Chapitre 23
Halloween
La rumeur se répandit comme une traînée de poudre. Les Professeurs avaient accepté l'ouverture de la Salle Commune. Ils avaient choisi une salle de cours inoccupée au rez-de-chaussée, pas loin du grand hall. Les couleurs de Poudlard la recouvraient et le blason de l'école flottait sur l'un des murs de la pièce. Les préfets s'étaient chargés de la décoration avec le Professeur Flitwick. Il adorait faire apparaître guirlandes et faux plafonds.
Rusard errait souvent autour de la salle, désemparé. Comment avaient-ils osé ! Comment avaient-ils pu lui faire ça ! C'était le début de la décadence de Poudlard ! C'était la porte ouverte à tous les débordements. Il lisait et relisait le règlement affiché à l'entrée de la salle en préparation. Il ne pouvait encore reprocher à quiconque le moindre manquement à la règle, néanmoins les rires et la joie que manifestaient les élèves le rendaient de plus en plus morose. Il regrettait de plus en plus souvent et de plus en plus haut le temps de la Grande Inquisitrice.
Malefoy avait clairement fait savoir qu'il ne mettrait pas les pieds dans ce cloaque de sang-de-bourbes et que ceux qui tenaient à leur honneur de sorciers ne s'y fourvoieraient certes pas non plus. Le regard qu'il avait jeté sur ceux qui le considéraient encore comme le meneur des Serpentard les avaient dissuadés de passer outre cette interdiction déguisée, s'ils en avaient eu quelque envie.
L'inauguration de la Salle Commune devait avoir lieu le 31 octobre, juste avant la fête d'Halloween. Pour compenser l'annulation de la sortie à Pré-au-Lard. Des Détraqueurs avaient été vus, ou aperçus, ou juste pressentis, dans la région et le Conseil d'Administration de l'école avait jugé bon d'appliquer le bon vieux principe de précaution. La nouvelle avait d'abord démoralisé tout le monde, puis l'annonce de l'ouverture imminente de cette salle que beaucoup attendaient impatiemment avait enflammé les élèves. Les préfets s'étaient chargés de faire connaître le règlement intérieur à leurs camarades de Maison. Hermione s'en était réservée deux copies afin de souligner en rouge tous les passages qu'elle jugeait que Dean Thomas et Seamus Finnigan devaient avoir en mémoire expressément.
- Et qu'est-ce qu'on risque ? s'était moqué Dean tandis qu'il survolait d'un œil distrait les pages couvertes d'encre vermillon.
- L'exclusion ! avait répondu Hermione d'un ton sec. Le Professeur Flitwick connaît un sortilège qui vous enverra à l'autre bout du pays si vous passez le seuil de la Salle Commune alors que vous en êtes interdits.
Seamus avait souri, tout en levant un sourcil vers Ron. Celui-ci avait confirmé d'un hochement de tête.
Dean et Seamus s'étaient alors empressé d'étudier ce fichu règlement afin de trouver un moyen de le détourner sans subir les foudres de la jeune préfète. Ron et Hermione étaient retournés près de Harry. Il passait tout son temps libre, et comme il en avait très peu il rognait sur celui destiné à son travail scolaire, à regarder les pièces du jeu d'échecs étalées sur la table. A son retour de l'infirmerie, il avait affronté les regards de ses camarades avec beaucoup d'appréhension. A nouveau les murmures s'élevaient et les yeux se détournaient de lui. Hermione avait vu le désarroi en lui. Et Neville lui avait fait signe de ne pas faire attention. Ron, lui, n'avait rien remarqué. Il s'était installé devant son échiquier et avait rangé les pièces. A voix basse, il avait récapitulé les faits : Voldemort était privé de sa Reine et de son Cavalier. Il savait qu'il lui fallait frapper Harry le plus vite possible, avant qu'il n'ait le temps d'acquérir des pouvoirs plus grands. Allait-il l'amener à lui de la même manière qu'il l'avait attiré au Ministère ? Il se doutait que le jeune Potter ne tomberait pas deux fois dans le même piège. Ou, en tous cas, qu'il serait mieux préparé que quelques mois plus tôt… Dumbledore ne le laisserait d'ailleurs jamais l'affronter avant qu'il ne soit prêt. Il lui faudrait aller à Harry. Le débusquer. Il savait qu'il était à Poudlard pour l'année scolaire. Il lui fallait trouver un moyen de l'approcher. Lui même, ou l'un de ses lieutenants. Car il ne savait pas que lui seul devrait tuer Harry pour prétendre régner sur le monde des sorciers.
