Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.


Chapitre 6

Dans la Forêt Interdite

- Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Harry. Si on les prévient, Ron et Hermione vont avoir des ennuis…

- Je crois qu'ils ont déjà des ennuis, murmura Ginny.

Elle ferma ses livres d'un geste sec et se leva d'un bond. Harry l'imita et ils galopèrent dans les couloirs vers le bureau de Rogue.

- ON NE COURT PAS DANS LES COULOIRS DE L'ECOLE !!!!!

- PCHCHCHCHCHCH !!!!!

- HAAAHHHH !!!

- PCHCHCHCHCHCHCH !!!!!

- PATTENROND ! NOOOON !

Harry venait de buter contre Miss Teigne qui avait enfoncé ses griffes dans ses mollets. Surgi de nulle part, Pattenrond s'était jeté sur la vieille chatte. Ginny avait renoncé à séparer les deux animaux. Rusard écumait de rage à l'autre bout du couloir, une petite valise à la main.

- VOUS N'AVEZ PAS LE DROIT D'ETRE LA ! VOUS N'AVEZ PAS LE DROIT D'ETRE LA ! CA NE VOUS SUFFIT PAS DE METTRE LE CHATEAU SENS DESSUS DESSOUS PENDANT L'ANNEE SCOLAIRE ! IL FAUT QUE VOUS VENIEZ SEMER LA PANIQUE PENDANT LES VACANCES ! JE VEUX VOIR DUMBLEDORE ! IMMEDIATEMENT !

- Monsieur Rusard ! essayait de l'interrompre Ginny désespérément.

- ET ARRETEZ DONC CE CHAT !

Pattenrond, arc-bouté devant Harry, le dos hérissé, défiait Miss Teigne qui crachait sa rage. Ginny et Harry jetèrent un œil dubitatif sur les deux chats face à face.

- Autant essayer de voler son œuf à une dragonne, comme dirait Charlie, chuchota la jeune fille.

Harry songea qu'il avait déjà réussi cet exploit. Il baissa les yeux sur le chat orange.

- Pattenrond, dit-il en essayant de se souvenir du ton qu'employait Hermione avec lui, ça ira maintenant.

Le chat émit un grondement dubitatif, sembla-t-il à Harry.

- Je t'assure que tout va bien, répéta-t-il en se trouvant un peu stupide.

Pattenrond se détendit et s'assit à ses pieds. Il gardait un œil sur Miss Teigne qui s'en fut en piaillant au devant de son maître. Lorsque Rusard fut près de lui, il brandit l'index sous le nez de Harry.

- Je veux savoir pourquoi vous êtes encore dans cette école, Potter !

Il laissa tomber son œil torve sur Ginny et Pattenrond.

- Ainsi que votre suite favorite de Weasley et Granger ! Ha professeur Rogue ! s'exclama-t-il avec triomphe.

Harry et Ginny se tournèrent. Rogue en effet s'avançait à pas rapides, une expression ennuyée sur le visage, suivi de Lupin.

- Qu'y a-t-il, Rusard ? demanda Rogue avec contrariété.

Rusard désigna Harry :

- Ces deux-là, Professeur, ils manigancent quelque chose.

Rogue renifla.

- Potter manigance toujours quelque chose, Rusard, dit-il.

D'un signe discret de la tête, il ordonna à Harry et Ginny de quitter le couloir. Lupin les accompagna, tandis que Rogue essayait de se débarrasser de Rusard et de ses doléances.

- Nous étions en train d'essayer de calmer Sybille Trelawney, expliqua Remus, lorsque nous avons entendu des cris dans le couloir.

- Oh ! fit Harry. Elle n'a rien pu vous dire sur ce qui s'était passé ?

Remus lui lança un regard amusé.

- Harry ! dit-il d'un air de reproche.

Il reprit : Elle a prédit la fin du monde…

Ginny retint un rire. Lupin soupira :

- Ne riez pas, jeune fille. Si cela se reproduisait…

Il les fit entrer dans le bureau de Rogue.

- Albus ne va pas tarder, dit-il rapidement. Maintenant, dites-moi où est Hermione ?

Ginny et Harry échangèrent un regard entendu.

- On ne sait pas, répondit Ginny. Mais elle a pris un livre dans la réserve interdite.

- Il fallait s'y attendre ! gronda Lupin. J'avais dit à Albus que laisser le champ libre à cette petite c'était s'attirer de gros ennuis…

- Je suppose qu'il en a ri, répondit Harry.

