CHAPITRE IX – REMINISCOR INCANTATUM
Harry ne savait pas où son Gardien l'emmenait. Tout ce qu'il savait, c'est qu'au moment du départ, il avait ressenti une chaleur intense l'envahir. Complètement dissimulé sous la cape de Dimitri, il étouffait. Il avait conscience de voyager à très grande vitesse. Après un moment qui lui parut une éternité, il lui sembla qu'ils ralentissaient. Il se posèrent enfin sur les rives d'une très grande rivière. Elle était déchaînée et les vagues déferlantes étaient très bruyantes.
- Où sommes-nous? demanda aussitôt la voix étouffée, mais impatiente de Harry, qui essayait en vain de se dégager.
Dimitri ne répondit pas tout de suite. Il découvrit brusquement Harry, qui pu enfin respirer normalement, et s'écarta de lui pour s'approcher du rivage. Il se pencha, toucha l'eau, la regarda couler entre ses doigts, puis se tourna enfin vers Harry, qui attendait piétinant, livide de rage.
- Nous sommes sur les bords de la rivière Oikanie. Personne ne viendra ici. C'est très bruyant et nos voix seront dissimulées. Nous devons parler.
Sa voix était profonde, éraillée, comme s'il n'avait pas parlé depuis bien longtemps. Il regarda intensément Harry quelques secondes, mais celui-ci ne détourna pas son regard. Dimitri poussa un profond soupir, comme si ce qu'il s'apprêtait à dire lui demandait le plus grand des efforts.
- Pourquoi sommes-nous ici? demanda Harry.
- Tu ne t'en doutes pas Harry? Je devais absolument t'éloigner du château, sans quoi tu aurais fini par tout détruire. Ta colère est destructrice. Tu perds le contrôle, continua-t-il. Ses yeux étaient froids, calculateurs. Harry eut une vision du professeur Rogue dans ses plus mauvais jours.
- Et que venons-nous faire ici? insista Harry, un peu agacé. Il n'avait pas fait exprès de se mettre en colère, qu'est-ce qu'il croyait?
- Sirius Black est parti, asséna Dimitri. Il ne reviendra pas. Comprends-le maintenant et accepte-le, continua-t-il sans pitié.
Harry sentit une boule familière se former dans sa gorge. Ses yeux étincelèrent.
- Je le sais, imaginez-vous. Je l'ai compris, jeta-t-il avec rage, mais…
- Non, tu ne l'as pas encore compris, coupa l'autre. Tu espères toujours qu'il reviendra, que le voile derrière lequel il a disparu peut être retraversé, mais c'est impossible. Ce mur sépare les êtres vivants du monde des spectres. Ta colère n'y changera rien et j'aimerais bien que tu arrêtes de te prendre en pitié, ajouta Dimitri sèchement.
- QUOI? cria Harry, faisant fuir une envolée d'oiseaux. MOI? ME PRENDRE EN PITIÉ?
Dimitri chargea aussitôt sur lui et Harry, instinctivement, plongea la main dans sa cape à la recherche de sa baguette en se protégeant instinctivement de son autre bras. Son gardien stoppa net devant Harry et le regarda gravement du haut de ses 2 mètres.
- Jamais je ne lèverai la main sur toi, dit-il sèchement. Harry n'avait encore jamais vu de regard aussi féroce, aussi brutal, pas même dans les yeux de son pire ennemi aux yeux de serpent. Jamais il n'avait vu quelque chose d'aussi… animal. Harry baissa la tête.
-J'en ai assez, chuchota enfin Harry la tête basse. Je veux que ça arrête. Je ne fais pas exprès, termina-t-il lamentablement. « Ça vient tout seul ».
-Ça ne se terminera pas Harry. Cette tâche t'a été dévolue. Tu as été choisi et marqué par ton ennemi pour mettre fin à cette dure réalité. Tu devras apprendre à te battre et surtout, tu devras apprendre à contrôler tes émotions. Il y a plusieurs façons de mettre fin à la vie d'un homme et détruire son âme est la plus terrible.
