. Oui, c'était bien la chambre de Remus Lupin, une chambre de loup-garou.

- Il est votre gardien aussi? Mais n'avez-vous pas une maison? Vous savez où sont Hermione et Ron, je les cherche partout, mais si je tarde trop, mon oncle et ma tante se rendront compte de mon absence, dit Harry encore estomaqué de la présence du professeur Lupin dans la maison. Puis, après un court moment de silence…

Euh! C'est quand la prochaine pleine lune?

- Ne t'en fais pas Harry, dit Lupin de sa voix éternellement douce, ils en sont au digestif que ton oncle semble d'ailleurs apprécier à sa pleine valeur. Pauvre Dimitri! Ton oncle connaît vraisemblablement toutes les techniques des moldus pour faire des trous dans le métal.

Harry éclata de rire. Il n'y avait pas à dire, son Gardien s'était bel et bien mis les pieds dans les plats en les invitant.

- Viens Harry, je vais te conduire à tes amis, ils sont en bas.

Au moment où ils arrivèrent sur le palier inférieur et qu'ils s'apprêtaient à pousser la dernière porte, Dudley surgit dans le couloir et aperçut Harry en compagnie de Remus. Il avait été envoyé par ses parents à la recherche de Harry, alors que Dimitri les avait laissés seuls un moment.

Ce fut la catastrophe.

Dudley se mit à crier comme un fou. Ni Harry, ni Lupin, n'avaient porté attention au fait que ce dernier portait une robe de sorcier. Mais plus encore, ils venaient tout juste de réaliser qu'ils venaient d'être vus traverser ce que, pour un moldu, apparaissait être un pan de mur.

Son oncle et sa tante arrivèrent à la course, alors que Dimitri les suivait plus tranquillement, son regard froid comme de la glace. Il jeta à Remus si glacial que l'autre ne put que s'excuser d'un piteux haussement d'épaules.

- Harry, retourne avec le professeur Lupin au salon, je me charge de ta famille.

- Qu'allez-vous faire? demanda Harry inquiet.

- Vas au salon Harry, fais ce que je te dis, rétorqua le Gardien catégorique.

- Mais…

Harry n'était pas très rassuré par l'expression flegmatique de leur hôte. D'ailleurs, à ce moment-même, il avait l'air d'un assassin. Ses yeux de glace terrifièrent Harry et il hésita à suivre Lupin.

- Viens Harry, viens avec moi, dit Lupin doucement, en évitant le regard furieux de Dimitri.

Vernon, Pétunia et Dudley fixaient leur hôte avec terreur. Ils venaient de comprendre leur erreur. Bonté divine, ils étaient dans une maison de sorciers. Ils avaient été piégés et n'en sortiraient vraisemblablement jamais vivants.

Lupin saisit Harry par l'épaule et le mena doucement mais fermement vers le salon. Après plusieurs minutes, qui lui semblèrent des heures, Dimitri raccompagna sa tante, son oncle et son cousin à la porte en leur souhaitant joyeusement une bonne nuit puis il revint au salon, le regard sombre.

- Mais où aviez-vous la tête tous les deux? Vous vous rendez compte de ce qui aurait pu arriver?

Harry le trouva tout de même injuste de s'en prendre à eux comme ça. Après tout, ce n'est pas lui qui avait eu l'idée de transformer un mur de plâtre en trois portes invisibles et d'inviter ensuite des moldus à visiter sa maison.

- Écoutez Dimitri, nous étions tellement heureux de nous revoir que nous n'avons pas fait attention. Nous allions rejoindre Hermione et Ron au moment où le jeune Dudley est arrivé.

- Mais enfin, vous savez très bien Remus que vous ne deviez pas quitter votre chambre ce soir. C'était primordial. Vous ne devez absolument pas être vu. Même lui ne devait pas savoir, ajouta-t-il en point Harry du doigt.

- Et pourquoi je ne devais pas savoir? rétorqua Harry avec colère. Je n'ai pas l'habitude de divulguer les petits secrets de l'Ordre. C'est quand la dernière fois où j'ai trahis quelqu'un hein? Ce serait plutôt le contraire non? On me cache toujours tout alors que je suis le principal intéressé non? Non, mais j'en ai assez moi, j'en ai assez COMPRENEZ-VOUS ?

Harry était hors de lui. En voyant la lueur froide qui apparut dans les yeux de son Gardien et sa mâchoire se crisper, il lui vint à l'esprit que ce n'était peut-être pas une bonne idée de s'en prendre à lui, mais il n'arrivait plus à se contrôler. Son Gardien, il s'en rendait compte, n'était pas homme à se marcher sur les pieds ni à laisser un adolescent fantasque lui en montrer, il en avait vu d'autres. Il ne comprenait pas sa colère, mais c'était plus fort que lui. Tout le monde était vraiment trop injuste envers lui, il en avait plus qu'assez.

- Je n'ai plus rien à faire ici, je retourne chez moi. Qu'est-il arrivé à mon oncle et à ma tante, vous leur avez tout fait oublier je présume? C'est pratique hein? On les invite, on rit d'eux, on fait des folies, ce n'est rien, un petit coup de baguette magique et tout est fini, on s'en débarasse hein ? Et bien, moi j'en ai assez cette fois, je retourne chez moi et qu'on me laisse tranquille, JE N'AI PAS BESOIN D'UNE BABY-SITTER.

Dimitri, le regard toujours impénétrable fixait Harry dans les yeux et Remus, estomaqué, assistait impuissant à leur duel silencieux.

Harry eut tout à coup de la difficulté à supporter ce regard et se détourna d'un seul mouvement et, d'un pas énergique, il se dirigea vers la porte, qui s'ouvrit d'elle-même comme chaque fois qu'il était en colère, et elle claqua violemment derrière lui.

Les deux hommes restèrent silencieux jusqu'au moment où le maître d'hôtel vint leur demander s'il pouvait disposer.

- Bien sûr mon ami, je vous souhaite une bonne nuit, répondit Dimitri, affable.

- Bonne nuit à vous messieurs, puis il les laissa seuls.

- Et bien, cher Dimitri, vous comprenez maintenant pourquoi Dumbledore a tenté de vous avertir que…

- C'est de son âge c'est tout. J'imagine que c'est normal, répondit vaguement le Gardien. Une baby-sitter, vraiment, on verra bien si je serai une baby-sitter pour lui. La ressemblance avec James n'est que physique n'est-ce pas? Le reste, c'est du Lily tout craché.

Remus sourit : Mon cher, j'aimais beaucoup James et Lily, mais je suis bien heureux que Dumbledore vous ait choisi comme Gardien. Le fils Potter a du cran, on s'en doutait. Il est brave comme son père, mais c'est de Lily qu'il a hérité ce caractère fougueux, ajouta-t-il, vous avez bien raison.

- J'aurais bien aimé revoir Lily et James, mais c'est Sirius que je regrette le plus, c'était mon favori. J'aurais bien aimé le revoir… avant.

Lupin redevint brusquement sérieux.

- Oui, moi aussi. Il ne se passe pas une seule journée sans que je pense à eux.

Les deux hommes demeurèrent songeurs un instant, tout à leurs souvenirs, puis décidèrent d'aller voir les deux jeunes amis restés bien sagement dans leur chambre. Ils allaient inévitablement être déçus de ne pas avoir vu Harry.