Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.


Chapitre 10

Le Chemin de Traverse

- Miaouchchchcchchttttt !

- HAAAARG !

La lumière se fit violemment. Ron se tenait au milieu du dortoir, les mains sur le cœur, livide, à peine verdâtre, à présent que l'effet du sortilège des jumeaux s'atténuait. Harry ramassa Pattenrond, sur la queue duquel son ami avait marché. Il le tendit à Hermione, assise au bord du lit de Ron.

- Alors ? demanda celle-ci avec une hâte qu'elle ne cacha pas.

- Oui ! On veut savoir ! s'écria Ginny, assise en tailleur sur un autre lit.

- D'abord, descend de là ! lui cria son frère, qui se remettait à peine de sa frayeur. Et comment êtes-vous arrivée jusque là ? Vous n'avez pas le droit de venir dans les dortoirs des garçons ! Et les chats sont interdits dans cette chambre !

- Et pourquoi ? le défia Ginny, qui au lieu d'obtempérer à son ordre de quitter le lit sur lequel elle était installée, s'allongea avec délices et croisa les bras sous sa tête.

Ron jeta un regard peu amène à Pattenrond. Avait-on idée aussi de choisir le milieu du chemin pour faire un somme.

- Parce que… Neville est allergique !

- Neville n'est pas allergique ! s'écria Hermione.

Ron lui lança œil noir. Il marcha vers son lit.

- C'est ma place, dit-il à Hermione.

Elle mit un moment à comprendre. Elle se leva, Pattenrond dans les bras, très digne, et prit place auprès de Ginny.

- Cela ne dérange pas Monsieur Ronald Weasley que je m'asseye ici ? demanda-t-elle.

Ron grogna. Harry se mit à rire :

- Le seul que cela pourrait déranger, c'est Dean Thomas, mais il n'est pas là pour l'instant.

A peine avait-il fini de parler que Ginny se précipitait à la tête du lit, cherchant sur le mur les marques des affiches que les garçons collaient au mur durant leur séjour à Poudlard.

- C'est vrai qu'il a une affiche où il y a des joueurs de ballons qui ne bougent pas ? s'exclama-t-elle. Il m'a promis de me montrer des photos de ses joueurs préférés.

- Ca ne vaut pas le Quidditch, grogna Ron.

- Hum ! Hum ! fit Hermione. Cela ne vous dérangerait pas de répondre enfin à ma question ?

- Vas-y Ron, répondit Harry en riant. Puisque ce sont les Weasley qui ont remporté la partie, à toi l'honneur !

- C'est d'accord, grommela Ron. Tu viens avec nous demain.

- C'est vrai ? demanda Hermione qui ne pouvait croire que Rogue eût cédé.

- Bill a dit qu'il fallait que tu viennes, alors Rogue n'allait pas discuter les directives de l'Ordre…

- Pourquoi faut-il absolument que je vienne, s'inquiéta Hermione ?

- Pour rien ! s'exclama Ron. Bill a simplement dit cela pour contrarier Rogue. Il ne l'aime pas beaucoup non plus…

- Et moi ? demanda Ginny à son tour, qui s'était rassise à côté d'Hermione.

- Tu viens aussi, bougonna son frère.

Harry et lui leur firent ensuite le topo du lendemain. L'emploi du temps avait été organisé presque à la minute près par Maugrey Fol Œil qui devait les accompagner tout au long de leur visite au Chemin de traverse. L'ordre des boutiques était décidé et il n'accepterait aucune exception. Les garçons énumérèrent les noms des boutiques dont ils se souvenaient et Ginny fit remarquer qu'ils auraient beaucoup de choses à ramener.

- Pourquoi crois-tu que j'ai insisté pour que tu nous accompagnes, railla son frère. Je n'allais pas porter tes paquets par-dessus le marché !

- Et comment irons-nous à Londres ? demanda Hermione, pragmatique jusque dans l'allégresse de partager ce moment avec ses amis.

- Avec de la poudre de Cheminette, répondit Harry.

Et Ron ajouta :

- Prévoyez de quoi vous essuyer le visage et les mains.

- Depuis Poudlard ? voulut savoir Hermione.

Harry haussa les épaules en signe d'ignorance.

- Non, répliqua Ron. J'ai entendu Bill dire à Rogue que Dumbledore trouvait cela trop dangereux.

