Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.
Chapitre 16
Une partie d'échec
Mrs Weasley était au comble de la fureur et de l'angoisse. Elle n'avait adressé la parole ni à Ginny ni à Harry depuis qu'ils étaient arrivés à Ste Mangouste. Neville était auprès de sa grand-mère et Ron se faisait soigner. Elle n'avait aucune nouvelle, ni de Percy ni d'Hermione. Enfin, elle vit venir Ron, tout claudiquant, en compagnie de Bill. Le jeune homme se sentit très mal à l'aise lorsqu'il aperçut sa mère. A peine entendit-il Bill répondre qu'il était effectivement en France lorsqu'il avait reçu un message urgent de Molly. Et que, non, il n'était pas rentré pour Percy, mais uniquement parce que leur mère le lui avait demandé.
- Ronald Weasley !
- M'man ?
- Tu te rends compte, j'imagine, où te conduisent tes stupides idées…
- On a quand même récupéré cet imbécile de Percy…
Il ne s'attendait pas à la gifle qui claqua sur sa joue.
Ginny et Harry se levèrent d'un bond. Bill repoussa son frère hors de portée de la colère de leur mère. Celle-ci se mit à trembler et elle cacha son visage dans ses mains.
- Je suis désolé, Maman… dit Ron.
- Ce n'est pas sa faute, Mrs Weasley, intervint Harry.
- C'est la nôtre, reprit Ginny. Nous n'avons pas voulu écouter les conseils d'Hermione.
- Comme d'habitude, murmura Harry d'un ton amer.
- C'est moi qui n'aie pas voulu l'écouter… avoua Ron. Maman a raison, c'est ma faute si…
Il se laissa tomber sur le banc. Il ne cessait de voir devant ses yeux l'éclair vert surgit de l'ombre du palier, Hermione qui s'écroulait et glissait, glissait… Il avait encore sa baguette dans sa poche. Il sentit un bras sur ses épaules et le parfum de sa mère tout près de lui.
- Ronnie, mon chéri, je ne voulais pas…
- Ce n'est rien, Maman, se dégagea Ron.
Il n'avait certainement pas besoin des démonstrations d'affection de sa mère. Heureusement pour lui, Arthur Weasley fit son apparition. Il apportait des nouvelles de Percy. Les médicomages avaient réparé ce qui était réparable dans l'urgence. Il avait besoin de beaucoup de repos et de calme. Il garderait quelques cicatrices et ils n'étaient pas certains que son esprit s'en sorte sans séquelle. Harry et Ginny échangèrent un regard. Ils songeaient tous les deux aux parents de Neville, quelques étages plus haut.
- Et Hermione ? demanda Ron, la gorge sèche.
- Je ne sais pas, répondit très vite son père.
Tout le monde vit qu'il mentait.
- Bill, reprit Arthur pour couper court aux questions. Dumbledore veut te voir pour assurer la sécurité autour de la petite Hermione.
- Dumbledore est ici ! s'écrièrent en même temps Harry et Ron.
- Il vous verra tout à l'heure…
- Oups… fit Ron.
- Oui, et j'espère qu'il vous fera un sermon que vous n'oublierez pas ! grogna Molly.
- En fait, continua son mari en se grattant la tête d'un air dubitatif, il m'a chargé de leur transmettre dès à présent ses félicitations pour leur esprit d'à propos et d'initiative…
- Quoi ? cria Mrs Weasley.
- Il semblerait qu'un malheureux concours de circonstances ait éloigné tous les adultes responsables auxquels ils auraient pu s'adresser. Je pense, et Dumbledore avec moi, que Percy ne serait plus de ce monde, s'ils n'avaient décidé une fois de plus d'agir de leur propre chef…
- Mais, Arthur, mon chéri… souffla Mrs Weasley… Ce ne sont que des enfants…
- Tu connais beaucoup d'enfants qui ont affronté des Mangemorts de la trempe de Bellatrix Lestrange et qui peuvent encore le raconter ? demanda Bill sérieusement.
Ron leva vers son frère un regard plein de reconnaissance. Mrs Weasley leva les bras au ciel :
- Vous allez…
- Me rendre folle ! achevèrent en chœur Bill, Ron et Ginny.