- Non, il a souri, corrigea Lupin. C'est bien pire. Quel était le livre ?

Ginny haussa les épaules.

- On n'a pas le temps de chercher, réfléchit Lupin. Sur quoi travaillait-elle ?

- Elle ne travaillait pas, répliqua Harry.

- Granger a toujours quelque chose en tête, Potter.

Ils se tournèrent tous vers Rogue qui arrivait.

- La seule chose qu'elle avait en tête hier, répondit Harry sans réfléchir, c'était Buck.

- Non, c'était les dragons, rétorqua Ginny. Elle n'a pas arrêté de poser des questions à Charlie.

Rogue et Lupin échangèrent un regard atterré.

- Stupide petite …. Grinça Rogue.

Harry sentit monter la colère en lui.

- Stupide petite quoi ? demanda-t-il avec un soupçon de menace.

- Stupide petite idiote, compléta Rogue avec rage.

- Pas si idiote que cela, Severus, dit calmement Lupin. Elle a quand même réussi à sortir un livre interdit de sa réserve et de la bibliothèque…

- Cette fois, elle est allée trop loin, Lupin ! Reconnaissez-le ! Dumbledore devra sévir, cette fois.

Lupin hocha la tête tristement.

- Il se pourrait qu'elle soit déjà punie, Severus…

Il se reprit vivement.

- Bien, dit-il en sortant sa baguette. Il faut la chercher. Pattenrond nous conduira jusqu'à elle.

- Mon frère est avec elle, murmura d'une toute petite voix Ginny.

Rogue leva les bras au ciel :

- Alors nous courons droit à la catastrophe !

Harry ne releva pas la remarque. Il se demandait pourquoi Lupin voulait emmener Pattenrond. C'était un chat, pas un chien. Même si Sirius avait dit qu'il n'était pas un chat comme les autres.

Il faisait nuit. Il faisait froid. Ron sentait derrière son crâne une douleur fulgurante chaque fois qu'il bougeait la tête. Et cette odeur suffocante de pourriture et de pomme verte… Ron tenta de se redresser vivement. La douleur à la base de son crâne le dissuada de recommencer. Tout ce qu'il avait réussi à faire c'était de s'emplir la bouche des cheveux d'Hermione. Il crachota, tira dans la tignasse emmêlée de la jeune fille, lui arracha quelques cheveux… Elle ne bougeait pas. Elle l'écrasait de tout son poids. Il tâtonna sur le sol, à la recherche de sa baguette, ou de celle d'Hermione. Il ne trouva rien d'autre que la poussière sous ses doigts. Il souffla : accio baguette ! Rien ne vint. Une vague de panique le submergea. Hermione était évanouie, ou morte peut-être. Il manqua d'air. Il hurla pourtant :

- Hermione !

De toutes ses forces il repoussa son corps sur le côté et il respira mieux. Il entendit une baguette qui tombait sur le sol dans un bruit étouffé. Il lança sa main et ses doigts se refermèrent sur le bois fin. Ce n'était pas la sienne, mais cela irait. Il prononça la formule mais la baguette n'obéit pas. Il tremblait et sa voix refusait de sortir de lui. Que ferait Hermione dans un cas comme celui-ci ? Elle commencerait par se calmer et prononcer distinctement la bonne formule.

- Lu-mos !

La baguette crépita. Il eut le temps de juger de la situation avant d'éteindre la lumière. Il venait de se souvenir de ce qui était arrivé. Il avait repéré sa propre baguette à quelques pas. Il la saisit et la rangea dans sa poche avec celle d'Hermione. D'abord, s'éloigner de cet endroit. Il prit le petit sac, le livre de l'Histoire de Poudlard sous son bras, saisit Hermione par les épaules et la traîna le long du couloir en marche arrière. Lorsqu'il se crut assez éloigné, il ressortit sa baguette et fit de la lumière. Il se pencha au-dessus d'Hermione. Son visage était sale, et ses yeux fermés. Elle respirait calmement pourtant. Il essaya de la réveiller en la secouant. Il lui donna une claque sur la joue. Elle ne revint pas de son évanouissement.

- Hermione ! Hermione ! murmurait-il avec anxiété. Réveille-toi !

