Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.


Chapitre 24

Quidditch

Il était là, tapi dans un coin de son esprit. Si proche et pourtant inaccessible. Harry ne savait jamais, au moment où il fermait les yeux, quelle serait sa nuit. Il avait pris l'habitude de s'endormir sur l'image horrible et pourtant si bienfaisante du masque de mort de Bellatrix Lestrange. Il glissait lentement dans le sommeil, calmé et un sourire aux lèvres, heureux de savoir que ce serait la première image qui frapperait l'esprit de Voldemort si celui-ci venait troubler son repos. Deux fois déjà, il s'était réveillé en sursaut, le goût âcre de la colère dans la bouche, le cœur en fureur et l'âme un peu plus blessée par un assaut d'horreur. Mais cela avait marché. Il faisait des progrès fulgurants et même Rogue dut en convenir. Harry brisait ses défenses avec une telle facilité que le professeur enrageait. Il scellait la porte de son cachot d'un charme puissant lorsqu'ils s'affrontaient ainsi. On aurait pu croire en les voyant face à face qu'ils avaient engagé un combat à mort.

Harry rompait toujours le contact brutalement lorsqu'il approchait trop près de ce qu'il voulait ignorer. Et Rogue déversait dans sa pensine ce qui aurait pu intéresser le jeune homme. Il n'avait rien pu lire de ses missions pour l'Ordre. Il n'avait rien vu de ses membres ou de ses réunions. Aucune information sur Voldemort, ses Mangemorts. Tout ce que Rogue gardait à l'esprit n'était que souvenirs anciens, sombres et torturés. Et sa haine toujours présente pour Sirius et son père. Rogue n'avait plus que ce moyen pour le blesser. Il l'humiliait, le rabaissait toujours en classe. Mais les rires des Serpentard ne touchaient plus Harry, ou si peu. Rogue avait changé de cible. Il lui était beaucoup plus facile de s'en prendre à Ron. Et Harry passait son temps en cours de potions à lui écraser les orteils ou lui donner des coups de coude. Malefoy avait beau jeu, à la fin du cours, de le mettre hors de lui. Il lui suffisait d'un seul regard méprisant sur Hermione.

Ron aidait souvent leur amie dans son travail. Il l'accompagnait à la bibliothèque depuis le jour où elle avait fait tomber toute une rangée de livres sur elle en voulant en attraper un, trop lourd pour ses doigts gourds. Lavande Brown et Parvati Patil, les deux pipelettes de Gryffondor, gloussaient chaque fois qu'elles le voyaient porter ses livres, ou répéter avec elle les mouvements de baguette des divers sortilèges. Elles leur jetaient de longs regards entendus et adressaient à Hermione des "Alors?…" pleins d'une curiosité qui faisait rire la jeune fille. Elle savait que Ron lui témoignait cet intérêt attentionné uniquement parce qu'il éprouvait de la culpabilité à son égard. Dès qu'elle irait mieux, il reprendrait ses manières dénuées de tact et de délicatesse. Lavande et Parvati s'étaient mises à rire, elles aussi, d'un rire tout aussi entendu que leurs regards. Pour elle, il ne faisait aucun doute qu'Hermione avait rompu avec son célèbre joueur international de Quidditch (gloussements de Lavande) pour Ron Weasley, qui, il fallait le dire, portait plutôt bien cette année l'insigne de Préfet et la tenue de Quidditch de Gryffondor (re-gloussements, de Parvati, cette fois).

Ron aimait passer du temps avec Hermione. Bien sûr il ne l'aurait jamais avoué, même sous le supplice du Doloris. Il mentait à Harry, en prétendant qu'il ne faisait que réparer les dégâts qu'il avait causés. Il se mentait à lui-même, en disant que ses résultats scolaires n'avaient jamais été aussi brillants et que sa mère en serait fort satisfaite.