Mais comme il n'en savait pas plus, il ne put en dire davantage. Les filles leur souhaitèrent une bonne nuit, déjà bien entamée. Elles n'étaient pas encore sorties du dortoir qu'elles papotaient déjà, excitées à l'idée de passer une journée hors de l'école. Ron secouait son oreiller, qu'il prétendait recouvert des poils de Pattenrond. Harry jeta un œil distrait sur le coussin :

- Ce ne sont pas des poils, Ron, dit-il en baillant. Ce sont tes cheveux !

Il prit l'oreiller dans la tête.

- Ce que tu peux être susceptible en ce moment !

Il enleva ses lunettes et s'allongea. Sa cicatrice lui faisait mal. Il ne sentait ni colère, ni contentement. Elle lui faisait simplement mal. Il était avide de savoir ce que Voldemort complotait. Il fit un effort pour vider son esprit. Cela lui était beaucoup plus facile à présent. Il revit l'image des grands yeux glauques de Kréattur, la surprise et la peur… Pourquoi Voldemort avait-il pris la peine de se débarrasser d'un être aussi insignifiant ? Sa cicatrice brûla son front en un élancement douloureux.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Ron s'était redressé dans son lit :

- Tu as crié, Harry ! Qu'est-ce qui se passe ? Encore un de tes rêves bizarres ?

- Non ! Non ! fit Harry en frottant son front. C'est ma cicatrice, elle me fait mal, c'est tout.

- Tu-Sais-Qui prépare quelque chose, dit calmement Ron.

Il y eut un moment de silence.

- Tu crois que c'est à propos de demain ?

Harry ne répondit pas. D'abord, parce qu'il savait que Ron n'attendait pas vraiment de réponse, ensuite parce que son ami n'aimerait sans doute pas l'entendre lui répondre qu'il l'espérait.

Harry s'éveilla avant Ron ce matin-là. Il n'avait pas fait de rêve dont il se souvenait. Ce qui était plutôt bon signe. Il entendit Ron remuer et il crut qu'il se réveillait lui aussi. Il décida qu'il leur parlerait, à lui, Hermione et Ginny avant la rentrée de septembre. Ils l'aideraient à mettre ses idées en place. Il était prêt à l'appeler pour le réveiller tout à fait, lorsqu'il le vit s'agiter, comme s'il se débattait. Il cria : "Hermione !" et "Protego ! Protego !" Ron se redressa brusquement, le bras levé, haletant et hagard.

- Tu as encore rêvé d'Hermione, dit Harry.

Le cœur battant à se rompre, Ron reprit son souffle. Il baissa le bras lentement.

- Non ! nia-t-il avec véhémence.

Harry lui jeta un œil en dessous.

- Tu sais, Ron, reprit-il. C'est normal. J'ai rêvé de la mort de Cédric durant plusieurs semaines, et il m'arrive encore…

Ron grogna. Harry se tut. Ils retrouvèrent les filles pour le petit déjeuner. Elles étaient levées depuis plus d'une heure déjà et attendaient impatiemment l'arrivée des garçons pour pouvoir les interroger plus avant sur le déroulement de leur journée. Elles avaient échafaudé plusieurs théories sur le lieu de la Cheminée qui devait les conduire au chemin de traverse. Hermione avait parié sur les Trois Balais à Pré-au-Lard, et Ginny sur la cheminée de la cabane de Hagrid. Harry n'avait pas réfléchi à la question et Ron s'en fichait totalement. Il lui tardait simplement d'être rendu chez Fred et Georges pour leur casser la figure.

Enfin, Remus Lupin vint les chercher. Il les fit sortir du château et ils traversèrent le parc. Ginny triomphait : c'était bien la cabane de Hagrid qu'ils devaient rejoindre. Cependant, il bifurqua vers le Saule Cogneur, à la grande surprise de chacun des jeunes gens. Pattenrond attendait sous les branches, à l'entrée du souterrain. Lorsque Remus fut assez proche, le chat se leva et posa les pattes sur le tronc, comme pour s'étirer et se faire les griffes. Aussitôt, les branches du Saule cessèrent de s'agiter.

- Merci Pattenrond, dit Remus en laissant passer les jeunes gens ébahis. Nous serons de retour en fin de matinée ou en début d'après midi. Normalement.

Il pénétra dans le tunnel à son tour. Harry suivit le chemin qu'il avait pris avec Hermione presque trois ans plus tôt. Ginny n'en revenait pas ! Ils montèrent les grossiers escaliers creusés dans les fondations et arrivèrent dans la pièce principale. Maugrey Fol-Œil s'y trouvait déjà et s'impatientait. Il grommela une vague réponse au bonjour de Lupin et le poussa dans la cheminée.

