Deux jours après ce pénible entretien, Primula repris la route de Château-Brande, la tête farcie de pensées douloureuses et contradictoires. Elle avait cru que le fait de révéler la vérité à Bilbon l'aurait quelque peu soulagée, mais il n'en avait rien été. Au contraire, elle éprouvait à présent un immense sentiment de culpabilité vis à vis de son cousin. Le pauvre Bilbon l'aimait. il l'aimait passionnément. Et il désirait ardemment ce petit enfant qui grandissait en elle. Et il ne mentait pas lorsqu'il disait qu'il serait un bon père et un bon mari. Mais elle, que faisait-elle ? Après avoir joué avec ses sentiments, voilà qu'elle lui brisait à nouveau le cœur en lui prenant son enfant. Et en ôtant définitivement tous ses espoirs à Bilbon, elle s'était du même coup fermé une confortable porte de sortie. Car il s'agissait maintenant d'affronter Drogon et son courroux. Qu'allait-elle bien pouvoir dire à son mari ? Amarrante avait raison, rien n'excusait sa conduite ; absolument rien. Aucun mari ne saurait tolérer d'être ainsi bafoué, à plus forte raison par son propre cousin. Nul espoir en outre de trouver réconfort auprès de sa famille ; les Brandebouc ne pouvaient accepter une femme adultère parmi eux. Pour la première fois de sa vie, Primula se retrouvait complètement seule, sans espoir de secours d'aucune sorte. Peut-être Bilbon avait-il raison. Peut-être pourrait-elle cacher la vérité à Drogon. Son enfant ne serait certes pas le premier prématuré de son entourage et.....
Perdue qu'elle était dans ses pensées, Primula arriva sans s'en rendre compte aux abords de Château-Brande. Dans le jardin d'ordinaire désert en milieu d'après-midi, elle aperçut la silhouette d'un hobbit, occupé à cueillir ce qui devait vraisemblablement être des fleurs. Puis elle se rapprocha et réalisa alors que ledit hobbit se trouvait être....Drogon. a la vue de son époux, Primula éprouva un sentiment mêlé de joie intense et d'angoisse extrême. Drogon quant à lui posa précipitamment son bouquet sur un banc et courût à la rencontre de son épouse pour l'aider à descendre de poney.
« Primula, mon amour ! Comme je suis heureux de te retrouver ! Oh, si tu savais comme tu m'as manqué ! J'ai des tas de choses à t'apprendre ! Je suis sur que tu en seras très heureuse, tu vas voir ! »
« Drogon, mais....mais tu ne devais pas rentrer si tôt ! »
« Non, mon amour, non, mais ils n'avaient plus besoin de moi là-bas. Je me demande bien d'ailleurs pourquoi ils m'ont fait venir ! Toutes ces histoires de grandes gens me dépassent, c'est le cas de le dire ! Comme tu es belle ! »
L'enthousiasme de son mari et son retour prématuré firent germer dans l'esprit de Primula une idée aussi retorse que désespérée. Pourquoi ne pas profiter de ces retrouvailles pour jouer à Drogon le grand jeu et lui faire ainsi endosser la paternité de son enfant ? Tous ses problèmes seraient alors réglés ! Et ce qui allait suivre conforta Primula dans son plan :
« Et bien, qu'as-tu à m'apprendre ? »
« Galadriel....La belle-mère du seigneur Elrond... »
« Oui ? »
« Elle a su pour notre....problème. et elle m'a administré un traitement ! Ma chérie, je vais pouvoir te donner un enfant ! »
« Ah, fit Primula d'un air absent. »
« Ah ? C'est tout ce que tu trouves à dire ? Tu n'es pas heureuse ? »
« Oh, mais si, bien sur, rétorqua Primula en faisant de son mieux pour dissimuler le combat qui se livrait dans son esprit. Mais c'est si soudain ! »
« Oui, s'écria Drogon surexcité, moi aussi au début, je n'y croyais pas ! »
« Oh, je suis désolée......murmura son épouse. Si seulement j'avais su..... »
« De quoi parles-tu ? Demanda Drogon, perplexe. »
« Euh.....si j'avais su, je n'aurais....je n'aurais pas dit toutes ces horribles choses ! J'ai été odieuse avec toi ! »
« Mais je le méritais, mon amour, je le méritais ! Mais tu vois, tout s'arrange ! Nous sommes bénis des Valars ! Oui, bénis ! »
Emporté par son enthousiasme, Drogon ne remarqua même pas le rictus d'angoisse qui venait de se peindre sur les lèvres de son épouse.