En fait, il n'avait jamais été aussi heureux de sa vie. Il était Préfet, il était gardien de l'équipe de Gryffondor, il ne souffrait plus de l'ombre que lui faisaient ses frères. Il n'était plus le plus jeune des Weasley, il était le frère aîné de Ginny. Il n'avait plus à avoir honte de ses livres miteux, de ses robes usées. Malefoy ne pouvait plus se moquer de son père sans risquer de prendre au visage un "bonjour d'Azkaban". D'accord, il n'avait pas de petite amie. Mais comment aurait-elle pris le fait qu'il devait à Hermione un peu de son temps ? Et puis, il était fort occupé, le Quidditch, ses fonctions de Préfet, son travail, Hermione… Comment faisait donc Harry ? Il n'avait pas à aider Hermione, c'était un fait, mais il lui fallait compter avec Volde… Vous-savez-Qui, et les leçons d'occlumancie avec Rogue. Et puis, il était très heureux ainsi. Un imbécile, disait Harry. Mais il persistait : un imbécile très heureux. Ou presque. Une seule ombre au tableau : Percy. Il avait quitté Ste Mangouste et retrouvé son emploi au Ministère depuis peu. On l'avait changé de poste, à cause de son état de confusion sporadique, tout en lui assurant qu'il retrouverait ses fonctions dès qu'il serait totalement guéri. Il vérifiait à présent les visas sur les permis de détention au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques. Il envoyait régulièrement à son frère des lettres un peu incohérentes couvertes de conseils afin d'éviter les ennuis avec ce Potter. Ron n'en parlait pas à Harry et il avait fini par ne plus les lire. Il les gardait toutefois, parce qu'il ne pouvait se résoudre à les brûler. Il revoyait son visage et son corps suppliciés par cette crapule de Croûtard, et il songeait que ces lettres lui étaient inspirées par l'amour fraternel qu'il éprouvait pour lui. Puis il levait les yeux sur Hermione, qui dictait ses devoirs à sa plume et il se remettait à le détester intensément.

Mi novembre, le premier match de Gryffondor eut lieu, contre Poufsouffle. Ron eut un peu de mal à avaler son petit déjeuner le matin de la rencontre, mais tous lui témoignaient une telle confiance qu'il ne voulut pas montrer son angoisse. Seamus n'arrêtait pas de lui dire ce qu'il avait à faire, comme s'il y connaissait quelque chose. Il ne faisait même pas partie de l'équipe. Cela lui allait bien de parler de stratégie et de tactique. Il n'aurait jamais à les appliquer sur le terrain. Harry voyait la confiance de Ron fondre comme neige au soleil.
- Ca suffit, Seamus, fit-il brusquement. Ron sait ce qu'il a à faire.
Ron rougit. Il n'en était plus si sûr que cela. A ce moment, Malefoy, passa près d'eux sans un regard. Ron serra les poings. Il sifflait "Weasley est notre Roi" et les Gryffondor savaient à quelles paroles il songeait.
Il se détourna. Il échappa à l'attention de tous et courut dans la salle des Préfets. Il espérait pouvoir y rester jusqu'au moment où il lui faudrait descendre aux vestiaires. Avec un peu de chance, Harry attraperait le Vif d'Or avant qu'il ait le temps d'être responsable d'un véritable désastre. La porte s'ouvrit. Ron baissa la tête. Au mieux un Poufsouffle. Au pire un Serpentard. Au pire du pire : ce fut Hermione.

- Tu n'es pas déjà en route vers le terrain ? demanda-t-il plus brutalement qu'il ne le voulait. Si tu n'y vas pas maintenant, il se pourrait que tu rates le match. Harry a repris sa place, tu sais, il va attraper le Vif-d'Or en deux temps trois mouvements.
- Tu sais, Ron, j'étais seulement venue te souhaiter bonne chance…
- On ne souhaite pas bonne chance avant un match, ça porte malheur.
Hermione tordit son nez :
- A-t-on idée de se mettre dans des états pareils pour un match !
Ron se leva de son siège d'un bond.
- Tu ne peux pas comprendre…
Elle était là debout devant lui, avec un sourire en coin. L'air tellement supérieur et …
- Tu ne peux pas comprendre, reprit-il, tu n'es pas fichue de tenir sur un balai…
- Oui, cela je le sais, soupira Hermione. Mrs Bibine dit que je ne suis pas encore en état de voler et que nous verrons dans quelques semaines pour reprendre quelques cours… mais… mais tu t'imagines si nous devons… A quoi ça sert que je recommence à pouvoir me servir d'une baguette si vous êtes obligés de me laisser derrière…?