- Pas de temps à perdre ! La cheminée est raccordée au réseau un quart d'heure toutes les deux heures. Bill Weasley vous attend au Chaudron.

- Au Chaudron Baveur ! prononça distinctement Lupin.

Il disparut dans un nuage de poussière. Maugrey attendit un moment, il scrutait l'âtre vide. Une lueur verte apparut. Il poussa Harry et Ron à leur tour dans le foyer.

- Vite, Molly doit se lasser de vous attendre.

Il jeta lui-même la poudre de cheminette et dit précipitamment : Au Chaudron Baveur.

- Molly ?! s'écria Ron avec un accent dramatique tandis que la poussière de la cheminée s'élevait autour d'eux.

- Ronnie ! Mon chéri !

Mrs Weasley étreignait déjà le plus jeune de ses fils à lui briser les côtes, tandis que Harry se demandait s'il allait subir le même sort.

- Ho bonjour Harry ! s'écria Mrs Weasley en le serrant contre elle également.

Heureusement, il n'y avait personne d'autre dans la pièce où ils étaient arrivés. Lupin était déjà reparti avec Bill. Ron faisait une tête de six pieds de long, et le teint glauque de sa peau ne devait pour une fois rien au sortilège des jumeaux.

La cheminée crachota une dernière fois et Maugrey apparut entre Hermione et Ginny. Celle-ci se précipita vers sa mère. Hermione fit un signe de la main à Mrs Weasley, un peu gênée.

- Hermione ! Ma chérie ! s'écria celle-ci lâchant Ron et Ginny.

La jeune fille n'échappa pas à l'inspection de Molly, qui parut satisfaite.

- Tu nous a fait une de ces peurs ! Ma chérie, la prochaine fois, sois prudente, je t'en supplie ! Je ne peux m'imaginer expliquant à ta mère que sa fille…

Elle mit les mains sur son cœur et secoua la tête :

- … mais je pense qu'il ne peut en être autrement, avec l'influence de ces deux-là.

Harry rougit un peu et baissa les yeux.

- C'est trop fort ! grogna Ron. C'est ma faute à présent !

Hermione lui adressa un petit sourire d'excuses.

Mrs Weasley ne put s'étendre davantage sur les responsabilités de son fils. Maugrey Fol-Œil était déjà à la porte et examinait le couloir de son œil magique.

- La voie est libre, dit-il à voix basse. On y va.

Ils quittèrent le Chaudron par la porte de derrière et se retrouvèrent dans la cour. Harry se rappela les gestes de Hagrid cinq ans plus tôt. Maugrey touchait les pierres du mur avec circonspection. Lorsque le mur s'effaça, il sortit sa baguette et se tint aux aguets. Harry avait beau être habitué à ses manières paranoïaques, il ne pouvait s'empêcher de sentir une boule au creux de son estomac. Apparemment, Ron ressentait la même angoisse. Il marchait à côté de lui, les yeux partout, et Harry le voyait faire souvent le geste de saisir vivement sa baguette dans sa poche avant de la ranger à nouveau.

- On est suivis… souffla-t-il au bout d'un moment.

Harry regarda avec attention autour de lui. Il n'y avait que des étrangers. Il ne voyait ni Bill ni Lupin… Cependant, une femme d'un certain âge qui observait la vitrine de l'apothicaire derrière eux lui semblait vaguement familière.

- Cette femme, là-bas, continua Ron en la désignant discrètement. Elle nous suit depuis qu'on est entré sur le Chemin.

- C'est Tonks ! murmura Hermione derrière lui.

- Hein ? fit Ron. Comment le sais-tu.

- Elle a changé trois fois de coiffure depuis mais pas de vêtements ! Et tu connais quelqu'un d'autre qui se promènerait avec une robe de sorcier violette et une paire de chaussures vertes ?

Ron fit une grimace à Harry, pensant qu'Hermione ne le voyait pas. Il sentit un petit coup sec sur le haut de son crâne.

- Hermione ! Pas avec ta baguette ! Je te l'ai déjà dit !

- Chut ! fit Maugrey.

Il s'arrêta et Harry se demanda ce que cherchait son œil qui tournait frénétiquement dans son orbite.

- R.A.S. ! On y va !