Il serrait ses mains dans la sienne. Elles étaient glacées. Il mit la main sur son front, il était froid. Ron fut secoué d'un frisson de terreur. Le sortilège ! Le sortilège l'avait frappée ! Il comprit l'inutilité de ses efforts. Il se laissa retomber contre le mur, les yeux pleins de larmes, et la bosse derrière sa tête lui rendit le sens des réalités. Il ne savait plus quel chemin ils avaient pris pour venir. Il n'avait fait que suivre Hermione. Il chercha dans les pages le plan qu'ils avaient étudié ensemble. Ils se ressemblaient tous. Des tas de points bougeaient partout, aux confins de la feuille. Sauf deux, immobiles, éloignés de toute vie. Ils étaient là. Mais où était Pattenrond ? Il se traita d'idiot : comment pouvait-il croire que ce stupide chat attendait patiemment le retour de sa stupide maîtresse au bout d'un couloir ?

Il se releva. Il essaya de faire rentrer le livre dans le sac et y parvint d'un coup de poing rageur. Il chargea Hermione sur son épaule et leva la baguette devant lui. Les couloirs succédaient aux couloirs, l'ombre à l'obscurité. Il tourna à gauche, parce que Hermione avait tourné à droite à l'aller, mais il n'était pas sûr de l'endroit où il devait tourner. Il commença à sentir dans ses membres les douleurs du choc contre le mur et le sol. Hermione était lourde. Il s'arrêta pour se reposer un peu et réfléchir. Il sentait le vide autour de lui. Une sensation toute différente de celle qu'il avait ressentie à l'aller. Plus rien ne passait près d'eux, plus rien ne les frôlait plus. Il se remit en route. La lumière s'intensifiait tandis qu'ils s'éloignaient de l'endroit où… Ron en frissonnait encore. Mais qu'est-ce qu'elle pouvait bien chercher là-bas ?! Le silence soudain ne fut plus vide. Les bruits qui parvenaient à nouveau jusqu'à Ron ne lui disaient rien qui vaille. Il se rendit compte qu'il courait presque. Le problème était qu'il ne savait pas vers où il courait.

Ron sut qu'il était perdu à cause de l'odeur. Cela sentait l'odeur des mottes de terres que les gnomes lançaient dans le jardin du Terrier. Il n'avait pas senti cette odeur-là lorsqu'il marchait derrière Hermione. Il avait dû se tromper en comptant les couloirs. Une vague de désespoir l'envahit. Il allait mourir dans le noir – lui qui avait horreur du noir. Hermione allait mourir aussi vaincue par un sortilège – elle qui savait tous les sorts et les contresorts. Il eut une pensée pour sa mère, et il l'imagina à Ste Mangouste, en train d'échanger des papiers de bonbons avec Alice Londubat. Peut-être même que Gilderoy Lockhart lui dédicacerait une photo de lui au sourire stupide.

- Non ! s'exclama-t-il.

Sa voix résonna dans le couloir vide. Pourquoi cette odeur de terre retournée ? Il n'eut pas le temps de songer à une réponse. Le sol se déroba sous ses pieds. A la lueur de la baguette, il vit le plancher du couloir former une pente assez raide. Il ne put se retenir, emporté par le poids d'Hermione. Ils tombèrent en avant, et il vit avec horreur la pente s'accentuer. L'humidité des murs coulait sur le sol et ils glissèrent dans un amalgame peu ragoûtant. Puis le sol disparut : plusieurs mètres plus bas, des buissons d'épineux formaient un tapis peu accueillant. Vite !

- Wingardium Leviosa !

Hermione se mit à flotter. Il s'accrocha au pan de sa robe. Un craquement annonça sa chute imminente. Quel était donc ce sort dont s'était servie Ginny un jour pour… trop tard ! Il avait heureusement évité les épineux, et il n'était pas tombé de trop haut. Sa cheville lui faisait atrocement mal mais elle ne paraissait pas cassée. Il se releva comme il put, maugréant, pestant, crachant toute sa colère, contre Hermione, contre lui-même qui n'avait aucune autorité sur elle ni sur personne.