Il y avait tant d'angoisse dans sa voix. Ron en était décontenancé. Il s'attendait à une réplique cinglante. Un "pff" dépité. Un regard assassin. Une retraite offensée mais digne. Tout un tas de réponse lui vinrent à l'esprit. Qu'elle n'était pas indispensable. Qu'ils s'étaient fort bien débrouillés sans elle. Qu'elle n'était qu'une prétentieuse insupportable qui croyait que le monde ne pouvait survivre sans ses conseils avisés et qu'il était bien content qu'elle en soit réduite à dépendre de l'aide de ceux qu'elle ne cessait de houspiller d'ordinaire.
- Si tu veux… je pourrais t'aider… ce n'est pas si compliqué de voler en balai… si j'y arrive, tout le monde peut y arriver… Et avec un peu d'entraînement… dit-il à la place.
Hermione fit une grimace.
- En fait, avoua-t-elle, j'ai beaucoup de mal à voir un balai comme autre chose qu'un ustensile de ménage…
Ron se mit à rire. Comment les moldus pouvaient-ils faire leur ménage avec un balai ? Hermione fronça le sourcil :
- Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?
- J'imagine Harry en train de faire le ménage avec son Eclair de Feu !
La porte s'entrouvrit et la tête de Ginny apparut :
- Je dérange ? demanda-t-elle d'un air malicieux.
- Si tu viens de la part d'Harry, oui ! se renfrogna Ron.
- Ne t'inquiète donc pas d'Harry, se mit à rire Ginny. Il est encore plus stressé que toi ! Mais ne sois pas en retard ! Une heure avant le match ! Harry veut revoir toutes les stratégies avant d'entrer sur le terrain.
Ron fit une grimace. Ca allait encore être sa fête ! Et qu'est-ce que ce serait quand ils joueraient contre Serpentard !
- Hermione ? reprit Ginny. Tu peux venir, s'il te plait. On a besoin de toi. Je t'attends dehors.
Elle referma discrètement la porte.
- Pourquoi ? fit Ron quand sa sœur eût disparu.
- Peut-être ont-ils besoin du conseil avisé de la seule personne lucide de cette école ? railla Hermione.
- Non ! Pourquoi t'attend-elle dehors ? Elle est Préfète, elle peut entrer dans cette salle comme bon lui chante !
- Il semblerait que ta sœur soit douée d'un esprit très imaginatif, répondit Hermione, sur un sourire en coin.
Et elle sortit aussitôt après, afin de ne pas laisser s'envoler l'imagination de Ginny.

Une heure avant le match, toute l'équipe se retrouva dans les vestiaires. Harry était fébrile. C'était son premier match comme capitaine. Lui, ce qu'il aimait c'était jouer, guetter du coin de l'œil l'apparition du Vif si convoité, fondre sur la balle et donner au public autant d'émotions qu'il en ressentait. Il observa son équipe. Ils n'avaient jamais vraiment joué ensemble encore. Ce serait le tout premier match de la nouvelle équipe. Harry sentit des sueurs froides sur son front. Un coup d'œil à chacun le persuada qu'il n'était pas le seul à avoir le cœur battant. Seule Ginny était surexcitée. Il lui tardait de donner le coup de pied qui lui permettrait de s'élever dans les airs.

Lorsque le moment fut venu de quitter les vestiaires, Harry passa une dernière fois ses troupes en revue, histoire de retrouver une contenance. Il fit resserrer à Ginny le ruban qui retenait en arrière sa chevelure flamboyante. Examina le balai de chacun des autres. Frappa du poing contre l'épaule de Ron.
- Ron… Je compte sur toi…
Il n'était pas certain que ce fût là la meilleure des choses à lui dire. Mais il était déjà trop tard. Il vérifia la propreté de ses lunettes et examina une dernière fois chacun de ses équipiers.

Le visage de Ron était plus vert qu'au temps de la Dragée Arc-en-Ciel. Ron en avait tout à fait conscience. Ce qui le consolait, c'était de voir que celui de Harry l'était tout autant.
- Attention aux rafales. Prenez garde au nouveau batteur des Poufsouffle. Et… ce sera tout !
Ginny fut la première en l'air. Harry survola les tribunes à la recherche de ses amis. Il écarquilla les yeux et manqua tomber de son balai. Il tourna la tête vers Ron, tout aussi stupéfait. Tout en haut des gradins de Gryffondor s'étalait une banderole gigantesque. Les lettres lumineuses clignotaient en rouge et or. "ALLEZ RONALD" proclamait cette banderole en dessous de laquelle s'époumonaient quelques filles de Première Année. La plus démonstrative agitait plusieurs petits drapeaux où s'allumaient l'une après l'autre les trois lettres "R-O-N". Ron vit Luna, coiffée un chapeau à tête de lion, auprès de Neville qui portait le même. Il lui fit un signe de son fanion rouge. Ron leva la main, totalement abasourdi. Il cherchait Hermione des yeux, et ne la vit qu'à la dernière minute, à côté de Neville pourtant, enveloppée dans sa grande cape noire. C'est à peine s'il entendit la voix de Terry Boot, le remplaçant de Lee Jordan, annoncer les noms des joueurs des deux équipes. Quand le commentateur prononça le nom de Weasley, Ronald, il y eut un début de huées depuis les gradins de Serpentard. Les sifflets, les cris et les trépignements des Gryffondor couvrirent la rumeur. Harry s'approcha de Ron et lui cria de répondre à ses admirateurs. Ron leva le bras pour les saluer, se demandant ce qu'ils feraient de lui à la fin du match. Le capitaine de Poufsouffle vint lui aussi à sa hauteur. Il avait un fou rire et put à peine lui demander s'il pouvait faire partie de son fan-club.