Il poussa Harry et celui-ci réalisa qu'il se trouvait devant l'entrée de chez Gringotts la banque des Sorciers. Il avait en effet émis le souhait d'aller y retirer quelques espèces sonnantes et trébuchantes pour passer le reste de l'année de manière confortable. Bill l'attendait devant la porte et prit le relais. Il l'emmena directement aux coffres avec l'horrible gobelin qui ouvrit celui de Harry. Lorsque celui-ci lui tendit la clé, il crut voir dans les yeux du petit être contrefait une inquiétante lueur d'intérêt pour sa cicatrice. Mais peut-être était-ce la suspicion chronique de Maugrey qui contaminait son esprit.

Lorsqu'ils reprirent le chemin du grand Hall de l'établissement bancaire, le gobelin leva un œil sur Bill.

- Vous avez de curieux amis, Monsieur Bill.

- Et encore, vous n'avez pas connu la momie qui me servait le five o'clock au Caire !

Il fit un clin d'œil à Harry.

- Monsieur Bill ? interrogea celui-ci à voix basse tandis qu'ils s'éloignaient.

- C'est mieux que Mr Weasley, tu ne trouves pas ! J'avais l'impression qu'ils s'adressaient à mon père ! Mais j'ai pas réussi à les faire m'appeler Bill tout court ! Les gobelins, ça le sens de l'étiquette.

Il serra la main de Harry avec un grand sourire.

- Prends bien soin de toi, Harry. Et dis à Alastor que tout va bien, de la part de Remus.

Harry fit la commission lorsqu'il sortit de la banque. Ron l'attendait avec impatience. Il comprit pourquoi lorsqu'il vit un mouchoir déjà sale dans la main de Molly Weasley. Elle venait de débarbouiller Ginny et son ami désespérait de le voir arriver pour échapper à une humiliante séance de débarbouillage. Maugrey les fit passer devant lui, l'œil à l'affût. Ils marchèrent un moment en silence. Puis Mrs Weasley s'arrêta devant une boutique :

- C'est ici ! dit-elle en regardant l'enseigne.

Ils levèrent tous les yeux vers une élégante pancarte aux lettres cursives : "A la Sorcière Elégante. Corsets, robes et dessous…."

- Alastor, vous et votre œil, vous restez dehors…

- Mais Molly… Bon, d'accord, reprit-il sur un regard sévère de Mrs Weasley. Je sécurise les environs !

- J'entre pas là-dedans ! dit Ron sur un ton péremptoire.

- Dedans ! commanda sa mère avec autorité.

Harry et lui n'osèrent discuter. Ils entrèrent dans la boutique de lingerie à reculons. Ron se demandait ce que diraient leurs camarades si par hasard l'un d'entre eux les trouvaient dans un pareil endroit. Harry essayait de garder un air dégagé, tout près de la porte. Ron lui lançait des regards désespérés et faisait mine d'étrangler sa mère. Il se demandait ce qu'Hermione et sa sœur pouvaient trouver d'intéressant dans ce magasin. Il se mit à observer les affiches sur lesquelles des modèles présentaient des robes à grandes manches, ou des corsets magiques qui, dès qu'on les portait, faisaient des silhouettes dignes de vélanes. Il se prit à regarder l'une d'entre elles avec un peu plus d'attention. La jeune femme tournait devant lui pour faire admirer une robe de sorcière d'une rare beauté. Il crut d'abord que la robe était blanche, mais selon l'angle selon lequel on la regardait, elle changeait de couleur, pour prendre celles de l'arc-en-ciel. Et quand il penchait la tête, sur la droite, il lui semblait même qu'elle était un peu - surtout quand le modèle était de trois-quart- …transparente. Un coup sec derrière les oreilles :

- Aïe ! Pas avec ta baguette, Herm… M'man ?

- Ronald Weasley ! Qu'est-ce que tu regardes comme ça ?!

Ron jeta un œil à Harry, qui lui tournait le dos. Ses épaules trahissaient un fou rire qu'il maîtrisait à peine. Ginny était morte de rire. Quant à Hermione, elle payait ses achats et n'avait apparemment rien remarqué. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien avoir acheté dans cette boutique ?

- Ronald Weasley ! répéta sa mère. Dehors !

Ron sortit non sans faire remarquer que c'était elle qui les avait obligés à entrer.

Dehors, Harry se laissa aller contre la vitrine dans un fou rire à en pleurer. Maugrey le considérait avec un sourire moqueur, et il semblait à Ron que l'éclat de la dérision brillait jusque dans son œil magique.