Harry sourit pour lui-même. Il s'approcha de Mr Weasley :
- Et Hermione ? insista-t-il à voix basse.
- Ils font leur possible, Harry. C'est une vraie cochonnerie que ce sortilège… Elle a perdu l'usage de la parole quand elle est arrivée. Ils ont réussi à lui éviter de tomber dans le coma et à enrayer le processus de paralysie des organes vitaux mais ils ignorent pour combien de temps…. Et surtout, ils ne savent pas quel autre effet peut se déclarer d'une minute à l'autre.
Il s'aperçut que tous l'écoutaient, pâles et silencieux.
- Dumbledore a parlé de faire venir ses parents si son état ne se stabilisait pas rapidement.
Harry jeta un coup d'œil discret vers Ron. Le jeune homme regardait son père fixement :
- Mais… elle sera à Poudlard pour la rentrée… dit-il.
Mr Weasley fit un signe à Bill qui le suivit. Neville vint rejoindre ses amis, et bientôt les jumeaux se précipitèrent aux nouvelles.
- Nous sommes accourus… commença George.
- Dès que nous avons su ! termina Fred.
- Comment va Hermione ? demanda George.
- Tonks nous a dit que c'était grave ! ajouta Fred.
- Vous ne demandez pas des nouvelles de votre frère ? s'indigna Mrs Weasley.
- Comment vas-tu, Ron ? demanda aussi sec George.
- Chouette blessure ! admira Fred.
- Pas lui ! grogna Molly.
- On a vu Bill, il va bien, reprit sérieusement Fred.
- Et Charlie n'est pas dans le coup ! fit George.
- On a un autre frère ? Demanda Fred à George qui fit semblant de réfléchir.
- Heu… je ne m'en souviens pas…
- Vous oubliez celui à cause duquel nous sommes ici, dit Ginny sévèrement.
- Oh celui-là ! dit George.
- Il parait qu'il est à demi…
Il fit rouler ses yeux tout en se frappant la tempe de l'index. George lui donna un coup de coude et désigna discrètement Neville.
- Enfin… Ça ne le changera pas de d'habitude… se hâta de dire Fred.
- Vous êtes des sans cœurs ! s'étrangla Mrs Weasley.
- Nous ? Alors que nous avons abandonné notre florissante affaire pour courir jusqu'ici…
- Même si nous sommes surtout là pour Hermione…
George s'assit à la droite de Ron, Fred à sa gauche.
- Et pour soutenir notre frère Ron face à l'adversité…
George tendit la main à Ron éberlué qui la prit sans comprendre.
- Désolé, Ron, pour la dernière fois. Fred m'a raconté. Je ne savais pas ce que je faisais, ni ce que je disais…
- C'est pas à moi qu'il faut faire des excuses, dit Ron un peu gêné.
Fred prit la main de Ron pour la serrer à son tour.
- Oui, Ron, on est désolés. On n'avait pas compris… Mais Bill nous a tout expliqué…
Ron jeta un regard désespéré à Harry. Qu'est-ce que Bill avait bien pu leur raconter ?
Ils attendaient dans un silence de plus en plus lourd que le Professeur Dumbledore vienne les voir. Lorsqu'il se présenta, le visage soucieux, Ginny se précipita vers lui. Ron se leva vivement et Harry tourna vers lui un regard angoissé. Le professeur paraissait très vieux et son sourire était fatigué. Il s'appuya sur l'épaule de Harry.
- Percy s'est réveillé, Molly… Il nous a raconté ce qui s'était passé. Pettigrew était sur le point de le tuer lorsque ces jeunes gens sont intervenus…
- Sait-il pourquoi on l'a enlevé ? demanda Mrs Weasley avec anxiété.
- Peter espérait obtenir des informations sur le lieu où Harry se cache de Voldemort. Il espérait enlever Arthur ou Ron, mais il est tombé sur Percy.
Mrs Weasley fit un effort pour tourner la tête vers son fils.
- Alors j'ai eu raison de vous demander de les mettre à l'abri…
- A l'abri, oui, Molly… mais nous avons eu tort de les laisser à l'écart.