Il fit descendre Hermione et la reçut en pleine poitrine. Il maîtrisait mal les sorts d'attraction. Il se jura de les travailler d'arrache-pied, si jamais il sortait de cette aventure. Il coucha la jeune fille sur le sol humide et sortit son mouchoir de sa poche. Il essuya le visage d'Hermione. Elle était encore plus pâle qu'à l'intérieur. Elle était encore plus froide. Sa poitrine se soulevait régulièrement, mais rien ne trahissait la conscience du sommeil serein. Ron leva les yeux vers le ciel. La lumière entre les arbres lui disait qu'il devait être la moitié de l'après-midi. Il ne savait combien de temps ils avaient marché dans les couloirs sombres. Il ne savait combien de temps il était resté évanoui sous le choc. La fin de l'après-midi, oui, sans doute. Mais où ? En fait, il se doutait où. Non, il savait : il savait qu'il était dans la Forêt Interdite. Une onde de terreur le saisit lorsqu'il formula tout haut cette affirmation. Des souvenirs monstrueux lui revinrent à la mémoire, d'araignées géantes et de licornes mortes, et de centaures en furie. Sans compter, Graup, qu'il n'avait jamais vu et qu'il ne tenait pas à rencontrer. Par contre, où dans la Forêt, il l'ignorait. Etait-il près de la cabane d'Hagrid, il en doutait. Etait-il proche de l'antre d'Aragog, il aurait parié là-dessus plus sûrement que sur ses chances de devenir capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor. S'il y avait eu les étoiles, il aurait pu se diriger un peu. Il avait eu une excellente note à l'épreuve d'astronomie, grâce à Hermione. Mais il faisait encore jour, et les étoiles ne se lèveraient pas avant plusieurs heures. Quant à l'idée de se retrouver une fois encore la nuit dans cette forêt… Il frissonna violemment.

- Hermione ! Hermione ! Hermione ! Pourquoi n'es-tu jamais là quand on a besoin de toi ! murmurait-il avec rage.

Il essuyait son visage avec son mouchoir sale et les traces sur son front ne s'effaçaient pas. Il se rappela leur première rencontre. Elle lui avait fait remarquer qu'il avait du noir sur son nez. C'était très désagréable de se souvenir de ce genre de choses, dans ce genre d'endroit, dans cette situation stupide et désespérée. Il avait envie de pleurer, parce qu'il avait mal, parce qu'il se sentait inutile, parce que tout allait de travers. Il se dit qu'il pourrait s'asseoir à côté d'Hermione et attendre qu'on vienne les chercher, à condition qu'on sache qu'ils étaient perdus et où les trouver. Ou bien, il pouvait essayer de retrouver son chemin. La seule chose qui pouvait arriver c'était de rencontrer des centaures irascibles, ou des araignées affamées, ou un géant stupide. Ou bien encore d'autres choses dont il n'avait pas la moindre idée, comme ces Sombrals, que Harry lui avait décrits et qu'il n'avait jamais vus. Peut-être étaient-ils là, quelque part tapis dans l'ombre, à l'observer tergiverser et perdre du temps. Il se remit debout. Sa cheville avait déjà enflé. Il songea qu'il devrait peut-être mettre à son programme le cours de sortilèges de réparation physique. Ce serait fort pratique pour lui, vu sa maladresse, s'il devenait Auror. Si jamais il sortait de cette fichue forêt… Il se pencha pour prendre Hermione dans ses bras… et ce fut là qu'il sentit la présence invisible. Il se redressa, la baguette aux aguets. Et il le vit. C'était un Centaure magnifique. Noir, avec une barbe blanche. Ron déglutit lentement. Le Centaure le fixait.

- Je sens ta peur, humain, dit-il.

- Si vous approchez…

Le jeune Weasley leva imperceptiblement sa baguette.

- Tu es un sorcier, continua le Centaure. Je croyais que la saison n'était pas encore venue du retour des jeunes dans cette école. Tu sais que la forêt vous est interdite, humain ?

- Je… je ne voulais pas venir dans la forêt, avoua Ron. Vous allez me tuer ?

Il se souvenait de l'état d'Ombrage quand Dumbledore l'avait ramenée. Il eut une pensée d'espoir :

- Le professeur Dumbledore sait que nous sommes ici. Si vous nous faites du mal…

Le Centaure sortit des buissons qui le cachaient en partie.

- Tu mens, humain, dit-il. Et tu mens très mal. Tu as peur. Tu as peur que je la tue. Je ne suis pas un assassin. Et toi et ta compagne vous êtes déjà morts…

- Non ! cria Ron, la baguette en avant.

Le Centaure noir n'esquissa même pas un geste.

- Tu ne sortiras pas de cette forêt tout seul, continua-t-il sur le même ton égal. Et elle, elle est déjà morte.

- Non ! répéta Ron.

Il se tourna vers Hermione et se jeta à genoux devant elle. Il prit ses mains glacées. Il entendit le Centaure s'approcher encore. Il lui fit face, la baguette levée.