Ron jouait avec le Fou et la Tour noire. Les deux pièces s'offusquaient de ce traitement peu respectueux et le faisaient savoir énergiquement.
- S'il ne vient pas lui-même, dit soudain Ron…
- Rogue dit que Voldemort n'est pas ici, ragea Harry.
- Et tu le crois ? chuchota son ami.
- Il serait le premier averti, s'il était là ! murmura Hermione les yeux au ciel. En même temps que Harry !
- Et pourquoi ? demanda Ron agacé.
Harry porta la main à sa cicatrice. Il la baissa aussitôt devant le mouvement d'inquiétude de Ron.
- Bien sûr qu'il le saurait, dit-il comme pour lui-même.
Ron posa brutalement les deux pièces qu'il tenait dans les mains devant Harry :
- Alors il devra bien t'envoyer l'un de ceux-là, ou peut-être même les deux !
- Et nous ? demanda Hermione. Que pouvons-nous bien faire ?
- Toi ? Pas grand-chose pour l'instant, lui envoya Ron mesquinement.
Il reçut le pied de Harry dans le tibia aussitôt.
- En fait, reprit Ron vivement, je ne crois pas qu'il t'enverra Pettigrew. Il t'avait à sa merci et tu lui as échappé une fois. Cela lui a coûté sa Reine. Il ne risquera pas de perdre une autre pièce maîtresse. Par contre, avec son serpent visqueux, pas de risque qu'il essaye de le doubler. Il suffirait de le glisser dans les tuyauteries de l'école et hop… plus de Harry…
- Si c'était si facile d'entrer à Poudlard…
- On en est bien sorti ! interrompit Ron.
Hermione se tut.
- Ensuite, que ferais-tu ? continua à réfléchir Harry. N'oublie pas que je ne suis pas seul.
- Je ne l'oublie pas ! Je m'occuperai de tes défenses. Ta Reine est hors d'usage –désolé, Hermione ! fit Ron sur un ton qui ne l'était pas du tout. Il pourrait peut-être d'abord s'occuper de ta Tour ou de ton Cavalier, ou même de ton Fou. Tiens et pourquoi pas de Dumbledore ? Nous sommes tous réunis dans un même endroit pourquoi ne pas en profiter ? Neville et moi d'abord, ensuite il en profite pour achever Hermione…
- Ce sera facile, l'interrompit cette dernière.
- Tu m'enlèves les mots de la bouche !
- Je sais !
- Et enfin toi, Harry. Après il aura le champ libre pour régler ses comptes avec Rogue, si tant est qu'il l'a réellement trahi…
Il fit semblant de ne pas remarquer le haussement de sourcils désabusé d'Hermione, ni sa grimace d'exaspération.
- Et avec Dumbledore…
- Mais ça ne nous dit pas ce que nous… vous pouvez faire pour l'empêcher de mettre ce projet à exécution… murmura Hermione.
- Rien pour l'instant, à part être vigilants… soupira Harry
- Et garder nos pieds au sec… se mit à rire Ron.
Cependant cela ne leur disait rien concernant les raisons pour lesquelles Voldemort avait tué Kreattur.
- Peut-être craignait-il que ce vieux rat dégoûtant ne raconte comment il a vu Tu-Sais-Qui prendre le thé avec ce cher Drago dans le salon de son Mangemort de père.
Ron porta à ses lèvres une invisible tasse de thé, les lèvres pincées et le petit doigt en l'air.
- Monseigneur ? Une ou deux cuillerées de poudre d'asphodèle dans votre breuvage ?
Harry sourit. Hermione hocha la tête. Ron rangea ses pièces dans la boite et partit la remettre dans son dortoir.
- Tu n'as pas l'air d'aller très bien, Harry, lui dit Hermione quand leur ami se fut éloigné.
- Tu n'en as pas l'air non plus, Hermione.
- Tu crois vraiment qu'il était là, l'autre soir.
Harry haussa les épaules. Il ne savait pas. Il ne savait plus. Et puis quelle importance. S'il mourait, tout serait fini et il n'en aurait plus rien à faire. Il pourrait retrouver ses parents, Sirius, derrière le voile de la Mort. La salle du département des Mystère l'obsédait de plus en plus. Il passa ses mains sur son visage.