- Ça veut dire que nous ne serons pas renvoyé ? demanda timidement Neville.
Le sourire de Dumbledore le rassura tout à fait.
- Et Hermione ? demanda Harry devant le visage défait de Ron.
Dumbledore soupira.
- Miss Granger est une jeune personne pleine de ressources, Harry… Les médicomages ont réussi à lui rendre la parole, il y a quelques instants.
- Je suis sûr qu'ils l'ont regretté aussitôt, fit Ron.
Dumbledore lui lança un coup d'œil amusé.
- En effet, acquiesça-t-il.
- Je parie qu'elle leur a donné des conseils sur la manière de la soigner, grommela Ron presque soulagé.
Il se rassit, les jambes flageolantes.
- Alors, elle va bien… voulut s'assurer Harry.
- Ce n'est pas possible à dire encore… Je crains qu'elle ne doive rester quelques jours en observation… peut-être même plusieurs semaines…
Le rire de Ron surprit tout le monde. C'était un rire un peu stupide et totalement incongru.
- Ça va la rendre folle ! dit-il.
- Elle n'est pas en état de discuter les ordres des médicomages, fit sévèrement Mrs Weasley.
- Ce n'est pas tant cela, Maman… reprit Ron. Tu ne te rends pas compte ! Elle va rater la rentrée !
- C'est ce qui l'inquiète, approuva Dumbledore dans un sourire triste. Mais je lui ai assuré que vous garderez sa place au chaud, Harry et toi, aussi longtemps que nécessaire.
Ron pâlit un peu à ces dernières paroles. Cependant, Dumbledore conseillait déjà à Molly de se rendre auprès de Percy si elle le désirait.
- Je rentre à Poudlard avec ces jeunes aventuriers, Molly. Quant à vous soyez très prudents, conseilla-t-il aux jumeaux.
Il fit signe aux jeunes gens de le suivre et Molly serra une dernière fois Ginny et Ron contre son cœur. Harry se demandait comment Dumbledore comptait les ramener tous à l'école. Ils se rendirent dans le bureau du Directeur de l'hôpital où Dumbledore paraissait avoir ses entrées. Fumseck, dans la splendeur de sa maturité, les accueillit d'un cri joyeux. Harry savait à présent quel moyen de transport ils allaient emprunter.
- Toi d'abord, Harry, dit Dumbledore.
Harry saisit l'aile de Fumseck et ressentit cette sensation au creux de l'estomac qui commençait à lui être familière. Il se retrouva dans le bureau du Directeur et Fumseck disparut à nouveau. Il attendit un moment que ses amis le rejoignent mais il resta seul. Il entendit alors un ricanement qu'il reconnut comme celui de Phineas Nigellus. Il se tourna vers le tableau. Le portrait de l'ancien directeur se tenait nonchalamment appuyé contre le cadre.
- Il me semblait bien avoir entendu du bruit…
Les autres portraits étaient vides, sauf celui d'une femme qui lui souriait avec bienveillance.
- Harry Potter, reprit le portrait. De la mort de qui êtes-vous responsable aujourd'hui ?
Une colère venue du fond de sa mémoire lui brûla l'esprit.
- D'un autre des membres de votre illustre famille, répondit Harry avec une froideur qui l'étonna lui-même.
- Mon illustre famille est fort grande, Potter, comme vous ne l'ignorez pas.
- Le nom de Bellatrix Lestrange vous dit-il quelque chose ? répondit Harry presque indifférent.
Il y eut un silence. Harry vit le Phineas du portrait le fixer, incrédule.
- Ainsi, vous avez vengé mon arrière arrière petit-fils, Potter ?
- Moi ? Non, Monsieur. Ce n'est pourtant pas l'envie qui m'en manquait…. Mais j'ai été pris de vitesse par un individu aussi immonde que votre arrière arrière petite fille. Un certain Peter Pettigrew.
- Ce misérable ! C'est impossible !
- Il faut dire que Bellatrix était déjà bien empêtrée dans un sortilège de bloque-jambe…
- Un bloque-jambe ? manqua s'étouffer Phineas Nigellus. Bellatrix terrassée à cause d'un bloque-jambe ?