- Ce n'est qu'une humaine, sorcier, laissa tomber le Centaure. Elle dépérira et s'affaiblira. Elle mourra si le sortilège n'est pas annulé.

- Ce n'est qu'un sortilège, haleta Ron. Ils sauront le conjurer.

- La magie est puissante et ancienne, reprit le Centaure. Elle mourra.

Il recula et ouvrit à nouveau les branchages d'où il était sorti. Il ajouta, avant de disparaître, avec une pointe de dérision :

- Tu n'es pas prêt à faire ce qu'il faut pour qu'elle revienne.

Les buissons se refermèrent sur lui et le silence remplit à nouveau la forêt. Ron réalisa qu'il tremblait. De colère. Il posa son front contre celui d'Hermione. La colère avait fait place à la peur. Il comprenait un peu ce que ressentait Harry. Harry ? Bien sûr ! Harry s'apercevrait bientôt de leur absence. Il partirait à leur recherche. Harry allait les trouver et les ramener sains et saufs à Poudlard. Le silence l'entourait à présent et il se fit oppressant. Il se traita d'imbécile. Il ne pouvait compter que sur lui-même, il devait en être conscient.

- Hermione, murmura-t-il. Que ferais-tu ?

Ce qu'elle ferait, il ne le savait que trop bien. Elle commencerait par lever les yeux au ciel et lancerait un de ces "enfin !" qui l'agaçait tant. Ensuite elle agiterait sa baguette et jetterait un sort de retour à la maison et ils n'auraient qu'à suivre le chemin tracé par magie. Elle était bien capable de connaître un sort de ce genre. Elle connaissait toute sorte de sortilèges très utiles. Bien sûr au passage elle le gratifierait de quelques unes de ces réflexions cinglantes, qu'il méritait sûrement. Il jeta un dernier regard sur la jeune fille ensorcelée et soupira :

- Allez, ma vieille, on rentre à la maison.

Il se leva sur sa cheville blessée et saisit Hermione sous les bras. Il la releva et la remit sur son épaule.

- C'est pas pour dire, reprit-il à haute voix, mais qu'est-ce que tu es lourde, Herm !

Il se remit en chemin. Il suivit la direction du sud, parce que lorsqu'il lança le sortilège Pointe au Nord sur sa baguette, le Sud lui parut bien plus adéquat. Il finirait bien par arriver quelque part de toutes façons.

Il parlait tout seul, ou bien il s'adressait à Hermione, afin de ne pas se perdre dans de sombres pensées. Il avançait lentement. Le moindre bruit le faisait sursauter. Il s'enfonçait au cœur de la forêt. Les buissons bruissaient de milles vies invisibles. La lumière du jour baissait peu à peu. Il entendit un craquement à sa gauche. Il était certain qu'il y avait au moins un centaure dans les parages. Le vieux centaure noir l'avait laissé partir parce qu'il pensait qu'il allait mourir. Il ne put s'empêcher de penser que les Centaures avaient vu le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Non. D'un autre côté, Firenze n'avait rien pu prédire de plus convaincant que Trelawney. Il savait ce qu'en dirait Hermione : "pff !" C'était la seule attitude raisonnable à adopter.

Harry sortit du bureau derrière les professeurs et Rogue allait lui signifier qu'il restait dans les endroits autorisés du château, lorsqu'ils entendirent pleurnicher à l'angle du couloir. Ils s'approchèrent tous pour découvrir un elfe de maison qui se tenait la tête en pleurant.

Dobby leva ses grands yeux globuleux ruisselants et tordit de plus belle ses longs doigts noueux en reconnaissant Harry.

- Oh ! Harry Potter doit pardonner à Dobby ! Dobby n'a pas fait exprès ! Elle a demandé à Dobby si gentiment. Winky avait raison, Harry Potter. Winky avait raison !…

- Qu'y a-t-il Dobby ? demanda Harry, le cœur battant la chamade. Tu sais ce qui est arrivé à Hermione et à Ron ?

- Perdus, Harry Potter ! Hermione Granger et Ron Weasley ! Perdus ! A cause de Dobby !

Harry mit un genou à terre devant l'elfe et lui saisit l'épaule pour le forcer à le regarder.

- Arrête Dobby, je te pardonne ! Mais il faut que tu nous amènes jusqu'à eux.

Dobby se couvrit la tête de ses mains et recommença ses sanglots.

- Dobby ne veut pas retourner là-bas.

Il se moucha bruyamment dans le vieux pantalon trop large et trop grand qui l'habillait.