- Tu devrais quand même demander à Mrs Pomfresh de te donner un peu de sa potion Pimentine pour te requinquer, sourit-il à Hermione.
- C'est ça, grinça-t-elle entre ses dents, pour que Ron dise que j'ai le cerveau qui fume par les oreilles !
Harry se mit à rire.
- Vous êtes encore fâchés ?
- Mais moi je ne suis pas fâchée !
- Il t'a encore traitée de Vélane ?
A peine avait-il parlé qu'il se traitait d'idiot. Comment cacher à Hermione la conversation qu'il avait eu avec Ron et Neville. Heureusement, elle se mit à rire.
- C'est toi qui es myope, Harry, pas Ron ! Je n'ai rien d'une Vélane ! Surtout en ce moment !
- Oh tu sais ! Dans la bouche de Ron ce n'est pas forcément une mauvaise chose… essaya-t-il afin de retomber sur ses pattes, tout en se rendant compte qu'il s'enfonçait davantage.
- Ecoute, Harry, riait encore Hermione, le jour où Ron me traitera de Vélane, quelle que soit son intention, je te jure que j'assisterai à tous les matchs de Gryffondor avec sur la tête un chapeau comme ceux que porte Luna.
Harry interrompit son fou rire. Elle parlait comme un livre. Il se leva d'un bond et courut au bas de l'escalier qui menait au dortoir :
- Ron ! l'entraînement !
Ron apparut en haut de l'escalier, l'air embarrassé. Il sembla à Harry entendre un hululement étouffé :
- Excuse-moi, Harry, mais c'est vraiment important… dit Ron.
- QU'EST-CE QUI EST PLUS IMPORTANT QUE LE QUIDDITCH ?
Le silence lui répondit. Puis Dean Thomas se leva et s'adressa aux Premières Années :
- Jeunes gens, jeunes filles, retournez à vos occupations ! Notre cher Harry est tout simplement atteint du Syndrome d'Olivier Dubois ! Ne craignez rien, cette maladie n'est pas contagieuse. Elle ne s'attrape que si vous êtes Capitaine de l'équipe de Gryffondor !
Harry lui lança un regard assassin :
- Ron, dépêche-toi. Je ne peux pas t'attendre parce que j'arriverais en retard et que serait vraiment déplorable pour un capitaine. Mais si tu n'es pas sur le terrain dans dix minutes… tu es viré !
A peine le tableau de la grosse dame s'était-il refermé sur lui, que Ron déboulait dans la salle et prenait le même chemin sous les rires de ses camarades. Sauf des Première Année présents qui levèrent les yeux au ciel en secouant la tête.
Le trente et un octobre, après les cours, l'inauguration de la Salle Commune eut lieu. Le Directeur en personne vint couper le ruban. Il fit apparaître des ciseaux d'argent et déclara ouverte la Salle des Quatre Maisons. Il annonça qu'il ne ferait pas de discours et n'en fit pas. Ses yeux pétillaient de malice lorsqu'il félicita les Préfets pour cette brillante idée et les informa que le Choixpeau Magique se réjouissait qu'on l'eût entendu.
Hermione murmura qu'elle aimerait bien tenir ce fichu Choixpeau pour lui dire deux mots. Ron lui demanda ce qu'elle lui dirait : un sermon peut-être pour ne pas l'avoir envoyée à Serdaigle ? Hermione haussa une épaule. Elle partit faire un tour d'horizon, afin de rompre les groupes qui s'étaient créés. Au début, les Maisons restaient entre elles, un peu timidement. Les préfets suivirent l'exemple d'Hermione et bientôt, grâce aux petits amis et petites amies des uns et des autres, les groupes se désagrégèrent et d'autres plus hétérogènes se constituèrent.