- Oui, fit Harry sur un ton léger. C'est assez stupide, n'est-ce pas.
Il se promit de rappeler ce détail à Ron. Cela lui remonterait peut-être le moral de savoir qu'il était à l'origine de la fin de Bellatrix Lestrange.
- J'imagine que vous êtes heureux de cela, reprit l'ancien directeur.
- Hé bien, je n'en suis pas mécontent…
- Vous n'avez pourtant pas le cœur à faire la fête… Serait-il arrivé un quelconque malheur à l'un de vos amis, Potter ? Serait-ce à l'un des Weasley ou à bien à cette arrogante petite moldue ?
- Hermione est une sorcière !
- C'est donc à elle que vous songez en ce moment, Potter… J'espère qu'il ne lui est rien arrivé de grave…
Harry se tourna violemment vers le sourire ironique du portrait. Dans un glissement soyeux, Dumbledore et Fumseck apparurent. Le phénix reprit sa place sur son perchoir. Le Professeur Dumbledore s'assit à son bureau et d'un geste invita Harry à en faire autant. Celui-ci ne pouvait retirer son regard de celui de Nigellus.
- Merci, Phineas… dit le Dumbledore sans se retourner. Je n'ai pas besoin de vous…
- Comme vous voudrez, Albus. Vous savez où me trouver.
Il quitta son cadre dans un petit rire agaçant.
- Harry… commença le professeur Dumbledore sur un ton bas. Ce qui s'est passé cet après midi a-t-il un rapport avec le professeur Rogue ?
Harry regarda Dumbledore complètement effaré.
- Je ne comprends pas, Monsieur…
- Est-ce que c'est la méfiance que tu éprouves pour Severus qui vous a fait passer outre les plus élémentaires règles de sécurité ?
Harry réfléchit un court instant.
- Je crois que Ron a été pris de panique, dit-il lentement. Et que sa panique a fini par nous gagner tous. Nous étions prêts à aller trouver le Professeur Rogue quand Rusard nous a appris qu'il était parti et qu'il ne savait quand il reviendrait… Il fallait agir vite et…
- Et vous n'avez pas pensé à m'envoyer Hedwige d'ici pour m'avertir… ?
- On n'était pas sûrs que vous recevriez le message à temps, Professeur, répondit Harry tout en se rendant compte que ç'aurait pu être vrai aussi du message envoyé de la maison des Pettigrew. Et puis, le Professeur Rogue a mis Rusard sur les traces d'Hermione et il ne nous aurait jamais laissé envoyer quelque message que ce soit…
- Il vous a laissé entrer dans le bureau du professeur Rogue, pourtant, fit remarquer Dumbledore amusé.
- Ho ! Ça ! c'est parce qu'Hermione a envoyé Peeves pour l'occuper…
Harry rougit. Le sourire dans l'œil du professeur le rassura pourtant.
- C'est bien, Harry. Je craignais que tes sentiments envers Severus Rogue ne te fasse encore commettre quelque acte irréfléchi.
Il chassa le sujet d'un geste de la main. Il posa à nouveau son regard dans celui de Harry.
- Est-ce que toi et tes amis avez une petite idée des raisons pour lesquelles Voldemort a tué ce pauvre Kreattur ?
Harry secoua la tête.
- Hermione était persuadée… Elle est persuadée que nous connaissons la raison pour laquelle Voldemort a tué Kreattur.
- Elle a sans doute raison, murmura Dumbledore. Nous avons fouillé la maison des Black dans l'espoir de trouver un indice. Nous n'avons rien vu ou rien su voir…
- Hermione pense qu'il a entendu quelque chose chez les Malefoy. Un plan peut-être ? Des noms ? Elle n'a pas eu le temps d'y réfléchir…
- Je te ferai transmettre toute information, Harry. Et toi n'hésite pas à aller trouver le professeur Rogue.
- A propos d'Hermione, professeur… commença Harry.
