Chapitre 6 : La poudre à gratter de Griffy
« Harry ! » Le Harry en question était sorti, les mains dans les poches, dans un couloir, au rez-de-chaussée. Il se baladait tranquillement, en souhaitant le bonjour à tous les tableaux qu'il rencontrait. Soudain, il vit Ron et Hermione qui faisaient la même chose.
« Ne me faites pas croire que vous avez la même chambre tous les deux ! pouffa bêtement Harry.
- Bien sûr que non, répondit Hermione. Ron serait trop content.
- Même pas vrai ! s'empressa de dire Ron en rougissant. C'est toi qui as dit : « Oh, c'est dommage que nos chambres soient à 20 mètres l'une de l'autre ! »
- Tu dis n'importe quoi, Ron ! Tu es siphonné !
- Et comment tu le sais ?
- Arrêtez ! réagit Harry. Ça ne va pas de se bagarrer comme ça ?
- Mais c'est elle qui a commencée…
- Eh bien, tu n'avais qu'à rester froid !
- Ça te va bien de dire ça !
- Regarde, Chaussette ! Ils se bagarrent ! » Anne-Marie, les cheveux dressés et noircis par le feu, les vêtements en coton blanc brûlés et en haillons, se tenait devant eux, avec sa grande sœur. Harry, en les voyant, se rappela avoir entendu un bruit d'explosion quelques minutes plus tôt.
« Qu'avez-vous fait ? demanda Hermione, la mine horrifiée.
- On a testé un nouveau colorant, répondit fièrement Anne-Marie.
- Et ça a marché ? demanda ironiquement Ron.
- Non, ça nous a carrément explosé à la figure, répliqua sa grande sœur, essoufflée.
- Je vois ça. » Harry doutait qu'une fille puisse s'appeler Chaussette. Ce devait être un surnom. « Chaussette » était relativement petite, quoique élancée. Elle avait les cheveux bruns, les yeux grisâtres - c'était difficile de déterminer leur couleur - en amande, le nez écrasé, et des taches de son qui se dispersaient sur ses joues.
« C'est toi, Ron ? demanda-t-elle.
- Euh, oui… répondit ce dernier.
- Il paraît que ta mère a fait un carnage le jour où l'on t'a envoyé ton insigne de préfet. Elle avait pensé que tu en étais un incapable. » Ron rougit jusqu'aux cheveux, c'est dire !
« Et toi, comment tu t'appelles ? demanda Harry.
- Euh… » Harry se demandait pourquoi elle mettait autant de temps à répondre.
« Aurore ! C'est un diminutif car mon véritable prénom est à rallonge. D'ailleurs, dans la famille, ce genre de prénoms est très utilisé, alors les diminutifs fleurissent, çà et là… Par exemple, "Chaussette", c'est ma petite sœur qui l'a inventé l'an dernier. Et je dois dire que ça résume bien mon identité.
- À quoi ça me sert tout ça ? demanda Ron, toujours aussi ironique, qui faisait mine de s'endormir.
- À ne pas t'étonner quand t'entends ma mère appeler "Cricri".
- Tu es encore à l'école ? demanda Hermione, qui avait le don pour se préoccuper de ce genre de choses.
- Heu… » Bizarrement, elle avait l'air désemparée.
« À Poudlard ! En septième année ! » Harry réfléchit. Il n'avait jamais vu sa tête, nulle part, que ce soit, dans la salle commune, dans les couloirs, dans la Grande Salle, ou même dans les toilettes -!-, il ne l'avait jamais vue ! Peut-être devait-elle mentir… ou peut-être pas. En tout cas, elle était bien louche. Pourquoi racontait-elle des histoires à dormir debout ? Mais Harry fut surpris lorsqu'il vit, en passant derrière Ron et Hermione, un couloir avec des tableaux tous à son effigie ! Aucun ne leur dit bonjour lorsqu'ils passèrent ; ils ne remuèrent même pas la bouche. Ils se contentaient juste de bouger courir, se déplacer, mais ils ne faisaient rien d'autre.
« Pourquoi tes tableaux ne parlent-ils pas ? demanda Harry à Aurore.