Lorsque l'heure du repas approcha, Hermione se sentait assez fière d'elle. Elle terminait de ranger un peu, en compagnie d'Hannah Abbot et de Ernie Macmillan, alors que presque tous les élèves avaient déserté la Salle des Quatre Maisons pour se préparer au festin d'Halloween. Elle soupira d'aise. Neville était resté, fidèle jusqu'à la dernière minute, en compagnie de Luna, qui portait un morceau du ruban d'inauguration autour du front, à l'indienne, sa baguette plantée dedans, substitut ridicule de plume. Seamus leur racontait une histoire abracadabrante, qui faisait rire Neville et que Luna écoutait de son air un peu absent. A la table voisine, Jezebel Dawson questionnait des Quatrième Année de Serdaigle sur les cours de divination et d'arithmancie. Hermione eut envie de rire. Elle détourna la tête vers les deux ou trois élèves de Serpentard des années supérieures qui demeuraient encore dans la salle. Ils étaient restés entre eux toute la soirée. Mais, au moins, ils étaient venus. Par contre, il y avait un groupe de Première Année de six ou sept personnes toutes Maisons confondues dans un coin de la pièce. Ils ne parlaient pas. Ils étaient simplement ensemble, un peu perdus encore. Hermione remarqua qu'ils se tenaient sous le blason de Poudlard, comme si ces couleurs-là leur étaient plus familières que celles qu'ils portaient sur leur robe de sorciers.
Elle sentit un regard aigu se poser sur elle et leva vivement les yeux vers la porte. Appuyé d'une épaule nonchalante au chambranle, Drago Malefoy contemplait l'intérieur de la salle d'un air dégoûté. Elle ne sut dire si c'était de mépris ou de dépit.
- Entre donc, Malefoy, lui cria-t-elle.
Les élèves de Serpentard levèrent précipitamment la tête. Après tout, ils avaient le droit de faire ce qui leur semblait bon pour eux. Ils reprirent leur conversation sans donner l'impression que la présence de Malefoy les gênait.
Le sourire de Drago se fit hautain :
- Entrer en ces lieux, Granger ? Ils sentent trop la bourbe pour que je m'y risque…
Il fronça le nez comme s'il humait une odeur de pestilence et Hermione trouva qu'il ressemblait beaucoup à sa mère. Elle crut qu'il était juste venu intimider ceux de sa Maison qui avaient désobéi aux ordres et qu'il allait repartir sur-le-champ. Il resta devant la porte pourtant, le même sourire insolent aux lèvres. Elle lui tourna le dos. Il serait l'heure bientôt de rejoindre Harry et Ron pour le repas de fête.
Il y eut soudain quelque chose d'électrique dans l'air. Elle frissonna. Elle avait déjà éprouvé cette sensation. Elle se tourna aussi vite qu'elle le put vers Drago. Lui aussi avait senti cette onde magique et cela le remplissait de satisfaction. Les baguettes magiques crachèrent des étincelles. Il y eut des cris chez les Première Année. Les baguettes des Serpentard crépitèrent plus fort. Les Première Année de cette Maison jetèrent leur baguette sur le sol alors que des serpents noirs en sortaient. Les Quatrième Année présents se levèrent d'un même bond. Des dizaines de serpents glissaient par terre, dans tous les sens. Les filles de Serdaigle montèrent sur leur chaise. Jezebel poussa un long hurlement. Malefoy était plié de rire devant la porte.
- Vipera Evanesca….
Neville, Luna, Seamus, Hannah et Ernie tenaient leurs baguettes tendues vers les serpents qui glissaient vers eux. Il ne se passa rien. Seul Neville eut droit à quatre étincelles au bout de sa baguette. Hermione tenait la sienne à deux mains.
- Vipera Evanesca… ! cria-t-elle.
Rien ! Elle n'était capable de rien encore ! Hannah et Ernie sautèrent en plusieurs bonds du fond de la salle vers l'entrée.
- Hermione ! Viens ! l'appela Seamus affolé.
Elle jeta un regard circulaire. Les Première Année étaient tétanisés de peur contre le mur du Blason. Elle hésita. Luna et Neville s'étaient rapprochés autant qu'ils le pouvaient pour l'aider à passer le barrage des serpents. Luna fit une dernière tentative pour repousser les serpents, vaine. Elle secoua sa baguette d'un air étonné. Neville était sur le point de céder à la panique. Il tourna un visage désespéré vers la porte.
- Dawson ! Va chercher Ron !
L'éclat de rire de Malefoy lui fit se demander pourquoi il n'avait pas dit : va chercher un professeur. Mais il était trop tard : Dawson, propulsée jusqu'à l'extérieur par Seamus courait déjà dans les couloirs en hurlant "Ronald !"
