Chapitre 5

A l'Aventure

Buck s'était envolé depuis un long moment déjà et ils étaient encore tous les cinq les yeux levés vers le ciel. Hermione faisait encore des signes de la main, tandis que Hagrid soupirait bruyamment.

- Tu sais, Hermione, glissa Ron, il y a longtemps qu'il ne te voit plus.

- Je sais, soupira Hermione à son tour, c'est juste que je viens de réaliser que nous ne le reverrons sans doute plus jamais !

Ron la regarda avec stupeur :

- J'espère qu'il pourra venir à Noël ! s'exclama-t-il avec angoisse.

- Je crois qu'Hermione parlait de Buck, fit Ginny en s'éclaircissant la gorge pour ne pas rire.

- Evidemment ! s'étonna Hermione.

Elle fixait Ron avec plus de stupéfaction que lui même n'en avait mis dans sa réponse. Le visage de Ron prit une couleur vert vif. Harry toussota. Il fallait sortir son ami de cette situation inconfortable.

- N'avais-tu pas dit que la couleur devait disparaître dans la soirée d'hier ? demanda-t-il à Ginny pour faire diversion.

La jeune fille haussa les épaules en signe d'impuissance. Avec les jumeaux il fallait s'attendre à tout ! Ron grogna. Hagrid lui tapota l'épaule, compatissant et maladroit.

- Bon, se décida le jeune Weasley en grimaçant, car le géant lui avait démonté le dos. Pas de Quidditch, pas de Buck, pas de Charlie pour raconter des histoires… qu'est-ce qu'on fait ?

Il se tourna avec espoir vers Hagrid et Harry songea qu'il devait sérieusement s'ennuyer pour songer à une quelconque activité avec le garde forestier de Poudlard.

- Désolé, Ron, dit Hagrid en secouant la tête. Je dois partir dans un moment. Dumbledore a dit que… hum hum… enfin, je dois partir.

Ron souffla, dépité.

- Et je suppose que vous ne pouvez rien nous dire, comme d'habitude.

- Heu… non … il faut vraiment que je parte, là…

Hagrid reculait déjà, comme s'il prenait la suite. Il fallait absolument qu'il s'éloigne de ces quatre-là s'il voulait tenir parole et ne rien laisser transpirer de la mission que lui avait confié le directeur.

- Vous saluerez Mme Maxime de notre part ! Lui cria Hermione alors qu'il se trouvait sur le pas de la porte.

Hagrid se retourna vivement et fit un geste de dépit avant de rentrer chez lui.

- Tu crois qu'il repart chez les Géants avec elle ? demanda Harry un peu inquiet.

- J'espère que non, grimaça Ron. Il voudrait ramener de la compagnie à Graup !

- Je ne pense pas, continua Hermione dans ses pensées. Il nous aurait demandé de nous occuper de Graup s'il partait pour longtemps.

- Il ne ferait jamais cela ! s'exclama Ginny. Il sait bien que la Forêt nous est plus que jamais interdite…

Hermione la regarda avec un air désolé :

- Oui, mais c'est de Hagrid dont nous parlons… et j'ai parfois l'impression qu'il ne fait pas souvent la différence entre le possible et le réalisable.

Ils reprirent lentement le chemin du château. Harry songeait à la note qu'il avait trouvée à son réveil sur sa table de chevet. Froide et sèche, elle venait de Rogue qui l'invitait à se rendre à son cachot dans le milieu de la matinée pour reprendre leur leçon interrompue. Vers le lac, ils s'arrêtèrent un instant pour saluer Firenze qui ne fut pas très bavard, perdu dans des pensées insondables. Il s'éloigna lentement, le bruit de ses sabots étouffé par l'herbe du bord du lac. Ron s'installa sous un arbre pour éplucher la Gazette du Sorcier à la recherche d'évènements qui auraient pu susciter l'intérêt. Il renonça vite car personne ne répondait à ses commentaires. Et quand Harry les quitta pour retrouver Rogue, Ginny s'en fut aussi, car elle avait un devoir à terminer et comptait profiter de la bibliothèque. Ron et Hermione restèrent un long moment seuls sans parler. Enfin, Ron se décida à ouvrir la bouche pour faire cesser ce silence qui le gênait.