- Alors, garçon, elle te faisait tant d'effet que cela, ou bien est-ce que tu imaginais quelqu'un d'autre dans sa robe ?

- Alastor !

Mrs Weasley était outrée.

- Ne soyez pas sévère avec lui, Molly, dit-il sur un ton badin. Ils prennent toujours des demi-vélanes pour faire ce genre de photos publicitaires !

Mrs Weasley poussa son fils devant elle et lui fit signe du menton de se mettre en route.

- Je croyais que c'était interdit, dit-elle froidement.

- Les vélanes sont interdites ! Mais le législateur a pris le soin de laisser quelques portes ouvertes…

- J'en parlerai à Arthur, reprit Mrs Weasley.

- Allons, Molly, il faut bien… faire marcher le commerce…

Maugrey ferma son œil valide à l'intention de Ron. Ce dernier prit une teinte vert pomme qu'il garda jusqu'à leur arrivée chez Fleury et Boots. Il ne pouvait s'empêcher de jeter des regards intrigués sur le paquet qu'Hermione serrait contre elle, et les tentatives infructueuses de Ginny et Harry pour stopper leur fou rire faisaient brûler ses joues.

Dès qu'ils entrèrent dans la Librairie, Hermione poussa un soupir qui fit lever les yeux à tous ceux qui se trouvaient là. Elle se précipita vers les rayonnages, se saisissant d'un livre tout en s'accrochant à un autre. Mrs Weasley l'observa un tantinet inquiète.

- Ce n'est rien, la rassura Ginny. Le professeur Rogue l'a interdite de bibliothèque pour une durée indéterminée.

Molly hocha la tête avec un sourire triste :

- Severus sait frapper où cela fait mal, soupira-t-elle.

Harry croisa son regard et baissa les yeux. Il la suivit lorsqu'elle se dirigea, ainsi que ses deux enfants, vers le comptoir où le vendeur les attendait avec un sourire tout commercial.

- Il va changer de tête lorsque Maman va lui dire que nous voulons voir les livres d'occasion, fit Ron sur un ton lugubre.

Mais Mrs Weasley disait d'une voix ferme :

- Je viens chercher ma commande. Au nom de Weasley. Ronald et Ginevra Weasley. Et Harry Potter aussi, ainsi que Hermione Granger.

Le sourire du vendeur s'élargit, à la grande surprise de Ron. Il s'empressa et déposa plusieurs piles de livres devant eux. Ginny et Ron examinèrent celles qui portaient leur nom. Ils n'en revenaient pas.

- Maman… risqua Ron timidement. Ils sont neufs !

- Oui, fit Molly avec une pointe de satisfaction dans la voix. Il semblerait que l'on se soit enfin rendu compte de la valeur de ton père, au Ministère. La plupart des livres de Fred et George sont encore en bon état, vu qu'ils n'en ont pas fait un usage intensif. Et les quelques livres qui restaient à acheter ne nous ruinerons pas.

Harry vit briller dans les yeux de Ron une lueur de bonheur sincère. Malefoy ne pourrait plus se moquer de sa pauvreté, ainsi qu'il l'avait toujours fait.

- Et puis, ajouta Mrs Weasley tandis que le vendeur lui rendait sa monnaie avec un sourire jusqu'aux oreilles. Tout effort mérite sa récompense. Ton père et moi n'avons pas eu l'occasion de te dire combien nous sommes fiers de toi, Ronnie…

Ron devint vert foncé, non de honte cette fois mais d'émotion. Sa mère recoiffait ses cheveux roux sur son front, elle lui donnait ce surnom ridicule, mais il s'en moquait. Elle renifla et lui tapota la joue. Ron perçut la lueur d'envie dans les yeux de Harry ; il renonça à la repousser, même le plus gentiment du monde. Il se contenta de faire une grimace à son ami, qui lui rendit un sourire. Mrs Weasley voulut laisser passer Harry pour payer sa commande, mais le jeune homme déclara avoir encore un achat à faire pour le prochain anniversaire d'Hermione. Ron sentit alors dans ses côtes un coup de coude de sa sœur.

- Et toi, que vas-tu lui offrir ? demanda-t-elle.

Ron lui fit de gros yeux hagards. Un livre, peut-être ? S'il avait assez d'argent pour se le permettre. Sa mère leva les yeux sur lui. L'amertume de son ton ne lui avait pas échappé.