Attirés par le mouvement, les Serpents se tournèrent vers Neville. Hermione en profita pour se rapprocher des Première Année. Elle se mit entre eux et les serpents, sa baguette tendue vers eux, dérisoire. Ce geste pourtant rassura les jeunes gens. Elle était en Sixième Année. Elle était Préfète. Elle savait ce qu'elle faisait. Du moins, elle devait les en persuader.
Le professeur Rogue arriva sur place le premier. Il vit Malefoy debout contre le mur, secoué d'un rire qui le faisait pleurer.
- Qu'avez-vous fait ? demanda-t-il brutalement.
- Moi ? Rien, professeur ! Voici ma baguette, vous pouvez vérifier !
Rogue ne prit pas la peine de baisser les yeux. Il pénétra dans la salle et ce qu'il vit le stupéfia. Il leva sa baguette : Vipera Evanesca…
Les serpents se tournèrent vers lui. Il regarda sa baguette du même regard que Luna avait eut pour la sienne quelques instants plus tôt. Il essaya encore. Les serpents frémirent à peine. Le professeur Londubat fut auprès de lui. Il lança un sort qui ne les toucha pas. Il échangea un regard avec Rogue.
- Malefoy ! appela Rogue. Allez chercher le Professeur Dumbledore.
Le silence. Troublé par les halètements de rire de Malefoy.
- Malefoy ! gronda Rogue.
- Oui, Monsieur ! répondit Malefoy.
Il quitta l'appui du mur et se mit à marcher vers la Grande Salle. Il croisa Weasley et Potter qui couraient en sens inverse. Le rouquin ralentit et le regarda rire d'un air stupide. Potter l'entraîna à sa suite. Ils arrivèrent à la Salle des Quatre Maisons. Harry sentit sa cicatrice s'enflammer brutalement. Comme un avertissement. Il ferma son esprit instantanément.
- Hermione ! voulut crier Ron.
Elle faisait face à un ramassis de reptiles brillants, protégeant quatre ou cinq enfants de sa baguette qu'il savait inutile.
Harry sut ce qu'il devait faire en un instant. Il s'avança en même temps que Ron à côté de Rogue et Algie Londubat. Il désigna Hermione et les gamins effrayés.
- Va les chercher ! pressa Harry.
Il sentait la présence de Voldemort si proche. Il luttait contre la douleur de sa cicatrice ainsi que pour garder son esprit fermé à toute intrusion. Puis il s'avança tandis que les élèves encore présents retenaient leur souffle. Sa voix se fit sifflante et quand il parla personne ne comprit ce qu'il dit. Les serpents tournèrent leur tête vers lui et reculèrent vers le mur. Ron sauta vivement sur une table puis sur l'autre. Il se rapprocha autant qu'il lui fut possible d'Hermione et des enfants terrorisés. Il tendit la main :
- Hermione ! Accio Baguette !
Hermione tendit le bras vers lui. Sa baguette s'envola jusqu'à la main du jeune Weasley. Sous l'œil éberlué de Rogue, il pointa les deux baguettes vers les serpents. Quatre ou cinq d'entre eux s'élevèrent brutalement pour retomber deux mètres plus loin.
Il recommença l'opération deux fois. Neville et Luna firent une nouvelle tentative à leur tour. Un serpent sauta en l'air et disparut avant de toucher le sol à nouveau.
- Ca marche ! cria Ernie Macmillan.
Il s'avança à côté de Neville.
- Ensemble ! leur dit le Professeur Londubat.
Le professeur Rogue se joignit à eux et repoussèrent les serpents vers Harry. Personne ne comprenait ce qu'il disait, mais les reptiles se tordaient devant lui, la gueule ouverte et la langue sifflante. Ils ne l'approchaient pas cependant. Et chacun sentait la colère irradier du jeune homme. Hannah Abbot et l'un des Quatrième Année de Serpentard s'occupèrent de ramener les élèves qu'Hermione leur envoyait. Lorsqu'elle passa près de Ron, il lui tendit sa baguette. Elle secoua la tête, découragée. Il lui mit alors la baguette dans les mains et serra la sienne par-dessus :
- Comme à l'exercice ? Souviens-toi, à nous deux on est un bon sorcier…
Il compta jusqu'à trois. Ils prononcèrent en même temps l'incantation. Ils furent eux-mêmes surpris du résultat. Plusieurs serpents disparurent en même temps.
- Leurs défenses s'affaiblissent, on dirait ! estima le professeur Londubat.
- Potter ! Poussez-vous ! ordonna le professeur Rogue.