- J'aurais cru que tu aurais accompagné Ginny, dit-il. Tu aurais pu lui apporter ton aide dans son devoir.

- Premièrement, Ginny n'a aucunement besoin de mon aide pour terminer ses devoirs, elle. Deuxièmement, cela montre bien que tu me connais moins bien que tu ne crois. Et troisièmement, que je suis bien moins prévisible que tu ne le penses.

Ron ne trouva rien à répondre. Ses taches de rousseur foncèrent un tout petit peu mais il se tut. Hermione se tourna soudain vers lui et lui dit :

- Je suis vraiment désolée, Ron.

- Pourquoi ? demanda celui-ci vaguement inquiet.

- Pour tout ce qui est arrivé, pour Percy, pour ça… ajouta-t-elle en montrant la peau vert pomme de son visage.

Ron recula imperceptiblement, comme pour éviter le contact de sa main sur sa joue.

- Tu n'es pour rien dans le fait que Percy est un imbécile, grogna-t-il. Ni dans celui que les jumeaux sont … ce qu'ils sont… et puis, tu m'avais averti…

- Oui, reconnut Hermione. Justement ! Je ne peux m'empêcher de penser que tu m'aurais peut-être écoutée si je n'étais pas aussi…

- autoritaire ? proposa Ron comme elle ne terminait pas sa phrase.

Hermione haussa une épaule.

- Despotique ? reprit Ron.

Elle secoua la tête avec une grimace.

- Tyrannique et intransigeante ?

- D'accord, ça va ! s'écria Hermione, un peu vexée.

Ron se mordit les lèvres. Il avait encore quelques adjectifs à lui soumettre mais il jugea bon de se taire. Elle lui jeta un regard en coin :

- Tu penses vraiment ce que tu viens de dire ?

- Par moment, oui ! admit Ron.

Hermione tordit sa bouche. Elle haussa plusieurs fois les épaules, comme si elle débattait en elle-même puis sembla accepter la critique. Elle se releva, imité aussitôt par Ron.

- Où vas-tu ? demanda-t-il. Je peux venir avec toi ? Je m'ennuie terriblement tout seul.

Hermione fut sur le point de lui dire qu'il avait décidemment encore bien moins de tact qu'un dé à coudre, mais elle n'était pas sûre qu'il sache ce qu'était un dé à coudre. Elle se contenta de lever les yeux au ciel.

- Une petite visite du château, ça te dit ?

Ron la regarda d'un air méfiant :

- Tu comptes aller dans des endroits interdits ?

- Les endroits intéressants sont forcément interdits, Ron, soupira-t-elle. Les jumeaux ne te l'ont-ils pas appris ?

- Mais… objecta Ron tout en la suivant, et si on tombait sur Rusard, ou pire, sur sa saleté de chat !

- L'absence de Rusard est pourtant remarquable, Ron !

Hermione parlait sur un ton bienveillant, pourtant Ron sentit dans ses propos une sorte de lassitude. Bien sûr qu'il avait remarqué que Rusard ne se promenait pas dans les couloirs de Poudlard. Bien sûr qu'il avait remarqué que Miss Teigne ne les collait pas au jarret dès qu'ils mettaient un pied hors de la salle de Gryffondor.

- Tu crois qu'il s'est fait renvoyé ? chuchota-t-il avec espoir.

- A cause de ce qui s'est passé avec Ombrage ? reprit Hermione. Cela m'étonnerait de Dumbledore.

- Ou alors il est parti de lui-même ! soupira le jeune Weasley sans y croire vraiment.

- Ou bien il est en villégiature au bord de la mer…

Ron la regarda avec des yeux ronds.

- Et alors ? dit Hermione. Même les concierges hargneux et intraitables ont droit à des vacances !

Ron soupira :

- Un instant j'ai cru que tu parlais sérieusement !

- Réfléchis un peu Ron ! trancha Hermione. Imagines-tu une seule seconde que Rusard pourrait quitter Poudlard de son plein gré ?

Ron dut admettre cette fois encore qu'elle avait raison. Lorsqu'ils arrivèrent dans le hall, elle lui demanda d'attendre un instant avant de monter à la tour de Gryffondor. Lorsqu'elle en revint quelques minutes plus tard, Ron vit qu'elle avait un petit sac à dos et un livre à la main.