- Heureusement qu'ils ne parlent pas ! répondit-elle comme si cela aurait été un drame. Les tableaux ne parlent que lorsque leurs modèles sont morts. C'est une façon pour eux de vivre quand même parmi nous. La plupart des gens qui ont posé pour un tableau, sont illustres et se sont rendus utiles à la société, dit-elle en grimpant un petit escalier sombre où deux flambeaux seulement étaient allumés. Donc pour eux, c'est encore une façon de se rendre utile indirectement à leur propriétaire.
- Ah bon ? » fit Harry, l'air interdit. Elle se retourna :
« Je croyais que tu savais ça !
- Mais, tu crois, que c'est un moyen de vérifier si les gens sont vraiment morts ?
- Possible. Mais il ne faut pas s'y fier. » dit-elle machinalement en insistant bien sur le mot « pas ». Harry rumina ses paroles dans sa tête. Pourquoi ne fallait-il pas s'y fier ? Y avait-il des exceptions ? Où bien avait-elle dit ça machinalement, comme ça sans faire attention ?
Soudain, ils arrivèrent dans une petite pièce où un elfe était agenouillé par terre. Aurore s'arrêta, se pencha, et lui parla :
« Mais qu'est-ce que tu fais là, Griffy ?
- C'est Anne-Marie qui m'a dit de me mettre là.
- Pourquoi faire ?
- Pour guetter la capeline de Maîtresse de poudre à gratter dès qu'elle va passer. Elle m'a donné le spray, dit-il fièrement en tendant une boîte artisanale contenant de la poudre orange grossièrement moulue.
- Oh, mais Griffy, combien de fois Natty t'a dit qu'il ne fallait pas écouter Anne-Marie ? lui répondit-elle d'un ton maternel. Donne-moi la boîte.
- Oui, mais Anne-Marie m'a dit que si jamais Mademoiselle Chaussette me trouvait là, il fallait s'agenouiller et ne pas lui obéir.
- D'accord, mais sais-tu qui commande ici ?
- …
- C'est ma mère, dit–elle en s'approchant de très près du petit elfe. Ce ne serait pas très intelligent de lui balancer de la poudre à gratter à la figure !
- En effet… » Le petit elfe était à présent terrorisé. Il était certain d'avoir commis une faute grave et d'être renvoyé sur le champ.
« ÇA NE VA PAS DE LE MARTYRISER COMME ÇA ? » Harry se retourna. Hermione était devenue violette façon l'once Vernon rien qu'à l'idée de voir un elfe se faire gronder.
« Je ne le torture pas ! lui répondit Aurore. Tu le laisserais faire peut-être ?
- Mais arrêtez ! s'écria Ron.
- Qu'est-ce que c'est ce boucan ? » Catherine, « l'hôte », était derrière eux.
« Maman ! Griffy a failli te vaporiser de la poudre de poil à gratter sur ta figure !
- Ah bon ?
- Si, c'est Anne-Marie qui le lui a demandé.
- Bof. Ça ne m'étonne pas d'elle. Elle est tellement dans sa période "bébête" si j'ose dire… Bon… On va manger ?
- Y a quoi ce midi ? demanda une petite voix tranquille sortie d'une porte.
- Ah, te voilà, toi ! s'exclama Aurore en voyant surgir Anne-Marie.
- Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? demanda Anne-Marie d'un air exagérément surpris.
- Et en plus, tu t'es mise aux tribunes pour admirer le spectacle ! C'est du propre !
- Quel spectacle ?
- Cesse de faire l'ignorante !
- J'ai faim ! dit Anne-Marie tout à coup en suçant son pouce.
- Et à propos… Où t'es-tu procuré cette poudre ?
- Chez le magasin des frères Weasley ! J'ai rempli leur bon de commande dans la Gazette des Sorciers. Y'a plus qu'à s'en servir. »
Harry suivit Catherine et ses filles dans la salle à manger.
« Maman, pourquoi n'avons-nous pas pris l'autre salle ?
