Les liens se tissent

Une feuille se détacha lentement d'un arbre enfin immobile. Le vent était tombé mais il avait violemment soufflé toute la nuit durant. Elle se posa avec grâce sur l'herbe fraîchement mouillée et tout juste illuminé par les premiers rayon du soleil.

Huit heures. Le réveil ne sonna pas en ce lundi matin. Le dortoir était silencieux. A peine pouvait –on entendre le murmure des respirations tranquilles. Héra était réveillée depuis déjà plus d'une heure, elle était prête depuis de longues minutes et avait déjà pris son petit déjeuné. Elle s'était installée tranquillement sur une chaise ses bras posés sur le dossier. Elle jubilait.

Comme un diable sortant de sa boîte, les deux jeunes filles de Serpentard ne firent qu'un bond hors de leur lit lorsque la première cloche de la matinée retentie. Héra se laissa aller à un rire bruyant en sortant de la pièce comme pour mieux assoire sa nouvelle position de chef tyran.

Doriane et Marie étaient deux jeunes filles qui avaient eu en sus du poids d'appartenir à la maison Serpentard l'immense joie de devenir, en partageant le dortoir avec la fille de Voldemort, ses victimes. Pourtant, rien ne les destiner vraiment l'une et l'autre à vivre un tel cauchemar.

Doriane était une jeune fille très douce. Elle n'avait jamais pensé devoir intégrer la maison de son abominable père. En effet ces parents avaient convenus d'un mariage de raison, plus que d'un mariage d'amour. La guerre ne faisait pas encore des ravages, c'était le début de la seconde phase et il valait mieux pour les sorciers du côté maléfique se camoufler dans une population plus convenable. Ainsi, le maître en avait décidé, il fallait que les Mangemorts trouvent une situation « stable » en attendant la révélation au monde de son retour.

Grégory Goyle n'avait jamais été qu'un garçon un peu limité dont la beauté n'avait même pas l'avantage d'être intérieur faute de ne l'être physique. Goyle était de ses gens dont les puissants se servent toute leur existence, de simples exécutant tout juste bon à donner leur pitoyable vie à la cause servie. Toutefois, contre toute attente, Goyle se révéla être un bon sorcier. Il faut bien sur recadrer la notion de bon sorcier, il démontrait des capacités étonnantes, compte tenu de médiocre son niveau scolaire à la sortie de Poudlard. C'était d'ailleurs grâce à cela que le maître lui avait octroyé le droit à enfanter une femme pour poursuivre la lignée de sa famille, son propre père étant lui-même Mangemort.

Enfanter une femme, c'était exactement ce qu'il avait fait. Son choix avait été limité, les meilleurs membres pouvant choisir un panel plus important de génitrices potentielles.

L'heureuse gagnante de ce jeu du sort avait été Marietta Edgecombe. La situation lui avait clairement été expliquée. Les « marieurs » étaient très compétents pour cela. Ils débarquaient chez la matrice, et tuaient devant ses yeux un membre de sa famille (parfois lorsqu'ils étaient d'humeur clémente, ils laissaient le choix de la victime à l'élue) et lançaient à volée le contrat : «Vous avez été choisi pour porter l'héritier d'un honorable soldat pour l'épuration de la race, un Mangemort, vous devez vous soumettre à ce destin et dans le cas contraire toute votre famille sera exécutée dans des circonstances terribles et inhumaines. Acceptez vous l'immense privilège ? ». La dernière phrase n'étant là que pour la forme. Marietta accepta dans un sanglot étouffer, après avoir vu mourir sa mère sous le sort de l'avada Kedavra et après que son petit frère lui soit enlevé en guise de caution du contrat.

C'était il y a treize ans et malgré les efforts que Marietta fit les deux premières année, elle n'arrivait pas à donner la vie à un hériter de Goyle. Les médecins étaient unanimes pour affirmer que cela n'était pas lié à un problème organique mais tout simplement à un blocage psychologique. Devoir donner naissance à l'enfant d'un monstre, cela avait de quoi bloquer n'importe qui. Cette pensée l'obsédée depuis des mois, lorsqu'elle était éveillée elle ne pouvait se concentrer sur autre chose et la nuit des bébés à la tête de son charmant partenaire lui crier dans les oreilles en crachant des jurons tous aussi vulgaires les uns que les autres. La malheureuse y passer, les derniers mois, matin, midi et soir, le maître assistant même parfois aux tentatives maladroites de son mangemort afin de comprendre pourquoi cela était si long.