- As-tu ta baguette ? demanda-t-elle avant qu'il pu ouvrir la bouche pour faire un quelconque commentaire.

Il hocha la tête. Il posa les yeux sur le livre. C'était l'Histoire de Poudlard, mais pas leur livre de cours. C'était celui de la bibliothèque.

- Heu… fit-il, incertain, tu es sûre que tu as le droit de l'emprunter celui-là ? Je croyais qu'il faisait partie des livres à consulter sur place.

- Oui, oui, répondit Hermione distraitement.

Elle cherchait manifestement du regard quelqu'un ou quelque chose qui n'était pas là. Ron sentit soudain une fourrure qui se frottait contre ses jambes en ronronnant. Il se retint de lancer un coup de pied à Pattenrond. Ce chat le détestait, il en était persuadé. Il le narguait sans cesse, toujours à traîner dans ses pieds. Il se renfrogna tandis que Pattenrond lui lançait l'un de ses regards jaunes qui l'horripilait.

- Ron ! l'appelait Hermione pour la deuxième ou troisième fois semblait-il. On y va ! Mais tu n'es pas obligé de venir, ajouta-t-elle en se rendant compte que son ton était un peu impératif.

- On vient ! On vient ! grommela Ron.

Ils suivirent Pattenrond dans le couloir. Ron se demandait ce que pouvait bien contenir le sac. Il aurait bien dit de la nourriture, s'il n'avait été conscient que les priorités d'Hermione n'étaient pas les mêmes que les siennes. Et d'ailleurs, cette idée de nourriture ne le réconfortait guère, car cela signifiait qu'elle avait prévu de ne pas assister au repas du midi. Il essaya de deviner quels livres elle pouvait bien trimballer ainsi, et surtout pour quel usage ?

Hermione marchait vite. Il semblait qu'elle avait hâte de quitter les territoires familiers pour entrer dans la terra incognita du château. Ron n'éprouvait point tant de hâte qu'elle. Ils descendaient vers les cachots, et le souvenir de leur rencontre avec le troll trottait encore dans sa tête. Ils dépassèrent le niveau des cachots où Rogue donnait ses cours de potions.

- Dépêche-toi, Ron, ne cessait de souffler Hermione. J'espère qu'il nous aura attendu !

Ron s'interrogeait sur l'identité de celui avec Hermione avait rendez-vous, lorsqu'il entendit un air connu : Tout vert ! Tout vert !

- Qu'est-ce que tu fais là Peeves ? demanda Hermione à l'esprit qui apparaissait au milieu du couloir.

- Qu'est-ce que toi tu fais là ? lui renvoya Peeves.

Il fit une grimace grossière à Ron en fredonnant : Tout vert ! Tout vert ! Weasley est encore tout vert !

- Quand le chat n'est pas là, les souris dansent ! reprit Peeves. Attendez donc que Miss Teigne et son Rusard apprennent que vous êtes descendus jusqu'ici ?

- Et qui ira lui dire ? railla Hermione, un peu agacée. Toi ?

- J'irai dire à tout le monde que vous êtes descendus aux cachots tous les deux tout seuls, chantonna Peeves.

- Peeves ! gronda Ron.

Peeves éclata de rire.

- Et puis c'est même pas la peine ! Qui croirait que vous êtes venus vous embrasser dans les coins tous les deux ?

- Peeves ! menaça Ron.

Peeves tourna autour de Ron, la bouche en cul de poule, émettant des bruits de baisers. Il s'approcha d'Hermione qui scrutait le couloir sombre. Il fit claquer un baiser à son oreille.

- Aaargh ! Peeves ! s'écria Hermione énervée.

- Beurk ! fit l'esprit frappeur avec une grimace dégoûtée.

- Weasley ! c'est pour ça que tu es tout vert ! Tu as embrassé Miss Je-Sais-Tout Granger ! C'est écoeurant ! Beurk ! Beurk ! Beurk ! Finalement je ne dirais à personne que vous êtes venus tous les deux en amoureux dans les cachots ! C'est trop écoeurant. Beurk !