Rogue s'avança et le menaça de sa baguette.

- Montre-nous le chemin ! ordonna-t-il.

- Doucement, Severus, intervint Lupin.

- Il ne montrera le chemin que si je viens avec vous, renchérit Harry. N'est-ce pas Dobby, tu vas nous aider à retrouver Hermione et Ron.

Dobby voulut saisir la main de Harry mais Rogue le poussa en avant, de fort méchante humeur. Il interdit à Ginny de les suivre, la chargeant de prévenir d'ores et déjà Mrs Pomfresh qu'ils auraient sans doute besoin de ses services. Ginny n'osa discuter les ordres du professeur. Elle monta à l'infirmerie et attendit avec Mrs Pomfresh l'arrivée de Dumbledore.

Ron sentit la racine sur son pied au moment même où il trébuchait. La tête d'Hermione fit un bruit sourd en heurtant le sol pourtant tapissé de feuilles en décomposition. Il espérait qu'elle ne se souviendrait de rien à son réveil, si elle se réveillait un jour. Il se rapprochait dangereusement de l'antre des araignées géantes. Il le sentait. Et sa conviction était confortée par les toiles gigantesques qui tapissaient les troncs et les buissons. Il avait même failli rester collé à l'une d'entre elles, heureusement en lambeaux. Pour la n-ième fois il se releva et s'accroupit près d'Hermione. Ses lèvres étaient pâles à présent et son visage plus livide, comme si la vie s'échappait d'elle. Il enleva deux ou trois feuilles de ses cheveux. S'ils finissaient entre les pattes des fils d'Aragog, il y avait quelque chance qu'ils l'épargnent. Il avait lu quelque part que les araignées ne se nourrissaient que de proies vivantes. Mais Hermione était vivante, se reprit-il. Elle était simplement endormie. Si les araignées les prenaient dans leur toile, elles n'auraient même pas à se donner le mal de l'anesthésier. L'idée même qu'il leur apportait la jeune fille sur un plateau lui fit l'effet d'un coup de pied aux fesses. Il reprit son chemin, en essayant de se souvenir du sort dont Harry avait usé pour repousser les enfants d'Aragog.

- Bien sûr, dit-il tout haut, cette saleté de Ford Anglia n'aurait pas l'idée de rappliquer !

Peeves se tenait au milieu du couloir, les bras croisés, un sourire stupide aux lèvres. Dobby se cacha derrière Harry quand il aperçut l'esprit à la croisée des couloirs. Rogue leva sa baguette et dans un geste grandiloquent sensé impressionner Peeves, il s'écria :

- Retournez à vos quartiers, Peeves ! Vous n'avez rien à faire ici ! Le Baron Sanglant sera averti de votre attitude !

Peeves, un court instant, fit mine de balancer. La menace du Baron Sanglant d'un côté, la joie de voir Ron et Hermione aux prises avec Rogue…

- Je reste ! décida-t-il en imitant les effets de manche de Rogue. Rien que pour voir dans quel genre d'ennuis cet imbécile de rouquin est prêt à se fourrer pour les beaux yeux de sa pimbêche. Alors, Potter, ça fait quoi d'avoir des amis complètement débiles ?

Avant que Harry eût pu ouvrir la bouche, Lupin intervint.

- Je suis surpris, Peeves, sourit-il aimablement. J'imaginais que vous vous seriez précipité pour souhaiter la bienvenue à votre ami Argus et à sa charmante Miss Teigne.

Peeves fit un tour sur lui-même.

- Il est de retour ?

- Il vient d'arriver, confirma Lupin. Il doit être dans son bureau à l'heure qu'il est…

Lupin n'avait pas fini de parler que Peeves s'était évanoui.

- Lupin ! soupira Rogue, réprobateur.

- Qui veut la fin…

Peeves réapparut soudain sur la tête de Harry :

- Pour Weasley et Granger, ils prenaient le troisième couloir à gauche la dernière fois que je les ai vus.

Dobby se mit alors à pleurnicher une fois de plus. Il refusa d'avancer plus loin et disparut avant que Harry ait pu le raisonner.

- Nous n'avons pas besoin de lui, s'énerva Rogue.

Il s'avança vers le couloir qu'avait désigné Peeves.

- Venez, Lupin. Potter, vous restez là.

- Professeur… insista Harry en le suivant.

Il tourna un regard suppliant vers Lupin. Lui et Rogue s'interrogeaient du regard.