Puis un jour elle su qu'elle était enceinte. Les cauchemars redoublèrent durant toute la grossesse. Elle était malade. Malade non pas comme une femme enceinte mais comme une créature donnant naissance à une monstruosité de la nature. Plusieurs fois elle avait tenté de mettre fin à ses jours, en vain. Elle savait que si elle mourrait, elle condamnait par la même occasion sa famille. Son frère en particulier. Qu'avait elle fait pour mériter un tel sort ? Sauver sa famille avait été son seul tort. Les neuf mois de gestation finirent enfin et un beau matin de juillet, la petite Doriane sortit telle une étoile de la matrice fatiguée. Sa beauté avait été la première chose qu'avait remarqué sa mère.

Elle avait grandit telle un champignon dans la pourriture. Son père, elle le haïssait. Tout en lui la répugnait. Elle qui était si belle, intelligente, brillante et éclatante, elle se demandait parfois comment sa mère pouvait être tombé sous le charme d'un homme pareil. Evidement, elle ne savait rien du « contrat ». Sa mère, elle en avait pitié. Ce n'était que l'ombre d'elle-même, et l'affection qu'elle portait à sa fille était certainement la seule chose qui l'empêchait de sombrer dans la folie.

Le fameux jour de la rentrée des classes avait été très attendu de Doriane. Elle n'avait fréquentait jusque là que les enfants des amis de son père. En d'autres termes des animaux. Elle était solitaire, plus par besoin que par choix et s'était donc entièrement consacré à ses études. Choses que son père ne comprenait évidement pas. Sa mère l'avait conduit seule au train, son père étant en mission ce jour là, et elle semblait plus soulager qu'à l'ordinaire. Comme si son fardeau arrivait à son terme, elle embrassa longuement sa fille et resta jusqu'au départ du train.

Le voyage fut des plus idyllique pour Doriane. Elle avait rencontré d'autres élèves de son âge et les discussions ne s'étaient interrompues que lorsque le choixpeau les sépara à tout jamais. Le choixpeau. Elle s'en souviendrait comme si c'était hier (bon d'accord c'était juste y a quatre jours). Elle aurait parié sur Serdaigle comme sa mère mais non, il décida de briser sa jeune vie en l'envoyant à Serpentard, maison de son père.

Elle s'était assise silencieusement sous les applaudissements de ses condisciples. Elle scrutait un visage amical et plongea ses pensées dans son verre de jus de citrouille. Seul le nom de Voldemort qui résonna dans la salle la tira de sa torpeur. Tous les visages étaient tournés vers la jeune fille brune qui s'avançait vers l'estrade. Son cœur commença à battre très vite, elle le craignait, elle ne le voulait pas et ses craintes se retrouvèrent matérialiser quand le choixpeau annonça : Serpentard. Elle baissa les yeux de nouveau et soupira. La dernière personne repartit dans sa maison arriva enfin, elle s'appelait Marie.

Marie était au contraire de Doriane une jeune fille volubile. Elle était née d'une union harmonieuse d'un commerçant spécialisé en artefacts maléfiques et une jeune sorcière étrangère. C'était une jeune fille au caractère bien trempé dont la seule crainte était de se retrouver seule. Elle n'avait pas grandi en Grande Bretagne comme la plupart des sorciers de Poudlard mais en Autriche. Elle avait l'avantage de parler deux langues et de connaître nombres de sortilèges spécifiques aux deux cultures. Son père avait insisté pour que sa fille suive l'enseignement de la meilleure école de sorcellerie et c'est ainsi que l'enfant à peine entrer dans la pré-adolescence quitta sa famille pour venir s'installer au château.

L'effet de la présence de la fille de Voldemort n'avait pas eu le même impact sur elle que sa nouvelle camarde de chambrée qui semblait bouleverser par la nouvelle. Elle avait certes entendue parler de Voldemort mais pour elle ce nom n'avait pas de réel signifiant, n'ayant pour sa part aucune victime à déplorer de la guerre.