Il s'envola dans un éclat de rire grotesque et s'évanouit brusquement.

- Quelle saleté ! grogna Ron qui était heureux de l'obscurité relative des couloirs.

Ainsi Hermione ne pouvait voir combien, il était rouge de confusion. Enfin, vert, pour dire vrai. Mais Hermione n'aurait rien remarqué de toute façon. Elle jetait des coups d'œil affairés dans les trois directions qui s'offraient à eux. Elle paraissait hésiter et consultait son livre de l'Histoire de Poudlard. Dans un bruissement lumineux – Ron retint un cri – Dobby apparut.

- Hermione Granger est en retard, dit l'elfe de maison.

- Tu n'es pas en avance non plus, Dobby, dit Hermione.

Elle parlait sur un ton qui sembla vaguement familier à Ron.

- C'est parce que Winky ne voulait pas que Dobby vienne, Hermione Granger, expliqua Dobby d'un air contrit. Winky croit que Hermione Granger est folle et qu'elle devrait laisser Dobby tranquille…

- Elle n'est pas la seule à le penser, Dobby, ajouta Ron. Et je me demande dans quelle folie Hermione Granger est en train de nous entraîner cette fois encore.

- Tu n'es pas obligé de venir, Ron, rappela Hermione.

Elle lui montra les couloirs d'où ils venaient et Ron haussa les épaules.

- Tu pourrais au moins me dire où tu m'emmènes ! grommela-t-il.

- Je ne sais pas encore, répondit Hermione. Je cherche quelque chose et si je te dis quoi, tu ne voudras plus venir avec moi. Mais je n'ai pas envie d'y aller toute seule…

Ron respira plus vite.

- Il fallait demander à Ginny…

- Je n'ai pas envie d'y aller avec Ginny…

- Tu sais, je ne sais pas si je suis la personne adéquate pour se genre d'aventure…

Il jeta un œil par-dessus la tête d'Hermione vers l'obscurité profonde des couloirs…

- Il fait vraiment très noir par là-bas et il y a de drôles de bruits aussi…

- Ron ! Tu vis avec une goule qui hurle à la mort toutes les nuits !

- Je sais ! acquiesça Ron.

- Tu déjeunes avec des fantômes depuis bientôt cinq ans !

- Mais ce sont des fantômes fort bien éduqués !

- Tu as affronté des araignées géantes !

- J'ai jamais dit que j'avais apprécié !

- Tu as combattu de féroces Mangemorts !

- T'as vu le résultat !

- Bien, fit Hermione découragée. Tu restes là, si c'est ce que tu veux. J'irai seule, avec Dobby.

- Dobby montrera le chemin à Hermione Granger, l'interrompit Dobby. Ensuite il repartira retrouver Winky…

Ron sentit dans la voix de l'elfe une terreur qui le fit frissonner. Il savait pourtant que rien ne ferait changer Hermione d'avis.

- D'accord, finit-il par accepter. Mais tu me jures que s'il y a le moindre danger, on rebrousse chemin immédiatement.

- Rassure-toi, je tiens à la vie !

Le ton ironique de la jeune fille n'échappa guère à Ron. Il décida de l'ignorer. Il tendit sa baguette et dit "Lumos". Les ombres s'allongèrent dans le couloir que leur désignait Dobby. Ron était certain qu'il était en train de faire une bêtise, mais il suivit Hermione d'un pas qu'il imaginait ferme.

Hermione avait ouvert le livre de l'Histoire de Poudlard et le tenait dans ses bras tandis que Ron les deux baguettes à la main faisait de la lumière au-dessus des pages qu'elle tournait. Il essayait de lire par-dessus son épaule et ce qu'il voyait l'affolait un peu. Il n'avait aucun souvenir de ce qu'il lisait. Il était pourtant certain d'avoir feuilleté son livre de cours au moins pour son examen. Il suivait des yeux le doigt d'Hermione qui parcourait les lignes sans comprendre ce qu'elle cherchait.

- Rapproche la lumière ! pria-t-elle encore une fois.

Ron augmenta l'intensité de la lueur au bout des baguettes. Hermione souffla, un peu agacée. Elle saisit son poignet et le ramena au-dessus exactement des lignes noires.