-Mais pourquoi moi? demanda Harry.
Un sourire fugace apparu sur le visage de Dimitri.
- C'est drôle que tu demandes ça. Je me suis moi-même posé cette question. Pourquoi toi?
Harry leva les yeux brusquement, surpris par la douceur de sa voix. Dimitri le regardait d'une drôle de manière, comme s'il avait été surpris malgré lui à ressentir de la tendresse pour son protégé. Harry éprouva un soulagement intense. Son Gardien ne le détestait pas. Il n'était pas sympathique, il était dur comme de l'acier, mais il ne le détestait pas.
-Tu devras te fermer aux souvenirs et surtout aux regrets Harry. Il y a plusieurs moyens de le faire et…
-L'occlumencie? demanda Harry avec horreur. Ne me dites pas que je devrai recommencer tout ça là, parce que l'année dernière…
-L'occlumencie, l'interrompit Dimitri, est un très bon moyen de bloquer les intrusions de l'esprit et Rogue est un excellent occlumens. Sa méthode d'enseignement laisse peut-être à désirer, mais à ce moment-là, il était le plus apte à te l'enseigner. Et j'apprécierais que tu ne m'interromps pas quand je parle.
Harry lui jeta un rapide coup d'œil, question de voir s'il était sérieux ou pas. Apparemment, il était très sérieux.
-Il y a d'autres moyens, ajouta Dimitri. C'est une des raisons de ma présence à Poudlard. Tu recevras une certaine éducation de Mlle Dumoine, mais tu devras me consacrer tes temps libres. Je serai constamment dans ton sillage.
-Tous mes temps libres? Mais je croyais… le Quidditch va commencer et…
-Tu auras le temps de jouer au Quidditch. On m'a dit que tu y étais excellent. Oui, ajouta-t-il après un petit moment de silence avec un sourire narquois aux lèvres, j'aimerais bien voir comment vous jouer vous, les jeunes.
-Vous avez déjà joué? demanda Harry?
-Non, mais j'ai eu l'occasions d'assister à plusieurs matchs. Sais-tu pourquoi Dumbledore m'a demandé d'être ta « gardienne »? demanda-t-il brusquement?
Harry sentit une rougeur féroce lui envahir les joues au souvenir du surnom qu'il avait attribué à son protecteur. « Pour me surveiller, non? »
- Entre autres choses oui, répondit Dimitri. Assieds-toi Harry, nous en avons pour un petit moment. Dumbledore avait pensé attendre encore quelques semaines, le temps que tu réintègres le collège, mais nous croyons maintenant qu'il faudra accélérer la cadence.
Harry trouva une touffe d'herbe surélevée et s'assis en tailleur. Dimitri le rejoignit et s'écrasa tout simplement sur l'herbe haute et confortable, apparemment inconscient des nombreux insectes qui tournaient autour de lui. Il s'appuya sur ses coudes, ses longues jambes croisées devant lui, détendu, le visage offert aux étoiles de plus en plus brillantes.
- Tout le monde connaît ton histoire Harry. Tout le monde aimait tes parents et tous connaissent maintenant le sacrifice qu'ils ont dû faire pour que tu survives. En retour, peu de gens savent pour quelle raison ce sacrifice a eu lieu. Moi, je ne le savais pas avant que Dumbledore m'explique. Cette cicatrice que tu portes au front, le lien qui te relie à Voldemort et ce qui s'est passé durant tes années scolaires. Tu as fait preuve de beaucoup de courage… et de noblesse. Des hommes et des femmes que j'ai connus dans mon… dans mon pays d'origine, continua-t-il après une légère hésitation, ont fait montre d'autant de détermination que toi à combattre un être maléfique comme lui et ils en sont malheureusement presque tous morts. Toutefois…
Harry attendit quelques secondes, puis voyant que Dimitri demeurait songeur, il toussa légèrement pour lui rappeler sa présence. Dimitri semblait chercher ses mots, ce qui était tout à fait inhabituel.