Enfin, Mrs Bibine donna le coup d'envoi et Ron put se concentrer sur la rencontre. Chaque fois qu'il touchait le souaffle, les sifflets retentissaient chez les Serpentard, menés par Malefoy, aussitôt couverts par les cris des supporters de sa Maison.
- RONALD ! RONALD ! RONALD ! criaient les filles de Première Année entraînées par Jezebel Dawson.
Luna était debout et faisait de grands gestes. Au début, cela le gêna un peu, puis il trouva agréable d'entendre son nom s'élever au-dessus du stade. Cela lui rappelait le match contre Serdaigle, ses buts et l'ivresse de la réussite. Un peu maladroit en début de match, il se rattrapa vite. Il bloqua trois buts, déclenchant ainsi un tonnerre d'applaudissement chez les Gryffondor, fit une passe magistrale qui permit à Ginny de marquer dix points de plus… Ils menaient soixante à vingt et Ron se prit à rêver qu'Harry laissât échapper le Vif-d'Or.

Harry n'était jamais bien loin de lui. Il l'encourageait, l'avertissait quand un cognard fonçait sur lui –les deux batteurs de Gryffondor ne valaient pas Fred et George. Bientôt, Ron se sentit plus libre. La clameur de la foule lui parut plus lointaine. Il prit un peu de hauteur, comme le lui conseillait Harry, et il eut une vue d'ensemble. La défense un peu lente des Poufsouffle. A part leur nouveau batteur. L'attaque fulgurante des Gryffondor. Ginny était du tonnerre. Et Harry qui montait en flèche ! Il l'avait vu ! Il avait vu le Vif-d'Or et se lançait à sa poursuite. Il fallait détourner l'attention de lui.
- Ginny ! Là !
Ginny vit son frère, démarqué, qui lui faisait signe. Elle vira, plongea en même temps que lui. Il attrapa le souaffle et fonça vers l'un des trois buts adverses. Il évita un cognard. Un poursuiveur de Poufsouffle le talonnait. Il lança le souaffle et…. Un cri d'angoisse, un seul :
- RON !
Il tourna la tête. Du coin de l'œil, il eut le temps de voir Hermione debout au milieu des autres. Un courant d'air frôla sa joue. Un autre cri, de joie cette fois, amplifié par toutes les bouches de Gryffondor. Il comprit qu'il venait de marquer et d'échapper en même temps à un cognard. Une sueur froide baigna son front et son cœur se serra sous l'effet de l'adrénaline. Il fit deux pirouettes pour montrer à tous qu'il allait bien et un signe de la main à Hermione. Son fan-club tout entier lui répondit. Ils scandaient Weasley est notre roi à pleine voix. Un coup d'œil à Harry, loin devant l'attrapeur de Poufsouffle. Il revint dans le match, croisa la trajectoire du souaffle qui filait droit dans un cercle, balança un coup de pied qui le renvoya dans l'estomac de son lanceur. Et trois coups de sifflet brefs ! Un hurlement de triomphe ! RONALD ! RONALD ! RONALD ! Harry vint à sa hauteur, le Vif-d'Or dans le poing. Ils frappèrent leur main l'une contre l'autre.
- On fait une bonne équipe, hein Harry ?
- La meilleure, Ron !
Harry plongea vers le terrain et Ron le suivit. A peine avaient-ils mis le pied à terre que leurs coéquipiers leur sautaient au cou. Ginny criait : "C'est mon frère !" à qui voulait l'entendre. Le professeur McGonagall vint vers eux, un sourire enchanté sur le visage.
- Encore un match comme celui-là, et je chante Weasley est notre roi avec… elles ! dit-elle.
Elle désignait du pouce Jezebel Dawson et ses amies qui accouraient, trépignantes et hurlantes.
- Ho ! Non ! fit Ron effaré.
- C'est la rançon de la gloire ! se mit à rire Harry.
Et soudain, toute sorte de jalousie ou d'envie qu'il avait pu éprouver s'effaça de son esprit, alors qu'il regardait, plié de rire, courir son ami vers l'abri des vestiaires.