En entrant dans ce dortoir froid et d'apparence inconfortable, elle avait regretté sa chambre. Elle déposa son sac et sortit son chat. Le félin apparemment ravi de pouvoir enfin sortir de sa prison d'osier avait tout de suite sauté sur le lit de la jeune fille. Elle avait tout de suite sympathisé avec Doriane, avant même de savoir que leur vie allait à ce point être proche, en parlant avec elle dans le train, même si elle ne savait pas encore ce que cette première impression lui réserverait comme surprise.

Elle suivit sa nouvelle amie qui s'élançait déjà à la poursuite d'un homme grand et noir aux cheveux gras vêtu d'une longue cape noire aux plis impeccables. Il ne se présenta pas mais Marie compris immédiatement que ce ne devait pas être le genre de personne amicale. Le regard de l'homme croisa celui d'un jeune garçon qui était visiblement contrarié et qui disparu aussitôt dans un couloir menant certainement à son dortoir. Marie suivait les événements de loin, ne prenant pas position dans un débat dont elle se sentait exclue mais se retourna quand tous les murmures se moururent dans la salle commune. Elle se retourna. Une fille se tenait devant la porte. Cette même fille qui avait crée ce trouble lors de la répartition plus tôt dans la soirée. Elle semblait heureuse et Marie se sentit soudain un mal aise l'envahir.

C'était comme si quelque chose de volontairement néfaste émanait et s'engouffrait dans chacun de membres présents dans la pièce. Le professeur quitta rapidement la salle et Marie chercha du regard Doriane, son seul point de repère dans ce milieu tout d'un coup devenu si hostile.

Les deux jeunes filles s'étaient rapidement installées dans leur dortoir, profitant de l'absence d'Héra ; et Doriane combla les vides historiques de la mémoire de Marie lui racontant la guerre, le rôle de Voldemort, les morts ... Marie était terrifié quand elle lui expliqua les génocides, les tortures et autres joyeuseté que Voldemort réservé à ses semblables. Elle décidèrent à ce moment là de leur amitié et jurèrent de se soutenir quoiqu'il arrive. Le reste de la soirée, elles la passèrent à parler de leur vie d'avant Poulard, Doriane complètement subjuguer par la vie extraordinaire de Marie, et la réserve, pourtant bien importante des deux Serpentard, en sucrerie de toute sortes pris un sacrée coup. La peur de l'ennemie faisant, elle rapprochèrent leur lit et Marie promis à Doriane de veiller sur son sommeil, promesse qu'elle ne pu plus tenir après dix minutes. Elles sombrèrent dans un repos bien méritoire l'une contre l'autre, comme deux sœurs qui venaient de se trouver dans l'obscurité du monde.

Cela faisait trois jours qu'elles étaient à Poudlard. Trois jours que Héra leur avait tracé un destin de victime. Dès le dimanche matin, elles avaient été coursées par un serpent des plus répugnant qui leur avaient craché son venin, brûlant la peau de la cheville de Doriane. L'après-midi, les deux filles l'avaient passé à l'infirmerie, inaugurant ainsi la salle de soin et se cachant des rires de leurs condisciples qui trouvaient la situation très amusante. La veille, les deux jeunes filles en revenant de la bibliothèque avaient retrouvés leur couchage re-décoré façon Mangemort avec des horribles tête de mort, un serpent sortant de la bouche édentée. Elle avait passé la moitié de la soirée à chercher quelqu'un qui pourrait leur arrangé cela, ne trouvant que tardivement un elf de maison qui les aida avec politesse et gentillesse.

Et ce matin, elles allaient être en retard à leur premier cours de botanique. Même si cela aurait pu considérer comme une plaisanterie, Marie voyait rouge en enfilant ses vêtements à la hâte. Elle maugréait contre Héra, et contre les réveils ensorcelés. Elle se regardèrent et jurèrent par un simple mouvement de la tête que leur vengeance viendrait bientôt et qu'elle serait à la mesure de la personne de la fille de Voldemort, cela en courrant le plus vite possible vers les serres.