- J'ai eu la chance de connaître tes parents il y a une vingtaine d'années. J'ai surtout côtoyé Sirius. Nous avions plusieurs… affinités. À cette époque, Voldemort avait déjà commencé l'ascension de son pouvoir, mais rien ne laissait encore présager une telle fin pour tes parents.
Pour une fois, Harry ne ressentit pas cette douleur constante qui l'envahissait chaque fois que le nom de Sirius était mentionné.
- Tes parents étaient amicaux, drôles, gentils bien sûr et… amoureux. Sirius était disons… plus sarcastique, plus dur, plus noir aussi. James et lui avaient quelques dissensions surtout en ce qui concerne l'usage de magie noire. Sirius était plus direct et ça me plaisait.
- Oui, c'est vrai, il n'était pas très patient. Pour mon père, je ne sais pas grand-chose de lui. Je sais juste que ma mère a fini par l'influencer et qu'il s'est calmé, ajouta-t-il en se remémorant son voyage dans la pensine de Rogue l'année précédente.
- Oui, c'est ainsi que cela s'est passé. Lily a eu beaucoup d'influence sur lui, beaucoup plus que tu ne le crois. Plusieurs hommes étaient amoureux de ta mère tu sais et auraient tout donné pour prendre la place de ton père. Certains ont même tenté de la convaincre de façon… peu subtile que ton père n'était qu'un abruti.
Harry leva brusquement la tête à ces mots. « Ah oui? Vraiment ? ». Wow! Ajouta-t-il tout souriant. Ma mère devait être canon.
- Oui vraiment, répondit gravement Dimitri. Elle était très belle. Elle avait ce genre de visage et de regard qui plaisait à tous, peu importe l'époque. Et puis qu'est-ce que ça veut dire « avoir l'air canon »?
- L'époque? demanda vivement Harry sans comprendre.
- Peu importe qui la regardait, je veux dire. On voyait en elle une beauté rare qui appartient à toutes les époques.
Était-ce seulement une impression où Dimitri avait-il vraiment bafouillé? Avait-il laissé échappé quelque chose d'important?
- Et vous? Vous étiez aussi amoureux de ma mère?
Les yeux de Dimitri s'éclaircirent « Non, mais tu ressembles vraiment à ton père quand tu me demandes ça», dit-il sans donner plus de détail.
- Comment avez-vous rencontré Dumbledore? demanda brusquement Harry.
Surpris par cette soudaine question, Dimitri lui jeta un rapide coup d'œil.
- Je ne peux pas te le dire… du moins pas maintenant.
- Alors, pourquoi sommes-nous ici? demanda Harry pour la énième fois.
Dimitri hésita quelques secondes puis :
- Tu as raison, nous nous sommes égarés dans les souvenirs de tes parents. Je suis ici pour t'enseigner à combattre les forces du mal, d'une façon… disons… différente de celle que Miss Amanda Dumoine espère vous enseigner…
- Ok. répondit Harry qui finalement ne savait plus du tout où ils en étaient. Et qu'est-ce que…
Harry se retrouva soudainement écrasé contre Dimitri, couvert de sa cape, incapable de respirer.
- Mais qu'est-ce que… tenta-t-il de dire en se débattant vainement.
-Tais-toi » fut ses seuls mots.
Puis ce fut le silence. Un silence si intense que même le bruit des vagues avait disparu. Encore dissimulé sous la cape de Dimitri, il se sentit soulevé dans les airs et réalisa qu'il planait au-dessus de la rivière. Peu après, ils redescendirent doucement. Dimitri découvrit enfin Harry qui se mit à tousser, étourdi par le manque d'air.
- Qu'est-ce que… quoi…? demanda Harry, lorsqu'il reprit son souffle.
- Je ne sais pas, mais je n'ai pas attendu pour le savoir. Ou plutôt, j'ai un doute, mais je verrai cela plus tard. Dimitri sortit de sa poche un étrange petit sac de satin noir décoré d'une seule broderie représentant un serpent et un dragon. Harry n'eut pas le temps d'en voir plus que déjà il prenait poignée de poudre blanche et en aspergea le sol autour d'eux. Aussitôt qu'il réunit les deux extrémités, un dôme blanc et opaque s'éleva au-dessus de leur tête.