- Si Dumbledore a raison, dit Rogue sur un ton supérieur, il n'est pas prudent de l'emmener avec nous, Lupin.

- C'est fort juste, murmura Remus.

- Non ! s'écria Harry.

- Allons, Potter, grimaça Rogue. Pour une fois que vous n'êtes pour rien dans ce qui arrive à vos amis, laissez-nous régler le problème sans vous, afin que les choses ne puissent empirer par votre intervention.

La main de Remus sur son épaule empêcha Harry de prononcer de regrettables paroles ; qu'il n'aurait pas vraiment regrettées en fait.

- Attends-nous ici, chuchota Lupin.

Il s'apprêta à suivre Rogue dans le troisième couloir à gauche, lorsqu'une touffe de poils orangée fila entre ses pieds dans la direction opposée. A nouveau, Rogue et Lupin échangèrent un regard. Rogue tordit sa bouche dans un tic nerveux.

- Très bien ! J'irais par ici, allez donc voir par là ! Et emmenez ce… garçon avec vous, si vous y tenez.

Sur ces mots, il agita sa baguette et une boule de lumière se forma sous les yeux de Harry. Il la prit à la main et s'éloigna à grands pas, tandis que de sa baguette s'échappaient de petits points lumineux qui restaient en suspension.

- Tu n'as pas appris le sortilège d'Ariane Poucet ? demanda Lupin à Harry qui ouvrait de grands yeux ébahis.

- Heu… enfin, sûrement… il ne porte pas un autre nom ?

Lupin sourit. Il abaissa sa baguette vers ses chaussures usées.

- Exit dedalum ! dit-il.

Il fit quelques pas et l'empreinte de ses semelles resta marquées dans le sol, brillant d'une lueur fluorescente.

- C'est une variante ! expliqua-t-il. Harry, commanda-t-il. Lumière ! et passe devant. Vite ! Pattenrond est déjà loin !

Ron était perdu. Il n'arrivait plus à se repérer. Il était passé très près de l'antre d'Aragog et du territoire des Centaures. Il était fatigué, et il avait mal partout dans les membres. Hermione glissait de son épaule et il avait de plus en plus de mal à la retenir. Sa baguette le gênait pour la tenir contre lui et il ne voulait pas la ranger dans sa poche. En désespoir de cause, il la coinça derrière son oreille et resserra l'étreinte de ses bras autour d'Hermione. Il eut quelques secondes la vision terrible de Loufoca Lovegood, sa baguette dans les cheveux et ses radis aux oreilles. Un fou rire lui vint qui l'obligea à s'arrêter et déposer Hermione au sol. Il pouvait rire ! De quoi avait-il l'air, le visage vert sous la crasse et la boue, sa baguette retenue par ses grandes oreilles et ses cheveux roux ? Il y eut un bruit derrière lui. Il ôta la baguette de son oreille et la brandit :

- Aragna Exumai

L'araignée vola dans les buissons. Elle n'était pas aussi grosse que celles qu'il avait déjà rencontrées, mais de taille respectable tout de même. Le bruit se reproduisit, plus intense. Ron fouilla vivement dans sa poche. Il saisit la baguette d'Hermione, et une baguette dans chaque main, il fit face. Quatre araignées sortirent des fourrés presque en même temps. Au même moment, il lança le sort. Les deux baguettes crépitèrent et les araignées se retrouvèrent sur le dos. Ron n'attendit pas qu'elles donnent signe de vie. Il mit une baguette derrière chacun de ses oreilles, attrapa Hermione et la chargea comme un sac sur son dos. Et il se mit à courir. Il courut droit devant lui durant un long moment. Il était essoufflé, il ne sentait plus ses jambes, mais il courait toujours. Il ne se retourna pas une seule fois pour vérifier s'il était suivi ou pas. Il ne s'arrêta que lorsqu'il tomba en avant, la poitrine compressée par le manque d'air, les jambes coupées, et le visage dans les cheveux d'Hermione. Le corps de la jeune fille avait amorti sa chute et il ne sentait d'autre blessure que son entorse. Il s'assit pour palper sa cheville. Il ignorait qu'il pouvait courir aussi vite. Il ignorait qu'il pouvait faire abstraction de la douleur ainsi. Il ignorait qu'il pouvait se souvenir d'un sortilège tel que Aragna Exumai. Il refit le geste qui lui avait permis de se débarrasser des araignées;

- Waouh ! fit-il encore interloqué. Tu as vu ça Hermione ! C'était plutôt réussi, n'est-ce pas !