- Tu as un peu d'argent, Ron, lui apprit-elle. Et nous voulions aussi te féliciter pour tes Buses, comme nous l'avons fait pour tes frères. Du moins la plupart d'entre eux. Mais Harry a déjà pensé au livre, tu pourrais choisir autre chose.

A la grande panique de Ron, elle ressortit son mouchoir et lui essuya le front vigoureusement.

- Ho ! Ron ! s'écria-t-elle. Arrête de changer de couleur ainsi, j'ai l'impression d'avoir enfanté un caméléon.

- C'est pas ma faute, M'man ! C'est celle de Fred et George !

Il essayait désespérément d'échapper au mouchoir de sa mère.

- Si j'étais toi, continua Ginny, je lui offrirais plutôt un truc moldu.

Ron saisit le poignet de sa mère pour tenir son mouchoir à distance de son nez.

- Et où veux-tu que je trouve un truc moldu ? Et quel truc, d'ailleurs ?

Ginny haussa innocemment les épaules :

- Je ne sais pas, moi. Renseigne-toi. Demande à Harry ?

Ron ricana, tandis que sa mère se remettait à frotter sa joue sous l'œil goguenard du vendeur.

- Harry n'est pas très bon conseiller en la matière, Ginny…

- Au contraire, le contredit sa mère, Hermione est votre amie à tous les deux, il aura peut-être une autre bonne idée. Tiens pourquoi ne pas demander à Charlie de t'envoyer des écailles de dragon. On peut faire de très belles choses avec des écailles de dragon…

- Heu, fit Ginny en pouffant de rire. Je crois qu'il vaut mieux laisser une certaine distance entre Hermione et les Dragons en ce moment…

Mrs Weasley inspecta le visage de son fils et parut satisfaite. Un dernier coup de mouchoir sur le nez et elle libéra le visage de Ron de l'étreinte de ses doigts. Elle l'embrassa sur le nez avec un sourire confiant.

- Tu trouveras bien quelque chose, mon chéri.

Et elle s'éloigna dans la Librairie à la recherche de la dernière édition de Sorcière Hebdo.

- Si tu veux, je demanderai à Dean ce que les moldus offrent à leur petite amie… glissa Ginny à son frère.

- Hermione n'est pas ma petite amie ! articula Ron à voix basse.

- Comme tu veux, répondit Ginny en haussant une épaule. Je lui demanderai donc ce qu'offrent les moldus quand ils veulent qu'une fille soit leur petite amie. Je ne serais pas surprise, cependant, qu'il me réponde : la même chose que les sorciers.

Ron lança un regard assassin à sa sœur.

- Remarque, continua-t-elle en passant devant lui, il te reste toujours la solution des écailles de dragon de Charlie.

Ron lui tira les cheveux. Ginny le menaça de sa baguette. Elle préféra abattre une autre carte :

- Maman ! cria-t-elle en courant vers sa mère. Ron, il m'embête !

- Ronnie ! s'indigna Molly.

Tous les regards convergèrent vers lui et il devint aussi vert que l'écharpe des Serpentard. Il sentit un léger tapotement sur l'épaule et se retourna, prêt au pire. Ce n'était qu'Hermione qui se tenait devant lui et il en fut irrité. Il était sur le point de la renvoyer brutalement lorsqu'il s'aperçut qu'elle lui tendait un livre. Il le prit sans comprendre. C'était la même édition que celle que Charlie lui avait offerte et qu'il avait lui même offerte à Harry. Il n'avait pas les moyens de se la payer.

- Tu n'auras pas besoin de partager avec Harry, comme ça, disait Hermione d'une petite voix.

- Je regrette vraiment, Hermione…

Il s'interrompit car elle avait soudain les larmes aux yeux.

- Qu'est-ce que j'ai encore dit ? s'affola-t-il.

- Je t'en prie, Ron, prends-le. Je sais combien tu tenais à ce livre et…

Et il comprit.

- Je ne peux pas accepter, c'est beaucoup trop…trop.

- Mes parents m'ont donné un peu d'argent pour les week-ends à Pré-au-Lard, continua Hermione. Mais je crois que cette année… Et je sais aussi que ton anniversaire est dans plusieurs mois, prévint-elle encore. Mais tu sais que je suis en sursis à Poudlard et dans plusieurs mois…S'il te plait… Je voudrais tant me faire pardonner.