- Mais qu'est-ce que c'est? demanda Harry. Pourquoi avons-nous changé de rive?
- Nous serons mieux de ce côté pour la nuit. Cette poudre servira à nous dérober à la vue de tout être vivant qui aurait l'idée de nous déranger cette nuit.
- Cette nuit? s'exclama Harry. Mais… pourquoi… non! Harry ne voulait pas rester ici. Il n'en avait pas envie. Il voulait être avec ses amis dans le dortoir. Il voulait rire, manger et surtout dormir.
- Pour l'instant, tu n'es pas prêt à retourner auprès de tes congénères, mais si tout se passe bien, tu devrais les revoir d'ici peu. Si au contraire, ça n'allait pas… et bien tu devras travailler plus fort et plus longtemps, ajouta-t-il, un léger sourire sarcastique étirant ses lèvres.
Ils en avaient donc pour des semaines alors, pensa Harry, dépité.
- Mais, et mes cours? Cette année est importante. Je ne peux pas manquer mes cours.
- Ne t'en fais donc pas avec ça Harry, tu les rattraperas bien assez vite. Il y a beaucoup plus important pour toi cette année qu'un apprentissage académique. Tu as faim? ajouta-t-il brusquement.
Peu de temps après, Harry, rassasié, somnolait doucement lové dans un couchage autour du feu.
Il était revenu dans la pièce rouge. Toutefois, il ne sentait pas la chaleur du grand foyer et, assez étrangement, il avait l'impression de flotter au-dessus de la pièce, comme s'il n'y était pas vraiment, comme un fantôme.
Bientôt, il entendit un bruit de métal, ou de fer qui s'entrechoque. La porte s'ouvrit brusquement et un homme vêtu d'une cotte de mailles entra, suivi d'un autre, dont Harry fut incapable de voir le visage. Le premier, il le reconnaissait, mais contrairement à ses rêves précédents, il n'en avait pas peur. Le second par contre, était inconnu. Les mouvements de Harry étaient fluides et vaporeux. Il se déplaça tranquillement en flottant vers les deux hommes.
- Tu l'as trouvée? demanda le chevalier.
- Pas encore, mais cela ne saurait tarder messire, répondit l'autre, le visage toujours dissimulé à la vue de Harry. Sa voix était profonde, grave et très rauque. Il avait un accent étranger, à la Viktor Krum. Où avait-il déjà entendu cette voix?
Le premier homme eut un mouvement brusque, agacé. « Petite peste, où peut-elle bien être? Il frappa son poing dans la main. « Je l'aurai, Dieu m'en est témoin, je l'aurai ».
- Je la soupçonne de s'être réfugiée auprès de Mandragore! rétorqua le chevalier à la voie éraillée. J'ai envoyé quelques hommes à la Tour. Ils devraient être de retour demain, messire.
- Mandragore? Mandragore! Mais bien sûr, pourquoi n'y ait-je pas pensé plus tôt? Cette idiote lui aura chanté la pomme et il n'aura su lui résister, comme d'habitude.
- Non, messire, personne ne peut lui résister, répondit l'autre, le coin de sa bouche relevés en un sourire narquois, les yeux toujours dissimulés. Puis brusquement, il se découvrit et se détourna de l'autre homme.
Harry poussa un cri perçant et ouvrit brusquement les yeux.
Dimitri était penché sur lui et le regardait d'un drôle d'air. Vraiment d'un drôle d'air.
- Tu as crié, dit-il. Tu as crié le nom de Mandragore.
- Ah, euh! Oui, je suis désolé. J'ai fait un rêve, bafouilla Harry, les pensées encore vaporeuses.
- Raconte-moi ton rêve, répondit le Gardien. Où étais-tu? Réveille-toi bon sang, où étais-tu? insista-t-il irrité.