- Là ! dit-elle. C'est pourtant pas bien compliqué !

Ron ne bougea pas. Il ne répondit pas non plus. Il avait cessé de respirer. Son bras entourait à présent les épaules d'Hermione et elle ne semblait pas s'en apercevoir. Les cheveux bruns de la jeune fille chatouillaient sa joue. Ils avaient une drôle d'odeur, pas désagréable en fait. Ils sentaient la pomme, ou quelque chose comme ça. En tout cas, quelque chose qui se mangeait.

- Ron ?

Il reprit son souffle pour répondre :

- Quoi ?

- Tu m'écoutes ? Alors qu'est-ce que tu en penses ?

Il jeta un regard désespéré sur le plan qu'elle lui montrait. Il pâlit sous son masque vert.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? Où as-tu trouvé ce plan ? Et qu'est-ce que c'est que ce livre ? Je n'ai rien vu de pareil dans…

Hermione fit claquer sa langue contre son palais, en un petit bruit qu'il avait appris à connaître. Elle avait levé la tête de son livre et sa joue à présent effleurait celle du jeune Weasley.

- Je comprends à présent pourquoi toi et Harry n'en faites qu'à votre tête ! Vous n'écoutez jamais ce que je dis ! Je viens de te dire que c'était l'édition originale de l'histoire de Poudlard ! La nôtre est quelque peu…édulcorée ! En tout cas tout ce qui concerne les sous-sols est absent de notre version.

Il y eut un silence à peine troublé par les grattements de Pattenrond.

- Tu as volé un livre dans la réserve interdite ! s'écria Ron, à la fois scandalisé et admiratif.

- Non ! se récria Hermione. Je l'ai seulement emprunté. Je le remettrais à sa place quand nous reviendrons.

- Ho ! fit Ron. Dans ce cas…

Il essaya de s'intéresser à l'enchevêtrement de couloirs et de lignes que son amie lui montrait.

- Qu'est-ce que c'est que ces trois petits points là ? demanda-t-il en désignant du menton trois petites taches presque immobiles.

- Je crois que c'est nous, répondit Hermione.

- Comme pour la carte du Maraudeur de Harry ?

Hermione approuva de la tête et ses cheveux titillèrent à nouveau le nez de Ron.

- Sauf qu'il n'y a aucun nom… ajouta-t-elle.

- C'est dommage, dit Ron en tortillant son nez qui le démangeait. On pourrait savoir qui sont ces points-là…

Plus loin, des points noirs bougeaient, se croisaient et se mêlaient. Ron serra les baguettes dans ses poings pour qu'Hermione ne les vît pas trembler.

- Je dirais ce que sont ces points-là … corrigea la jeune fille sur un ton moins léger que celui qu'elle employait habituellement. Mais ce qui m'intéresse vraiment c'est ce gros point là !

Elle tourna la page, et sur la suivante, le plan dessinait une grande salle au milieu de laquelle une tache sombre trônait. Elle était immobile et les couloirs qui menaient à la salle scintillaient à la lueur des baguettes comme s'ils avaient été tracés avec des paillettes. Ron ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit. Il se pencha par-dessus l'épaule d'Hermione jusqu'à ce que son menton s'appuyât sur elle. Il comprenait à présent pourquoi ce livre était enfermé dans la réserve interdite.

- Comment… comment…. Balbutia-t-il. Comment se fait-il que ce livre soit tombé entre tes mains ?

- Je vous avais dit que je trouvais celui qu'on nous donne à étudier un peu léger, répondit Hermione. J'ai cherché à en savoir plus.

- Tu ne peux pas t'en empêcher ? Hermione, on va avoir des problèmes, je le sens !

- Non, ce que tu sens c'est une odeur de moisi, répliqua Hermione. Et je crois que les odeurs ce ne sera pas le pire qu'on va rencontrer.

Ron sentit qu'elle frissonnait. Curieusement, l'idée qu'elle avait peur le réconforta lui-même. Pattenrond passa entre leurs jambes. Il poussa un miaulement plaintif.

- Tout va bien, Pattenrond, dit Hermione doucement. Si tu veux rester là, tu n'auras qu'à nous attendre.