- Je ne peux t'en dire davantage, Harry. J'ignore si elle pourra revenir…
- Non, professeur…elle était très inquiète pour son insigne de préfète. Le professeur Rogue leur avait laissé entendre qu'on pourrait le leur retirer, à elle et Ron…
- Punit-on quelqu'un parce qu'il est trop intelligent, Harry ? Ou parce qu'il se montre fidèle à ses amis et courageux ?
- Le professeur Rogue oui.
Dumbledore secoua la tête en souriant.
- Nous vous avons laissé désoeuvrés, nous avons eu tort…
Il ouvrit un tiroir de son bureau et sortit un insigne de Préfet.
- Cela me fait penser… Avec tous ces évènements, j'ai complètement oublié… Peux-tu remettre cela à Ginny Weasley ?
Harry prit l'insigne et le retourna entre ses doigts.
- A la place d'Hermione ?
- Non, Harry. Ginny est en cinquième année et je l'ai choisie comme préfète.
- Cela mettra du baume au cœur de Mrs Weasley…
Harry rangea l'insigne dans sa poche. Il songea que quelques semaines plus tôt Dumbledore lui avouait qu'il ne l'avait pas nommé préfet à cause de ce qui l'attendait.
- Harry, merci d'avoir fait passer le message à Mrs Pomfresh… j'ai des chaussettes pratiquement neuves à présent…
Harry hocha la tête. Parfois Dumbledore le sidérait…
Harry quitta le bureau de Dumbledore et descendit vers la salle de Gryffondor. Lorsqu'il traversa le hall, il trouva Rusard au milieu des escaliers, qui le regarda passer avec un sourire de triomphe. Son sourire s'élargit lorsque Rogue s'avança à grands pas vers le jeune Potter.
- Vos heures dans cette école sont comptées, Potter… marmonna le concierge entre ses dents.
Harry leva les yeux vers Rogue. Il s'attendait à un sourire mauvais et des paroles acerbes. Un visage fermé et dur, un silence inhabituel, ce fut tout ce qu'il offrit à Harry avant de tourner les talons. Pour Harry, ce fut pire que des réflexions moqueuses. Il monta rapidement à la salle de Gryffondor. Neville, Ginny et Ron l'attendait manifestement.
- Où étais-tu ? cria Ron qui bondit vers lui.
- Chez Dumbledore, répondit Harry.
Il sortit l'insigne de préfet qu'il tendit à Ginny.
- Félicitations, dit-il.
Ginny le prit avec un sourire un peu triste.
- Hermione avait dit que j'aurais l'insigne, murmura-t-elle.
Elle se détourna vivement.
- Il l'a déjà remplacée, grimaça Ron.
- Mais non, dit Neville… C'est normal que Ginny ait l'insigne. Félicitation, Ginny. Tu le mérites amplement.
Il y eut un silence qui se prolongea.
- Comment va ta grand-mère ? demanda Harry.
- Mieux, répondit Neville. Elle n'était pas trop en colère. Elle m'a dit que de toutes façons, cette année, j'aurais quelqu'un pour veiller sur moi… Vous savez ce qu'elle a voulu dire ?
- La seule personne qui peut veiller sur toi, Neville, c'est toi-même ! dit Ginny fermement.
Ils restèrent dans la salle sans bouger jusqu'à la nuit. Ils ne descendirent pas dans la Grande Salle pour le repas. Ginny refusa de monter dormir seule dans son dortoir. Ils s'installèrent dans les fauteuils pour rester tous ensemble. Ron s'endormit la tête dans ses bras croisés sur la table. Harry veilla très tard, les yeux fixés dans l'âtre éteint de la cheminée. C'aurait dû être une journée de joie et de soulagement. Au lieu de cela, il revoyait sans cesse l'éclair vert qui sortait de la baguette de Pettigrew pour frapper Bellatrix. Brutalement, une autre image s'imposa à lui: le même Pettigrew, sans sa main en argent, le même éclair et Cédric Diggory qui tombait à terre. Une douleur fulgurante traversa son front. Il crut qu'il était en train de rêver. La pièce était sombre et l'impatience lui faisait mal dans son cœur et dans son corps. Une impatience pleine de colère. Une porte s'ouvrit et Peter s'empressa, courbé dans une attitude si servile que Harry eut un haut le cœur.