Ron n'échappa pas pour autant à son fan club. De retour au château, ils fêtèrent la victoire dans la Salle des Quatre Maison, selon la suggestion de Neville afin que les élèves des autres Maisons qui soutenaient Gryffondor pussent s'amuser avec eux. Les Poufsouffle n'étaient pas rancuniers, ils acceptèrent la proposition, sauf quelques mauvais perdants dont on se passa fort bien. Quelques Serdaigle vinrent aussi. On ne vit pas de Serpentard. Ron ne put se défaire de ses supportrices un tantinet bruyantes. Harry faisait semblant de ne pas voir ses regards suppliants, lui même accaparé par Isadora Marchinson qui ne lui en voulait apparemment pas d'avoir infligé à son équipe une correction aussi magistrale. Enfin, Ron aperçut Hermione à l'entrée de la Salle. Elle revenait à peine du terrain de Quidditch. Dans l'ivresse de la victoire, tout le monde l'avait oubliée. Il saisit une bouteille de Bièraubeurre dans la caisse apportée par Dean et Seamus –il ne voulait pas savoir comment !- et il se précipita à sa rencontre, le visage radieux.
- Alors, dit-il d'un ton qu'il croyait dégagé, tu as vu ?
- Oui, Ron, j'ai vu… répondit Hermione. J'ai surtout vu un cognard qui allait te fracasser le crâne.
- Mais est-ce que tu m'as vu marquer ? Et bloquer les buts des Poufsouffle ?
Hermione eut un sourire à la McGonagall.
- Il aurait été difficile de passer à côté, Ron.

Son regard s'égara un instant vers Jezebel Dawson et ses fanions qui clignotaient toujours. Ron rougit. Il lui tendit la bouteille qu'elle regarda d'un œil sévère.
- Tu trinqueras bien avec moi ? A la victoire ?
Hermione prit la bouteille :
- A la victoire…
Elle but une gorgée.
- Finalement, tu ne te débrouilles pas mal sur un balai… Je vais peut-être accepter ta proposition… jusqu'à ce que Mrs Bibine veuille bien reprendre les cours avec moi.
- Je suis sûr que tu n'auras pas besoin des cours de Mrs Bibine ! s'écria Ron.
Il fit un pas vers elle, pour la prendre dans ses bras, ou pour embrasser sa joue, ou pour faire quoi que ce soit d'autre…
- Ron ! cria la voix d'Harry. Viens avec nous ! Colin veut faire une photo !
Il se tourna vers son capitaine. Toute l'équipe était rassemblée sous la bannière clignotante de Jezebel Dawson.
- Si je tenais celui qui lui a enchanté ce truc, maugréa Ron.
- Je croyais que cela t'aurait fait plaisir…
Il se tourna, étonné vers Hermione.
- Je me suis donnée du mal… fit-elle dans une grimace. Je m'y suis reprise à trois fois ! Et Dean m'a aidée pour les faire clignoter. Mais c'est Ginny qui a soufflé l'idée à Jezebel…
- Tu as fait quoi ? s'indigna Ron avant de réaliser qu'elle avait réussi un enchantement difficile. Mais c'est…
- Je sais c'est stupide…
- Non ! C'est merveilleux !
Il se pencha rapidement et l'embrassa promptement sur la joue avant de courir rejoindre l'équipe sous la bannière lumineuse. Hermione entendit glousser à côté d'elle. Elle lança un œil sévère à Lavande et Parvati avant de rejoindre Luna et Neville, leur chapeau sur la tête. Neville exultait. Sa grand-mère était sortie de Ste Mangouste et son oncle lui avait promis un balai pour la fin de la semaine suivante. Il fit rugir son lion si fort que Jezebel poussa un hurlement. A ce moment, Dean Thomas siffla entre ses doigts. Il était aphone à force de s'être obstiné à crier GINNY ! GINNY ! tandis que tous hurlaient RONALD ! avant de beugler WEASLEY ! WEASLEY ! Les bièraubeurres disparurent en un clin d'œil. Rusard risqua un œil soupçonneux sur le pas de la porte. Il maugréa quelques imprécations et repartit, l'air si malheureux que Seamus, le plaignit… avant d'éclater de rire. Il monta sur une table et réclama le silence. Dean siffla à nouveau pour faire taire tout le monde.
- Merci ! fit sobrement Seamus avant de s'éclaircir la gorge.
Il leva sa bouteille dans un geste grandiloquent :
- Au nom de tous les Gryffondor ici présents, je voudrais remercier notre équipe de Quidditch préférée – même si les autres ne sont pas mal non plus… je ne voudrais pas me faire exclure pour propos tendancieux, ajouta-t-il sur un regard très appuyé vers Hermione. Félicitations donc à tous et en particulier à son grandiose capitaine.
Des "Hourra pour Harry" s'élevèrent. Seamus reprit :
- Mais je voudrais surtout féliciter Ronald Weasley qui…
Il dut s'interrompre sous les vivats. Ron leva les bras et fit le V de la victoire avec les doigts.
- … qui nous a montré qu'il pouvait rééditer son exploit de l'an dernier. Et qui signe-là un chapitre de plus dans la suprématie au Quidditch des Weasley!
Tous crurent qu'il avait terminé. Il réclama une nouvelle fois l'attention de tous.
- Et je voudrais remercier aussi une personne à qui nous devons d'être tous là en cette heureuse fin d'après-midi. Je devrais dire LA personne à qui nous devons d'être tous réunis dans cette superbe pièce ! Mademoiselle Hermione Granger dont la modestie naturelle… heu non … pas vraiment naturelle… et pas vraiment modeste non plus d'ailleurs… applaudissez-la vite ou elle me stupéfixe d'un seul de ses regards…
Ron et Harry l'applaudirent à tout rompre tandis que les autres se demandaient ce que pouvait bien raconter Seamus. Trop de Bièraubeurre peut-être ?
- Car peu de gens le savent, mais c'est elle qui a eu l'idée de cette Salle des Quatre Maisons et personnellement je l'en remercie de tout cœur. Ainsi, j'en suis certain, que beaucoup d'entre vous.
Il désigna Harry, près de qui se pressait Isadora ; ainsi que quelques autres jeunes gens, très étonnés d'entendre citer le nom d'Hermione. Neville se mit à applaudir de toutes ses forces, tout en faisant rugir son lion. Il scanda "Hermione ! Un discours ! Hermione ! Un discours !" jusqu'à ce que Dean lui envoie un "Silencio !" très efficace. Ils levèrent tous leur bouteille, du moins ceux qui en avaient une à la main.

