Merci à toutes celles qui m'ont apporté leur soutien! Ce chapitre n'est pas l'un de mes préférés, j'ai mis pas mal de temps à l'écrire car j'éprouvais à son égard un certain blocage. En effet, toute cette partie de l'histoire ayant été déjà brillamment traité par Tolkien lui-même, il était difficile de faire mieux. J'ai donc finalement repris les mots du maître lui-même en y ajoutant les éléments de ma propre conception. Je vous souhaite une bonne lecture!

Lorsqu'ils arrivèrent enfin au bac de Châteaubouc, les cinq amis réalisèrent qu'ils ne tiendraient jamais tous ensemble avec les poneys et la charrette sur le frêle radeau; ils n'avaient pas le choix, il leur fallait emprunter le pont de Brandevin. Mais de cet fait, leur arrivée passerait d'autant moins inaperçue. C'était fâcheux, mais néanmoins indispensable.

« Finalement, ce n'est pas une mauvaise chose, déclara Merry! Ainsi Lothon aura tout loisir de commencer à trembler pour sa vie avant notre entrée à Cul de Sac»

Mais Pippin était moins optimiste:

« Modère tes ardeurs! La pustule n'est certainement pas ce qui nous attend de pire»

Ainsi les cinq voyageurs entreprirent de gagner le pont. Lorsqu'ils touchèrent enfin à leur but, la nui était déjà tombée et , chose à laquelle ils s'attendaient plus ou moins en vertu des dires de Lily, le chemin était barré. A chaque extrémité du pont, il y avait une grande grille garnie de pointes. De l'autre côté de la rivière, ils purent apercevoir les hideuses maisons à étages dont Lily leur avait déjà brossé le portrait à Fondcombe. Ils cognèrent à la porte extérieure et appelèrent, mais il n'y eut d'abord aucune réponse; puis à leur plus grand étonnement, quelqu'un sonna du cor. Une voix cria alors dans l'obscurité:

« Qui va là? Passez votre chemin! L'entrée est interdite, passée la nuit! Vous n'avez donc pas lu l'écriteau»

« En effet, renchérit moqueusement Sam. Il fait nuit! Et vous feriez mieux d'adopter un autre ton, sans quoi je me verrait obligé de défoncer votre portillon et de vous fessez les joues»

Là dessus, une fenêtre claqua, et une foule de hobbits munis de lanternes se déversa hors de la maison la plus proche. Ils ouvrirent l'autre porte et quelques uns s'avancèrent sur le pont. Ils parurent tout à la fois effrayés et surpris à la vue des voyageurs.

«Venez donc! Dit Merry, reconnaissant l'un des hobbits. Si vous ne me reconnaissez pas, Hob Gardeclôture, vous le devriez! Je suis Merry Brandebouc, et je voudrais bien savoir ce que tout cela signifie, et ce qu'un habitant du Pays de Bouc comme vous fait ici. Vous étiez autrefois sur la Porte de la Clôture. »

« Miséricorde! S'écria le vieil hobbit! C'est Maître Merry! Je ne vous avez pas reconnu, ainsi armé, et tout le monde, dans le pays, vous croyais mort»

« Au lieu de babiller ainsi, mon vieux, vous feriez mieux de venir ouvrir cette barrière, et vite ! S'impatienta Merry. »

Le vieux Hob prit un air contrit et déclara:

« Je regrette, Monsieur Merry, mais j'ai des ordres! Passé la nuit, nous ne devons laisser entrer personne! Ce sont les ordres du chef»

« Le chef? Vous voulez dire Lothon? Demanda Frodon»

« Oui, Monsieur Sacquet, mais maintenant, on doit seulement dire le chef»

« Et bien, repris Frodon, je suis content que du moins, il ait abandonné le Sacquet. Mais il est temps que la famille le remette à sa place, ne serais-ce que pour le punir d'avoir tenté de violenter mon épouse»

Le vieux Hob lança un regard perplexe à Lily qu'il n'avait pas encore remarqué:

« Votre épouse? Mais dites, la jeune fille, là, ce serait pas la dernière du vieux Gamegie, la petite Lily»

« C'est Madame Sacquet, maintenant, vieil imbécile, repris Pippin, et vous lui devez le respect, comme à une dame supérieure à votre rang»

Un silence tomba parmi les hobbits de l'autre côté de la porte.