Ron retint un rire nerveux tandis que Pattenrond miaulait de plus belle.

- Tu vas finir par ressembler à la vieille Figgy, à force de parler à ton chat, dit-il.

- Au moins, il m'écoute, lui !

Hermione dégagea le bras de Ron sur son épaule. Elle referma le livre et reprit sa baguette. Pattenrond s'assit au milieu du couloir. Au grand soulagement de Ron, ils prirent la direction opposée aux points qui bougeaient sur la page du livre.

Il faisait sombre, malgré la lueur au bout des baguettes. Des choses rampaient dans l'ombre. Cela les frôlaient parfois. Ron était sûr qu'il s'agissait de toiles d'araignées. Il s'agrippait à sa baguette comme si elle était sa planche de salut. Hermione marchait devant lui. Il lui semblait sentir encore l'odeur de ses cheveux. Cette douce odeur de pomme ou de fruit d'automne. Il se demanda quelle heure il pouvait bien être. Son estomac avait sonné midi depuis un long moment déjà, mais il n'avait osé arrêter Hermione dans son projet. Elle n'avait pas voulu lui dire qu'elle était cette énorme chose immobile qu'elle tenait à tout prix à trouver. Qu'avait-elle encore en tête ? Elle était butée et intransigeante, mais si intelligente. Il se sentait si stupide à côté d'elle. A quoi bon chercher une solution, puisque Hermione allait trouver en deux coups de cuillère à pot ? Il ne lui venait pas à l'idée qu'Hermione pourrait ne pas toujours être là. Un bruit étrange leur parvint de la gauche et un courant d'air chargé d'odeurs mouillées de terre froide les fit frissonner. Hermione tourna à droite, résolument. Ron allongea le pas pour la rattraper.

- On va marcher encore longtemps comme ça ? grogna-t-il.

- Chut ! fit Hermione.

Elle s'arrêta. La lumière de leurs baguettes faiblit. Il vit se dessiner sur ses lèvres un sourire de victoire.

- On approche, dit-elle à voix basse.

- C'est bien, répondit Ron sans conviction.

Ils reprirent leur chemin, à pas feutrés. La lueur magique au bout de leurs baguettes s'atténuait peu à peu, pour revenir plus violente soudain, et diminuer à nouveau, lentement.

- C'est bien ça, murmurait Hermione pour elle-même.

Ron sentait dans ses doigts sa baguette qui vibrait par moment.

- Beaucoup de magie, entendit-il Hermione chuchoter.

- Trop ! ajouta-t-il sur le même ton.

- C'est bon signe !

Il n'osa la contredire. Soudain, la lumière s'éteignit bien que leur baguette fût toujours allumée. Ils ressentaient la puissance de la magie à travers leurs mains. Leurs baguettes luisaient d'un éclat chaud, presque vivant. Elles ne donnaient pas de lumière à proprement parler, elles irradiaient. Des étincelles de couleurs s'échappaient d'elles sans qu'ils aient lancé un seul sort.

- Je ne crois pas que nous devrions aller plus loin, Herm…

Elle ne le laissa pas continuer.

- Là ! s'écria-t-elle en tendant sa baguette dans le noir. Il est là ! Tu ne le sens donc pas ?

Ron percevait en effet un bruit sourd, comme une respiration lente. Il sentait la magie à plein nez. Une magie très puissante et très ancienne. Elle parvenait jusqu'à son cœur et sa raison lui disait de prendre ses jambes à son cou et de repartir dans l'autre sens. Il se rendit compte qu'il haletait. Il se retint au mur pour reprendre son souffle. Il était froid et suintant. Il voulut appeler Hermione. Elle avançait toujours, et l'ombre l'avalait. Il luttait pour ne pas tomber au sol. Le silence l'entourait. Il aurait donné n'importe quoi pour entendre l'un des miaulements geignards de Pattenrond. La baguette d'Hermione brillait dans le noir, point d'or au milieu de nulle part.

- Hermione ! Non ! cria Ron.

Il y avait là-bas un sortilège qui dépassait toutes les compétences de la jeune fille. Il dépassait leurs compétences réunies.

- Ron, appela Hermione. Je l'ai trouvé ! J'en suis sûre ! Viens !