La fête dura jusqu'à l'heure du repas, où le Professeur McGonagall vint prévenir les jeunes gens qu'elle serait obligée d'interdire ce genre de réjouissances s'ils ne se rendaient pas immédiatement dans la Grande Salle. Elle essayait de rester sévère, pourtant ses yeux pétillaient. Hermione resta avec Seamus et Dean pour ranger la salle rapidement. Harry et Ron quittèrent les lieux en même temps que le reste de l'équipe. Dans les couloirs, ils croisèrent un groupe de Serpentard, menés par Drago. Celui-ci arborait un sourire qui intrigua Harry. Malefoy laissa tomber sur les Gryffondor un regard méprisant.
- Alors, Potter ? s'écria-t-il lorsqu'il l'aperçut. Encore une fois, ce minable de Weasley te vole la vedette ? C'est son nom qu'on crie dans les tribunes ! Et c'est lui qu'on félicite ! Prends garde qu'il ne monte pas trop haut… la chute risque d'être douloureuse.

La pointe de jalousie que Malefoy avait réveillée chez Harry s'effaça aussitôt. Il n'avait pu s'empêcher de venir traîner autour de la Salle, par envie peut-être ? Harry éclata de rire.
- Tu en sais quelque chose, Malefoy ! répliqua-t-il.
Malefoy s'approcha de lui, les mâchoires serrées.
- Prends garde toutefois qu'il ne t'entraîne avec lui, Potter, grinça-t-il entre ses dents. C'est à ses amis qu'on reconnaît la valeur d'un homme… cita-t-il comme un échos de la voix de son père.
Les Gryffondor éclatèrent de rire : Et on connaît celle de ton père, Malefoy… ! ami des Mangemorts !… Bonjour d'Azkaban… !
Harry n'avait pas envie de rire toutefois. Il avait senti la menace dans le ton de Drago et dans ses yeux une lueur froide.

Dans la soirée, cependant, il oublia Malefoy et le malaise qu'il lui inspirait. La fête reprit dans la Salle Commune de Gryffondor jusqu'à tard dans la nuit. Lorsque enfin les Préfets renvoyèrent tout le monde dans les dortoirs, Harry était si épuisé qu'il sombra dans le sommeil sans avoir le temps de réfléchir. Ron, lui, ne pouvait pas dormir. Neville ronflait avec encore plus de constance que d'ordinaire et il regrettait que Luna eût annulé l'envoûtement de silence. Il pensait et repensait à cette journée. Son cœur se gonflait de joie et il ne pouvait vraiment pas trouver le sommeil. Il quitta son lit discrètement, enfila sa robe de chambre. Elle lui allait un peu court car elle avait appartenu à Bill –il n'avait pas voulu de celles de Percy. Il descendit dans la salle commune, les pieds nus dans ses chaussons, espérant qu'il pourrait les réchauffer devant la cheminée, si le feu n'était pas éteint. Le feu couvait encore, mais la place était prise. Hermione était installée dans un fauteuil, les jambes allongées sur l'autre, Pattenrond sur ses genoux.