- Maître, vous m'avez appelé ?
- Ce n'est pas toi que j'ai appelé !
La voix sifflante était dans l'esprit de Harry.
- Elle ne viendra pas, Maître. Elle ne viendra plus…
La colère à nouveau.
- Tu mens !
- Non, Maître, elle est morte…
Le cœur de Harry brûla d'une rage irrationnelle.
- Tu l'as tuée !
Queudver se recroquevilla. Il leva sa main de chair, comme une prière.
- Maître… Elle m'y a obligée… Elle allait me faire perdre Harry Potter…. Elle me l'a fait perdre, Maître. Elle s'est mise entre lui et ma baguette, Maître…
Le doute… Il fouillait dans l'esprit de Pettigrew sans réussir à savoir s'il mentait ou non. Ce sale rat avait l'habilité de mettre assez de vérité dans ses mensonges pour détourner les soupçons.
- Stupide vanité ! gronda la voix dans la tête de Harry. Tu m'as privé de mon meilleur élément !
- Maître, je suis là pour vous servir…
La voix se fit méprisante :
- Toi…? Oui, tu me sers, ne l'oublie jamais, Peter.
- Non, Maître… Que dois-je faire à présent ?
- Va chercher…
La voix s'interrompit. Harry sentit son front prendre feu.
- Qui, maître ? Vous n'avez besoin de personne. Je suis là…
- Fais venir…
A nouveau la voix s'arrêta. Qui ? Qui ? Harry ne pouvait fermer plus son esprit. Il sentait la volonté de Voldemort se heurter à la sienne. Il s'éveilla en sursaut, le souffle court, ses deux mains sur sa gorge. Il manquait d'air. Qui serait le remplaçant de Bellatrix Lestrange auprès du Maître des Ténèbres ? Il se leva et s'en fut secouer Ron par le bras.
- Ron ! Réveille-toi ! J'ai besoin de toi !
Ron marmonna des paroles inintelligibles.
- Ron !
Ron leva la tête :
- C'est elle qui a voulu passer devant ! cria-t-il.
Il resta un instant interdit devant Harry. Il fit du regard le tour de la salle. Ginny s'agita un peu dans son sommeil. Neville avait presque entièrement glissé de son fauteuil. Il faisait à intervalles réguliers des petits bruits de respiration qui ressemblaient à des ronflements légers. Il chercha Hermione et se souvint qu'elle luttait contre la mort, dans une chambre de l'hôpital Ste Mangouste.
- Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il à Harry.
- Va chercher ton échiquier, je veux que tu voies quelque chose.
- Quoi ? fit Ron.
Il frotta sa tête entre ses mains. Il devait avoir mal entendu. Il n'était pas réveillé.
- Tu veux vraiment faire une partie d'échecs à cette heure-ci ?
- Ce n'est pas contre toi que je veux jouer, Ron, c'est contre Voldemort !
Ron se leva lentement. D'accord, Harry était en train de perdre la raison. Ce n'était qu'une catastrophe de plus. Au moins de celle-ci il n'était pas responsable. Il chercha son échiquier et le descendit à la salle commune. Il vida les pièces sur la table. Elles firent savoir que ce traitement, à cette heure matutinale, ne leur plaisait guère.
- Qui a les blancs ? Qui a les noirs ? soupira Ron.
Harry écarta l'échiquier de la main.
- Toi ! Tu joues les deux parties en présence.
- Ecoute, Harry, je suis fatigué. Je n'ai vraiment pas envie de jouer aux devinettes…
Harry prit les pions noirs et les poussa devant Ron. Il lui montra le Roi qu'il posa au milieu de la table :
- Voldemort ! dit-il.
Il saisit la Reine : Bellatrix Lestrange. Puis le Fou : Queudver ! Ensuite la Tour : Nagini. Le Cavalier : Lucius Malefoy ?. Les pions, il les désigna comme les Mangemorts. Puis il fixa Ron dans les yeux : qu'est-ce que cela t'inspire ?