Mais Harry ne l'entendait pas. Il hurlait aux serpents de retourner près de leur maître. Qu'il ne le craignait pas. Les serpents sifflaient et se tordaient sous ses mots. Il pointa sa baguette et cria des incantations. Il brûlait de rage. Les serpents sautaient dans tous les sens, explosant un à un, se consumant au sol, cherchant à fuir. La fureur d'Harry ne s'apaisait pas. Sa cicatrice l'élança une dernière fois, puis la douleur se calma brutalement. Le silence était autour de lui. Il sentait la peur et l'incompréhension.
- Hé bien ? On dirait que la fête a déjà commencé…
Harry se retourna. Dumbledore était là. Il vit le vieil homme lever et baisser sa baguette, dans un gracieux dessin d'oiseau. Les serpents resplendirent de toutes leurs écailles. Puis s'évaporèrent lentement.
Harry entendit un soupir de soulagement monter de toutes les poitrines. Tous les regards étaient posés sur lui. Il comprit qu'il avait encore fait quelque chose. Il ne savait pas quoi. La colère l'habitait encore. Oseraient-ils dire cette fois qu'il avait rêvé ? Oseraient-ils prétendre qu'il voulait se rendre intéressant ? Il plongea son regard dans celui de Rogue.
- Harry ? le rappela Dumbledore. Merci, mon garçon…
Il se tourna vers le professeur de Potions.
- Pouvez-vous me dire ce qui vient de se passer ?
- Les baguettes des Serpentard ont craché des serpents ! cria Ernie Macmillan sur un ton accusateur.
- Non ! se défendit un Quatrième Année visé. Nous n'avons pas lancé de sortilèges…
- C'est vrai, dit Hermione. Il y a d'abord eu quelque chose.
Elle ne regardait pas Dumbledore. Elle fixait Rogue, comme si elle voulait lui faire comprendre ce quelque chose.
- Puis nos baguettes se sont mises à crépiter, continua Neville en contemplant la sienne. C'étaient comme si elles lançaient des sorts toutes seules.
- Oui, fit Luna, les yeux tournés vers Harry, comme si elle voyait au travers de lui. Cela arrive parfois quand on passe trop près d'un endroit où il y a des Aspimageurs…
Le professeur Londubat écarquilla les yeux, Rogue ferma les siens. Neville donna un coup de coude à Luna, un peu gêné. Ron fit un drôle de bruit avant de tourner le dos à tout le monde, tandis qu'Hermione haussait une épaule.
- Des Aspimageurs ! fit Dumbledore avec un sourire. Oui, bien sûr, c'est une explication à laquelle je n'avais pas pensé. Merci, Miss Lovegood de nous éclairer sur les mystères du merveilleux…
Puis il frappa dans ses mains et renvoya tout le monde dans la Grande Salle. Personne ne songea à lui désobéir. Harry aurait voulu lui parler, là, tout de suite. Mais Dumbledore lui assura qu'il le verrait plus tard. Il était sombre quand il retourna vers la salle du repas. La sollicitude d'Isadora l'agaça un peu, lorsqu'elle vint aux nouvelles. Le professeur McGonagall avait empêché les élèves de quitter la Grande Salle. Elle avait juste entendu Malefoy dire aux Serpentard que la Sang de Bourbe avait encore des problèmes et que ses deux amis allaient sans doute en avoir aussi. Il la rassura sans grande conviction et retourna à la table des Gryffondor.
- Je crois qu'elle attendait que tu l'embrasses, dit Ron à Harry quand il s'assit près d'Hermione.
- Pardon ? fit Harry alors qu'Hermione levait vers lui des yeux éberlués.
- Un baiser, ça l'aurait tout à fait rassurée, non ? demanda Ron. Elle avait l'air si bouleversé quand elle t'a vu entrer.
Il prit alors un air affligé et battit des cils plusieurs fois. Dean et Seamus se mirent à rire.
- Ce que tu peux être bête, Ron ! grogna Harry.
- Oui, mais pas autant que ces imbéciles de Serpentard, gronda Ron en levant la tête vers leur table… Qu'est-ce qu'il leur a pris de faire ça ? Si cette Salle commune ne leur plait pas, ils n'ont qu'à pas y venir !
- Ce n'était pas eux, Ron… dit Hermione doucement.
- C'était leurs baguettes non ?