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Prétextant la fatigue due à son voyage à Hobbitebourg, Primula s'éclipsa assez vite des réjouissances organisées en l'honneur du retour de son mari afin de méditer seule dans sa chambre sur la conduite à suivre. Sa grossesse n'était que peu avancée, et il serait facile, grâce à l'intervention providentielle des elfes, de cacher à jamais son inconduite. Drogon se réjouirait de devenir s vite papa et l'allégresse ferait ainsi place au désespoir. Mais a lors, elle ne connaîtrait plus jamais la paix de l'âme. si elle agissait de la sorte, à quoi rimerait alors le discours sur l'honnêteté qu'elle avait tenu deux jours auparavant à Bilbon ? Pourrait-elle supporter de voir son époux élever comme le fruit de sa chair l'enfant d'un autre ? Non, décidément pas. Elle allait tout avouer à Drogon. Et le soir-même. Il l'aimait plus que tout, il la pardonnerait sans doute.
Forte de sa résolution, Primula quitta ses appartements et retourna se joindre à la liesse générale, comme si de rien était. Mais au fur et à mesure que la soirée avançait, ses angoisses revenaient, plus fortes et plus dévorantes que jamais. Et l'appréhension atteint son paroxysme lorsque, chacun ayant regagné ses pénates, Primula se retrouva seule avec son mari.
« Drogon, j'ai quelque chose à te dire... »
« Oui, ma chérie, je t'écoute, répondit l'autre sur un ton badin. »
« J'ai très mal vécu ton absence....vraiment très mal et..... »
Sans laisser à Primula le loisir d'achever, Drogon bondit hors du fauteuil sur lequel il s'était installé pour fumer sa pipe et vint serrer son épouse dans ses bras.
« Oh, mon pauvre cœur ! Je t'ai tant manqué ?Comme tu es mignonne ! »
« Laisse-moi finir, Drogon. J'étais si mal que le soir de mon anniversaire, j'ai fais une bêtise, et... »
« Oui, je sais, tu avais un peu bu et tu as charmé Bilbon ! Ton père me l'a dit. Mais ce n'est pas grave, va ! Il s'en remettra ! »
« Mais Drogon, tu ne comprends donc pas ! »
« Mais non, que dois-je comprendre ? Répliqua le hobbit, soudain aussi troublé qu'un enfant qui a peur qu'on lui annonce une mauvaise note. »
« Tu ne devines pas ? »
« Non, qu'est ce que tu as fait ? Tu l'as embrassé pour t'amuser, c'est ça ? Bon, ce n'est pas bien grave, je te pardonne, tu étais un peu gaie et tu ne savais plus ce que tu faisais. J'espère seulement que le pauvre vieux n'est pas allé s'imaginer des choses ! Dit Drogon avec un rire forcé. »
Il avait prononcé ces dernières paroles plus pour se rassurer lui-même que par réelle conviction. Car, sans savoir pourquoi, il sentait à présent une hideuse peur lui étreindre le cœur et l'esprit.
« Drogon, je.....Oh, c'est si dur ! »
« Mais parle ! Parle donc ! Répliqua le hobbit, cette fois sans aucun enjouement ni aucune tendresse dans la voix. »
« Voilà, je n'étais pas dans mon état normal et.....et je t'en voulais de m'avoir laissée, juste au moment de mon anniversaire. Et Bilbon était là, il était gentil, prévenant....je voyais bien qu'il était très attiré par moi.... »
« Oui, ce n'est pas une nouveauté ! La coupa Drogon, comme pour éviter d'apprendre la suite. »
« Laisse-moi finir, je t'en prie, c'est suffisamment difficile comme ça.. Alors, je l'ai entraîné ici, je l'ai poussé jusqu'au bout de sa...de sa résistance et.....j'attend un enfant de Bilbon ! »
En quelques secondes, les derniers vestiges de joie qui perduraient sur le visage de Drogon s'évanouirent pour laisser place à une expression de profond désespoir. Le pauvre hobbit n'aurait pas été plus mal s'il avait vu s'écrouler sur sa tête la terre entière et tous les océans. Avec une lenteur de mort, il libéra Primula de son étreinte et vint s'affaler dans son fauteuil comme poussé par une force invisible. Ses yeux, brillants de vie et de bonheur quelques minutes auparavant n'étaient plus à présent que deux trous vides.
Longtemps, il resta ainsi, apathique, sans expression, presque sans vie. Puis au bout d'un moment qui sembla durer une éternité pour Primula, il se leva de son fauteuil, s'avança vers la porte, puis, sans se retourner, dit d'une voix atone :
« C'est bien, j'ai compris. »
« Drogon ! Drogon, attend ! »
« Non, il n'y a rien à ajouter, répliqua le hobbit sur le même ton lugubre. »
Puis il ouvrit la porte de la pièce et sortit, laissant Primula effondrée sur le plancher.
« Drogon ! »
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Voilà, c'est tout pour aujourd'hui ! Si vous voulez la suite, vous savez ce qu'il vous reste à faire !