Ron était très mal à l'aise. Il ne savait quoi lui offrir pour son anniversaire et elle lui mettait sous le nez le plus beau cadeau qu'on puisse lui faire – à part lui annoncer la fin de Voldemort, ou que Viktor Krum s'était fait brûler la moustache par un des dragons de Charlie. Il accepta en hochant la tête et elle reprit le livre pour le payer en même temps que ses affaires scolaires.

Ron fit un geste impératif à Ginny qui accourut, un sourire angélique aux lèvres.

- Tu envoies un hibou à Dean dès qu'on rentre, grinça-t-il entre ses dents.

Harry s'approcha et lui montra un ouvrage relié dont il s'était emparé dès qu'Hermione l'avait remis sur l'étagère.

- Elle le caressait et elle l'a même embrassé avant de le ranger à sa place, chuchota-t-il. Regarde !

Il l'ouvrit à la première page et une gravure animée de chimère tourna la tête vers eux. Le Bestiaire Magique, nouvelle édition, nouvelles illustrations, inclus Les Animaux Improbables de D. Lovegood.

- Tu crois que c'est de la famille à Luna ? demanda Ron en cherchant dans l'index les Ronflaks Cornus.

- Y a des chances ! répondit Harry en riant. Et toi ? Tu as trouvé quelque chose ?

L'arrivée opportune de Maugrey Fol-Œil lui sauva la mise. Il n'eut pas à répondre. Harry et Hermione se dépêchèrent de payer leurs achats pour ne pas s'attirer les foudres de l'ancien Auror.

- Dépêchons ! Dépêchons ! On est juste sur l'horaire ! Il ne faut pas prendre de retard… Les pressa-t-il tandis qu'ils sortaient de chez Fleury et Boots.

Ginny demanda quel serait le prochain arrêt et s'ils ne pouvaient prendre un instant pour boire quelque chose chez Florian Fortarome.

- C'est pas sur la liste ! répliqua Alastor Maugrey d'un ton sans réplique.

Son œil se mit à tourner de plus belle et Ginny se cacha derrière Hermione. C'est alors qu'ils entendirent une voix familière crier :

- Harry ! Ron ! Hermione ! Ginny !

L'oeil de Maugrey ne fit qu'un tour. Il sortit sa baguette. Molly n'eut que le temps de retenir son bras.

- Professeur ! Non ! s'écria Harry. C'est Neville !

En effet, Neville Londubat, rayonnant, s'avançait vers eux rapidement. Il serra Ginny et Hermione contre lui. Il serra également Ron et Harry contre lui. Il paraissait transfiguré.

- Bonjour, Mrs Weasley ! Bonjour, Professeur Maugrey ! Je suis heureux de vous voir !

Manifestement Maugrey ne partageait pas le même avis.

- Je ne suis pas professeur ! rugit-il.

- Désolé, professeur… je veux dire, Monsieur… Vous n'êtes pas le Professeur Maugrey ?

- Je suis Alastor Maugrey mais je ne suis pas professeur ! répondit Fol-Œil en faisant rouler son œil magique.

- Ho ! fit Neville dans un grand sourire.

Il se tourna à nouveau vers Harry.

- J'ai eu un Effort Exceptionnel en Défense contre les Forces du Mal, Harry ! Grand-Mère en a pleuré ! Et il y avait une appréciation vraiment élogieuse ! Elle disait que j'aurais pu avoir un O si j'avais eu une baguette plus adaptée à ma personnalité ! Finalement, elle a admis que ce n'était pas si grave que j'ai brisé celle de mon père…

Il sortit alors sa nouvelle baguette. Et Molly dut retenir une fois de plus celle d'Alastor. Neville sortit de sa poche des papiers de bonbons. Harry croisa son regard et lui sourit tristement.

- Attends, lui dit Neville.

Il en prit trois et les tint dans son poing fermé : Ses lèvres articulèrent une incantation à voix basse et :

- Ho ! firent les filles et Mrs Weasley.

- Waouwww ! fit Ron.

Harry resta bouche bée.

Trois roses étaient apparues dans le poing du jeune homme. Il en tendit une à Ginny, une autre à Hermione et la troisième à Mrs Weasley.

- C'est très joli, Neville, dit Molly doucement.

- Oui, n'est-ce pas ? Maman adore les roses ! Je me suis entraîné tout cet été, avec ma nouvelle baguette. La prochaine fois que Grand-Mère et moi irons la voir, j'emmènerai tous les papiers de bonbons que Grand-Mère n'a pas jeté et je les transformerai en roses pour Maman. Peut-être que lorsqu'elle me verra faire de la magie devant elle…

Maugrey Fol-Œil fut soudain prit d'une quinte de toux inextinguible. Mrs Weasley sourit à Neville :

- Je suis sûre que cela lui fera vraiment très plaisir.