- Tu permets ? demanda Ron.
Elle retira ses pieds et il prit place en face d'elle.
- Toi non plus tu ne peux pas dormir ? reprit-il.
Hermione soupira.
- Lavande et Parvati jouent les diseuses de bonne aventure. Elles prédisent l'avenir dans les fonds de bouteille de Bièraubeurre et c'est un vrai défilé dans la chambre. Ca glousse et ça piaille ! C'est infernal !
Ron retint un rire :
- Ce sont des filles ! Ca glousse, ça piaille et ça pleure !
- Je ne glousse pas et je ne piaille pas, moi !
- Parce que tu n'es pas une fille !
- Tiens donc ! fit Hermione ne sachant si elle devait le prendre comme un compliment ou plutôt se vexer. Et que suis-je ?
- Je me suis souvent demandé quel genre d'animal tu pouvais être, répondit Ron. Et à vrai dire je me le demande encore parfois… Mais rassure-toi, j'ai définitivement écarté le Graphorn des Montagnes.
Hermione se pencha en avant, l'air menaçant :
- Es-tu sûr de cela ?
Ron en fit autant, le visage faussement concentré sur les traits de la jeune fille.
- Il n'y a qu'une seule façon d'en être certain !

Une petite voix qui ressemblait étrangement à celle de Bill lui disait : "C'est le moment, petit frère" Une autre qui était celle de Charlie murmurait : "Tente ta chance maintenant, Ronnie !". Et celles de Fred et George… Non, il ne voulait pas savoir ce que disaient Fred et George. Il avança encore un peu son visage vers celui d'Hermione et…
- Ronald ?

Ron se jura qu'il la tuerait. Il ne savait quand. Il ne savait comment. Mais il était certain qu'il finirait par tuer Jezebel Dawson.
- Ho Ronald ! Dieu soit loué ! Tu es là ! Nous avons si peur.
Il tourna la tête lentement vers Dawson et ses quatre camarades de chambre. Hermione s'était appuyée à nouveau sur le dossier du fauteuil et souriait au cinq gamines.
- Qu'y a-t-il Jezebel ? demanda-t-elle avec patience.
Jezebel s'adressa à Ron.
- Il y a du bruit dans notre chambre… ça gratte et ça couine…
Ron faillit répondre que ce devait être un énorme rat géant au museau pointu et aux yeux étincelants. Hermione le devança :
- Vous avez monté à manger dans votre chambre ? demanda-t-elle un peu sévère, pour cacher le fou rire qui lui venait.
- Non ! fit Jezebel, certaine que si Granger posait la question ce devait être interdit.
- Si ! fit une autre. Dorothy a monté des gâteaux à Halloween.
- Ce n'est pas vrai ! se défendit Dorothy.
- Si c'est vrai ! Même que moi je voulais pas !
- Silence !
La voix de Ron était beaucoup moins patiente que celle d'Hermione.
- Ho Ronald ! pleurnicha Jezebel. Il y a quelque chose là haut ! Il faut que tu viennes voir ce que c'est.
Ron lui offrit son plus joli sourire :
- Mais Dawson… commença-t-il avec tout le regret qu'il ne ressentait pas, c'est impossible. Même si je le voulais, je ne pourrais monter dans le dortoir des filles sans ameuter toute l'école…
Il entendit pouffer Hermione.
- Je vous envoie Pattenrond, proposa Hermione. Allez, va, Pat. Je suis sûr que tu ne regretteras pas ta course.
Le chat s'étira longuement sur les genoux de sa maîtresse. Il sauta souplement sur le tapis, où il fit le dos rond. Il passa tout près de Jezebel, plissa ses yeux brillants, montra ses petits crocs pointus. Il poussa un petit feulement auquel Jezebel répondit par un piaillement d'effraie. Puis le chat orange bondit dans l'escalier et disparut dans l'ombre du palier.
- Qu'est-ce qu'il a fait, là ? voulut savoir Ron un peu interdit.
- La même chose que toi, Ron. Il se moque d'elle.
Ron reporta son attention sur les jeunes filles :
- Vous êtes encore là ?
- Je ne veux pas remonter là-haut toute seule ! larmoya Jezebel.
Hermione se leva.
- Bien, fit-elle. Je vais voir quel monstre effrayant se cache sous votre lit, jeune demoiselle.
- Si c'est un Ronflak Cornu, tu m'appelles ! lui dit Ron. Tant pis pour l'escalier.
- Idiot ! se mit à rire Hermione malgré elle.
Elle fit monter devant elle les cinq occupantes de la chambrée. Elle paraissait l'une d'entre elle, à peine plus grande et si menue. Elle avait retrouvé un peu de vivacité. Mais pas encore le rythme rapide de sa parole et ses gestes étaient toujours empreints de gaucherie.