Il se tourna vers la jeune endormie. Pourquoi fallait-il qu'elle dorme chaque fois qu'il accomplissait un exploit ? Il arrangea ses cheveux autour de son visage.

- Je suppose que personne ne voudra me croire, de toute façon… murmura-t-il.

Il examina la forêt autour de lui dans la lumière de la fin d'après midi. Et il eut un coup au cœur. Cette clairière, c'était celle… non, il devait se tromper. Il se trompait toujours. Et pourtant c'était celle où Hagrid les avait amenés voir –enfin, lui n'avait rien vu, et il n'en était pas mécontent d'ailleurs- où Hagrid les avait amenés auprès des Sombrals. Il fut debout en un bond. Est-ce que ces choses étaient là en ce moment ? Il se raisonna. Les Sombrals étaient attirés par le sang. Et il n'avait… que de toutes petites égratignures un peu partout sur le visage… et sur les mains… Quant à Hermione, elle avait une plaie au front, dernier témoignage de la maladresse du jeune homme et de sa rencontre avec une pierre affilée. Ron écarquillait les yeux, comme si cela l'eût aidé à voir ces monstres terrifiants. Il avait beau se dire qu'il avait déjà monté l'un d'entre eux et qu'il était toujours vivant, il ne se sentait pas rassuré. Toutefois, il reprenait confiance. Il savait où il était, et surtout qu'il allait retrouver le chemin du Château. Il s'accroupit devant Hermione. Dans moins d'une heure, ils seraient entre les mains compétentes de Mrs Pomfresh. Elle cicatriserait toutes les écorchures, elle soignerait toutes les contusions, elle effacerait toutes les traces. Et peut-être même pourrait-elle faire quelque chose pour ses cheveux qui avaient repris la même apparence que le jour où elle avait surgit dans leur compartiment du Poudlard Express. Il passa ses bras sous le corps de la jeune fille inconsciente et la souleva.

- Un dernier effort, Ron, soupira-t-il.

Il se leva lentement et entreprit de rentrer à Poudlard.

- Et la prochaine fois que tu me diras "tu n'es pas obligé de venir, Ron", je ne viendrais pas !

Ginny contemplait le parc depuis la fenêtre de l'infirmerie. Le soir tombait. Dumbledore n'était pas encore venu. Ni Harry, ni Remus, ni même Rogue n'avait donné de leurs nouvelles. Elle avait juste entendu Rusard tempêter contre Peeves. Elle attendait, les ongles rongés jusqu'au sang. Mrs Pomfresh lui avait déjà administré deux fois un cataplasme pour les faire repousser et l'avait avertie qu'elle ne pourrait lui en donner de troisième. Soudait Ginny se plaqua à la vitre :

- Pom-pom ! Là-bas !

Mrs Pomfresh ne se formalisa pas de ce surnom que lui donnaient les élèves et certains des professeurs. Elle avait senti dans la voix de la jeune fille une intense surprise ainsi qu'une inquiétude infinie. Elle fut à la fenêtre au moment où Ginny la quittait en courant. Au fond du parc, Ron Weasley avançait difficilement, le corps d'Hermione Granger à bout de bras. Mrs Pomfresh se précipita sur les pas de Ginny, vérifiant d'un geste machinal la présence de sa baguette dans la poche de son tablier.

- Argus ! cria-t-elle en arrivant dans le Hall.

Rusard tenait fermement le bras de Ginny qui se débattait.

- Vous êtes témoin, Mrs Pomfresh ! s'écria celui-ci sur la défensive. Vous avez vu cette petite effrontée me donner des coups de pieds !

- Lâchez-là ! commanda Mrs Pomfresh sans prendre le temps de s'arrêter.

Rusard obéit. Ginny s'échappa. Le concierge resta un moment médusé devant les portes ouvertes à la volée par la guérisseuse. Si les adultes se mettaient à enfreindre les règles de l'école, à présent !

Ginny dépassa Mrs Pomfresh sans même s'en apercevoir, les yeux fixés sur Ron et Hermione. Son cœur battait à ses tempes si fort qu'elle ne pouvait ordonner ses pensées. Enfin, elle les rejoignit, juste à temps pour retenir Ron. Il était épuisé. Ses jambes ne le soutenaient plus. Il tomba à genoux et seule l'épaule de sa sœur l'empêcha de s'écrouler au sol.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? murmurait Ginny.

Le corps d'Hermione roula à ses pieds et Ron perdit connaissance.