Ron avança lentement la main vers le Roi Noir. Il la retira vivement pour saisir la Reine qu'il plaça devant le Roi, ainsi que la Tour, le Fou et le Cavalier. Les pions, il les plaça à leur tour devant les pièces maîtresses. Il coucha la Reine et la pièce lui adressa une insulte qui aurait fait rougir Mrs Weasley.
- La Reine est morte, dit-il. Son Fou, il ne peut avoir confiance en lui. Sa Tour n'a pas de cervelle. Et son Cavalier est en prison. Il n'a personne pour mener ses pions. Ses défenses sont affaiblies. Chaque fois qu'il mène une attaque pour te mettre en difficultés il perd des hommes.
- Bien, l'encouragea Harry, heureux de voir que Ron avait compris ce qu'il attendait de lui. Que va-t-il faire à présent ?
Ron s'assit et examina la situation.
- Il n'a qu'une tactique jusqu'à présent : te forcer à venir à lui. Il reste sur ses positions et il envoie ses sbires. Il n'y a aucune raison pour que cela change.
Il rangea la Reine dans la boite. Il replaça à sa gauche la Tour, à sa droite le Fou. Les pions, il les laissa tels qu'ils les avaient déjà placés. Puis il prit le Cavalier à pleine main et joua un instant avec lui, sans s'inquiéter des récrimination de ce dernier. Il le posa brutalement entre le Roi et les pions.
- Maintenant, il lui faut son Cavalier.
Harry hocha la tête. C'était bien ce qu'il avait pensé.
- Il va faire évader Lucius Malefoy d'Azkaban et le mettre à la tête de ses Mangemorts pour mener ses attaques contre toi. Son Fou, il le garde pour mener ceux qu'il réserve pour semer la panique chez les sorciers et les moldus, comme la première fois. Il ne peut lui faire confiance en ce qui te concerne. Quant à sa Tour, soit il lui achète un cerveau, soit il la garde pour se protéger en ultime recours. En l'état actuel des choses, moi je le jouerai comme ça.
Harry repoussa les pièces blanches vers son ami.
- A leur tour.
Ron prit le Roi blanc avec plus d'assurance. Dumbledore ?
- Non, moi, répondit Harry.
Ron poussa la Reine à côté du Roi.
- Hermione, dirent les deux garçons en même temps.
Devant, le jeune Weasley posa la Tour et le Fou :
- Ginny et moi ? demanda-t-il.
- Non, fit à nouveau Harry. Toi tu es le Cavalier.
- Tu es sûr ? s'inquiéta Ron.
- Oui, c'est un rôle où tu as excellé déjà une fois. La Tour c'est Neville. Le Fou…
Harry hésita.
- Est-ce moi ? demanda Ginny qui s'était réveillée depuis un moment et les écoutait en silence.
- Non, lui répondit Harry en souriant. Toi tu es le Cavalier du Cavalier. Parce qu'à la différence de Voldemort, je sais que je peux faire confiance à ceux qui m'entourent et que si l'un de mes amis tombe, un autre se lèvera pour prendre sa place.
- Et qui prendra la place d'Hermione ? demanda Neville d'une voix ensommeillée.
- La place d'Hermione n'est pas à prendre ! clama Ron.
- Et le Fou ? insista Ginny.
- Luna me semble toute indiquée, fit Ron s'attirant un regard caustique de sa sœur.
- Rogue…
La voix d'Harry était incertaine.
- J'ai mal entendu, dit Ron.
- Non, finit par dire Harry. Tu as très bien entendu. Mon Fou c'est Rogue, et ne me demande pas pourquoi. Je n'en sais rien. C'est son nom qui m'est venu à l'esprit.
- En tout cas, voici un point commun avec Volde… Ron buta sur le mot. Tu ne peux pas faire confiance à ton Fou, toi non plus…
Harry lui sourit.
- Encore un effort, Ron et tu réussiras à prononcer son nom toi aussi…
- S'il ne m'arrache pas la bouche avant, grimaça le jeune homme.
Harry lui montra les pièces : Alors ? Ton avis…
- Pour l'instant, tant que tu n'es pas prêt à l'affronter, tu dois rester derrière la barrière des pions et des pièces : nous et l'Ordre. Nous te protégeons et toi tu cherches un moyen de l'approcher sans qu'il croie que tu viens à lui de ton plein gré. Afin qu'il ne sache pas trop tôt quels sont tes desseins.