« Ca ne fera pas de bien de parler ainsi, dit quelqu'un. Il ne manquera pas de l'apprendre. Et si vous faites autant de bruit, vous allez réveillez le Grand Homme du Chef»

« Nous allons le réveiller d'une façon qui le surprendra, et ne lui fera certes pas plaisir! Dit Merry»

Sur ce, il sauta à bas de son poney, et, voyant l'écriteau à la lumière des lanternes, il le déchira et jeta les morceaux par dessus la porte. Les hobbits reculèrent mais ne firent aucun mouvement pour ouvrir.

« En avant, Pippin, cria Merryà deux ça suffira»

Merry et Pippin escaladèrent la porte et les hobbits s'enfuirent. Puis il y eut une nouvelle sonnerie de cor. A la porte de la maison plus grande de droite, une large et lourde silhouette apparut sur un fond éclairé.

« Que signifie tout ce raffut? Gronda l'homme en s'avançant. On force la porte? Fichez moi le camp, ou je vous casse vos sales petits cous! Oh, mais tiens, une souris de la Comté! Ajouta-t-il moqueusement en avisant Lily? Personne ne voulez de vous dans votre petit pays, que vous êtes allé au delà de Bree pour vous trouver une petite amie? Apparemment, la pêche n'a pas été bonne! Celle-ci est mignonne, mais elle est seule»

« Bill Fougeron, dit Merry, si vous n'ouvrez pas cette porte avant dix secondes, et si vous vous avisez d'insulter encore ma cousine, vous le regretterez. Je vous collerai de l'acier dans le corps, si vous n'obéissez pas. Et quand vous aurez ouvert les portes, vous les franchirez pour ne jamais revenir. Vous êtes un chenapan, et un voleur de grand chemin. »

Bill Fougeron fléchit; il s'avança en traînant vers la porte et la déverrouilla.

« Pas suffisant, dit Merry. Donnez-moi la clef»

Mais le bandit les lui jeta à la tête et s'enfuit dans l'obscurité. Mais comme il passait près des poneys, l'un deux, celui de Sam, lui décocha une ruade qui l'atteignit dans sa course. Le brave Bill n'avait certes pas oublié les mauvais traitements que lui avait fait subir ce méchant homme. Il disparut en geignant dans la nuit, et l'on entendit plus jamais parler de lui.

« Voilà pour votre Grand Homme, dit Merry. Nous nous chargerons plus tard de la pustule. En attendant, mes compagnons et moi sommes fatigués, veuillez nous fournir au plus vite gîte et couvert»

Le vieux Hob adressa aux voyageurs un regard malheureux et dit:

« Je regrette, Monsieur Merry, mais cela n'est pas permis. »

« Brave hobbit, qu'est ce qui n'est pas permis? Demanda Lily avec douceur. »

« Mais...de recevoir des gens au pied levé, de consommer des vivres en excès, et tout, et tout, Mademoiselle...euh...je veux dire Madame»

« Enfin, que se passe-t-il, demanda Sam, la récolte a donc été si mauvaise»

« Oh, non, mais à présent tout est rationné. On ne sait pas bien ou ça passe, mais tout doit être confié aux répartiteurs, qu'ils appellent ça»

« Bon, ce n'est pas grave, intervint Lily pour couper cour à la polémique; nous avons dans notre charrette des vivres en suffisance pour tout le monde. Donnez nous simplement une chambre ou nous étendre un moment, le voyage à été épuisant. »