Harry, surpris par cette réaction, mais très peu enclin à raconter ses rêves bizarres, ne répondit pas tout de suite.
- Je ne me souviens plus, dit-il en regardant Dimitri dans les yeux.
Dimitri le regarda comme s'il voulait voir au fond de son âme, et Harry détourna rapidement le regard, peu avide de voir son esprit sondé par un Occlumens.
- Tu me mens, jeta Dimitri.
- Ce ne sont pas vos affaires, laissez-moi tranquille à la fin, répondit Harry furieux.
Les yeux de Dimitri s'agrandirent sensiblement, apparemment surpris par la réponse de son protégé. Puis, lentement, sans quitter Harry du regard, il se releva.
- Debout! commanda brusquement Dimitri, faisant du coup sursauter Harry.
Harry, le cœur battant, s'extirpa de son sac de couchage chaud et duveteux. Il se sentait poisseux et aurait tout donné pour un bain moussant et odorant dans salle de bain des préfets, sans la présence de Mimi Geignarde bien sûr.
- Qu'allons-nous faire?
- REMINISCOR INCANTATUM!
Il n'avait pas eu le temps de se parer à l'attaque. Un nuage noir se forma dans son esprit puis :
- Allez Harry, tu y es, vas-y mon bébé, vas-y. Regarde James, il se tient debout cria une femme au long cheveux roux. Elle riait, elle était belle et il l'adorait. Un homme s'approcha également souriant et le regardait avec tendresse. Lui aussi il l'adorait et il tendit automatiquement les bras vers lui. Papa! Il était si heureux avec ses parents, il les aimait tant, mais en un instant, ils disparurent et Harry se senti tiré par derrière.
- NOOOOON!
Harry ouvrit les yeux. Il était debout devant Dimitri. C'est lui qui avait effacé ces souvenirs merveilleux et une haine démesurée s'empara de lui. Il leva sa baguette magique contre son gardien et s'apprêta à le…
- Expelliarmus! jeta doucement Dimitri.
La baguette de Harry s'envola aussitôt et son gardien la récupéra d'un simple geste.
- Pourquoi? demanda Harry furieux. Qu'est-ce que…
Ton entraînement vient de commencer, l'interrompit le Gardien. Je t'ai jeté le sort qui consiste à extraire tes souvenir les plus heureux… et à te les retirer ensuite.
Harry n'arrivait pas à le croire. Comment pouvait-on être aussi mesquin, aussi ignoble. Il voulait retourner à ses souvenirs, il voulait revoir ses parents, ressentir encore la chaleur de leur sourire.
- Regarde-moi Harry, dit sèchement le tyran.
Harry leva les yeux vers lui, mais il était si furieux et sa cicatrice lui brûlait le front.
- Tu dois apprendre à t'extraire de ces souvenirs. Ils n'existent plus et tu ne peux pas les raviver. Tu dois les laisser aller.
- LAISSEZ-MOI TRANQUILLE! cria Harry. Il tourna brusquement les talons s'enfuit stupidement.
- Reverto! lança Dimitri et aussitôt, celui-ci se senti soulevé dans les airs et tiré en arrière. Il atterrit face à Dimitri, furieux.
- Ce sortilège pourrait t'être utile dans le futur. Je suis ici pour t'apprendre. Si tu veux t'opposer à moi Harry, nous y serons encore l'an prochain. Maintenant, tu vas m'écouter. Regarde-moi, ajouta-t-il irrité, quand il s'aperçut que Harry évitait son regard. Malgré que ce sortilège soit similaire au Legilimens, je n'ai pas besoin de contact visuel. Quand je te demande de me regarder, c'est parce que je veux que tu me regardes quand je te parle.
Harry le regarda dans les yeux, encore furieux, mais il pensa qu'il valait mieux afficher un profit bas, pour le moment.