Une voix s'écria d'assez loin :

- Neville ! Neville ! Où est donc passé cet enfant !

Molly s'apprêta à retenir à nouveau le bras de Maugrey. Cependant celui-ci ne bougea pas.

- C'est Grand-Mère ! dit Neville en clignant de l'œil. Elle vieillit je crois, elle n'arrive plus à me suivre. Et pourtant je ne cours pas vite !

La Grand-Mère de Neville arriva à leur hauteur. Elle salua Molly, ainsi qu'Harry et ses amis. Elle se tourna vers Maugrey :

- Bonjour, Alastor, dit-elle.

- Bonjour, Hestia, répondit le vieil Auror qui baissa les yeux.

Elle le fixa un moment puis reporta son attention sur le groupe des amis de son petit-fils. Elle eut un sourire étrange.

- Je me disais aussi… Sacré Dumbledore ! Toujours en service, Alastor ?

Maugrey grommela une réponse inaudible.

- Hé bien, jeune homme, dit-elle à Harry. C'est à vous que nous devons cette excellente note en Défense contre les Forces du Mal, d'après Neville.

- C'est Neville qui l'a obtenue, Madame. Je n'ai fait que leur montrer ce que j'avais moi-même appris.

- Mais souvent le professeur fait l'élève, reprit Mrs Londubat. N'est-ce pas Alastor ?

Elle revint vers Harry :

- On m'a parlé de votre Patronus Corporel qui a traversé la salle d'examen sous les yeux de cette… Dolores Ombrage.

Sa bouche avait pris un air dégoûté, comme si ce nom même souillait ses lèvres.

- Vous avez obtenu une note Optimal, n'est-ce pas ? C'est ce que je vous aurais donné, en tout cas. Je n'ai jamais connu de jeune gens de votre âge qui produisent un Patronus Corporel. Pourtant, Franck, le père de Neville était vraiment très doué.

Neville leva les yeux au ciel : il savait ce qui allait suivre : Neville, hélas, ne l'est pas autant…

- Il ne faut pas dire cela, Madame, intervint Ginny malgré un regard sévère de sa mère. Il est très doué, au contraire. Je ne connais personne qui sache comme lui prendre soin des plantes, et les mélanger pour concocter des potions et des soins…

- Quand Rogue n'est pas dans le coin, chuchota Ron.

Harry cacha un sourire pour répondre à son tour :

- Il s'est aussi montré très courageux. Et sans lui nous n'aurions pas pu affronter Lucius Malefoy et Bellatrix Lestrange…

Mrs Londubat se raidit soudain et son visage se figea, dans la douleur et la colère.

- Grand-Mère n'aime pas entendre le nom de Bellatrix Lestrange, continua Neville comme Harry se taisait, craignant avoir commis un impair. Elle s'imagine que je n'aurai pas dû aller au Ministère. Mais moi, je ne le regrette pas : j'ai enfin vu en face celle qui a réduit mes parents à la folie et à la souffrance. Et elle n'est pas aussi terrible que ce que je m'étais imaginé. Rien n'est aussi terrible que ce que je m'étais imaginé.

Il frissonna au souvenir du doloris que lui avait infligé Bellatrix.

- Remarque, tu n'es peut-être pas de cet avis, Harry. J'ai quand même brisé la prophétie…

Harry accusa le coup. Il y eut un silence. Les regards de Ron, Hermione et Ginny s'agrandirent sous le choc.

- Ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose, Neville, réussit à répondre Harry.

La grand-mère de son ami plongea son regard dans le sien. Sans le quitter des yeux, elle poussa Neville par l'épaule.

- Allons, tes amis ont encore beaucoup de choses à faire, Neville.

Elle salua Mrs Weasley d'un signe de tête très digne. Elle tendit sa main à Maugrey qui la prit comme à regrets.

- Alastor, je reste dans les parages, si vous avez besoin de moi… Et transmettez mon meilleur souvenir à ce vieil Albus Dumbledore.

Neville leur fit force signes de la main jusqu'à ce qu'il disparût dans la ruelle la plus proche.

- En route ! grogna Maugrey. Assez perdu de temps.

Il poussa tout le monde en avant. Personne n'avait ouvert la bouche mais cela ne l'empêcha pas de les prier de se taire et d'avancer en silence.