Déni : Je ne possède pas le labyrinthe. Beaucoup de grâce au dreamoon de cette traduction.
La Fin veut les Moyens
par Fou Fou
Chapitre 2 Départ pour le ConservatoireSarah soupira tandis qu'elle rangeait le reste de ses vêtements dans ses bagages. Et dire que j'ai dix-neuf ans et que je pars pour le Conservatoire, songea-t-elle alors qu'elle s'asseyait sur le couvercle de sa valise pour en tasser le contenu et pouvoir faire coulisser la fermeture éclair.
Jetant un coup d'oeil circulaire à la chambre, elle s'étonna de la voir si nue. L'étagère qui avait un temps porté ses ours en peluche était maintenant vide. Elle avait fourré ses préférés dans un sac (un souvenir de chez elle, en quelque sorte – Toby avait pris ceux qui restaient) et ils attendaient déjà dans la voiture qu'on les transporte vers leur nouvelle demeure. Ses autres étagères avaient été vidées des livres qui attendaient également avec les ours. Même les posters de dragons et autres sujets fantastiques avaient disparu, laissant la chambre vide à l'exception du lit, de l'armoire et du miroir.
Regardant le miroir, Sarah sauta à bas de sa valise, momentanément oublieuse de la tâche qu'elle était sensée accomplir. Précautionneusement, elle fit glisser ses doigts sur sa surface, se rappelant en s'y regardant le temps passé, lorsqu'elle était petite, et qu'elle se déguisait en princesse médiévale.
« Si un jour tu as besoin de nous... » fit une voix qui remontait des profondeurs de sa mémoire.
Frissonnant, elle sursauta et retira sa main du miroir comme s'il l'avait brûlée, puis retourna à ses bagages. « C'était seulement un rêve, » se dit-elle fermement, en bouclant la valise. « Juste une stupide fantaisie puérile que j'avais quand j'étais plus jeune, quand je croyais appartenir à quelque fantastique conte de fées ! Je suis trop grande pour ce genre de sottises infantiles. Il n'existe pas de nains, de renards parlants, de gros... trucs bruns. Et il n'existe certainement pas de Roi des Gobelins ! »
Ce dernier commentaire résonna, un peu plus tendu et sonore qu'elle n'en avait eu l'intention dans ses marmonnements, si fort qu'elle entendit Karen crier du bas des escaliers, « Sarah, à qui parles-tu donc, Je t'entends depuis le rez-de-chaussée ! »
« A personne ! » répondit Sarah. Secouant la tête, comme pour en évacuer les souvenirs gênants, elle ramassa la dernière de ses valises, jeta un dernier regard circulaire à la chambre, et descendit les escaliers.
Quand elle atteignit le bas des escaliers, elle fut télescopée par la masse éplorée d'un petit demi-frère affligé, qui la percuta si fort qu'elle manqua tomber en arrière. « Sarah, pars pas ! » pleura-t-il en s'accrochant à sa jambe.
« Je reviendrai bientôt, » l'assura-t-elle, reprenant son équilibre. Posant ses valises, elle s'accroupit et étreignit son demi-frère. « Toby, je te promets que je reviendrai te voir dans trois semaines. Et je téléphonerai, pour que tu puisses me parler, d'accord ? »
Toby acquiesça, se frottant le visage de ses mains pour en effacer les larmes qui menaçaient de tomber. « Tu vas me manquer, Sarah, » renifla-t-il.
Sarah sourit, et étreignit de nouveau son frère. « Rappelle-toi bien toutes les aventures que tu auras pendant que je ne suis pas là, pour me les raconter, d'accord ? »
Toby sourit, acquiesçant avec emphase. « Promis, » fit-il.
« Sais-tu déjà qui partagera ta chambre, Sarah ? » demanda Karen en entrant dans la pièce.
Sarah secoua la tête. « Non, ils ont dit que je le découvrirais quand j'arriverais, » répliqua-t-elle, s'écartant de Toby qui avait commencé à embrocher d'invisibles ennemis de son invisible épée de lumière.