Malgré les paroles réconfortantes de Lily, les hobbits de la porte semblaient encore mal à l'aise, quelques éléments du règlement ayant été enfreints, mais ils n'avaient pas le cœur ni le courage de contrarier quatre voyageurs si autoritaires et si fortement armés. En outre, comme l'avaient prévu Merry et Pippin, le charmant sourire de Lily avait fait son effet. Frodon ordonna de reverrouiller les portes. Il y avait quelque bon sens à maintenir une garde, alors qu'il y avait toujours des bandits dans les environs. Les cinq compagnons pénétrèrent alors dans le corps de garde des hobbits, ou ils s'installèrent le plus commodément possible. C'était un endroit nu et laid, avec une toute petite grille qui ne permettait même pas de faire un bon feu. Dans les chambres du dessus, il y avaient des petites rangées de lits durs, et les murs étaient tapissés d'écriteaux indiquant une liste de règle. Bien que préparée à ce spectacle, Lily fut choquée par ce qu'elle vit; ce décor sordide contrastait fortement avec sa coquette chambre de Fondcombe, et avec l'intérieur douillet de Tom Bombadil. Les voyageurs partagèrent leurs vivres avec les hobbits, de sorte que chacun fit un bon repas, et Pippin enfreignit la règle n°4 en jetant au feu la réserve de bois prévue pour le lendemain.

« Et maintenant, dit-il, que penseriez-vous d'une bonne pipe»

« Hélas, Monsieur Pippin, il n'y a plus d'herbe, du moins n'en reste-t-il que pour le chef et ses hommes et... »

« La ferme, Gardeclôture! S'écrièrent plusieurs autres! Il est interdit de faire ce genre de commentaire! Si le chef en entend parler, nous aurons des ennuis»

« Il n'en entendra parler que si l'un de vous moucharde, répliqua Hob avec chaleur. »

L'un des hobbits, qui n'avait pas remarqué Lily tout d'abord, avisa la jeune Madame Sacquet, et dit:

« Mais dites donc, vous n'étiez pas la bonne amie du chef, vous? Mais si, je vous reconnais! Lily Gamegie, la fille de l'ancien! Si vous voulez mon sentiment, Monsieur Sacquet, vous devriez pas traîner avec cette fille! Elle va vous attirer d'autres ennuis»

« Primo, cette fille, comme vous dites, est ma femme! Ensuite, je n'ai pas de conseil à recevoir d'un rustre tel que vous, répliqua vivement Frodon! Vous ignorez tout de cette histoire, et je vous prierez de ne plus porter de jugement sur des affaires qui dépassent votre connaissance et votre intelligence»

« Votre femme? Oh, bien, bien, je ne savais pas»

« Tu es vraiment un idiot, Perry Le Bigorneau! Tu dois être à peu près le seul dans ce pays à ignorer que Monsieur Sacquet et la petite Lily étaient pratiquement fiancés , et cela, pratiquement depuis le départ du vieux Bilbon»

« Oh, bien! Faites excuses, Messieurs-Dames, je ne voulais pas vous offenser! Je me disais aussi que cette jolie fille était trop bien pour le chef, et... »

« Trêve de bavardage, intervint Sam avec humeur. Pas de bienvenue, pas de bière, pas de quoi fumer, et au lieu de ça, un tas de règles absurdes, des propos d'orques, et des propos injurieux sur ma petite sœur! J'espérais me reposer, mais je vois bien qu'il y a du travail et des ennuis en perspective! Maintenant, taisez-vois, je vous prie, et laissez-nous dormir! Je suis bien trop fatigué et énervé pour entendre encore une seule de vos insupportables paroles»

Le chef disposait évidemment de moyens d'information. Il y avait plus de cent kilomètres du pont jusqu'à Cul de Sac, mais un émissaire accomplit le trajet en grande hâte. C'est ce que les cinq compagnons ne devaient pas tarder à découvrir.

Ils n'avaient rien planifié de précis, mais Frodon avait pensé descendre au Creux de Crique afin de prendre un peu de repos, mais également pour montrer à Lily qu'elle était à présent sa moitié, et que ses propres possessions immobilières étaient maintenant les siennes. En outre, il espérait ainsi goûter une dernière fois un moment d'intimité avec son épouse avant les durs moments qu'ils s'apprêtaient à vivre. Mais à présent, voyant l'état des choses, les cinq compagnons décidèrent de se rendre tout droit à Hobbitebourg. Le lendemain, ils partirent donc au petit trot sur la Route. Le temps maussade semblait présager de ce qui allait suivre...

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui. J'espère que ce chapitre vous aura plu, même s'il ne présente pas de grande originalité. Si c'est le cas, un petit clic en bas à gauche!