- Non ! cria à nouveau Ron. Le sortilège !

Comment ne le voyait-elle pas ? Comment ne le sentait-elle pas qui s'insinuait en eux ? Etait-elle à ce point entêtée ou l'ivresse de la réussite la rendait-elle aveugle et stupide ? La baguette d'Hermione se mit à crépiter. Elle poussa un cri.

- Lâche-là ! hurla Ron.

Il se précipita. Il y eut une explosion de couleurs au bout de la baguette d'Hermione. Une voix dans la tête de Ron hurlait qu'elle s'était trop approchée. Il ne s'apercevait pas que c'était lui qui hurlait. Il vit Hermione, la main crispée sur sa baguette, projetée en arrière. Il l'entendit appeler à nouveau et il lui sembla que c'était son nom qu'elle criait. Il brandit sa baguette au dessus de sa tête et quelqu'un rugit "Protego". Puis ce fut la nuit.

- Qu'avez-vous fait ? demanda Rogue, furieux.

- Rien, bredouilla Harry, bouleversé.

Il avait senti comme un tremblement de terre, pourtant le sol n'avait pas bougé. Il luttait contre l'esprit de Rogue et il avait cru que c'était lui qui avait jeté ce trouble dans son cœur. Sa main s'était serrée sur sa baguette et il s'était arraché à l'emprise de Rogue.

- Vous avez senti aussi ? demanda-t-il au professeur.

- Je vous ai dit de m'appeler "Monsieur", Potter…

Le ton du professeur Rogue n'était pas celui qu'il aurait dû être. Il regardait partout autour de lui, une expression inquiète sur son visage fermé.

- Que s'est-il passé … monsieur ?

Rogue le scrutait à présent avec surprise et stupeur. Il baissa les yeux vers la baguette de Harry et sur sa main parsemée de brûlures. Harry suivit son regard et posa les yeux sur la main de Rogue. Lui aussi était brûlé. Il sentit à ce moment là les piqûres sur sa peau.

- Allez voir Mrs Pomfresh, Potter.

Et comme Harry restait figé, il cria :

- Immédiatement !

Harry reprit ses esprits. Il obéit. Devant la porte il croisa Remus Lupin, qui accourait, le visage soucieux. Lui et Rogue échangèrent un regard.

- Il faut prévenir Dumbledore ! dit Lupin d'une voix blanche.

Rogue hocha la tête sobrement.

Harry sentait la douleur sur le dos de sa main s'insinuer jusqu'à son esprit. Il courut jusqu'à l'infirmerie où Mrs Pomfresh avait l'air troublé. Elle ne posa pas de questions, se contentant de soigner Harry en soupirant.

- Je suppose qu'Albus va être prévenu, dit-elle simplement à Harry quand il s'apprêta à quitter l'infirmerie.

Il hocha la tête, comme l'avait fait Rogue. Il sortit sur un soupir de Mrs Pomfresh. Encore abasourdi, il se dirigea vers la bibliothèque où il pensait trouver Ginny et Hermione. La jeune Weasley était assise devant une montagne de livres et ne semblait pas s'être aperçue de quoi que ce soit. Harry s'assit à côté d'elle.

- Qu'est-ce que c'était ? demanda-t-elle sans lever le nez de ses bouquins.

- Quoi ?

- Ce silence soudain ?

Harry ne répondit pas.

- Peux-tu me dire pourquoi ma baguette s'est mise à faire des étincelles toute seule ?

Au bout d'un long moment, Harry répondit : Non.

Ginny leva une épaule.

- J'espère qu'Hermione n'est pour rien là dedans, dit-elle.

Harry l'interrogea du regard.

- Elle a pris un livre dans la réserve, là-bas.

Elle désignait la réserve interdite.

- Lequel ? demanda Harry avec angoisse.

Ginny leva à nouveau les épaules.

- Sais pas.

Elle replongea le nez dans ses livres.

- Tu as vu Ron à midi ? demanda encore Harry.

- Je ne suis pas descendue, répondit Ginny. Et toi ?

Harry secoua la tête :

- Moi non plus…

Elle leva la tête et Harry tourna la sienne vers elle.

- Ho ho ! fit Ginny.