« Tu vas me manquer, Sarah, » dit Karen, étreignant sa belle-fille. « Ca va être si calme ici, sans toi pour jouer avec Toby lors de ses assauts contre le terrible Baron Vaudoo. »
Sarah sourit, rendant son étreinte à Karen tout en regardant Toby filer vers la salle à manger. « Je ne sais pas pourquoi, mais j'en doute, » murmura-t-elle. Alors qu'elles ne s'étaient tout d'abord pas entendues, quand Karen s'était jointe à la famille environ 6 ans auparavant, il avait fini par se forger entre elles, sinon une relation mère/fille, une profonde amitié. « Tu me manqueras aussi, » répondit-elle, en reculant. Jetant un coup d'œil à sa montre, elle s'exclama, « Oh, il faut que j'y aille ! Il est déjà 9 heures, et il faut que je parte maintenant, si je veux arriver au campus avant 6 heures ! »
« Tiens, laisse-moi t'aider à porter tes sacs, » dit Karen, se baissant et attrapant l'une des valises tandis que Sarah prenait l'autre.
« Merci, » dit Sarah comme elles se dirigeaient toutes deux vers la voiture et mettaient les sacs dans le coffre. « Ah, comme cet endroit va me manquer, » murmura-t-elle, en se retournant vers la maison.
Tu seras de retour dans trois semaines, » lui promit Karen, lui tapotant le dos. Puis elle appela en direction de la maison, « Toby, viens dire au revoir à ta soeur ! »
L'aventurier héroïque vola à leur rencontre sur sa majestueuse monture, venant de détruire bravement les quartiers du terrible baron (ou, en d'autres termes, la salle à manger et le salon, qui étaient maintenant sans dessus dessous, le tout en 2 minutes), et étreignit une dernière fois sa soeur. « Au revoir, Sarah ! » fit-il. « Tu vas me manquer ! »
« Transmets mon au revoir à Papa, » dit Sarah. « Quel dommage qu'il soit au travail pour l'instant. »
Karen soupira. « Je suis sûre qu'il aurait adoré te voir pour ton départ. »
Sarah haussa les épaules. « Bon, j'y vais, » dit-elle, alors qu'elle passait côté conducteur de la voiture et s'installait sur son siège. « A dans trois semaines ! » Elle agita une dernière fois la main avant de démarrer la voiture et de partir vers la merveilleuse vie d'étudiante qui l'attendait.
« Fichu ordinateur ! » Cria Mara, frappant du poing sur le bureau. « Pourquoi ne veux-tu pas faire ce que je demande ? » Mara caressa un instant l'idée d'utiliser la magie pour soumettre le vulgaire objet à sa volonté, mais elle ne pouvait prendre le risque d'utiliser ses pouvoirs d'une façon aussi visible, pas avec le Conseil Souterrain aux aguets du premier signe dévoilant qu'elle préparait quelque chose. Après l'explosion initiale, le Conseil s'était mis à avoir des soupçons quant à l'éventualité qu'elle puisse avoir un plan concernant le contrat de mariage, quand elle avait cessé d'émettre des objections sur le sujet et avait obligeamment laissé les préparatifs suivre leur cours. Eh bien, je suppose qu'ils m'auraient à coup sûr enfermée à double tour si j'avais agi à ma manière habituelle, mais c'est si agaçant de les avoir sur les talons en permanence. C'est à peine s'ils m'ont autorisée à aller dans le monde mortel ; alors que j'étais sensée m'y rendre il y a trois ans ! Ca ne fait que montrer encore une fois quelles têtes de noeuds dirigent le Conseil, à toujours soupçonner que je prépare quelque chose. Franchement, ce qu'il ne faut pas endurer...