- C'est mieux, ajouta Dimitri. Maintenant, écoute-moi. Le sort de la réminiscence des souvenirs peut servir de deux façons. Les médicomages le trouveront utile pour redonner une certaine dose de bonheur à quelqu'un qui aura attenté à sa propre vie. Ça, c'est le côté positif. Toutefois, il peut aussi chercher à déstabiliser un individu, sorcier ou moldu, et l'affaiblir pour le soumettre à l'esclavage. C'est ce que j'ai fait avec toi tout à l'heure. Raviver tes souvenirs les plus heureux et te les retirer ensuite. En devenant furieux contre moi, tu t'affaiblis et tu offres à l'ennemi des moyens de te détruire.
Harry commença à comprendre où il voulait en venir. Mais il n'avait pas envie de raviver des souvenirs dont il ne voulait pas s'extraire. Pourquoi tous les sorts les plus dangereux devaient-il nécessairement avoir trait à l'esprit. Ne pouvait-il tout simplement pas s'en protéger en jetant lui-même un sort? Pourquoi fallait-il toujours s'endurcir l'esprit. Quand trouverait-il enfin la paix?
- Non, tu ne peux pas, du moins pas pour l'instant, répondit doucement Dimitri, un léger sourire au lèvres.
Harry leva vivement les yeux vers son gardien. Avait-il parlé à voix haute ou alors, Dimitri avait-il le pouvoir de lire dans les pensées?
- Non, Harry, je ne lis pas dans les pensées, mais ton expression est tout à fait explicite. Es-tu prêt à suivre mes directives maintenant? Tu es prêt à continuer?
Harry laissa échapper un soupir.
- Oui, répondit Harry, puis à voix basse « allons-y qu'on en finisse ».
- Ok. Nous allons tout d'abord raviver tes souvenirs au moment où tu t'en attends le moins. Tu tenteras alors de t'en extraire par toi-même. Tu dois combattre les souvenirs et te convaincre qu'ils ne sont pas réels et que tu ne désires t'en extraire. C'est la partie la plus difficile. Il faudra que tu en sois parfaitement convaincu.
- Comment je dois faire? demanda Harry anxieux.
- Tu devras prononcer la formule « Protego » au moment même où je te lancerai le sort. Si tu échoues et que tu te retrouves dans tes souvenirs, tu devras revenir en prononçant la formule « Oblitero ». Mais tu devras être très rapide. Plus longtemps tu resteras pris dans tes souvenirs, plus il te sera difficile d'en revenir. C'est le piège qui t'attend. Des sorciers plus expérimentés que toi sont devenus fous et sont morts en voyageant encore dans le monde des rêves. Il sera ensuite facile pour ton ennemi de te soumettre à l'Imperium, ou même de te tuer. Tu deviendras aussi malléable qu'une poupée de chiffon.
- D'accord, mais…
- Reminiscor Incantatum!
Il se sentit aussitôt enveloppé d'un voile noir et les bras de sa mère l'enveloppèrent à nouveau. Il était content. Il venait de faire plaisir à sa mère et rien n'importait plus que de plaire à sa mère. Son sourire était si doux, si enivrant. Puis il changea de mains. Ce n'était pas son père, mais c'était comme si. En fait, on le tenait dans une seule mains et lorsqu'il vola dans les airs, il cria de plaisir. Il était si haut qu'il aurait pu toucher le ciel. L'homme immense et barbu éclata de rire et le reposa par terre, mais il n'eut pas le temps de faire un pas que déjà d'autres bras l'enlevèrent. C'était son père, son idole. Il entoura son cou de ses bras et s'apprêta à l'embrasser…
À genoux devant son gardien, son cœur battait la chamade.
- Je vous déteste, laissez-moi tranquille, cracha Harry.
Deux bras solides l'empoignèrent sous les aisselles et le remirent brusquement sur ses pieds.
- Regarde-moi, répondit furieusement Dimitri. REGARDE-MOI MAINTENANT!
Harry le regarda enfin. Ce qu'il vit lui fit peur.
- S.V.P. Je ne veux pas recommencer. Je ne veux pas continuer. JE NE VEUX PAS REVENIR.