- Mais ce n'était pas eux…
Harry suivit le regard d'Hermione vers la table des Serpentard. Malefoy riait encore, un rictus satisfait au coin des lèvres. Il revint à Hermione.
- Tu crois que c'est Malefoy qui a fait cela ? grinça Ron, les poings serrés.
- Non, il n'en a pas la puissance… Mais je crois qu'il savait que quelque chose allait arriver…
- Comme pour la Chambre des Secrets ? murmura Harry.
Hermione haussa une épaule.
- Sinon pourquoi serait-il venu ? Il a juré qu'il considérait cette Salle des Quatre Maison comme inexistante. Et puis, ce n'était pas toutes les baguettes des Serpentard qui ont craché des serpents…
- Tu es sûre ? insista Ron distraitement, car les plats commençaient à apparaître sur la table.
- J'étais là, Ron !
- Et qu'est-ce que tu en penses ? insista à son tour Harry.
- Que c'est le meilleur repas d'Halloween que j'ai jamais mangé ! s'exclama Ron la bouche pleine.
Neville leva les yeux au ciel. Hermione soupira.
- Vous en pensez quoi, vous, de la répartition ?
La question d'Hermione les surprit.
- Je veux dire, continua-t-elle sans vraiment attendre de réponse, que le Choixpeau nous envoie chacun dans des Maisons selon notre personnalité. Mais les personnalités ne sont jamais si tranchées… Il y a des gens courageux à Poufsouffle, des rusés à Serdaigle, des intelligents à Serpentard, et des pleins de bons sens à Gryffondor… enfin pour la plupart, précisa-t-elle comme Ron lui demandait si elle allait vraiment manger tout ce qu'il y avait dans son assiette. Et on peut interchanger les adjectifs et les Maisons…
- Je suppose, fit Neville prudemment, qu'il nous attribue une Maison en fonction de notre trait de caractère dominant…
- Ou parce qu'on le lui demande… ajouta Harry.
- C'est pour cela que pour certains, la répartition est rapide, et pour d'autres moins… reprit Neville.
- Tu veux dire, murmura Ginny soudainement rapprochée de son frère, que nous avons tous les quatre Maisons en nous ? Et que c'est ce que le Choixpeau a voulu dire dans sa chanson cette année…
- Depuis que j'ai lu l'histoire de Poudlard, la version de la réserve, ajouta Hermione très vite et à voix très basse tout en lançant un regard furtif au professeur Rogue… hum depuis que je l'ai lue donc… je me demande si le Choixpeau répartit les élèves en fonction de leur personnalité ? de la Maison où cette personnalité s'épanouira le mieux ? ou de ce que la personnalité des élèves peut apporter à la Maison…
Harry fronça les sourcils. Il ne saisissait pas tout à fait les intentions de son amie. Le front de Neville se plissa fortement. Apparemment, lui non plus ne comprenait pas où elle voulait en venir.
- Tu crois que le Choixpeau pourrait se tromper ? souffla Ginny dans un murmure effaré.
Harry sentit son cœur se serrer. Il s'était tant de fois posé la même question.
- Non, je ne crois pas que le Choixpeau se trompe…
Ron toussota car il venait de manquer s'étrangler en croquant dans un gâteau. Il se tourna vers Hermione :
- Vous savez quoi, les filles, vous allez vous faire fondre le cerveau à force de réfléchir comme ça…
Hermione le regarda un instant. Elle renonça à parler pourtant. Ce fut Ginny qui résuma sa pensée :
- En tous cas, c'est pas à toi que ça arrivera !
Elle se rapprocha de Dean Thomas, écroulé de rire sur son banc. Seamus venait de raconter à la ronde que, d'après Luna, ce qui était arrivé dans la Salle des Quatre Maison était dû à la présence d'Aspimageurs dans l'école… Ron manqua s'étouffer une seconde fois, dans un fou rire inextinguible.
- Je suppose que Luna ne serait pas tout à fait Luna si elle ne croyait pas au Ronflaks Cornus, aux êtres de feu, et aux Aspimageurs… demanda timidement Neville.
Harry haussa une épaule. Hermione fit une grimace d'assentiment. Elle regarda une dernière fois Ron qui essuyait ses yeux :
- Je suppose qu'il faut accepter les gens comme ils sont, si on veut qu'ils nous acceptent tels que nous sommes… dit-elle à voix basse.