- Oui ! fit Ginny soudain intéressée. Lui faire croire qu'il t'a piégé, pour qu'il ne se doute pas que c'est toi qui le pièges… Tu m'épates Ron, tu te mets à penser comme Hermione.
Ron fit une grimace.
- Ensuite, reprit-il en avançant les pions blancs, nous t'ouvrons le chemin vers lui. Nous empêchons les Mangemorts de te tomber dessus et de venir en aide à leur maître. Cavalier contre Cavalier. Ç va chauffer ! J'ai intérêt à m'entraîner dur en Défense contre les Forces du Mal. Tour contre Tour ! Toi aussi Neville, tu vas devoir progresser encore ! Toi et la Reine contre le Roi noir ! Et que fais-tu des Fous ?
- Les Fous ? reprit Harry… Avec un peu de chance, ils auront réglé leurs comptes entre eux…
- C'est bien joli tout cela, fit Neville qui ne comprenait pas grand-chose de plus à la stratégie de Ron qu'aux échecs. Mais rien ne dit que cela va se passer comme ça.
- Je ne dis pas que cela va se passer comme cela, dit Ron. Je dis que c'est le cap que nous devons prendre. Il faut que nous gardions en tête nos objectifs. Ce n'est pas important qu'ils marquent des points, tant que nous gardons la tête froide pour contre-attaquer. Lorsque Harry aura Voldemort en main, peu importe le score, nous aurons gagné.
- Houlà ! fit Harry. Voilà que tu parles comme Olivier Dubois maintenant !
- Je ne sais pas, répliqua Ron, je ne faisais pas partie de l'équipe quand il était capitaine.
- Donc, reprit Neville pour remettre ses idées en place. Pour l'instant, nous devons laisser faire Dumbledore et nous préparer au combat. Harry avec le professeur Rogue. Et nous avec Harry. Pour gagner du temps… et trouver le moyen de vaincre Vous-Savez-Qui.
Harry hocha la tête.
- Tant que ses pensées seront tournées vers moi, il ne pourra se consacrer entièrement à son retour. Nous avons causé la perte de deux de ses pièces maîtresses. Il nous faut empêcher le retour de Lucius. Je vais prévenir Rogue…
- Heu… fit Ron, tu vas lui dire que…
Il désigna la table d'un air dubitatif.
- Non, répéta Harry. J'ai fait un rêve et je voulais une confirmation. Pour son Fou, je vais apprendre à mettre le doute dans son esprit comme il l'a mis dans le mien. Il n'y a que pour sa Tour que j'ignore comment nous pourrons procéder. Les Aurors se chargent des pions et nous avons une arme secrète.
- Ha oui ? fit Ron.
- Oui, nous avons Dumbledore avec nous…
Harry soupira. Il se sentait plus serein. Le désarroi de la veille semblait passé. Il n'avait plus de doute concernant le retour prochain d'Hermione. Il n'avait plus de doute concernant ses capacités à faire face à Voldemort.
- Garde ton échiquier sous le coude, Ron, dit-il en s'étirant alors que le point du jour allumait ses feux à la fenêtre. C'est un excellent jeu, les échecs. Qui aide à la réflexion et au mûrissement des idées…
Il savait que les échecs en eux-mêmes n'avaient aucune importance. Ce qu'il fallait à Ron, c'était lui parler son langage. Il lui aurait parlé Quidditch s'il avait été sûr de ses capacités à appréhender l'esprit du jeu, alors qu'il venait tout juste d'en saisir la réalité. Il se dit aussi qu'il avait trouvé aussi un excellent moyen d'occuper l'esprit de son ami, pour l'éloigner de ses préoccupations concernant Hermione.
Il examina une dernière fois la configuration des pièces. Dès qu'Hermione rentrerait, il lui montrerait l'échiquier. Il ne doutait pas que la jeune fille verrait au premier coup d'œil quel était le rapport entre tout ceci et la mort de Kreattur.