Après cinq autres minutes que Mara passa à essayer désespérément de pirater sa base de données, l'ordinateur accepta finalement de faire ce qu'elle voulait et ouvrit le fichier contenant la liste d'assignation des chambres. Mara eut un sourire triomphant. « Ha ha ! Princesse Mara K'Talven des Elfes de l'Ombre, pirate informatique et forceuse de serrures ! Comme Père sera heureux quand il apprendra que j'ai ajouté ce petit talent à ma panoplie secrète de savoir-faire 'indignes' d'une princesse. » Le sourire de Mara s'élargit à la pensée de faire quelque chose qui déplairait à son père. « Et maintenant, où loge miss Sarah Williams ? »
Sarah soupira avec soulagement en voyant le panneau annonçant qu'elle pénétrait dans le campus du Conservatoire de Littérature et Arts de Sirarah Valley. Neuf heures dans le confinement de la voiture, cela ne correspondait pas à l'idée qu'elle se faisait d'une partie de plaisir. Elle avait les jambes raides, malgré plusieurs arrêts sur des aires de repos pour marcher et s'étirer. Suivant les panneaux indicateurs, elle continua jusqu'au bureau des dortoirs et gara la voiture. Après avoir donné son nom et son identification à la femme derrière le comptoir, elle fut envoyée quatre bâtiments plus loin et fut informée que celle qui partagerait sa chambre était déjà là. Trop paresseuse pour marcher jusqu'au bâtiment, Sarah remonta à regret dans sa voiture et la conduisit jusqu'au dortoir, puis la gara dans l'une des places prévues pour les pensionnaires. Attrapant ses deux valises, elle entra dans le bâtiment.
Evidemment, j'aurais du me douter que ma chambre serait tout en haut, se dit Sarah tandis qu'elle traînait ses bagages jusqu'au cinquième étage. « Enfin, je suppose que c'est bon pour moi, ça me fera de l'exercice, » marmonna-t-elle dans sa barbe. « Et maintenant, où se trouve la chambre 509 ? » se demanda-t-elle, regardant à droite et à gauche du couloir. Haussant les épaules, elle prit à droite et fut soulagée de voir qu'elle avait pris la bonne direction. Doucement, elle frappa à la porte, et lorsqu'elle s'ouvrit, Sarah se trouva face à une paire d'yeux d'un violet vif étonnant. La propriétaire de ces yeux étranges était une rousse souriante qui avait à peu près la même taille que Sarah. Elle ne portait que du noir, avec des ongles manucurés rouge sombre, et Sarah ne pouvait réprimer la curieuse impression qu'elle venait d'un autre monde. N'importe quoi, se dit Sarah. Elle porte sans doute des verres de contact fantaisistes, c'est ce qui doit lui donner cet air bizarre.
« Tu dois être Sarah ! » s'exclama-t-elle joyeusement, faisant signe à Sarah d'entrer dans la chambre, attrapant une valise et l'aidant à la porter à l'intérieur. « Je m'appelle Mara ! Je suppose que nous partagerons cette chambre. On va bien s'amuser ensemble cette année ! »
Sarah jeta un regard circulaire à la pièce. Du côté de Mara, un vrai havre fantastique avait été construit. Des livres d'écrivains de fantasy tels que J.R.R. Tolkien, Theodore Cogswell, un assortiment de contes de fées, ainsi que bien d'autres, anciens ou neufs, garnissaient les étagères au-dessus du lit de Mara. Sa literie était d'un violet léger sur lequel était étalé un tas de vêtements qui n'avaient pas encore été rangés dans leurs tiroirs respectifs. Un poster incroyablement réaliste d'un dragon d'argent ornait un mur, et sur l'autre se trouvait l'image d'une pièce remplie d'escaliers partant dans toutes les directions, vers le haut, le bas, les côtés, tous se poursuivant indéfiniment. Un tableau d'Escher.
Sarah ne put réprimer un frisson.
« Hé, tu ne veux pas que je t'aide à porter le reste de tes affaires ? » demanda Mara. « Je sais que ces escaliers peuvent être un cauchemar à monter. On pourrait croire qu'ils auraient au moins eu la décence d'installer un ascenseur en construisant cet endroit, mais bon. »
Sarah sourit. « Peut-être qu'ils veulent seulement nous maintenir en forme pour quand il nous faudra courir à travers le campus pour aller en cours.