- Oh, c'est fatigant à nettoyer. On ne s'en est pas servie depuis longtemps, alors… Tu sais bien qu'elle est toute poussiéreuse. Et puis, pour aujourd'hui ça suffit bien. » Harry regarda la salle à manger. « Ça suffit bien » resta dans la tête de Harry. En effet, la « salle à manger » était une véritable salle de banquet. Le plafond était enluminé par un tableau représentant un festin de trolls avec des sorciers. Aucun détail dans la décoration de la salle n'était oublié. La fenêtre en arc donnant sur la mer inondait de lumière la pièce et on entendait les mouettes chanter. Tout autour de la large table en chêne ciré surmontée d'une immense nappe rouge et argent étaient installées des chaises brillantes de propreté, et, près de chaque verre, était inscrit un petit écriteau décoré par une main enfantine pour indiquer le plan de table. Harry put ainsi constater que Maugrey serait assis à côté de Tonks et de Kingsley, ce qui promettrait niveau disputes à table.
« Où est-ce qu'on s'installe ? demanda Anne-Marie, radieuse. » Sa mère, Catherine, était horrifiée rien que de la voir sauter à cloche-pied sur le tapis.
- Toi, tu te mets là ! dit sa grande sœur. Installe-toi déjà, je vais te mettre ton bavoir. » Anne-Marie n'était pas une fillette comme les autres. Elle devait savoir déjà lire, vu l'expression horrifiée qu'elle fit en lisant l'étiquette à sa droite :
« Oh ! je ne vais pas être à côté de Maman ? Mais c'est horrifiant ! c'est scandaleux ! C'est qui l'imbécile qui a eu l'idée de faire ce plan de table ? Que j'aille le voir sur le champ ! Maman ! MAMAN ! cria-t-elle comme si sa mère se trouvait à 2 kilomètres d'écart alors qu'en réalité elle était à moins d'un mètre. Et d'abord, c'est qui Molly Weasley ?
- Oh, eh ben ça va être bien, dit Ron. Ma mère ne va pas cesser d'éternuer pendant le repas.
- C'est la mère de ce lourdaud ? s'étonna Anne-Marie.
- Je ne suis pas un lourdaud ! » C'était bien la première fois que Harry voyait Ron se battre en duel avec une fillette de quatre ans.
« ÇA SUFFIT ! hurla Catherine.
- Mais elle m'a traité de lourdaud !
- Oui, mais elle a quatre ans ! QUATRE ANS ! PAS SEIZE ANS ! » Si Harry aurait pu donner un nom au duo Catherine – Mrs Weasley, il l'aurait appelé le C.R.C (Club des Râleuses Crieuses). Il pensa que c'était comme ça d'ailleurs qu'elles avaient dû se rencontrer.
Un quart d'heure plus tard, les intrus – c'est comme ça qu'Anne-Marie appelle l'Ordre du Phénix et les Weasley – avaient eux aussi rejoint la grande salle à manger qui n'était pourtant pas « la plus » du château. Harry se souvint d'une vision qu'il avait eu de Malefoy par le biais de Voldemort. Il se rappela qu'il faisait moins le malin quand Catherine lui montrait la photo de sa salle à manger. Maugrey, en arrivant dans la salle, s'était pris les pieds dans un tissu de la porte, provoquant à la fois un fou rire et une inquiétude généraux. Tout le monde n'était pas inquiet à cause de sa chute, bien au contraire, mais le fait était que Maugrey, en tombant, avait aussitôt sorti de sa poche un vieux slip blanc tout moisi. Puis, il le mit à son oreille comme un téléphone.
« Allô, les Urgences ? Oui, je viens de me faire casser la jambe… » En réalité, Maugrey avait ensorcelé un de ses vieux slips pour pouvoir appeler les urgences moldues – c'était ça qui était inquiétant ! – au cas il se serait fait attaquer. Il a fallu une équipe d'urgence notamment composée d'Anne-Marie, de Catherine, de Tonks et du professeur McGonagall pour le remettre sur le droit sur le droit chemin, à l'aide d'un peu de poudre de poil à gratter. Catherine était bien vite venue le secourir, de peur qu'il lui casse ses meubles. Au final, Anne-Marie revint de cet entretien psychiatrique avec quelques ecchymoses, Maugrey l'ayant prise pour un charognard (aigle impérial ou vautour, Anne-Marie ne savait plus). Tonks fut revenue en marmonnant, en disant que Maugrey n'avait pas les idées très claires, car à cause de sa chevelure ce jour-là jaune fluo, il l'avait prise pour une de ces danseuses qui se trémoussent les seins nus avec des costumes grandiloquents à plumes.