Dimitri sembla se calmer du coup. Un éclair étrange traversa son regard et Harry pensa avec un certain malaise que ça ressemblait trop à de la pitié.
- Non Harry, je ne peux pas te permettre d'y rester. Tu dois contrôler tes émotions et accepter que ces souvenirs ne sont que des souvenirs. Tu dois les laisser partir. Dès que tu auras réussi, je te ramène au Château, c'est promis.
Harry garda le silence quelques minutes, et au moment où Dimitri allait ajouter quelque chose…
- D'accord, répondit Harry. D'accord, on continue.
- À la bonne heure, répliqua Dimitri.
Harry fut ainsi soumis au sortilège pendant des heures. Il était épuisé, éreinté, mais il continua. Il avait presque tout revécu. Il avait revu ses parents, avait ressenti à nouveau le bonheur de quitter les Dursley, ses débuts à Poudlard, le Quidditch qui lui manquait tant et Sirius. Assez étrangement, c'était ce souvenir qui était le plus douloureux, peut-être parce que c'était le plus récent. Mais il avait appris à repousser Sirius, sans toutefois vraiment accepter qu'il était disparu à jamais.
- Tu n'essaies pas assez Harry, concentre-toi.
- MAIS J'ESSAIE!
- Alors essaies encore plus. Sirius ne reviendra pas. Accepte-le enfin bon sang! Comment faut-il que je te le dise?
Harry le regarda avec fureur. L'aube se levait et Harry se sentait à bout de nerfs. Il avait juste envie de s'étendre par terre et dormir.
- Reminiscor Incantatum! cria soudainement Dimitri
Harry entrevit à peine le sourire de Sirius qu'il cria « Protego » puis « Expelliarmus » et la baguette de Dimitri fut aussitôt catapultée dans la main de Harry, qui le regarda en souriant.
Dimitri lui sourit également et ils restèrent un moment à se regarder, l'un épuisé, l'autre fier.
- Nous y sommes Harry, tu as réussi. Tu sais, je ne te l'ai pas dit, mais ce sortilège prend habituellement plusieurs semaines de pratique. On m'a laissé entendre que tu y arriverais probablement plus vite. Je vois ce qu'il voulait dire.
- Vous voulez dire que nous serions restés ici plusieurs semaines? s'exclama Harry.
- Non, je devais en fait te montrer les rudiments cette nuit et te ramener ensuite auprès de Dumbledore, répondit-il. Je ne te laisserai pas reposer sur tes lauriers Harry, il ne s'agit que d'une première étape. Je te surprendrai alors que tu t'en attends le moins.
- Mais, mais, vous m'avez dit que…
- Je sais, répondit Dimitri, mais je sentais que tu étais capable de réussir et il semble que j'ai eu raison n'est-ce pas?
Harry se sentait fâché d'avoir été piégé, mais assez fier de lui quand même. Il avait encore réussi, mais à quel prix. Il avait fallu combattre les moments les plus heureux de sa vie, mais il se sentait maintenant en paix avec lui-même. Il était prêt à retourner.
- Alors, tu es prêt?
- On s'en va maintenant, demanda Harry, alors que son estomac criait famine.
- Oui, j'aimerais autant ne pas m'éterniser ici. Tu arriveras à temps pour le petit déjeuner dans la grande salle et le début de tes cours. Viens ici, dit-il, et Harry vit tout de suite ce qu'il avait l'intention de faire.
- Est-ce bien nécessaire? On étouffe là-dessous.
Dimitri n'eut qu'à froncer légèrement les sourcils que Harry comprit. « Bon d'accord », dit-il piteusement. Il sentit à nouveau cette chaleur l'envahir.
L'envolée de retour fut plus longue que prévue. On aurait dit que Dimitri tournait en rond. Finalement, ils atterrirent sur le sommet de la tour ouest, la même que celle où il avait atterri avec Buck, Hermione et Sirius trois ans auparavant. Cela semblait si loin maintenant, comme dans une autre vie.