Mara rit, rappelant curieusement à Sarah le ruissellement joyeux d'un cours d'eau sur des pierres, tandis qu'elles ressortaient de la chambre pour aller chercher les autres affaires de Sarah. « Tu dois avoir raison. Mais je pense quand même que c'est du sadisme. Enfin, c'est pas comme s'ils allaient nous donner une tonne de travail à faire, mais tout de même, nous obliger à aller courir si loin pour aller où que ce soit... » Elle rit à nouveau. « Il faut dire que je suis paresseuse. »
Toutes deux plaisantèrent et parlèrent d'elles tout le restant du chemin jusqu'à la voiture ainsi que sur le retour. Sarah découvrit que Mara avait une soeur qui s'était mariée quelques temps auparavant, et qu'elle ne l'avait plus vue depuis un moment (bien qu'elle ne lui ait pas précisé pourquoi, Sarah supposa qu'elle avait déménagé et quitté le pays avec son mari). Mara adorait autant que Sarah le monde de la magie et du fantastique, comme le laissait deviner la collection de livres que Sarah avait vue plus tôt. Elles discutaient de leurs histoires favorites en finissant de nettoyer et de décorer leur chambre, et Sarah fut surprise de découvrir que Mara avait lu « Labyrinthe ».
« Qu'est-ce que tu en as pensé ? » demanda Sarah, intéressée par un autre point de vue sur le livre culte de toute son enfance.
Mara haussa les épaules. « C'était pas mal, je veux dire, j'étais prise par l'histoire et tout ça, mais j'ai trouvé que ça montrait le Roi des Gobelins sous un trop mauvais jour. »
« Pourquoi dis-tu ça ? » s'étonna Sarah. « Le Roi des Gobelins était un être horrible qui kidnappait les petits garçons pour les changer en gobelins ! »
« C'est vrai, mais il ne le faisait que lorsqu'on le lui demandait. Si je me souviens bien, la fille avait souhaité que les gobelins emmènent son frère. Il ne faisait qu'accomplir sa volonté. D'ailleurs, qui sait, peut-être qu'il ne pouvait pas rendre le petit frère sans qu'elle ait traversé le Labyrinthe. Peut-être qu'une magie le liait, qu'elle se serait déclenchée s'il avait ramené le bébé, et que quelque chose de terrible serait arrivé. Ou peut-être qu'on ne lui avait tout simplement jamais appris à se conduire autrement, » dit Mara en fixant Sarah de ses yeux violet vif. Sarah se sentit momentanément captive de ces yeux, sous l'impression que Mara lui disait quelque chose d'extrêmement important. Quand Mara détourna son attention pour examiner ses ongles, Sarah secoua la tête, se débarrassant de l'étrange sensation. « Enfin, de toute façon, » dit Mara, « c'est juste une histoire, c'est pas comme si c'était réel ou je ne sais quoi. »
« Oui, » acquiesça Sarah, rangeant une paire de jeans.
« Alors, si tu pouvais être la méchante d'un conte de fées, qui serais-tu ? » demanda Mara, chassant l'atmosphère sérieuse qui était tombée sur la pièce. « Moi, je pense que j'aimerais être la Reine des Neiges. »
La conversation repartit sur les contes de fées, et elle plaisantèrent gaiement à propos de combien de fées se trouvaient réellement, à leur avis, au baptême de la Belle au Bois Dormant, ou de savoir s'il était bien décent que Blanche Neige ait vécu sous le même toit que sept garçons. (« D'ailleurs, qui aurait idée de donner un nom pareil, Blanche Neige ? » Avait commenté Mara.) Quand Sarah alla se coucher, ce soir-là, elle ne put s'empêcher de penser qu'elle et Mara allaient être d'excellentes amies...
Cette nuit-là, cependant, ses songes furent hantés par des visages d'un très vieux rêve... des visages qu'elle croyait avoir oubliés...