Pattenrond revint, l'air satisfait.
- Alors ? lui fit Ron.
Le chat se lécha les babines. Il ferma les yeux à demi et émit un ronronnement béat. Hermione ramena une assiette sale, où des reliefs de pâtisseries séchaient depuis une quinzaine de jours. Elle posa le plat sur une table.
- Tss ! Tss ! fit Ron. Les Elfes de Maison n'ont pas fait leur travail, Hermione. Tu vois où nous mènent tes projets révolutionnaires !
- Je suppose qu'ils ont cru qu'elles finiraient par le manger…
Elle s'essuya les mains l'une contre l'autre. Elle ne releva pas le reproche au sujet de la SALE.
- Qu'est-ce qu'on disait avant d'être interrompus ? demanda Ron dans un toussotement.
Hermione reprit sa place dans le fauteuil. Pattenrond se lova sur ses genoux.
- Tu te demandais si je n'étais pas un animal fantastique sous sortilège de Désillusion…
- Ah oui ! Voyons ça ! Finite Incantate !
Il mima une baguette magique invisible et remit les cheveux d'Hermione derrière son épaule.
- Ou le sortilège est puissant, ou tu n'es pas un Graphorn des Montagnes.
Il effleura sa joue quand il retira sa main de ses cheveux.

- Ronald ?!
- Quoi encore Dawson !?
Ron tourna la tête vers Jezebel, seule cette fois. Elle avait l'air terriblement contrarié.
- Je voulais te remercier.
La voix était sèche et cassante.
- Moi ? Pourquoi ? C'est Hermione qui a fait tout le travail.
- C'est plutôt son chat… si on peut appeler cet animal un chat…
- Tu l'appelles comme tu veux, Dawson, moi je l'appelle Pattenrond, fit Ron. A demain, Dawson.
- Oui, à demain, si tu n'as rien de mieux à faire…
Elle renifla d'un air hautain et tourna les talons. Ron l'observa avec stupeur monter les escaliers à petits pas rapides.
- Qu'est-ce qui lui prend ?
- Je crois que nous avons eu droit à une bonne vieille scène de jalousie, Ron…
- Quoi ?
- Crois-tu qu'elle s'attache à tes basques uniquement pour t'empoisonner l'existence ?
- Oui ! s'exclama Ron. Je t'assure Hermione que… je n'ai jamais rien fait qui puisse lui faire croire que… C'est une petite fille enfin !
Plus il s'emmêlait dans ses explications, plus Hermione riait. Plus elle riait plus il s'emmêlait. Enfin, elle eut pitié de lui. Elle mit la main sur son bras.
- Calme-toi Ron ! Ce n'est rien de grave. Elle a onze ans. Tu es en Sixième Année, tu es Préfet, tu es le héros de l'équipe de Quidditch… Tu es son idole !
Ron fit une grimace pathétique. Hermione se leva, délogeant Pattenrond.
- Tu t'en vas ?
- Il faut quand même que je me repose un peu. A demain, Ron. Si tu n'as rien de mieux à faire… se moqua-t-elle.
Ron se leva aussi. Il ne savait comment la retenir.
- Tu sais, se décida-t-il, j'étais sérieux quand je t'ai proposé de t'aider pour le vol en balai.
- J'étais sérieuse également quand j'ai accepté, répondit Hermione. On en parlera plus tard, veux-tu ?
Elle appela Pattenrond. Le chat fila dans les escaliers de toute la vitesse de ses pattes arquées. Ron se retrouva seul. La voix de Bill se fit entendre à nouveau : "Tu ne sais vraiment pas y faire, petit frère". Puis la voix de Charlie :"Pas de chance, Ronnie!" Et la voix de Fred et George…
- La ferme, vous deux ! dit-il tout haut alors qu'il entrait dans sa chambre.
- Mais… on disait rien … lui répondit Seamus, à demi endormi.

Ron enleva sa robe de chambre et se coucha. Il se releva aussitôt pour fermer le rideau de son baldaquin qui donnait vers la fenêtre. Il n'avait pas l'intention de se faire réveiller à l'aube par le point du jour. Il revint à son lit. Quelque chose d'inhabituel régnait dans le silence de la chambre. Ah oui ! Neville ne ronflait plus ! Il allait pouvoir dormir.